Séance du 5 juin 2000







M. le président. « Art. 27 bis A. - Il est inséré, dans la même loi, un article 34-3 ainsi rédigé :
« Art. 34-3 . - Sur le territoire métropolitain, tout distributeur de services par satellite met gratuitement à la disposition de ses abonnés les services des sociétés nationales de programme mentionnées à l'article 44 et de la société visée à l'article 45 qui sont diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, sauf si ces dernières sociétés estiment que l'offre de services est manifestement incompatible avec le respect de leurs missions de service public.
« Par dérogation à l'article 108, pour les départements, territoires, collectivités territoriales d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, tout distributeur de services par satellite met gratuitement à la disposition de ses abonnés les services de la société nationale de programme Réseau France Outre-mer qui sont diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, sauf si cette dernière société estime que l'offre de services est manifestement incompatible avec le respect de ses missions de service public.
« Les coûts de transport et de diffusion de cette reprise sont à la charge des distributeurs de services par satellite. Pour les départements, territoires, collectivités territoriales d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, ces coûts peuvent être partagés entre les distributeurs de services par satellite et la société nationale de programme Réseau France Outre-mer. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 107, M. Hugot, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 280, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa du texte présenté par ce même article pour l'article 34-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, de remplacer les mots : « de la société visée à l'article 45 » par les mots : « de la chaîne culturelle européenne issue du traité du 2 octobre 1990 ».
Par amendement n° 201, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 27 bis A pour l'article 34-3 de la loi du 30 septembre 1986, après les mots : « hertzienne terrestre en mode analogique », d'insérer les mots : « et le service à vocation internationale ayant fait l'objet d'une convention conformément à l'article 33-1 participant à l'action audiovisuelle extérieure de la France, au rayonnement de la francophonie et à celui de la langue française, auquel participe au moins une des sociétés mentionnées aux articles 44 et 45 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 107.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Le choix de maintenir aux chaînes publiques le droit que leur reconnaît l'article 216-1 du code de la propriété intellectuelle d'autoriser ou de refusr la reprise de leurs programmes conduit à adopter cet amendement de conséquence qui tend à supprimer les dispositions obligeant les bouquets du satellite à diffuser gratuitement les chaînes publiques.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour défendre l'amendement n° 280.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 280 est retiré.
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° 201.
Mme Danièle Pourtaud. Nous proposons par cet amendement d'imposer la reprise sur les plates-formes satellitaires des programmes de TV5 pour les mêmes raisons que celles qui nous ont amenés à le faire - et qui ont, d'ailleurs, conduit le Sénat à nous suivre - sur les réseaux câblés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 201 ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Sur le principe, la commission y est favorable par cohérence avec la position qu'elle a prise sur l'amendement n° 198 à l'article 26 ; toutefois, cet amendement est incompatible avec la suppression de l'article qu'elle souhaite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 107 et 201 ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 201.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 107.
En effet, nous sommes là au coeur du principe du must carry des chaînes publiques et j'ai déjà eu l'occasion de dire, à propos de l'amendement n° 21, pourquoi il me paraît fondamental de garantir à tous les téléspectateurs la possibilité de recevoir l'intégralité des programmes du service public, en particulier sur le satellite.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 107.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Le Sénat s'obstine en deuxième lecture à supprimer l'obligation de transport pour l'ensemble des plates-formes satellitaires de manière à conserver cet avantage pour une seule plate-forme satellitaire. Nous estimons nécessaire, pour notre part, que les chaînes publiques soient accessibles à l'ensemble des téléspectateurs sur l'ensemble du territoire. Les chaînes publiques étant financées par la redevance, il ne nous paraît pas souhaitable d'en préserver l'exclusivité sur une seule plate-forme.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je défendrai le point de vue dela commission, tout d'abord par souci de « cohérence » légitime, mot que l'on prononce souvent dans cette assemblée.
Par ailleurs, j'ai le sentiment que Mme Pourtaud, selon le moment, montre de l'intérêt ou non à ce que l'on encourage le service public.
Lorsque TPS a été créée - nous avons déjà eu cette discussion avec vous, madame le ministre, il y a très peu de temps - le bouquet satellitaire qui existait n'a pas cru en l'intérêt du service public de l'audiovisuel.
Si on se situe dans un régime concurrentiel, on doit laisser jouer la concurrence ; je rappelle à cet égard que l'Europe a loué pour une fois le comportement français, qui favorise le libre choix.
Le must carry, c'est condamner le service public, qui a capitalisé sur ce secteur ; je rappelle que la part de TPS est une capitalisation qui est à mettre à l'actif du contribuable français. C'est un pari qu'avait pris Jean-Pierre Elkabach à l'époque, pari qui fut critiqué. Il ne faut pas décourager ce pari. Je suis donc favorable à la proposition de la commission.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Vous connaissez ma position, mes chers collègues : j'aurais préféré que, tout simplement, on laisse au président de France Télévision, chef d'entreprise, la liberté de négocier, avec les partenaires qui, éventuellement, étaient intéressés par ses chaînes,...
M. Louis de Broissia. Très bien !
M. Michel Pelchat. ... les conditions dans lesquelles celles-ci pouvaient être présentes sur leur bouquet. Vous êtes intéressés par la présence de France 2 ou de France 3 sur votre bouquet, leur aurait-il dit ? Eh bien, je suis tout à fait d'accord, la loi m'y autorise, il n'y a aucun problème, je suis un chef d'entreprise responsable : négocions et nous verrons le niveau de votre intérêt, en fonction des conditions que vous pourrez m'apporter !
Il aurait pu également dire : je suis moi-même actionnaire du bouquet concurrent, dont je détiens une partie du capital. Je suis prêt néanmoins à être diffusé chez vous, comme la loi m'y autorise. Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous me prendre également la chaîne Histoire, qui vous intéresse un peu moins que France 2 et France 3 mais qui gagnerait ainsi un surcroît d'audience et qui, moi, en tout cas, en tant que responsable, éditeur de cette chaîne, m'intéresse. Voilà !
Peut-être que CanalSatellite aurait répondu que l'affaire ne l'intéresserait pas. En tout cas, il y aurait eu une négociation et le chef d'entreprise qu'est le président de France Télévision se serait vraiment comporté en tant que tel sur le marché.
Je l'ai dit et je le répète, autant je suis favorable à ce que l'on défende le service public, notamment en lui garantissant un financement public indépendant de la publicité, autant je pense qu'il n'est pas en dehors du marché : le service public est aujourd'hui dans le marché.
Effectivement, le chef d'entreprise qu'est le président de France Télévision doit se comporter comme un véritable chef d'entreprise et affronter le marché, en dehors des obligations inhérentes à une chaîne publique qui lui sont prescrites.
C'est la formule que, personnellement, j'aurais préférée. Cependant, le fait que les chaînes soient présentes ou non ne me paraît pas être un élément aussi déterminant que vous le pensez. En effet, quelle que soit la décision qui sera prise en fin de compte, même si France 2 et France 3 sont présentes sur le bouquet CanalSatellite, TF 1 et M 6, elles, n'y seront pas. Or elles ont une part d'audience également importante.
Mme Danièle Pourtaud. Elles ne sont pas financées par la redevance !
M. Michel Pelchat. Laissez-moi finir, madame Pourtaud ! Ces chaînes ont donc une importance considérable pour les téléspectateurs qui reçoivent les chaînes hertziennes.
Lorsqu'un téléspectateur s'interrogera pour savoir à quel bouquet satellitaire il pourra s'abonner s'il veut recevoir l'intégralité des chaînes diffusées par voie hertzienne - je pense notamment à ces téléspectateurs qui reçoivent mal les chaînes diffusées sur le réseau hertzien, qui, vous le savez, sont fort nombreux - il se tournera vers le satellite pour avoir une meilleure qualité d'image et de réception, il se tournera vers TPS. C'est pourquoi cette affaire ne me paraît pas avoir l'importance qu'on veut bien lui accorder.
Le must carry sur le réseau câblé, c'est tout autre chose. La situation est complètement différente. Il n'y a pas deux réseaux câblés concurrents sur une même ville. C'est pourquoi la référence au must carry me paraît en l'occurrence quelque peu fallacieuse, madame la ministre.
En ce qui me concerne, pour ne pas avoir à arbitrer dans un sens ou dans l'autre, comme aucune des deux solutions ne me satisfait, je ne voterai ni l'une ni l'autre. Je m'abstiendrai en espérant - comme je l'ai dit dans mon propos introductif - que, puisque vous en avez encore la liberté, vous laisserez au chef d'entreprise de France Télévision le soin de négocier avec ses partenaires sa présence sur le bouquet satellitaire concurrent, le prenant ainsi pour un véritable chef d'entreprise et faisant de France Télévision une véritable entreprise présente sur le marché.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Les pouvoirs publics ne contestent pas la décision qui a été prise en son temps par le président de France Télévision de s'allier à TPS, ne serait-ce que dans la mesure où cela a permis l'émergence d'un deuxième bouquet, ce qui constitue un élément positif dans notre paysage audiovisuel.
Le Gouvernement sait parfaitement que, aujourd'hui, le secteur public s'inscrit aussi dans la concurrence. Mais il lui voit des missions spécifiques et des responsabilités spécifiques à l'égard de la desserte des téléspectateurs. D'ailleurs, c'est bien ce qui justifie que vous soyez en train de légiférer sur l'avenir du secteur public. Ce n'est pas la liberté de l'entrepreneur qui est en jeu : c'est le service public que nous devons aux téléspecteurs. Or, de ce point de vue, le must carry est une nécessité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 107, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 27 bis A est supprimé, et l'amendement n° 201 n'a plus d'objet.

Articles 27 bis B, 27 bis C
et 27 bis D