SEANCE DU 5 OCTOBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je me suis rendu voilà quelques jours à Jérusalem, dans le cadre d'une mission du Conseil de l'Europe, où j'ai rencontré M. Yasser Arafat, le président du Conseil législatif et le directeur de la mosquée d'Al Aqsa.
Tous ont alors déploré le blocage du processus de paix, mais tous ont réaffirmé leur volonté de le voir aboutir.
Or, voilà que la gravité avérée des incidents de ces derniers jours, après la provocation du chef du Likoud qui a embrasé et déstabilisé toute la région, a bien failli achever un processus de paix moribond.
La France, malgré la dernière visite du chef du gouvernement français en Israël et dans les territoires palestiniens et ses déclarations pour le moins équivoques, a gardé toute la confiance du peuple palestinien.
En réalité, le peuple palestinien a gardé toute sa confiance dans le chef de l'Etat français, et nous l'avons tous vérifié au cours de ces dernières vingt-quatre heures.
Après une longue et courageuse nuit de négociation, il faut espérer que des actes vont suivre.
Or, monsieur le ministre - nous le savons et vous le savez également bien - si la provocation du chef du Likoud a enflammé toute la région, c'est parce qu'elle fait suite aussi à une multitude de problèmes que rencontrent les Palestiniens dans leur vie quotidienne : problèmes de réglementation du travail, problèmes d'approvisionnement en eau ou en électricité, expulsions, tracasseries en matière de logement, etc. Bref, une foultitude de mines prêtes à exploser à tout moment, et ce dernier vendredi noir en est la preuve.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande quelles dispositions concrètes vous comptez prendre pour aider le peuple palestinien au quotidien : une force d'interposition ou des observateurs internationaux sur les lieux saints pour prévenir de nouveaux incidents d'où qu'ils viennent ? Des équipes techniques pour aider l'administration locale et former des personnels ? Des membres du service civil de l'armée qui ont été si efficaces au Kosovo ? Une équipe de juristes pour soutenir et traiter les dossiers des personnes victimes d'expulsion ?
Savez-vous que 40 familles viennent d'être expulsées pour que soit élargie une bretelle autoroutière d'accès à Jérusalem-Est, zone théoriquement gelée dans l'attente du règlement du dossier ? Quarante familles, ce sont 500 personnes qui s'estiment victimes de la politique du fait accompli.
M. Barak ne veut pas de commission d'enquête internationale. Soit ! Mais ce n'est pas faire offense à la souveraineté de l'Etat hébreu que d'exiger qu'il rende compte à l'opinion internationale de faits graves ayant causé plus de 60 morts et de 1 000 blessés.
Monsieur le ministre, vous nous avez déjà indiqué, tant ici qu'à l'Assemblée nationale, que la France suivait ces questions avec attention. Cette réponse ne me suffira sans doute pas, comme elle ne suffira certainement pas au peuple palestinien ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, suivant ces questions avec beaucoup d'attention, vous savez forcément que nous faisons bien autre chose que ce que vous avez résumé de façon un peu simpliste. (M. Lambert s'exclame.)
Vous savez que nous coopérons étroitement avec l'autorité palestinienne sur de nombreux plans - sur le plan social et sur le plan administratif notamment -, que nous aidons les Palestiniens à bâtir une justice et à construire les fondements de l'Etat palestinien viable dont la région a besoin pour que soit trouvée une véritable solution. Vous savez aussi, certainement, que la bonne façon d'aider les Palestiniens - et c'est le sens de votre question -, c'est d'être capable de jouer un rôle utile et pas simplement apparent dans la recherche de la paix, ce qui veut dire être capable de parler utilement et en confiance avec tous les protagonistes.
Si la France se trouve être, aujourd'hui, mis à part les Etats-Unis qui jouent depuis cinquante ans, dans la région, un rôle central que chacun connaît, le seul pays avec l'Egypte à être considéré comme partie prenante de la recherche de la paix, c'est précisément parce qu'elle a la capacité d'être entendue par tous, de parler à tous, d'être respectée dans ce qu'elle dit, parce qu'elle n'a pas d'autre but que d'apporter la paix.
J'apporterai un correctif au début de votre exposé en indiquant que ce n'est pas parce que le processus de paix était moribond que l'incident a eu lieu. C'est exactement l'inverse !
M. René-Pierre Signé. Il a tout faux !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. C'est parce qu'il y a eu, depuis la mi-août, une percée sans précédent, avec des concessions sans précédent de la part des Israéliens et des Palestiniens, c'est parce que la paix est à portée de la main, même si elle n'est pas atteinte encore, qu'il y a eu une stratégie destinée, délibérément, à casser le mouvement.
M. Henri Weber. Très juste !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Le processus de paix n'était pas moribond. Il avançait. Nous y avons énormément travaillé et contribué dans la discrétion et la ténacité, ces dernières semaines. C'est ainsi que nous continuerons, car c'est la seule façon d'aider les peuples de cette région. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

PRIX DES CARBURANTS À LA RÉUNION