Séance du 31 mai 2000







M. le président. Par amendement n° 139, M. Charasse propose d'insérer, avant l'article 5 bis A, un article additionnel ainsi rédigé :
« La dernière phrase de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle est supprimée. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Puisque nous sommes en plein dans le domaine des droits d'auteur et puisque l'INA gère aussi des droits d'auteur - on l'a bien compris ! - je voudrais rappeler que l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les artistes-interprètes des oeuvres audiovisuelles dont le contrat de production est antérieur au 1er janvier 1986 - c'est-à-dire à la date d'entrée en vigueur de la loi Lang - ont droit à une rémunération pour les modes d'exploitation de ces oeuvres qui n'étaient pas prévus par ce contrat, en prévoyant toutefois que cette rémunération n'a pas le caractère d'un salaire, ce qui n'est déjà pas très normal. La consultation que le ministre a engagée auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité pourrait peut-être conduire à éclairer ce point.
Mais, surtout, la dernière phrase de cet article dispose que ce droit à rémunération s'éteint au décès de l'artiste. Il peut donc, de ce fait, avoir une durée bien inférieure à la durée normale des droits des artistes-interprètes, qui est de cinquante ans, à partir du 1er janvier suivant la date de leur interprétation ou de la communication au public de celle-ci.
Cette disposition, qui abrège cette durée de cinquante ans, lèse évidemment gravement les droits des héritiers des artistes disparus avant le terme légal de leurs droits.
Elle apparaît d'autant plus choquante que les formes d'exploitation secondaire des oeuvres et programmes audiovisuels se sont considérablement diversifiées et développées, surtout depuis 1985, date de la loi Lang, avec l'essor du câble, du satellite, de l'exploitation sous forme de vidéocassette, avec l'apparition des supports multimédia et la diffusion en ligne. Le préjudice supporté par les héritiers des artistes décédés peut donc être très important.
Le législateur de 1985 n'avait manifestement pas mesuré toutes les conséquences de cette disposition qui érige en somme des producteurs en héritiers des artistes.
On peut en outre se demander si cette disposition est conforme à la directive européenne de 1993 relative à l'harmonisation de la durée des droits, qui a fixé à cinquante ans, comme je le disais, la durée des droits des artistes-interprètes et qui n'a prévu aucun cas où cette durée pourrait être réduite du fait du décès de l'artiste.
C'est pourquoi je propose purement et simplement de supprimer la dernière phrase de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Cet amendement pose une vraie question.
D'une part, il est vrai que les possibilités d'exploitation secondaire des oeuvres et des programmes audiovisuels se sont multipliées depuis 1985.
D'autre part, il est également vrai que la directive de 1993 harmonisant la durée de certains droits de propriété littéraire et artistique n'a pas prévu d'exceptions analogues à celles qui sont visées à l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle. Nous pourrions donc risquer des contentieux avec Bruxelles.
Il faut également être conscient des problèmes concrets que pourrait poser le rappel à la protection de nombreuses interprétations.
A l'unanimité, la commission souhaite donc savoir, madame la ministre, ce que le Gouvernement a à dire sur ce problème, avant de nous en remettre éventuellement à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Ce problème des héritiers est un vrai problème, et je comprends parfaitement le souci de M. Charasse. Simplement, pour des raisons évidentes de sécurité juridique, je ne peux pas non plus réécrire l'histoire.
Avant la loi du 3 juillet 1985, les artistes-interprètes ne bénéficiaient pas d'un droit patrimonial : ils ne pouvaient pas transmettre à leurs héritiers le bénéfice de l'exploitation de leurs prestations. J'en conviens donc avec vous tous, la loi Lang a représenté une très grande avancée pour les artistes.
Cette loi a dû prévoir des dispositions transitoires, et je ne vois pas comment nous pouvons faire un retour dans l'histoire.
Aussi, je suis défavorable à cet amendement, qui, à mon avis, entraînerait des difficultés matérielles et juridiques que nous ne serions pas en mesure de surmonter.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 139.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai bien conscience de ce qu'a dit Mme le ministre. Mais, entre les inconvénients qu'elle énumère, qui sont réels, et les droits individuels des gens, faut-il choisir de continuer à piétiner les droits des héritiers ? Si nous traitions d'un domaine de la propriété autre que celui des droits d'auteurs, moraux et patrimoniaux, n'aurions-nous pas une réaction différente ? La loi Lang aurait pris injustement une maison à des héritiers, est-ce qu'on ne leur rendrait pas celle-ci, quitte à flanquer dehors ceux qui sont dedans ? Ou ne transigerait-on avec avec une indemnisation ? L'expropriation existe en France, mais elle doit être précédée d'une juste indemnité !
Madame le ministre, chère amie, je n'ai pas envie de vous embêter éternellement sur ce sujet. Je veux surtout souligner qu'il y a là un vrai problème. Je veux bien faire un geste, si vous me promettez de l'étudier et de chercher à le régler en retenant par exemple une solution du type de l'expropriation avec indemnisation. Cela concerne les droits privés et il existe une déchéance trentenaire. Nous ne sommes pas encore dans les trente ans de la loi Lang ! Si la loi aboutit à une forme d'expropriation, il faut trouver un système d'indemnisation. Je ne vois pas d'autre solution !
Je ne veux pas créer de difficulté à ceux qui bénéficient aujourd'hui indûment de ces droits parce que la loi a été faite comme cela. Mais je ne voudrais tout de même pas qu'on oublie ceux qui en ont été injustement privés.
Dès lors que nous sommes toujours dans la déchéance trentenaire, c'est-à-dire dans le délai de trente ans, on peut tout de même revoir les choses. Si vous me dites : je vais étudier une solution d'indemnisation - j'ai le regret de vous annoncer qu'elle sera à la charge de l'Etat, car c'est l'Etat qui a fait la bêtise et personne d'autre - j'aviserai.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Mme le ministre a tout à fait raison sur les points qu'elle a soulevés. Il n'empêche que c'est là un vrai problème : le droit à la propriété intellectuelle est un vrai droit de propriété ; or il ne bénéficie pas des mêmes avantages que le droit sur des propriétés matérielles - je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi.
La meilleure façon que nous ayons de nous assurer que cette question sera examinée au fond et que des solutions seront peut-être apportées par d'autres dispositions, c'est d'adopter l'amendement n° 139 de notre collègue M. Charasse.
Pour ma part, je le voterai et je souhaiterais que le Sénat en fasse autant. Le Gouvernement sera ainsi dans l'obligation de gérer cette affaire, et ce dans l'intérêt des artistes concernés et de leurs héritiers.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Sans prolonger inutilement ce débat, j'indique que je souscris aux propos que vient de tenir notre collègue M. Pelchat et que le groupe de l'Union centriste votera également l'amendement n° 139.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre ami Michel Charasse est, comme d'habitude, très convaincant. En effet, lorsqu'on se rend compte qu'une maladresse a été commise dans la loi - ce qui arrive ici tous les jours - il faut y remédier.
Mais la réponse de Mme le ministre n'est pas fausse : il y a des droits acquis par d'autres.
Je me demande donc si un sous-amendement précisant « dans le respect des droits acquis » - en d'autres termes prévoyant que le dispositif n'est pas rétroactif - ne constituerait pas une solution qui tienne compte et des observations de Mme le ministre et du souci exprimé par M. Michel Charasse.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je voudrais dire à Michel Charasse qu'il faut se méfier des mots magiques, notamment du mot « expropriation » !... (M. Hérisson s'exclame.) Il ne s'agit pas non plus de tomber dans les dérives des soviets, cher monsieur Hérisson !
Chacun d'entre nous sait bien que, à chaque fois que le Boléro de Ravel est joué dans le monde - et c'est l'oeuvre la plus jouée au monde - des gens touchent de l'argent sans y être pour rien. (Rires et exclamations.)
Je serais pour une mise à plat de cette question des droits d'auteur, de la propriété intellectuelle, qui mériterait plus qu'un débat au coin du bois, à l'occasion d'une loi sur l'audiovisuel. C'est en effet une vraie question, je suis d'accord avec Michel Charasse sur ce point.
Il faudrait aussi faire une loi sur le plagiat, qui est l'abolition de la propriété privée dans le domaine de la création artistique, comme le disait Bertold Brecht.
J'estime que ces questions doivent être étudiées sérieusement, à la fois par la commission des affaires culturelles et par la commission des lois. Il ne faut pas prendre des mesures qui contribuent - et là je m'adresse tout particulièrement à Michel Charasse, qui dénonce cette dérive - à judiciariser tous les problèmes qui vont se poser à l'occasion de ce type de dispositions.
J'ajoute que la question des droits d'auteur rejoint d'ailleurs celle des dérives de la société de l'information, que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques étudie actuellement.
La modification des règles applicables aux droits d'auteur mérite un vrai débat. On ne peut pas la décider au détour de l'examen d'un projet de loi sur la liberté de communication par une discussion rapide où, la passion aidant, une certaine conception de la justice, que je comprends d'ailleurs, peut l'emporter.
M. Michel Charasse. Je demande à nouveau la parole pour explication de vote.
M. le président. Normalement, je ne peux pas vous redonner la parole.
M. Michel Charasse. Je le sais bien, monsieur le président, mais je connais votre immense bienveillance. (Sourires.)
M. le président. N'en abusez pas trop !
Vous avez la parole, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. J'essaierai de ne pas abuser de votre bienveillance.
Je veux bien sous-amender mon amendement, à supposer que cela soit encore possible, de sorte qu'au lieu de supprimer la dernière phrase de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle, il indique : « Le Gouvernement adressera au Parlement un rapport sur les conséquences de la dernière phrase de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle au regard des droits de propriété des héritiers et des ayants droit. »
Si on est d'accord pour cela, je n'y vois pas d'inconvénient.
M. le président. Très honnêtement, cela me semble excessif. Il s'agirait en réalité d'un nouvel amendement !
M. Michel Charasse. Mais s'il était adopté, ce serait un clin d'oeil à l'Assemblée nationale.
M. le président. Cela viendra après !
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. M. Charasse dit qu'il y a un transfert des héritiers sur les producteurs ; mais la loi Lang institue un droit d'auteur d'entreprise, des producteurs.
Si l'on entre dans ce processus, il faut apporter d'autres corrections. Je partage donc l'avis du Gouvernement et de mon collègue Ivan Renar.
Cette question est trop importante : le droit d'auteur, c'est un droit de l'homme. Il n'est pas possible d'en débattre aussi rapidement. Il faut vraiment se donner du temps... Mais pas trop.
La question mérite d'être approfondie, sinon on risque de défendre le droit d'auteur en l'abîmant, à un moment où certains se livrent à une sacrée offensive contre lui. Il faut donc prendre des précautions.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 139, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 5 bis A.
Par amendement n° 211 rectifié, MM. Plancade, Charasse, Charmant et Pastor proposent d'insérer, avant l'article 5 bis A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Une fois par an, les communes de moins de 500 habitants ou les associations agissant pour leur compte, qui organisent une fête patronale ou une fête à caractère strictement local, sont exonérées du versement de la rémunération prévue à l'article L. 311-1 et perçue par les sociétés mentionnées au titre II du livre III. »
« II. - La perte de recettes est compensée par les sommes visées aux 1° et 2° de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je suis plutôt le porte-parole de mon collègue Jean-Pierre Plancade, dont j'ai cosigné l'amendement, avec lequel, on s'en doute, je ne suis pas vraiment en désaccord. Notre collègue ne pouvait en effet pas être présent ce matin compte tenu du « saucissonnage » du texte !
M. Plancade propose que, dans les petites communes, la fête locale annuelle bénéficie d'une exonération des droits d'auteur, étant entendu que le II de l'amendement n'est pas un gage au regard de l'article 40 de la Constitution ; il est un gage pour les titulaires de droits d'auteur.
Il n'y a aucune raison en effet que nous imposions aux auteurs d'avoir à payer une fête locale sur les droits qui leur reviennent. Nous prendrions donc, pour payer leurs droits aux auteurs spoliés par l'exonération, sur les fonds non redistribués des sociétés de droits, qui constituent un morceau des droits d'auteur utilisés à des fins d'intérêt général.
Cet amendement est très simple et je sais qu'il intéresse beaucoup mon collègue M. Weber... et quelques autres.
Toutefois, le mot « patronale » faisant « hurler » M. Dreyfus-Schmidt, qui a vu, avec l'approche de l'Ascension, une espèce de pèlerinage en sens inverse de ma part, me conduisant vers ce que j'ai longtemps beaucoup dénoncé et combattu,...
M. Ivan Renar. Ce n'est pas la fête du MEDEF !
M. Michel Charasse. ... je veux bien m'en tenir à l'expression « une fête à caractère strictement local », pour ne pas heurter les républicains qui sont, pour la circonstance, à ma droite. (Sourires.)
Il est bien évident qu'il n'est pas question d'exonérer le concert de 20 000 ou 30 000 spectateurs qui a lieu dans une petite commune rurale. Ce n'est pas l'objet de l'amendement.
M. le président. Je suis donc saisi par MM. Plancade, Charasse, Charmant et Pastor d'un amendement n° 211 rectifié bis tendant à insérer, avant l'article 5 bis A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Une fois par an, les communes de moins de 500 habitants ou les associations agissant pour leur compte, qui organisent une fête à caractère strictement local, sont exonérées du versement de la rémunération prévue à l'article L. 311-1 et perçue par les sociétés mentionnées au titre II du livre III. »
« II. - La perte de recettes est compensée par les sommes visées aux 1° et 2° de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission adhère à la rectification qui vient de nous être proposée et s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Si M. Plancade était présent, il conviendrait que la question soulevée n'a pas véritablement sa place dans ce projet de loi.
De plus, cela a été rappelé par plusieurs intervenants, le droit d'auteur et la propriété intellectuelle et artistique forment un bloc auquel nous devons veiller avec la plus grande vigilance et dans lequel nous ne pouvons faire des entailles, si petites et si ciblées soient-elles.
Le souci du maintien de ces manifestations locales, je le partage totalement. Mais, là aussi, au détour d'un sujet qui ne figure pas dans le corps de cette loi, je ne peux pas imaginer la plus petite entaille. Le problème de la copie privée est l'un des thèmes centraux de notre bataille au niveau européen.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Mme la ministre va penser que je fais de l'opposition systématique, mais ce n'est pas le cas, madame.
Vous en convenez, nos collègues Ralite et Renar l'ont signalé également, il y a dans toute cette forêt de discussions et de menaces extérieures de nombreux points d'ombre qu'il nous faudra éclaircir. La contribution de notre assemblée à cet éclaircissement l'a conduit à forcer un peu les choses. Mais il n'y a pas de meilleure contribution que de soulever les problèmes réels et de tenter de leur trouver une solution.
Nos collègues du groupe socialiste, avec cet amendement de M. Plancade, exposé par M. Charasse,...
M. Michel Charasse. Plancade et son orchestre !
M. Michel Pelchat. ... ont, cette fois-ci, apporté une bonne réponse à une vraie question pour ces petites fêtes locales.
J'ai bien noté, dans l'explication qui a été donnée, que les artistes et les ayants droit n'étaient absolument pas lésés dans cette affaire puisqu'ils percevront néanmoins leurs droits sur des fonds de réserve des sociétés collectives de droits. Il n'y a donc aucune remise en cause des droits. Au contraire, ils sont réaffirmés et le fait d'alléger les charges de ces petites fêtes locales et « patronales » - je tiens au mot « patronales » ! - pour favoriser leur développement ne remet nullement en cause les intérêts des ayants droit.
C'est bien dans cet esprit que cet amendement pourrait être adopté. En tout cas, mon groupe et moi-même le voterons.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Pelchat, bien sûr, ils ne sont pas lésés dans leurs intérêts matériels. Mais étant donné que nous livrons une grande bataille d'affirmation du principe même du droit d'auteur, il n'est de l'intérêt de personne, je le répète, de faire la moindre entaille, la moindre encoche dans ce grand principe.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Certes, quand il est proposé à des sénateurs représentant des collectivités locales d'exonérer quelque commune que ce soit de quoi que ce soit, c'est toujours... comment dirais-je...
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Tentant !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... difficile de résister à la tentation ! Le faire systématiquement serait évidemment de la démagogie, passez-moi le mot.
M. Pierre Hérisson. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me parle à moi-même ! Pour moi, ce serait de la démagogie si, sans examen approfondi, je cédais à la tentation. Chacun peut qualifier sa propre conduite et son propre examen !
Encore une fois, le principe est tentant pour quelque sénateur que ce soit.
Il est vrai, de plus, que les rapports entre les communes, quelles qu'elles soient, les sociétés locales et la SACEM sont parfois d'un arbitraire tout à fait époustouflant. On voit, en effet, réclamer des sommes énormes qui, après discussion, sont réduites. Tout le monde connaît cela. Il faut sûrement là, madame la ministre, déterminer des règles qui soient plus compréhensibles pour tout le monde.
Cela étant dit, pourquoi s'arrêter aux communes de cinq cents habitants ? D'autant qu'il existe des communes de moins de cinq cents habitants fort riches et des communes de plus de six cents habitants fort pauvres ! Cela ne me paraît pas être une raison valable, je dois à la vérité de le dire.
Enfin, vous aurez remarqué que cet amendement est présenté par exactement quatre amis et camarades du groupe socialiste, mais quatre seulement. Je précise, puisque j'ai été... je ne dirai pas mis en cause par mon ami Michel Charasse,...
M. Michel Charasse. Je ne me le permettrais pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... mais cité à propos du qualificatif « patronales », que je n'ai pas été indigné par cette mention, même si, personnellement, je n'ai pas de patron. (Sourires.) J'ai seulement été étonné, connaissant ses convictions, que mon ami Michel Charasse propose d'exonérer les fêtes « patronales ». Je me devais d'apporter cette précision au Sénat.
M. le président. Acte vous est donné de cette précision.
M. Ivan Renar. Il n'y a pas de droits d'auteur sur la musique religieuse !
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je suis un ardent défenseur des droits d'auteur, mais je suis aussi un ardent défenseur de nos petites communes rurales.
Et je ne suis d'ailleurs absolument pas étonné que M. Plancade ait rédigé cet amendement, qui témoigne d'une bonne connaissance des problèmes de nos petites communes rurales.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parce que vous croyez que nous, nous ne les connaissons pas ?
M. Ladislas Poniatowski. Il est inutile, par conséquent, de se battre sur le nombre d'habitants des communes concernées : 500, 1 000 ou 1 500. C'est un problème de principe ! Et même si nous ne sommes pas forcément des élus de petites communes rurales, nous sommes tous régulièrement saisis, dans nos départements, par les maires de ces petites communes et par les organisateurs de ces petites manifestations, qui attendent de nous un message symbolique sur le plan financier, mais fort sur le plan des principes.
Je suis en revanche opposé à la suppression de la notion de « fête patronale ». L'affaire n'a rien à voir avec un problème laïc ou religieux. Cela veut simplement dire que la quasi-totalité de nos communes choisissent le jour de leur saint patron pour la fête annuelle de la commune. Je dirai que c'est un choix technique. Il faut donc laisser la phrase telle qu'elle est libellée, à savoir : « ... une fête patronale ou une fête à caractère strictement local. »
En revanche, il faudrait supprimer, au début de l'amendement, les mots : « ou les associations agissant pour leur compte... » car, par-delà la fête patronale, quasiment toutes nos associations - le club de football, le club de pétanque, l'union commerciale... - organisent également leur fête. Nous allons donc créer une bagarre entre les associations locales. Il faut laisser le maire et les élus de la commune choisir. Soit ils choisiront le jour de la fête patronale, soit ils opteront pour une fête à leurs yeux plus importante, celle du club de foot, par exemple.
Laissons aux élus le choix du jour de cette exemption, qui serait un geste fort, bien que modeste financièrement. Je demande donc à M. Charasse de laisser les mots « fête patronale », qui veulent dire quelque chose, mais de retirer les mots : « ou les associations agissant pour leur compte ».
M. le président. Les choses ne se passent pas ainsi, monsieur Poniatowski !
M. Charasse a déjà rectifié son amendement pour supprimer les mots « fête patronale ou ». On ne peut pas revenir sur ce point.
Certes, il peut modifier encore une fois son amendement, mais ce n'est pas du travail législatif sérieux ! Il faut, dans ce cas, repartir en commission !
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Selon moi, cet amendement a toute sa raison d'être, et je le dis en tant que vice-président de l'Association des maires de France.
Je veux rappeler à notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt que le Sénat a finalement bien eu raison de défendre le couplage sénateur-maire. Cela permet de découvrir la réalité au quotidien dans les communes, plus particulièrement les petites communes de France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.) C'est là quelque chose d'important : 80 % des 36 742 communes ont en effet moins de deux mille habitants. MM. Plancade et Charasse ont mis la barre à cinq cents habitants. Il fallait bien la mettre quelque part ! On ne va pas s'attacher à ce problème-là.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Conseil constitutionnel s'y intéresse !
M. Pierre Hérisson. C'est véritablement la définition d'une expression culturelle rurale, qui n'a rien à voir avec le texte et les principes que vous évoquez, madame la ministre. Il s'agit de donner un espace de liberté à des gens qui, aujourd'hui, considèrent le représentant de la SACEM comme un horrible contrôleur venant prélever des sommes de façon totalement injustifiée.
Quant à l'expression : « fête patronale », elle me convient tout à fait, puisqu'il s'agit non pas du patronat, mais de patronage. Il ne faut pas mélanger les définitions !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Je vais d'abord faire le point !
MM. Charasse, Ralite, Bernard, Mme Pourtaud et M. Weber m'ont fait savoir qu'ils souhaitaient, eux aussi, prendre la parole. Sur un amendement de ce type, il ne faut tout de même pas exagérer la longueur des débats. Je demanderai donc la clôture après l'intervention de M. Ralite (Mme Pourtaud proteste.)
Je vous prie de m'excuser, madame Pourtaud, mais j'ai toujours le droit de proposer la clôture de la discussion. Le Sénat l'adoptera ou non ! (M. Dreyfus-Schmidt proteste.)
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voudrais simplement dire deux choses.
D'abord, s'agissant de la fête patronale, dans ma commune, elle a lieu le jour de la Saint-Barthélemy ! (Rires.) Pour de très nombreuses raisons, j'y suis très attaché. Je n'y suis pour rien, c'est ainsi !
Ensuite, je précise qu'il s'agit de fêtes non commerciales, et je réponds, de ce point de vue, à une partie de l'argumentation de mon collègue et ami Michel Dreyfus-Schmidt.
Troisièmement, je voudrais signaler - je m'adresse en particulier à Mme le ministre - que, voilà quelques années, l'Association des maires de France a signé une convention avec la SACEM, convention qui conduit celle-ci à fixer des tarifs forfaitaires pour celles des communes qui sont adhérentes à l'Association des maires de France...
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Trois fois par an !
M. Michel Charasse. Trois fois par an, comme le dit M. le rapporteur, ce qui est exact.
Cela signifie que les quelques communes de notre pays, essentiellement des petites communes, qui ne sont pas adhérentes à l'Association des maires de France ne bénéficient pas des tarifs forfaitaires de la SACEM.
L'idée de cet amendement, c'est aussi d'essayer de réparer une petite injustice.
Tout membre du bureau de l'AMF que je suis, je n'ai pas fait attention lorsque l'on a signé cette convention - sans doute notre collègue Pierre Hérisson non plus - au fait qu'elle ne s'appliquait qu'aux adhérents de l'AMF. On n'a pas appliqué le système des conventions collectives de droit commun, qui rend les accords catégoriels applicables même à ceux qui ne les ont pas signés... Mais passons !
Au demeurant, si l'on veut modifier l'amendement dans le sens préconisé par M. Poniatowski, je n'y vois pas d'inconvénient. En tout cas, je me permets de remettre à Mme le ministre la documentation que diffuse la SACEM sur ses relations avec les communes à ce sujet.
M. le président. Monsieur Charasse, modifiez-vous, oui ou non, votre amendement ? Je ne peux consulter le Sénat sur un texte flou !
M. Michel Charasse. Je suis d'accord pour écrire : « Une fois par an, les communes de moins de cinq cents habitants qui organisent une fête patronale ou une fête à caractère strictement local... » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 211 rectifié ter, présenté par MM. Plancade, Charasse, Charmant et Pastor, et tendant à insérer, avant l'article 5 bis A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - après l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... . - Une fois par an, les communes de moins de cinq cents habitants qui organisent une fête patronale ou une fête à caractère strictement local sont exonérées du versement de la rémunération prévue à l'article L. 311-1 et perçue par les sociétés mentionnées au titre II du livre III. »
« II. - La perte de recettes est compensée par les sommes visées aux 1° et 2° de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle. » Je vais le mettre aux voix.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Sur le fond, je ne pense pas que le droit d'auteur ait une fonction sociale. En effet, dans le présent cas, on prévoit un régime spécial en faveur des petites communes, dans un autre ce sera en faveur des pauvres - et je suis pourtant d'une ville qui compte de nombreux pauvres ! Mais où est la fonction du droit d'auteur ? Le droit d'auteur a été fondé d'abord sur le droit moral.
C'est une spécificité française, que l'on défend dans toutes les institutions. Pour ma part, je ne la laisserai fissurer sur quelque point que ce soit.
On sait, quand on a utilisé la redevance pour une fonction sociale, quel mal on a eu à obtenir les remboursements.
Là, on va entrer dans un processus qui dépèce le droit d'auteur.
J'en viens à ma deuxième remarque.
Dans notre assemblée, au moment où s'est posée la question des multiplexes, un de nos collègues a avancé, ce qui était légitime, que l'on allait siéger en CDRC et que l'on disposait ainsi d'une sécurité. Je tiens ce propos à l'intention de M. Pelchat, selon qui on a le droit d'innover. La belle affaire ! Avec ce système-là, les multiplexes se multiplient.
Par conséquent, faisons attention à des amendements que je qualifierai non de sécurité mais sécuritaires et qui ne sécurisent rien du tout !
Troisièmement, un débat s'est engagé actuellement, vous le savez bien, y compris chez les écrivains, à propos des tarifs des bibliothèques. Mme la ministre a eu raison de prendre l'initiative qu'elle a prise. On ne va tout de même pas se diviser sur cette question ! Il s'agit d'un droit humain fondamental.
Et nous, au détour d'une loi, d'un seul coup, on ferait une telle brèche dans le système ! Vraiment, j'en appelle non pas à la sagesse mais à la profondeur de la sagesse de l'assemblée. A défaut, ce ne serait plus légiférer, ce serait « faire joujou » ! (M. Dreyfus-Schmidt applaudit.)
M. Jean Bernard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. M. Charasse vient d'évoquer les différences qui existent entre les communes : certaines bénéficiant du forfait de la SACEM et d'autres pas. Comment va-t-on gérer tout cela ? Si cet amendement est adopté, celles qui paient le forfait et qui auront moins de 500 habitants demanderont-elles qu'on le leur rembourse ou qu'on ne le perçoive pas ?
M. Michel Charasse. C'est gratuit !
M. Jean Bernard. Cet amendement est certes très séduisant, mais je pense qu'il faut parfaire notre réflexion. J'avoue avoir beaucoup de difficulté à prendre une décision.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir finalement rendu la parole. Monsieur Hérisson, je vous ai entendu, avec grand intérêt, mentionner que ce pays compte quelque 33 000 communes qui comprennent moins de 500 habitants. J'aurais aimé que la majorité sénatoriale s'en souvienne lorsqu'elle a rejeté les dispositions que l'on souhaitait appliquer aux communes de moins de 3 500 habitants dans la loi sur la parité ; j'aurais aimé également qu'elle s'en souvienne avant de déposer le recours qu'elle a introduit devant le Conseil constitutionnel !
Cette parenthèse étant fermée, j'en viens au fond de l'amendement qui nous est présenté.
Je comprends bien qu'on nous propose de remédier à une difficulté de gestion éprouvée par les petites communes, qui n'ont peut-être pas, nous le savons fort bien, tous les moyens administratifs nécessaires. Mais cette complication formelle ne doit pas, à mon avis, nous conduire à remettre en cause le principe fondamental qu'est le droit des auteurs à une rémunération.
Si nous entrons dans le processus qui nous est proposé, je crains qu'une autre fois on ne nous soumette une autre dispense, tout aussi justifiée par d'excellentes raisons.
On nous dit que les auteurs ne seront pas spoliés dans la mesure où les sommes qui seraient ainsi distraites seraient prélevées sur des fonds qui sont non distribués. Certes, mais je rappelle que l'article L. 321-9 dispose que ces fonds non distribués...
M. Michel Charasse. Placés en bourse !
Mme Danièle Pourtaud. ... sont utilisés pour des actions au service de l'ensemble de la communauté créative.
Je pense que nous ne devons pas mettre le doigt dans un tel processus. C'est pourquoi, malheureusement, je ne voterai pas l'amendement n° 211 rectifié ter.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. A la réflexion, pour ma part, je voterai l'amendement n° 211 rectifié ter. Les arguments qui y sont opposés ne me paraissent pas convaincants en effet.
J'ai beaucoup de respect pour le droit d'auteurs mais, dans le cas d'espèce, il n'est pas attaqué. Il y a des fonds de réserve qui sont considérables.
M. Michel Pelchat. Absolument !
M. Henri Weber. Certes, il faut respecter un droit. Mais la manière de le respecter, c'est une autre question ! En fait, personne n'est lésé dans cette affaire. Il y a des fonds qui dorment ou qui servent à spéculer en Bourse - de façon très heureuse en ce moment, d'ailleurs ; il n'en ira peut-être pas ainsi indéfiniment. En tout cas, je ne trouve pas choquant que les auteurs soient rémunérés en partie, voire essentiellement, sur ces fonds.
Par ailleurs, nous assistons actuellement à un phénomène de revitalisation des fêtes locales très important. Peut-être ce retour aux racines, l'inscription dans un terroir et la volonté de faire vivre celui est-il la contrepartie de la mondialisation. Nous nous devons de l'encourager.
Je ne vois donc rien de gênant dans cet effort d'encouragement dès lors qu'un juste droit n'est pas lésé.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Sur cet amendement apparemment anecdotique mais qui est important, les explications qui ont été fournies par les uns et les autres m'ont quelque peu perturbé.
Effectivement, si nous ne touchons pas fondamentalement aux droits d'auteur, comme vient de le dire M. Weber, qu'on le veuille ou non, la discussion que nous venons d'ouvrir touche de façon périphérique au droit de la propriété intellectuelle et à son exploitation.
Dans mon département, la Côte-d'Or, sur 700 communes, il y en a 500 qui ont moins de 500 habitants, et je sais que le corps électoral est sensible à des mesures du genre de celle qui nous est proposée. Je considère toutefois que nous touchons, en l'occurrence, à la manière dont la propriété intellectuelle et artistique est gérée en France. Nous le faisons de façon sympathique, propre à favoriser l'aménagement du territoire certes, mais le fait est là. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 211 rectifié ter, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 5 bis A.
Par amendement n° 140, M. Charasse propose d'insérer, avant l'article 5 bis A, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les sociétés de perception et de répartition de droits d'auteurs ou de droits voisins du droit d'auteur ne peuvent pas refuser l'adhésion d'un titulaire de droits qu'elles gèrent. L'adhésion est acquise au plus tard dans le mois qui suit la réception de la demande de l'intéressé, qui doit être obligatoirement formulée en recommandé avec accusé de réception.
« Est réputée non écrite toute stipulation des statuts d'une de ces sociétés déniant à ses associés, ou soumettant à autorisation, le droit :
« - d'exercer individuellement tout ou partie de leurs droits patrimoniaux, à l'exception de ceux mentionnés aux articles L. 122-10, L. 132-20, L. 214-1, L. 217-2 et L. 311-1 ;
« - de se retirer de la société ou de confier à une autre société la gestion de tout ou partie de ces droits. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit, là encore, d'un problème de perception de droits, puisque nous sommes en plein dans le débat depuis que l'article concernant l'INA est venu en discussion, dès lors que l'INA, même indirectement, fait partie des organismes concernés.
L'objet de cet amendement est double.
D'abord, il s'agit de permettre à tout titulaire de droits de devenir associé d'une société de perception de droits. Compte tenu de leur situation de monopole, il n'est pas normal que ces sociétés puissent choisir librement leurs associés et de permettre à tout associé d'une SPRD de conserver la gestion individuelle de certains de ses droits s'il en a envie, comme l'exige, d'ailleurs, la Commission européenne.
Seuls trois pays de l'Union européenne - la France, l'Espagne et la Grèce - permettent encore aux sociétés de gestion collective nationales d'imposer à leurs associés de leur confier - voire de leur céder - la totalité de leurs droits exclusifs d'exploitation, y compris, d'ailleurs, pour leurs oeuvres futures ou pour de futurs modes d'exploitation.
Sur le plan des principes, il n'est pas convenable que la France, qui est la « patrie du droit d'auteur », comme le rappelait M. Ralite, soit l'un des trois pays qui interdisent ce type de choses.
Sur le plan économique, cette situation, qui ignore, en particulier, les possibilités nouvelles de gestion individuelle des droits qu'offre la société de l'information, aboutit à une sous-rémunération et donc à un appauvrissement, à tous les sens du terme, de la création.
Elle aboutit également, comme l'ont illustré certains exemples, à une véritable confiscation de droits par certaines sociétés d'auteurs qui, lorsque leurs associés refusent de leur céder certains droits, les perçoivent quand même, mais ne les leur versent pas.
Je signale à ce sujet que la DG4 de la Commission européenne, qui s'occupe de la concurrence, a été saisie d'une plainte pour abus de position dominante des musiciens du groupe Daft Punk, qui n'avaient pas voulu adhérer à la SACEM pour pouvoir garder la gestion individuelle de certains droits. L'éditeur du groupe était, cependant, membre de la SACEM, qui considérait dès lors que leurs oeuvres faisaient partie de son répertoire.
La SACEM avait donc versé à l'éditeur les droits éditoriaux, mais mis en réserve les sommes correspondant aux droits d'auteurs - il y en avait pour plus de 2,3 millions de francs - ceux-ci, selon elle, ayant vocation à les recevoir - je cite - « dès lors qu'ils adhéreraient à notre société ou à une société d'auteurs étrangère à qui ils confieraient la gestion de leurs droits pour la France ».
La DG4 est intervenue auprès de la SACEM, qui s'est engagée à modifier ses statuts pour permettre la gestion individuelle de certains droits.
La discussion est en cours, la SACEM se fait un peu tirer l'oreille.
Mon amendement permettrait de résoudre ce type de problèmes de façon définitive. Il n'est pas normal que les sociétés de perception de droits d'auteur - je ne mets pas en cause que la SACEM en cette affaire - disent que c'est tout ou rien, qu'elles prennent tout ou rien étant donné que l'adhésion à ce type de sociétés est quasi obligatoire pour un auteur qui veut toucher ses droits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Là encore, M. Charasse soulève une vraie question, même si le sujet abordé s'éloigne quelque peu de celui du projet de loi et s'apparente à un cavalier.
Certes, selon une jurisprudence constante de la Commission européenne depuis 1971, les sociétés de perception de droits d'auteurs doivent permettre à leurs associés de conserver, s'ils le souhaitent, la gestion de certains de leurs droits. Certains Etats membres, comme la Belgique, ont modifié leur législation en fonction de cette jurisprudence. Dans ceux qui ne l'ont pas fait, de nombreuses sociétés ont encore des statuts non conformes. Si les associés veulent bénéficier de leurs droits, à condition de connaître bien sûr la position communautaire, ils doivent adresser une plainte à Bruxelles.
Le président du directoire de la SACEM m'a informé que cette société envisageait de modifier ses statuts en juin ; mais que feront les autres sociétés de perception ?
Ce ne serait donc pas une mauvaise idée de transposer cette règle dans notre législation afin de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Nous serons très attentifs aux propos de Mme la ministre, sachant que la commission propose de s'en remettre à la sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Certes, il soulève deux problèmes très importants se posant à deux moments cruciaux de la relation entre les auteurs et les sociétés de perception et de répartition de droits d'auteurs : l'entrée et la sortie.
En ce qui concerne l'entrée, je dois quand même rappeler que l'obligation d'accepter une demande d'adhésion est contradictoire avec l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle, qui oblige les sociétés à vérifier la qualité professionnelle de leurs adhérents. Leur interdire de procéder à cette vérification pour les futurs associés aurait pour conséquence de les empêcher de remplir une obligation légale. Je ne peux donc pas être favorable à ce premier aspect de l'amendement.
En ce qui concerne la seconde mesure, c'est-à-dire, au fond, le droit de sortie, le fait de permettre aux membres des sociétés qui le souhaitent de gérer individuellement leurs droits, elle ne me semble pas devoir figurer dans ce texte puisque les règles de démission des sociétés civiles sont strictement encadrées par les dispositions statutaires. La SACEM, qui applique encore, en effet, des règles trop rigides en matière de démission, doit d'ailleurs les modifier lors d'une assemblée générale ; celle-ci, à ma connaissance, est fixée au 13 juin.
Au demeurant, le Conseil de la concurrence et la Cour de justice des Communautés européennes rappellent également les sociétés d'auteurs à leur devoir de clarté en ce qui concerne l'évolution de leurs statuts sur ce point.
Si l'on assouplit davantage le dispositif, on s'éloigne de la nature même de ces sociétés, qui reposent sur un principe de mutualisation. C'est, je le répète, l'un des éléments essentiels de la défense du système des droits d'auteurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 140.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Madame le ministre, nous devrions pouvoir nous entendre assez largement sur ce sujet.
Vous l'avez rappelé, la Commission européenne a mis en demeure les sociétés de droits, et notamment la SACEM, de modifier leurs statuts.
Figurez-vous, mes chers collègues, que la SACEM a proposé une modification de ses statuts prévoyant que l'accord des deux tiers du conseil d'administration est requis pour chaque demandeur qui souhaite une gestion partielle de ses droits.
Or la disposition actuelle des statuts de la SACEM qui est contestée par la Commission européenne est illégale au regard du droit européen. Cela signifie que la SACEM doit modifier ses statuts en en enlevant les dispositions illégales, mais sans ajouter une procédure d'autorisation qui reviendrait à maintenir la pratique illégale actuelle si personne ne demande rien.
Madame le ministre, ce que je dis vous concerne directement puisque, sauf erreur de ma part, compte tenu de la mission quasiment de service public, en tout cas d'intérêt général, qu'une société de droits assure, vous devez en approuver les statuts. Or la proposition que fait la SACEM et qui sera soumise à son conseil d'administration reste, à mon avis, largement contraire à la directive.
Il est absolument inimaginable d'accepter cela ! C'est exactement comme si l'on disait que, pour telle décision illégale, il faut qu'un conseil municipal se prononce à la majorité des deux tiers pour reconnaître que c'est effectivement illégal. Ce n'est pas pensable !
Si vous nous dites maintenant que vous n'accepterez pas cette modification parce qu'elle maintient dans les statuts des dispositions léonines qui sont contraires à la législation européenne, je n'insisterai pas.
S'agissant de l'autre point de l'amendement, il faudra bien aussi qu'on nous dise si, lorsqu'on adhère à une société de droits - notamment à la SACEM, mais elle n'est pas seule en cause dans cette affaire -, on perd complètement ou non toute liberté individuelle.
Qu'est-ce que c'est que cet embrigadement ? Nous ne sommes pas dans les armées d'avant-guerre, tout de même ! On doit pouvoir librement adhérer ou non et pouvoir librement décider de remettre en tout ou partie la gestion de ses droits à la société.
Madame le ministre, le sort de cet amendement est lié à votre réponse. Si vous nous dites que la proposition de modification des statuts actuellement reste non satisfaisante au regard de la directive - et la Commission européenne a fait des observations à ce sujet -, je n'insisterai pas.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je viens tout juste d'être saisie du projet de modification des statuts et, je le confesse, je ne suis pas en mesure de porter un jugement sur cette nouvelle rédaction.
Je veux simplement indiquer que, sur ce sujet, la tutelle s'exercera pleinement. Je serai évidemment très attentive à ce que cette évolution statutaire réponde et aux demandes qui sont formulées à l'échelon européen et à nos propres préoccupations. J'espère être en mesure très rapidement de déterminer ma position sur ce projet de modification des statuts.
M. le président. Monsieur Charasse, maintenez-vous retirer votre amendement n° 140 ?
M. Michel Charasse. Je veux bien faire un geste de bonne volonté, mais je dirai amicalement, et même affectueusement, à Mme Tasca qu'il ne peut pas y avoir, d'un côté, des directives qu'on nous oppose de manière absolue, comme la semaine dernière lors de la discussion du projet de loi sur la chasse et, d'un autre côté, des directives qui ne donnent lieu qu'à des remarques lénifiantes, du genre : « Ah ! les sociétés de droits, les pauvres chéries, il ne faut pas... ».
Donc, madame le ministre, je vous fais confiance pour exercer pleinement votre tutelle dans ce domaine. Cela nous changera par rapport au passé !
M. Louis de Broissia. Le passé récent !
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 140 est retiré.
Par amendement n° 141, M. Charasse propose d'insérer, avant l'article 5 bis A, un article additionnel ainsi rédigé :
« La fin du troisième alinéa (2°) de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle est rédigée comme suit :
« ... et qui n'ont pu être réparties, soit en application des conventions internationales auxquelles la France est partie, soit parce que leurs destinataires n'ont pas pu être identifiés ou retrouvés avant l'expiration du délai prévu au dernier alinéa de l'article L. 321-1. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit d'une disposition qui avait été adopté par le Parlement mais qui s'est trouvée interprétée par l'administration du ministère de la culture dans un sens totalement contraire aux préoccupations du législateur. Je regrette d'ailleurs que notre collègue Pierre Laffitte n'ait pas pu être présent ce matin parce qu'il est très au fait de ce problème.
Lors de l'examen de la loi du 27 mars 1997 transposant dans le droit français deux directives communautaires relatives aux droits d'auteur et aux droits voisins, l'Assemblée nationale avait adopté, sur proposition de son rapporteur, Mme Nicole Ameline, un amendement prévoyant que la totalité des droits perçus par les sociétés de droits au titre des régimes de gestion collective obligatoire et qui n'avaient pu être répartis devaient être affectés par ces sociétés aux actions d'intérêt général définies à l'article L. 321-9.
L'objet de cet amendement était très clair, et le Sénat, qui avait soutenu l'initiative de l'Assemblée nationale, avait confirmé l'intention du législateur, que ne contredit d'ailleurs aucune disposition du texte. Le rapport de M. Pierre Laffitte, fait au nom de la commission des affaires culturelles, avait expressément indiqué que les sommes en question étaient celles qui n'avaient pu être réparties soit parce que leurs bénéficiaires n'avaient pu être retrouvés, soit parce qu'ils étaient ressortissants de pays n'appliquant pas la convention de Rome sur les droits voisins.
Telle n'a pas été, cependant, comme le révèle le rapport Mariani-Ducray, l'interprétation de la direction de l'administration générale du ministère de la culture, qui a considéré de sa propre autorité, à l'automne 1997, que les sommes non réparties ne visaient que les droits dont les bénéficiaires n'avaient pu être retrouvés, et non les sommes « non répartissables » qui, juridiquement, ne sont pas dues.
Cette interprétation est contraire à la loi, qui n'établit aucune distinction entre sommes « non réparties » et sommes « non répartissables » au sens où l'entend le ministère. Elle est tout à fait abusive, car elle bafoue ouvertement la volonté du législateur, qui voulait au contraire renforcer et étendre l'obligation d'emploi, à des fins d'intérêt général, de toutes les sommes qui ne peuvent être réparties individuellement, et elle autorise - de quel droit ? Sur le fondement de quel texte ? - les SPRD à confisquer à leur profit des sommes considérées - de quel droit ? Sur le fondement de quel texte ? - comme « libres d'emploi ».
Cet amendement a donc pour objet de demander au ministère de la culture de faire cesser une interprétation qui est depuis trop longtemps contraire au texte adopté par le Parlement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je dois dire que nous avons aussi été assez choqués de découvrir la curieuse interprétation faite par le ministère de cette disposition de la loi de 1997, interprétation dont la commission peut attester qu'elle est tout à fait opposée et à la position qu'avait prise son rapporteur et au vote du Sénat. M. Pierre Laffitte m'a d'ailleurs fait part de son entier soutien à l'amendement n° 141 de M. Charasse.
Je pense, madame la ministre, que nous pourrions cependant éviter de modifier la loi, car le texte de 1997 ne donne aucune base à l'interprétation du ministère, si vous nous donniez aujourd'hui l'assurance solennelle que cette interprétation erronée sera immédiatement rectifiée.
La commission n'est donc pas allée au-delà de la demande d'avis du Gouvernement mais, a titre personnel, je suis tout à fait favorable à l'amendement n° 141.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je suis également favorable à cet amendement, qui tend, en effet, à régler une difficulté d'interprétation du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction de 1997.
Cela étant, il n'y a pas lieu de mettre en cause une direction de mon administration. Je suis certaine, au demeurant, que M. Charasse ne vise ni un service ni une personne. L'analyse contestée a été portée, jusqu'ici, par l'ensemble des services du ministère, mais il ne fait pas de doute que cette situation doit aujourd'hui changer.
Sur le fond, la solution proposée par l'amendement me paraît tout à fait positive. Il s'agit d'affecter clairement l'ensemble des droits - et non pas seulement une partie d'entre eux - qui n'ont pu être répartis, quelle que soit leur origine, aux actions d'intérêt général visées à l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 141, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 5 bis A.

Article 5 bis A