SEANCE DU 11 OCTOBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 432 rectifié bis, Mme Bidart-Reydet, MM. Loridant, Saunier, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa (8°) de l'article 980 bis du code général des impôts est supprimé. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement, déposé par les membres de notre groupe, mais aussi par des collègues du groupe socialiste et du RDSE, porte sur la question de l'application du droit de timbre sur les opérations de bourse pour les opérations menées par les non-résidents.
On sait que, depuis l'adoption d'un article dans le cadre de la loi du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers, une disposition permet la mise en oeuvre de cette exonération fiscale.
Dans les faits, quand on y regarde d'un peu plus près, une telle mesure est plus que discutable.
Cet amendement tend à revenir sur la réalité de ces dispositions, dont il apparaît, à l'examen, qu'elles ont, pour l'essentiel, favorisé la diffusion assez large de la propriété de nombreuses entreprises françaises à l'étranger et qu'elles ont validé des opérations d'optimisation fiscale menées par quelques initiés jouant de leur qualité de non-résidents en leur nom propre ou derrière l'écran d'une personne morale de circonstance, leur permettant ainsi de disposer d'une exemption complémentaire.
Au-delà des divergences traditionnelles dans cette Haute Assemblée - on en a encore eu un exemple, voilà un instant - la question se pose : pourquoi tant de sollicitude et d'attention pour le traitement fiscal de ces transactions ?
Pourquoi tant de prévenance ? Madame la secrétaire d'Etat, comment le Gouvernement peut-il décemment laisser en l'état une législation dont le précédent gouvernement s'est fait - c'est le cas de le dire - le porteur ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement.
La mesure aurait pour effet de détourner de la France d'importants flux d'investissement. De caractère discriminatoire, elle irait à l'encontre des objectifs visés par ses auteurs.
Soucieux de participer à la recherche et à la réflexion de ces derniers, je leur suggérerai, pour aboutir à ce que le contrôle des entreprises françaises cotées en bourse soit plus souvent exercé par des capitaux français, de soutenir les propositions de création de fonds de pension en France. En effet, ceux-ci me semblent être de nature à drainer l'épargne capitalisée des actifs pour, à la fois, préparer les retraites, ou une partie des retraites, des futurs retraités et participer vraiment au contrôle des grandes entreprises françaises. Il est vrai que 40 % à 50 % de la capitalisation des principales entreprises cotées françaises sont aujourd'hui détenus par des investisseurs étrangers, ce qui est de nature à poser, à terme, de réels problèmes.
L'objectif visé mérite donc l'attention sur nombre de travées, mais, comme la méthode proposée n'est pas acceptable, peut-être faut-il réfléchir à autre chose !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. La proposition rapportée par M. Bret induit le même type de débat que précédemment.
La suppression de l'exonération dont bénéficient actuellement les personnes établies hors de France aurait davantage pour effet de délocaliser l'opération d'entremise que de soumettre les investisseurs étrangers à cet impôt.
M. Bret a lui-même évoqué les écrans. Il sait fort bien que, s'il existe une taxe spécifique sur la place bancaire française, on peut très rapidement aller acheter ailleurs avec son écran et qu'il est très difficile - nous devons être très vigilants - de savoir d'où partent réellement les ordres d'achat et les ordres de vente. Actuellement, donc, ces ordres d'achat ou de vente peuvent partir du territoire français et passer par un courtier situé hors du territoire français, d'où des problèmes de taxation.
Nous venons d'ailleurs de mettre en place, avec les services de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, un système de surveillance en ligne, précisément pour voir comment s'organisent certains transferts rapides.
Sur le fond, la position défendue est parfaitement compréhensible mais, si nous perdons un certain nombre de transactions sur la place de Paris, nous perdrons en même temps de la TVA, si bien que nous perdrons plus de recettes que nous n'en créerons.
C'est donc par réalisme que nous n'acceptons pas cet amendement, même si nous sommes conscients que se pose là un vrai problème de la taxation du capital.
M. Michel Charasse. C'est comme l'existence de Jésus-Christ, on n'en sortira jamais ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 432 rectifié bis , repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 433 rectifié, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Saunier, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux derniers alinéas de l'article 978 du code général des impôts sont supprimés. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Avec cet amendement, qui tend à déplafonner l'impôt sur les opérations de bourse, nous entrons dans un débat déjà assez largement entamé par notre Haute Assemblée où existent quelques divergences idéologiques quant au sens que l'on souhaite donner à l'impôt et au système fiscal dans notre pays.
En 1993, alors même que l'on imposait à nos compatriotes, au nom de la réduction des déficits publics nécessaire pour « qualifier» notre pays pour l'Union économique et monétaire, nombre de sacrifices, notamment en matière de protection sociale, le Gouvernement issu des élections du printemps précédent faisait passer, dans le cadre de la loi de finances rectificative, une petite douceur fiscale pour les marchés boursiers sous forme d'un plafonnement de l'impôt dû sur les opérations menées sur les bourses de valeurs.
Il s'agissait alors de favoriser l'intervention des parties concernées sur les marchés et de rendre encore plus présentable la place de Paris en allégeant la contrainte fiscale imposée à cette intervention.
Force est de constater, en l'état actuel de l'indice CAC 40 et du niveau de la capitalisation boursière, que l'objectif a largement été atteint et même dépassé.
Cela est-il pour autant suffisant pour que, dans leur subtile harmonie, les marchés financiers soient aujourd'hui plus sensibles aux besoins de la collectivité qui leur a fait cette faveur en 1993 ?
Cela suffit-il pour que les batailles menées « à la corbeille » n'aient aucun effet négatif sur l'emploi, sur l'équilibre économique des régions, sur le devenir d'un grand nombre de nos compatriotes, marchandé avec les parts sociales de l'entreprise victime de telle ou telle OPA ?
Nous savons pertinemment que la majorité de la commission des finances est assez largement défavorable, dans sa philosophie propre, à la mesure que nous préconisons. Là est sans doute l'une des divergences d'appréciation fondamentale qui nous oppose. Cela fait partie de la démocratie, en fait, d'avoir des idées quelque peu différentes. Mais il faudra bien un jour cependant que ceux qui préconisent la disparition pure et simple de l'impôt de bourse nous expliquent quelle est la justification sociale et économique de la chose.
La fluidité des transactions boursières dispense-t-elle de payer des impôts ?
Je reviendrai brièvement sur le débat qui vient d'avoir lieu à propos de la taxe Tobin. En effet, cette taxe dont la faisabilité a failli pouvoir être concrétisée à l'échelon européen - il n'a manqué que quelques voix - mérite en tout cas d'être prise en considération, et je voudrais dire à notre collègue M. Marini que nous ne sommes pas en contradiction.
Certes, nous souhaitons une Europe, mais une Europe différente et non l'Europe des directives qui nivelle par le bas des mesures sociales gagnées de haute lutte dans notre pays.
Nous ne sommes pas contre la mondialisation, nous sommes pour une modernisation de la mondialisation, notamment à l'échelon de l'OMC - Organisation mondiale du commerce - de l'OIT - Organisation internationale du travail - et de l'OMS - Organisation mondiale de la santé. La mondialisation pourrait certainement servir à faire bénéficier de nombreux peuples, de nombreux pays des progrès accomplis sur les plans de la santé, des brevets ou des inventions. Oui, nous sommes favorables à cette mondialisation-là, mais pas à celle qui se déroule actuellement.
Enfin, le capitalisme, c'est bien l'histoire du loup dans la bergerie. Avec la taxe Tobin se pose cette question : faut-il piéger ce loup ? faut-il tendre un collet ? faut-il creuser une fosse à loup ? ou faut-il simplement se contenter de lui limer les crocs ?
La question est importante. En tout cas, je vous appelle maintenant, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je ne vais pas reprendre l'argumentaire que j'ai exposé à l'occasion de l'examen du précédent amendement. Celui-ci est d'esprit identique et appelle les mêmes remarques et le même avis défavorable de la commission.
Mais puisque notre collègue Le Cam évoque une décision prise à l'échelon européen, je voudrais rappeler, si ma mémoire ne me fait pas défaut, qu'il s'agissait d'un vote au Parlement européen visant à constituer un groupe de travail sur la question, ce qui relativise déjà quelque peu la portée de l'engagement pris. Si l'on devait arriver à une norme européenne, il faudrait, mes chers collègues, qu'une décision soit prise à l'unanimité du Conseil. Je me permets de vous le rappeler, car une directive fiscale doit être adoptée à l'unanimité. Si vous êtes favorable à la substitution de la majorité qualifiée à l'unanimité, mon cher collègue, je crois qu'il faudrait que vous nous le disiez. Ce serait, en effet, un pas important dans la problématique européenne.
M. Denis Badré. Une avancée intéressante !
M. Philippe Marini, rapporteur. Je crois qu'il vaut mieux savoir ce dont on parle, appeler un chat un chat - ce que je m'efforce de faire ici - en tout cas la commission des finances émet un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Comme il s'agit du même débat, le Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 433 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 434 rectifié, M. Saunier, Mme Bidard-Reydet, MM. Loridant, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefevbre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Verges, Auban, Autain, Bel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guérini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Weber, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 978, il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les opérations d'achat ou de vente des valeurs de toute nature effectuées par une personne physique ou morale qui est domiciliée ou établie hors de France donnent lieu à la rédaction d'un bordereau soumis à un droit de timbre correspondant à 1,5 du montant de la transaction. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement n° 434 rectifié est un dérivé de l'amendement n° 432 rectifié bis, en ce sens qu'il prévoit expressément la mise en place d'un taux spécifique de l'impôt de bourse pour les opérations menées par les non-résidents.
Il procède donc, quant au fond, des mêmes intentions que le précédent et participe de la définition de ce que nous avons appelé la régulation des transactions financières en amendement liminaire.
Il ne nous semble pas utile par conséquent d'en ajouter beaucoup plus, sinon pour réaffirmer la nécessité de parvenir à une forme d'égalité de traitement entre intervenants sur les marchés financiers, qu'il s'agisse ou non de résidents.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à vous associer à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement étant dérivé du précédent, l'avis de la commission sera, lui aussi, dérivé du précédent, donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas non plus allonger le débat : avis tout simplement défavorable !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 434 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas familiarisé avec les opérations visées dans l'amendement, mais je voudrais poser à nos collègues auteurs de la proposition une question.
L'amendement vise « les opérations d'achat ou de vente de valeurs de toute nature ». Si une personne se rend dans un bureau de change pour acheter l'équivalent de 5 000 francs en dollars parce qu'elle se rend à l'étranger, elle sera donc taxée à 1,5 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. C'est exact !
M. Michel Charasse. Cela signifie que, désormais, les touristes qui partent hors de la zone euro seront taxés lors de l'achat de devises... Cela suffit pour que je ne vote pas cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 434 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Michel Charasse. Je vote contre !

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE Ier

DÉROULEMENT DES OFFRES PUBLIQUES
D'ACHAT OU D'ÉCHANGE

Article 1er