Séance du 5 juin 2000







M. le président. Par amendement n° 204, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 29 quater, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 80 de la même loi, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - Les associations déclarées selon la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association et les associations à but non lucratif régies par la loi locale dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle qui détiennent une autorisation d'usage de fréquences conformément aux articles 28-3 et 28-4 bénéficient d'une aide selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Le financement de cette aide est assurée par un prélèvement sur les ressources provenant de la publicité diffusée par les services de télévision. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement vise à créer un fonds de soutien pour les télévisions locales associatives conventionnées par le CSA sur le modèle de celui qui existe déjà depuis plus de dix ans pour les radios associatives.
Dans une loi sur la liberté de communication, il était nécessaire de reconnaître le droit à l'existence du tiers secteur audiovisuel, comme nous l'avions fait pour les radios en 1982.
Grâce à notre amendement déposé en première lecture et repris par l'Assemblée nationale, les télévisions locales associatives devraient bientôt être autorisées à émettre sur le réseau hertzien. Nos collègues députés ont par ailleurs amélioré le dispositif en votant un amendement prévoyant l'incessibilité des fréquences associatives.
Toutefois, je le répète, il ne suffit pas de donner un statut légal au tiers secteur audiovisuel ; encore faut-il garantir sa pérennité.
Si un certain nombre de responsables de télévisions associatives ont affiché leur capacité, eu égard à l'importance du bénévolat dans ce secteur, à travailler avec un budget minimum d'environ un million de francs par an, il sera néanmoins très difficile pour ces structures, par nature non commerciales et à but non lucratif, de réunir une telle somme. Il est clair qu'elles ne pourront survivre sans l'apport d'un financement public.
Il faut donc, nous semble-t-il, envisager soit une aide à la diffusion, comme l'a proposée Jean-Marie Le Guen à l'Assemblée nationale, soit plus simplement, puisque nous l'avons fait pour les radios, un fonds de soutien à l'expression télévisuelle associative, comme le propose à nouveau le groupe socialiste du Sénat en deuxième lecture.
Nous devons tirer les leçons de l'histoire des radios libres créées par la loi de 1982 et qui, faute de financement, ont, pendant des années, été la proie des réseaux commerciaux.
Grâce au fonds de soutien à l'expression radiophonique, doté aujourd'hui de 106 millions de francs par an, ce sont, à l'heure actuelle, de 400 à 500 radios associatives qui, sur l'ensemble de notre territoire, contribuent à la vie culturelle et à l'animation sociale en milieu rural ou en milieu urbain.
Pour ma part, il me semble qu'une taxe du même ordre que celle qui est appliquée à la publicité télévisuelle pour alimenter le fonds de soutien radiophonique pourrait permettre d'abonder le fonds pour les télévisions. Il suffirait, par exemple, de déplafonner le montant du chiffre d'affaires sur lequel cette taxe s'applique.
Cette opération serait en quelque sorte indolore pour nos grands groupes privés audiovisuels dans la mesure où ils bénéficieront de ce que les médias ont appelé « l'effet d'aubaine », du fait de la diminution des objectifs publicitaires des chaînes publiques. Si, comme un certain nombre d'experts l'ont dit, c'est près de 1,5 milliard de francs qui sera ainsi transféré du secteur public au secteur privé, je crois que nous pouvons légitimement prélever quelques centaines de millions de francs pour financer ces nouveaux espaces de liberté que seraient des télévisions locales associatives.
Pour éviter toute confusion, je tiens à réaffirmer que ce fonds serait, dans notre esprit, distinct de celui des radios. Il ne saurait être question de diminuer les financements des radios associatives au profit des télévisions associatives.
J'espère que cet amendement pourra être adopté aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Le débat parlementaire a montré - et le texte de cet amendement le confirme - qu'aucune ressource nouvelle effective n'est proposée pour le financement public des télévisions associatives. J'ajouterai que la constitutionnalité du dispositif proposé, à savoir un prélèvement sur les ressources provenant de la publicité diffusée, est probablement à suspecter, à l'égard aussi bien de l'évocation du taux de recouvrement que de l'affectation de ces dépenses.
Mon avis personnel était donc défavorable. Cependant, la commission, en raison de sa composition au moment du vote, n'a pas partagé ma prudence et a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement ne sous-estime pas les inconnues qui pèsent sur le financement de ces futures télévisions locales associatives.
Néanmoins, je ne pense pas que nous puissions reproduire purement et simplement ce qui a été installé en ce qui concerne le fonds de soutien à l'expression radiophonique, notamment parce que, du point de vue économique, la création d'une télévision locale et celle d'une radio locale font appel à des ordres de grandeur totalement différents.
En tout cas, l'économie actuelle du fonds de soutien à l'expression radiophonique ne permet pas de répondre à cette préoccupation par une extension éventuelle aux télévisions associatives locales ; d'ailleurs, ce n'est pas du tout ce que vous proposez, madame Pourtaud. Ce fonds est doté actuellement d'un budget légèrement supérieur à 100 millions de francs. Il ne peut donc, en l'état, subir une quelconque redistribution sans compromettre l'économie des radios locales associatives. Quant à créer un nouveau fonds, la décision sur une telle évolution me paraît prématurée dans la mesure où les besoins réels des télévisions locales associatives doivent être plus sérieusement évalués afin d'en tirer une quelconque conséquence sur les sources de financement.
Il nous faut donc attendre que des formats télévisuels de ce type soient véritablement élaborés, voire autorisés, afin de rechercher la solution. Dans cette attente, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 204.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 204.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Nous avons déjà eu, en première lecture, une occasion de parler des initiatives prises par nos collègues, et défendues en particulier par Mme Pourtaud.
Je me réjouis d'abord de l'abandon du prélèvement sur la publicité en général, y compris sur la presse, qui constituait une sorte de détournement. On avait même imaginé, dans un premier temps, de prendre le fonds de soutien créé pour la modernisation de la presse.
Mme Danièle Pourtaud. Pas moi !
M. Louis de Broissia. Cela a été défendu dans cette enceinte !
Mme Danièle Pourtaud. Pas par nous !
M. Louis de Broissia. La proposition de Mme Pourtaud a l'air intéressante, et nul ne nie l'intérêt de l'expression associative.
Je partage néanmoins le point de vue du Gouvernement, en particulier sur le caractère prématuré de cette mesure.
Mais j'irai plus loin. Je constate, à travers toutes les lois audiovisuelles dont nous avons eu à connaître depuis une douzaine d'années, que, chaque fois qu'un problème n'est pas réglé, on veut créer une chaîne spécifique. Ainsi, c'est parce que la connaissance, le savoir et la formation professionnelle n'étaient pas satisfaits par l'audiovisuel public que La Cinquième a été créée.
C'est un peu le même problème tout à fait légitime que pose Mme Pourtaud : comment le secteur associatif peut-il être mieux diffusé, mieux connu à travers le secteur public actuel de la télévision publique, dont c'est tout de même, a priori, la vocation ? N'y a-t-il pas lieu, aujourd'hui, de prévoir plutôt une expression sur la télévision publique actuelle, à savoir France 2, France 3, La Cinquième/Arte, pour la part des associations européennes ?
Par ailleurs, il ne faut pas faire de démagogie. L'expression télévisuelle est extraordinairement coûteuse. Par conséquent, seules la Croix-Rouge ou les grandes associations dans le domaine de la médecine pourront recourir à ce fonds de soutien. Je crains qu'il n'y ait beaucoup de désillusions. Considérant que le législateur ne doit pas être marchand de rêves, je soutiendrai la position du rapporteur et du Gouvernement.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je soutiendrai également la position du rapporteur et du Gouvernement sur cette affaire.
Je considère qu'il ne faut pas mettre trop d'espoirs et trop d'ambitions dans ces télévisions locales associatives qui apparaîtraient par miracle, grâce au numérique hertzien. En effet, dans le numérique hertzien, il y aura aussi des limitations de fréquences et, surtout, des coûts importants. Mme le ministre a bien rappelé, tout à l'heure, que, du point de vue économique, la création des radios locales et des télévisions locales fait appel à des ordres de grandeur totalement différents ; celui de la création des télévisions locales est certainement de plusieurs dizaines de fois supérieur. Voyez les difficultés qu'éprouvent ces radios associatives aujourd'hui ! Si leur nombre est encore relativement élevé, quelle part d'audience ont-elles en comparaison de l'ensemble des radios, y compris de celles qui se sont mises en syndication avec de grands réseaux nationaux ?
A la lumière de ce qui s'est passé pour les télévisions locales dans le secteur analogique - ce n'est pas très éloigné de ce qui se passera dans le secteur numérique, sauf que, dans ce dernier cas, les fréquences disponibles seront plus nombreuses - il me semble qu'une véritable télévision locale sera une télévision soit en syndication avec d'autres télévisions locales à travers la France, soit en syndication avec des télévisions nationales ou régionales, y compris - pourquoi pas ? - des télévisions du secteur prublic, comme le rappelait tout à l'heure mon collègue Louis de Broissia.
Aujourd'hui, si nous ne pouvons qu'être favorables à l'idée de télévision locale, de télévision de proximité, il nous faut cependant nous garder de trop fantasmer par avance sur ces perspectives, car, même avec le numérique hertzien, ces télévisions seront coûteuses, et donc limitées.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Entendant bien tous ces appels à la raison, je voudrais apporter un certain nombre de précisions et lever quelques ambiguïtés apparues, au cours du débat, au sujet de cet amendement.
En fait, nous ne demandons pas tout et nous ne croyons pas que les télévisons locales associatives feront tout. Nous souhaitons simplement affirmer le principe de la liberté de communication et, en l'espèce, celui dela liberté d'accès aux fréquences pour l'ensemble de la population, y compris pour ceux qui se regroupent en associations.
Ce principe, qui a été reconnu en première lecture, est aujourd'hui inscrit dans le projet de loi. L'amendement n° 204 tend donc à permettre la concrétisation de ce principe, grâce à des moyens financiers.
Je voudrais d'ailleurs mettre fin à une certaine confusion entretenue entre les télévisons locales commerciales et les télévisions locales associatives. Je ne prétends pas que les secondes répondront à tous les besoins des premières. Certes, on peut considérer que la France est en retard s'agissant des télévisons locales, que les besoins en la matière pourront peut-être mieux s'exprimer quand le numérique sera ouvert et qu'ils seront couverts tant par des structures commerciales que - pourquoi pas ? - par des structures associatives.
Mais, très honnêtement, lorsque nous parlons des télévisions associatives, nous pensons plus, je crois, à des projets déjà existants dans la mesure où, le CSA ayant la capacité d'octroyer des fréquences pour des durées déterminées, des expérimentations ont déjà été menées. Nous pensons par conséquent à des projets de télévisions associatives de petite dimension.
Je voudrais dire à mes collègues de la majorité sénatoriale que le numérique n'est pas réservé uniquement à la diffusion et qu'il sert aussi en matière de réalisation. Or l'évolution des techniques entraîne une considérable réduction des coûts. Les télévisions locales associatives peuvent donc parfaitement fonctionner avec des budgets extrêmement réduits. Elles ont la prétention non pas d'occuper un canal vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec des films à grand spectacle, mais simplement de permettre à l'ensemble d'une communauté de participer à des activités locales.
M. Michel Pelchat. Pourquoi bloquer une fréquence vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?
Mme Danièle Pourtaud. L'attribution d'un canal vingt-quatre heures sur vingt-quatre peut très bien être destinée à un partage entre différentes associations.
M. Michel Pelchat. C'est une syndication !
Mme Danièle Pourtaud. Non, ce n'est pas une syndication ! Comme vous le savez aussi bien que moi, mon cher collègue, la syndication fait beaucoup plus appel à des projets commerciaux.
Mais on peut très bien imaginer qu'un canal réservé aux associations soit partagé entre plusieurs associations et que chacune de ces dernières n'ait que des besoins financiers extrêmement réduits.
J'espère avoir ainsi levé toute les ambiguïtés. Je comprends qu'il soit difficile de créer, dans le cadre de cette loi, un fonds de soutien. Néanmoins, j'aimerais au moins que l'on prenne rendez-vous pour les futurs débats budgétaires, afin que, d'une belle idée apparue dans ces débats sur le droit à l'existence des télévisions associatives, nous ne fassions pas une histoire sans lendemain.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux apporter mon appui à la position qu'a défendue Mme Danièle Pourtaud.
Mais puisque le texte est en navette, peut être serait-il bon de prévoir un décret pour savoir quelles associations pourront avoir accès à l'antenne. En effet, la loi de 1901 recouvre les associations les plus diverses.
Que des jeunes qui veulent faire de la télévision, qui en font déjà dans leur quartier, soient aidés, nous en sommes tout à fait d'accord. Et pourquoi pas une association de pêcheurs à la ligne, si je ne me disais que ce pourrait être aussi des associations de chasseurs, voire, dans certaines périodes, toutes les associations de chasseurs, dans tous les départements, qui souhaitent avoir accès à l'antenne avec des arrières-pensées éventuellement politiques !
En fait, il y a association et association. Si certaines méritent d'être aidées pour pouvoir accéder à l'antenne, d'autres doivent être absolument exclues de l'aide, compte tenu de leur objet social respectif.
Voilà la réflexion que je voulais livrer dans ce débat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 204, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 30 A

M. le président. L'article 30 A a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 30 BA