Séance du 10 mai 2000







M. le président. Par amendement n° 893, M. Michel Mercier propose d'insérer, après l'article 36, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans les agglomérations comptant plus de 300 000 habitants dotés d'un ou de plusieurs plans de déplacements urbains approuvés, en vue de faciliter la mise en cohérence des modes de déplacements découlant desdits plans, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent instituer une tarification des déplacements pour les véhicules terrestres à moteur.
« Cette tarification est constituée pour une durée de cinq ans. Elle a un caractère expérimental.
« Cette tarification peut concerner tout ou partie du réseau de voirie qui relève de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement concerné dès lors qu'il s'agit de zones desservies ou à desservir par des réseaux de transports collectifs ou de zones dont les conditions de circulation routière sont améliorées par rapport aux itinéraires routiers alternatifs existants.
« Le produit de cette tarification est affecté à l'amélioration des transports en commun et à l'amélioration ou à l'extension du réseau de voirie concerné.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de détermination du tarif et d'affectation de son produit.
« II. - Les projets d'expérimentation visés au I sont présentés par une commune ou un établissement public intercommunal compétent en matière de voirie et de transport urbains sur le territoire duquel ils doivent être réalisés. Ils font état de l'accord des autorités compétentes dans les mêmes matières sur le même territoire.
« Ils sont accompagnés d'une évaluation au sens de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 relatif aux grands projets d'infrastructures, aux grands choix technologiques et aux schémas directeurs d'infrastructures en matière de transports intérieurs.
« Les expérimentations visées au I sont autorisées par décrets en Conseil d'Etat sur rapport du ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ces décrets en précisent le champ, les modalités de mise en oeuvre, de suivi et d'évaluation.
« Chaque titulaire d'une des autorisations d'expérimentation présente annuellement aux collectivités territoriales sur le territoire desquelles l'expérimentation est réalisée un compte rendu de son exécution. Un exemplaire de ce compte rendu est adressé au ministre de l'équipement, des transports et du logement.
« III. - Dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, un rapport d'évaluation des expérimentations est déposé au Parlement par le Gouvernement. Il est établi en concertation avec les autorités expérimentatrices. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Comme nous le savons tous ici, la question des transports et des déplacements dans les villes et les grandes agglomérations prend une importance sans cesse croissante. Mme Luc a rappelé tout à l'heure que plusieurs problèmes se posaient à cet égard, notamment celui du partage de la voirie entre modes personnels et modes collectifs de déplacement.
L'amendement que je soumets au Sénat a pour objet de permettre, dans les grandes agglomérations comptant plus de 300 000 habitants, la mise en place de solutions innovantes dans ce domaine.
Cet amendement repose sur deux piliers de la décentralisation.
Le premier, c'est le droit à l'expérimentation. Dans la proposition que je vous soumets, ce droit est organisé dans un cadre suffisamment restreint pour ne pas être trop large ni trop désordonné, puisque, à chaque fois, il laisse le Gouvernement maître du périmètre de l'expérimentation.
Ces expérimentations portent notamment sur un mode nouveau de financement des transports à travers la prise en compte des déplacements, qu'ils soient collectifs ou individuels. Elles reposent sur une taxation concernant un périmètre déterminé, le bénéfice de cette taxation devant être affecté soit au développement d'infrastructures de transport en général, soit au développement du transport en commun.
Cet amendement est le fruit de réflexions que mènent depuis de nombreuses années les élus du réseau des villes de la région Rhône-Alpes. Il vise donc simplement à essayer d'explorer de nouveaux modes de transport et de nouveaux modes de financement de ceux-ci.
J'ose espérer que notre assemblée et le Gouvernement seront d'accord pour permettre d'avancer dans la voie de la recherche de solutions plus adaptées au problème des transports dans les villes et que l'idée même d'expérimentation pourra être retenue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Cet amendement autoriserait dans les agglomérations importantes et sur l'initiative des collectivités ou de leurs groupements une tarification expérimentale. L'idée mérite d'être creusée. Cependant, elle suscitera sans aucun doute une levée de boucliers parmi les automobilistes. Je vous propose, mes chers collègues, d'entendre le Gouvernement sur ce sujet. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Courage ! Le Gouvernement va vous donner son point de vue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cet amendement, s'il était adopté, créerait la possibilité pour les agglomérations de plus de 300 000 habitants d'expérimenter un mécanisme de tarification des déplacements des véhicules terrestres motorisés.
Il s'agirait - vous avez insisté sur ce point - d'une expérimentation, autorisée par décret en Conseil d'Etat pour une durée de cinq ans. Une évaluation en serait réalisée.
Le problème abordé est réel et il a été évoqué par plusieurs orateurs. D'ailleurs, j'ai été saisi de cette question par des maires de très grandes agglomérations, M. Barre et M. Destot, ainsi que par l'Association des maires des grandes villes. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion d'évoquer ce point à l'Assemblée nationale en répondant à M. Destot.
Dans les très grandes agglomérations, peuvent se poser des problèmes d'accès et de régulation, ainsi que des problèmes de financement de certaines infrastructures.
L'amendement de M. Mercier prévoit donc une expérimentation. Il s'agit là d'une pratique intéressante et nouvelle de la démocratie. En effet, elle responsabilise pleinement les élus, à condition de consulter et d'associer les citoyens, et elle permet de tester l'efficacité des choix et des procédures.
Cependant, de nombreuses questions sont à explorer, notamment la régulation automobile et les transports en commun, le développement de titres multimodaux et le non-renchérissement des coûts des déplacements domicile-travail ; ce point a été évoqué par M. le rapporteur.
Cela étant dit, mes services me font observer qu'un tel dispositif, même au regard de la démocratie, que je viens d'évoquer, ne va pas de soi : il y aurait des motifs d'anticonstitutionnalité et des clarifications à opérer. S'agit-il de taxes ou de redevances ? Comment concilier cette expérimentation et la possibilité donnée aux élus de réguler le trafic avec le principe d'égalité ou le principe de la liberté d'aller et venir ?
De toute manière, quelle que soit l'opinion que l'on peut avoir, une clarification juridique et technique s'impose. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Mercier, de retirer votre amendement. Cependant, pour ne pas rester sur une note négative, si je puis dire, je m'engage à mettre en place un groupe de travail et à demander aux juristes les plus éminents d'y contribuer, afin de voir quelles évolutions pourraient être observées dans l'avenir.
M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 893 est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec la plus grande attention. La question que je souhaitais poser, à travers cet amendement, est en effet vaste, importante et difficile à régler. Il est probable que la modification d'un texte par voie d'amendement n'est pas la meilleure méthode pour parvenir au résultat que nous recherchons. Votre proposition de création d'un groupe de travail sur cette question répond à ma demande et, en conséquence, je retire l'amendement n° 893.
M. le président. L'amendement n° 893 est retiré.

Article 36 bis