Séance du 14 juin 2000







M. le président. Par amendement n° 57, MM. Vergès et Payet proposent d'insérer, après l'article 34, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter de la promulgation de la présente loi et à la date fixée conventionnellement par chaque maire et les représentants qualifiés du personnel de sa commune, tous les agents qualifiés de "journaliers autorisés » en poste dans les communes de la Réunion sont titularisés au sein de la fonction publique territoriale, aux mêmes conditions statutaires et de rémunération que leurs collègues de métropole.
« Si à cette date, fixée conventionnellement, la rémunération de base de la fonction publique territoriale se trouve abondée, au nom de l'unité de traitement dans la fonction publique, d'un index multiplicateur pour se trouver à égalité de traitement avec la fonction publique d'Etat à la Réunion, le Gouvernement prendra à sa charge le paiement de cette surrémunération pour que soit respecté le principe d'égalité de traitement entre les collectivités communales de la République.
« La Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales prendra à sa charge le coût total des rachats de cotisations de retraite des agents titularisés dans le cadre de la présente loi.
« Les maires de la Réunion sont autorisés à recruter leur personnel sur la base du 1er alinéa de cet article.
« II. - Des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application de cet article. »
« III. - La perte des recettes est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Cet amendement est l'illustration des contradictions - que nous avons soulignées à l'occasion de la discussion générale - entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale chez nous, qu'elle soit départementale ou communale. Il doit exister des passerelles entre ces deux fonctions publiques afin de faciliter effectivement l'accès des jeunes qui veulent faire carrière dans la fonction publique communale.
Quelle est la situation à la Réunion ? Sur quelque 16 000 employés communaux, plus de 13 000 n'ont pas le statut de la fonction publique. Seule une minorité perçoit une surrémunération de 53 %.
M. Jean-Jacques Hyest. Forcément !
M. Paul Vergès. Tous les autres en sont privés.
La ligne budgétaire correspondant aux quelques milliers qui touchent la surrémunération est égale à celle des 13 000 autres ! Il est évident qu'une telle situation ne peut perdurer, car elle devient explosive.
Un préfet de la Réunion - dans le souci d'empêcher que ne grossisse le nombre de « journaliers communaux sans statut », comme on les appelle -, a interdit tout recrutement qui ne corresponde pas au statut d'un titulaire percevant la surrémunération de 53 %. Les communes sont paralysées et ne peuvent plus recruter de cadres.
Les maires de la Réunion et les syndicats ont trouvé une voie de concertation et une solution d'attente en suggérant de porter d'abord les salaires de ces journaliers communaux au niveau de ceux qui sont versés en métropole à des travailleurs effectuant le même travail et ayant la même qualification. Cela représente déjà un effort financier considérable.
Mais dès que ces travailleurs sont au même niveau que ceux de la métropole, ils se posent justement la question de savoir pourquoi ils n'ont pas droit à la surrémunération de 53 %. Cela ne peut plus continuer !
M. Jean-Jacques Hyest. Il faut supprimer les 53 % !
M. Paul Vergès. Nous proposons que tout journalier communal dans ce cas soit titularisé au sein de la fonction publique territoriale, aux mêmes conditions statutaires de rémunération que leurs collègues de métropole.
Il reste le problème de la surrémunération de 53 %. Il n'existe aucun texte officiel organisant la surrémunération de 53 % aux employés communaux. Cela se ferait uniquement par mimétisme avec la fonction publique d'Etat. Nous demandons à la représentation nationale comme au Gouvernement d'intervenir, parce que les textes qui organisent la surrémunération de 53 % dans la fonction publique d'Etat sont des textes législatifs ou réglementaires.
A la Réunion, il existe même ce que l'on appelle un index de correction, c'est celui du franc CFA, lequel a disparu à la Réunion depuis des décennies ; c'est donc à partir d'une monnaie disparue que l'on fait un index multiplicateur des rémunérations !
Les fonctionnaires ne sont pas les responsables - j'insiste sur ce point et je parle d'autant plus librement que toute ma famille est dans la fonction publique - de la différence qui existe, au sein de la fonction publique, entre la masse de ceux qui sont sous-payés et ceux qui sont surrémunérés.
Pour faire en sorte que soit assuré leur service public, les maires engagent des travailleurs avec des CES et des CEC, contrats qui durent cinq ans. Les centaines de travailleurs qui arrivent actuellement au terme de ces cinq ans demandent à être intégrés dans la fonction publique ! C'est pourquoi la situation devient explosive !
Cet amendement est en fait un appel à la représentation nationale et au Gouvernement pour qu'ils prennent en compte ce problème et qu'ils aident les maires, les fonctionnaires et les employés communaux de chez nous à trouver une solution juste, faute de quoi nous irons, comme l'on dit vulgairement, « droit dans le mur » et, alors il sera trop tard !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. José Balarello, rapporteur. L'Assemblée nationale et nous avons déjà entériné la suppression de la prime d'éloignement. Maintenant, nous est posé le problème des surrémunérations. M. Vergès a raison, il s'agit-là d'un vrai dilemme.
A l'heure actuelle, les préfets ne veulent plus que les collectivités territoriales embauchent des contractuels - c'est d'ailleurs ce qu'ils disent dans toutes les collectivités territoriales de France ; ils souhaitent qu'elles embauchent des titulaires. Or, à la Réunion ou dans les DOM, on est amené à engager des contractuels, faute de quoi on est contraint d'appliquer les surrémunérations, ce qui pose des problèmes invraisemblables.
Cependant, j'ai bien compris que, par cet amendement - auquel nous sommes défavorables - M. Vergès lançait une sorte d'appel au Parlement pour que ce dernier se saisisse de la question des surrémunérations et, corrélativement, du statut de ceux qui travaillent dans la fonction publique territoriale d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. Vergès a le mérite de souligner devant le Sénat la gravité de ce problème, qui va s'accentuant : les personnels se trouvent dans une situation de précarité, ce qui conduit à multiplier les statuts différents et, en même temps, grève les budgets des collectivités locales au point qu'elles ne peuvent plus investir.
Le 6 juin, j'ai réuni les présidents des associations des maires des quatre départements d'outre-mer. La prise de conscience à la Réunion est la plus forte puisque, comme l'a souligné M. Vergès, l'association des maires a signé, avec toutes les organisations syndicales, un protocole d'accord qui prévoit la possibilité d'intégrer ces agents au niveau des fonctionnaires métropolitains avec une rémunération de niveau 1, sans surrémunération. Treize communes sur vingt-quatre l'appliquent à la Réunion. Il en résulte pour ces communes une augmentation des charges.
Cela dit, soyons clairs. C'est d'ailleurs ce même langage de vérité que j'ai tenu aux maires qui étaient présents. Dans d'autres départements, on a titularisé jusqu'à 40 % des personnels sous la pression ! Le syndicat indépendantiste de la Guadeloupe est favorable non seulement aux surrémunérations, mais, mieux, à la rétroactivité de celles-ci jusqu'en 1984 ! Voilà ce qu'on peut lire dans les documents syndicaux. Si une analyse sérieuse et responsable n'est pas faite par les élus et les organisations syndicales, les communes connaîtront une situation de crise et nous courons le risque de voir se développer soit une débudgétisation des emplois par transfert au secteur privé, soit des formules précaires.
C'est donc un appel à la responsabilité que je lance aujourd'hui. En effet, on ne peut pas demander à l'Etat, donc à l'ensemble de la collectivité nationale, de prendre en charge, sur la DGF, les surrémunérations des fonctionnaires territoriaux outre-mer ! Chaque collectivité pourrait soutenir qu'il n'existe aucune raison à ce type de surrémunération, faisant la comparaison avec un fonctionnaire de Versailles, d'Amiens, de Saint-Denis de la Réunion ou de Cayenne, exerçant le même type de travail dans un fonction publique communale.
De plus, faire peser sur la CNRACL le retour des arriérés de cotisations grèverait le budget de cette caisse et se répercuterait sur toutes les collectivités locales. La question devient prégnante quand on sait que nous avons déjà un règlement sur trois ans du surplus des cotisations de la caisse précitée !
Moi, je me réfère au Président de la République, puisque nous avons eu un débat à la Réunion avec l'ensemble des maires, débat auquel vous assistiez d'ailleurs. Je pense qu'en l'absence de volonté commune de l'ensemble des formations politiques de prendre en charge le problème et de proposer des solutions qui, peut-être, reviendront sur un certain nombre d'avantages acquis, nous resterons dans le domaine de la surenchère et nous risquons de faire preuve d'une certaine myopie par rapport aux conséquences de ces surrémunérations, d'abord sur la fonction publique territoriale, ensuite sur la fonction publique hospitalière.
L'amendement de M. Vergès a le mérite d'attirer l'attention du Sénat. Je ne pense pas que la solution soit dans la légalisation d'un système à deux vitesses. Mais il faudra bien aller vers une solution globale sinon les finances des collectivités locales, dans leur immense majorité, connaîtront de très grandes difficultés, sans parler du sentiment d'exaspération qu'éprouvent ceux qui ne sont pas titulaires, qui ont un statut précaire à l'égard des titulaires et de ceux qui bénéficient de surrémunérations.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 57.
M. Paul Vergès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de sa réponse mais l'exposé que nous avons fait comme la réponse que nous avons reçue montent que chaque jour qui passe aggrave la situation et que, dans ce domaine, il faut faire preuve de courage politique.
Il ne s'agit pas de faire de la surenchère en pensant aux prochaines échéances électorales. Il faut dire la vérité.
Les maires qui cèdent n'ont plus d'autres ressources pour investir. On n'imagine pas qu'une commune de la Réunion, puisse augmenter l'ensemble de son personnel de 53 % !
Dès lors, il faut aider ces maires, non pas à avoir du courage politique, mais à sauver leur budget, à sauver leur administration communale.
Il faut éviter de désigner ceux qui bénéficient de surrémunérations comme ayant provoqué la catastrophe actuelle. Ils passent des concours ; ils sont reçus et on leur dit : voilà votre traitement... Or celui-ci découle d'un texte de 1953, il date du franc CFA, et l'on continue à donner...
Il faut du courage politique, il faut de la concertation, mais il faut surtout parler d'une même voix, représentation nationale et Gouvernement, quelle que soit la tendance des uns et des autres : vous savez qu'à la Réunion, on ne cultive pas que la canne à sucre ; on y cultive aussi la politique et les luttes électorales ! (Sourires.) Malgré tout, il faut se mettre d'accord pour régler ce problème sinon nous allons vers la paralysie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis étonné que vous n'ayez pas invoqué l'article 40. De toute façon, il n'y avait pas d'autre moment pour évoquer ce problème, car la loi d'orientation ne pourra pas obtenir de succès alors que l'ensemble des administrations communales de la Réunion va vers la paralysie.
C'est la raison pour laquelle, par principe, je maintiens cet amendement, qui aura eu au moins le mérite de sensibiliser chacun de nos collègues à ce problème auquel les maires sont confrontés chaque jour, car la pression monte. On ne peut pas imaginer une administration à deux vitesses : la majorité demande à être rétribuée comme les autres, et les maires ne savent pas quoi répondre. Quand ils cèdent pour l'un, ils se préparent à céder pour un deuxième et, quand ils cèdent pour le deuxième, ils se préparent à céder pour un troisième.
Il faut donc trouver une solution concertée. Il ne s'agit pas de sacrifier qui que ce soit ; il s'agit de sauver l'administration communale de la Réunion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 251, MM. Larifla, Lise, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent d'insérer, après l'article 34, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Après le premier alinéa du I de l'article 13 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les départements d'outre-mer, le montant de la dotation globale de décentralisation et, s'il y a lieu, celui des impôts affectés au département pour compenser l'accroissement net des charges résultant des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales sont réduits d'un montant égal aux dépenses consacrées à l'aide médicale en 1996. »
« II. Après le I de l'article 13 de la même loi, il est inséré un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Dans les départements d'outre-mer, les dépenses fixées au I du présent article sont constituées par les dépenses inscrites au titre de l'aide médicale dans les chapitres des comptes administratifs des départements de 1996 relatifs à l'aide sociale ou à l'insertion, à l'exclusion des charges des services communs réparties entre les services utilisateurs. »
La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Cet amendement visait le même objet que l'amendement que j'ai précédemment présenté au niveau des communes. Cette fois-ci, c'étaient les départements qui étaient concernés. Compte tenu des explications qui ont été données par M. le secrétaire d'Etat, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 251 est retiré.

Article 35