Séance du 31 mai 2000







M. le président. « Art. 40 ter . - Après l'article 50 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée, il est inséré un intitulé ainsi rédigé : "Titre III. - Les espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature". »
Sur l'article, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi que nous examinons un titre III consacré aux « espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature ».
Ce nouvel intitulé et les dispositions qui s'y rattachent consacrent une nouvelle manière de s'adonner au sport. Loin des schémas traditionnels de la pratique sportive, les sports de pleine nature participent d'une volonté de concilier le corps et la nature et comptent des adeptes de plus en plus nombreux.
Nous souhaitons, pour notre part, que cette question des sports de pleine nature retrouve très vite une place au sein de notre Parlement. Nous savons d'ailleurs que de nombreuses collectivités participent d'ores et déjà à la promotion des pratiques sportives de pleine nature : j'ai cité tout à l'heure l'exemple de mon département, qui a établi un schéma directeur des chemins de randonnée.
Une conciliation des acteurs locaux, élus mais aussi responsables associatifs, et une coordination des deux ministères concernés par cette question, le ministère de la jeunesse et des sports et le ministère de l'environnement, devrait permettre de proposer dans les meilleurs délais un projet propre à prendre en compte ces nouvelles pratiques.
C'est le souhait que nous formulons au moment où la commission des affaires culturelles s'apprête à supprimer l'ensemble de ce dispositif.
A ce sujet, je renouvelle ici ma protestation devant l'attitude de la commission qui, sans même chercher une solution, s'est contentée d'éliminer ces dispositions d'un revers de la main. (M. de Raincourt proteste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Bordas au nom de la commission.
L'amendement n° 53 est présenté par MM. Murat, César, François, de Broissia, Leclerc et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous deux tendent à supprimer l'article 40 ter .
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 32.
M. James Bordas, rapporteur. Cet amendement est, en quelque sorte, un amendement de conséquence puisque, comme je l'ai dit dans la discussion générale, la commission vous propose de ne pas retenir le dispositif relatif aux sports de pleine nature, introduit par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
En réponse à Mme Luc, je me dois de rappeler les conditions dans lesquelles nous avons travaillé cette semaine : il nous était difficile, après avoir reçu le texte de l'Assemblée nationale, de nous substituer à ceux qui auraient dû engager une concertation préalable. Il ne nous revenait pas d'agir a posteriori !
M. Bernard Murat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Murat, pour présenter l'amendement n° 53.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, mes amendements n°s 53 à 58 ayant le même objet, vous me permettrez de les défendre en même temps.
Comme nombre de mes collègues, je suis favorable au sport de nature. A mes yeux, nous devons l'encourager. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Corrèze accueille cette semaine les championnats du monde de canoë-kayak !
Toutefois, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale me semble inacceptable, car il porte atteinte au droit de propriété. En effet, l'obligation faite aux propriétaires privés d'ouvrir leur propriété agricole et rurale au public par la contrainte et hors cadre contractuel précis et négocié me paraît insoutenable.
De même, le texte adopté par la majorité plurielle de l'Assemblée nationale ne règle pas les difficultés de responsabilité, d'entretien et de charges liées à la multifonctionnalité des propriétés.
Aussi, avec l'ensemble des membres du groupe du RPR, je demande la suppression de ces dispositions. Cela ne signifie pas que nous soyons opposés au sport de nature. Comme je l'ai déjà dit, nous y sommes favorables, mais, étant très attachés à la propriété privée, nous ne pouvons pas admettre les atteintes que ce dispositif porte à ce droit.
Que la majorité plurielle nous présente un texte acceptable, nous pourrons modifier notre appréciation !
Cela étant, monsieur le président, mes amendements étant identiques à ceux qu'a déposés M. le rapporteur, je les retire au profit de ceux de la commission.
M. le président. Les amendements n°s 53 à 58 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 32 ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. M'exprimant sur l'amendement n° 32, je ne vais pas revenir ensuite sur chacun des amendements visant à supprimer les articles votés par l'Assemblée nationale sur les sports de pleine nature, d'autant que je sais que, ensuite, vous avez encore beaucoup de travail avec l'examen du projet de la loi sur l'audiovisuel !
C'est la richesse de la vie démocratique de nos assemblées que de pouvoir, au cours de la discussion d'un projet de loi, bénéficier de l'apport de ceux - des députés en l'occurrence - qui souhaitent l'enrichir !
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Les articles relatifs aux sports de pleine nature répondaient à une demande très forte de la commission de travail « sports de pleine nature » du CNOSF. D'ailleurs, les députés se sont rapprochés des membres de cette commission et c'est avec ses membres qu'il les ont élaborés.
Pour ma part, je me suis félicitée que ces articles puissent constituer un véritable chapitre consacré aux sports de pleine nature, lesquels vont connaître, je crois, un développement de plus en plus important. Or, vous le savez, ces sports se heurtent à des réglementations de plus en plus contraignantes. On se demande même si la pratique de certains d'entre eux pourra être poursuivie tant il y a d'obstacles.
M. Pierre Hérisson. La chasse, par exemple ! (Rires.)
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Bien sûr, je comprends votre préoccupation s'agissant des servitudes. J'avais d'ailleurs, lors du débat à l'Assemblée nationale, fait appel à la sagesse de cette dernière, car il s'agit d'un réel problème. Je pense cependant qu'en le mettant de côté et en nous en tenant aux autres dispositions, nous aurions pu trouver un terrain d'entente favorable aux sports de pleine nature.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 32 ainsi qu'à tous les amendements de suppression qui suivront.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 32.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je souhaite expliquer mon vote, non par rapport à l'atteinte au droit de propriété qui est ici organisé, mais par rapport à la manière dont une assemblée parlementaire peut encourager - puisque nous sommes tous d'accord - les sports de pleine nature.
J'ai entendu Mme Luc dire que son département avait arrêté un schéma départemental d'itinéraires pédestres de randonnée. C'est la même chose en Côte-d'Or, comme dans l'Yonne, d'ailleurs, et tous les départements français ont élaboré des schémas départementaux de randonnées pédestres, de randonnées cyclistes ou de randonnées équestres. C'est une préoccupation quotidienne dans chaque conseil général !
J'ai participé, madame la ministre, à d'innombrables rencontres avec les fédérations, puis avec les communes et avec les propriétaires. Je crois, moi - et c'est la raison pour laquelle je soutiens l'amendement de suppression proposé par la commission - à la concertation locale.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont considéré qu'il leur suffisait, d'une simple phrase, de dire que c'est obligatoire. On se croirait en 1968 ! Il est « interdit d'interdire », ou il est « obligatoire de faire ».
Si cet amendement n'était pas retenu, ce serait une condamnation des efforts entrepris patiemment, canton par canton, département par département. Et je peux parler en connaissance de cause de soirées et de week-ends entiers passés sur le terrain pour trouver une solution à ce problème !
Il faut que vous fassiez confiance, madame la ministre, à la concertation avec les 60 millions de Français, les 36 000 maires, les 4 214 conseillers généraux... bref, avec tous ceux qui font chaque jour la France.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Tout d'abord, je tiens à dire à M. Murat que je suis favorable aux sports de nature, mais également au sport scolaire, au sport universitaire et à l'ensemble des sports.
Vous avez été désagréable avec moi tout à l'heure, mon cher collègue, ...
M. Bernard Murat. Non !
M. Serge Lagauche. Si : vous avez même été très désagréable.
M. Henri de Raincourt. C'est vous qui avez été désagréable !
M. Serge Lagauche. Mais je ne serai pas désagréable avec vous et, parce que je sais que vous avez une grande expérience du sport, lorsque vous déclarez que vous aimez les sports de nature bien que vous ne votiez pas ces articles, je ne mets pas en doute votre parole.
Je vais maintenant me faire l'interprète de mon ami Bernard Cazeau, qui a dû rejoindre son département et qui m'a demandé de vous faire part de ses préoccupations.
M. le président. Non, monsieur Lagauche, vous ne pouvez prendre la parole au nom d'un collègue ! Je suis désolé, mais soit vous prononcez votre propre intervention, soit vous renoncez à vous exprimer. C'est le règlement !
M. Serge Lagauche. Dont acte, monsieur le président.
Cet article nous donne l'occasion de préciser le rôle du département dans la définition des politiques en faveur du développement des sports de nature.
Le département établit un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature, qui recense les espaces, sites, cours d'eau et itinéraires appropriés à la pratique des sports de nature.
Tout d'abord, cet article ne fait qu'étendre aux autres sports de nature les plans départementaux d'itinéraires de promenade et de randonnée pédestre et équestre.
Par ailleurs, il institue la possibilité d'établir une servitude lorsque les conventions avec les propriétaires ne peuvent aboutir. Il existe plusieurs cas de ce type dans chaque département. L'indemnisation des propriétaires est prévue, et ces propriétaires sont dégagés de leur responsabilité.
Enfin, il prévoit que le financement des opérations sera assuré par le produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles.
En réponse anticipée à la critique prévisible selon laquelle cet article serait une « usine à gaz », j'indiquerai qu'il s'agit de la même rédaction que celle de l'article instituant les plans départementaux d'itinéraires de promenade et de randonnée pédestre et équestre. A cet égard, je vous renvoie à l'article 56 de la loi du 22 juillet 1983 et à l'article 53 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite loi « montagne », instituant le même type de servitude pour les zones de montagne seulement et pour les seules activités de ski, d'alpinisme et d'escalade.
De même, je répondrai à ceux aux yeux de qui la rédaction de ces propositions relèverait du domaine réglementaire que tel n'est pas le cas, car les dispositions en cause sont formulées dans les limites du domaine de compétence des collectivités territoriales et portent partiellement sur la propriété privée, ces deux domaines relevant de la compétence législative.
C'est la raison pour laquelle je m'opposerai, avec les membres de mon groupe, aux amendements de la commission.
M. le président. Je vous remercie de cette intervention personnelle, monsieur Lagauche. (Sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 40 ter est supprimé.

Article 40 quater