Séance du 25 avril 2000







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi ordinaire visant à « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », je suis au regret de constater que à défaut d'accord sur les moyens à mettre en oeuvre pour donner corps à la révision constitutionnelle votée en juin dernier, l'étape importante dans le combat pour l'égalité pour une plus grande participation des femmes à la vie politique s'avère difficile à franchir !
Comme certains l'ont souligné, l'opinion publique est pourtant majoritairement demandeuse d'une plus grande égalité dans les sphères économiques, sociales et politiques. Elle attend que notre vie politique se renouvelle, se démocratise.
Il ne suffit pas de dire que l'on souhaite que les femmes accèdent aux responsabilités politiques. Encore faut-il s'assurer que des mesures concrètes garantiront effectivement la parité en termes non seulement de candidatures, mais également d'élus.
Les modifications apportées au texte, tant en première qu'en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, nous, parlementaires communistes, les qualifions d'améliorations dans le sens où elles assurent au principe paritaire une plus grande efficacité.
A l'inverse, messieurs de la majorité sénatoriale, vous jugez ces ajouts - qu'il s'agisse de la parité par groupe de six candidats pour les élections au scrutin de liste à deux tours ou de la stricte alternance hommes-femmes pour les scrutins de liste à un tour, - inutiles, irréalistes, trop contraignants, contraires à l'esprit de la révision constitutionnelle.
Fidèles à votre position de première lecture, sourds aux avancées des députés qui ont cherché un point d'équilibre concernant le seuil à partir duquel les nouvelles dispositions sur la parité s'appliqueront pour les élections municipales, le seuil ayant été ramené à 2 500 habitants, amendement après amendement, vous avez supprimé des dispositions essentielles pour que les intentions du législateur restent lettre morte.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le texte tel qu'il vient d'être modifié.
Mme Gisèle Printz. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Mes chers collègues, je voudrais vous faire part de ma tristesse en raison du vote qui va avoir lieu et de l'attitude de la majorité sénatoriale sur la parité.
Certes - ce n'est un secret pour personne, puisque cela découle de nos institutions - l'Assemblée nationale va rétablir son texte et les dispositions que le groupe socialiste a essayé de défendre ici seront mises en oeuvre. Mais je regrette profondément l'image que donne le Sénat : celle d'une assemblée qui est repliée sur elle-même et qui refuse, quoi que vous en disiez, d'aller concrètement vers la parité, vers l'égalité d'accès des femmes et des hommes aux fonctions électives, vers l'égalité dans la vie en général.
Personnellement, je ne soutiendrai pas le texte issu de nos travaux. Je constate avec tristesse que le divorce entre l'opinion publique et notre Haute Assemblée continue de se creuser.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Je regrette l'absence de consensus sur les propositions de la majorité sénatoriale, lesquelles me semblent relever pourtant du bon sens. Mais ce que je regrette le plus, c'est l'hypocrisie du Gouvernement. En effet, malgré les engagements pris par le Premier ministre en personne de ne pas profiter du projet de loi sur la parité pour changer le mode de scrutin, hypocritement, on s'est servi de la majorité plurielle pour le changer, le déformer, s'agissant notamment des élections municipales. Je tairai le terme qui qualifie une telle façon de procéder ; il n'est pas digne de cette Haute Assemblée !
En tout cas, on ne peut pas accuser la majorité sénatoriale d'être défavorable à la parité.
Mme Danièle Pourtaud. Prouvez-le !
M. Gérard Cornu. Elle l'a prouvé lors de la révision constitutionnelle !
La parité, nous sommes pour, mais nous sommes contre les manipulations électorales d'un gouvernement qui présente un texte et qui, par le biais de sa majorité, le déforme, avec son accord. On appelle cela de l'hypocrisie.
Personnellement, je suis résolument favorable à la parité, je l'ai prouvé à maintes reprises. Mais je suis contre les manipulations politiciennes ! ( Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Mme Luc proteste. )
M. le président. La parole est à M. Joyandet. M. Alain Joyandet. Mon intervention, qui se situe exactement dans le droit-fil de celle de M. Cornu, n'aura que plus de force lorsque vous saurez que je m'abstiendrai sur ce texte, car je suis gêné par la rédaction d'un certain nombre de sujets.
De plus, je suis choqué par cette espèce de jubilation que l'on ressent chez nos collègues socialistes, qui se réjouissent finalement de nos positions pour pouvoir dire partout que la droite sénatoriale est ringarde et qu'elle regarde l'avenir dans le rétroviseur !
Cela me fait penser au projet de loi sur le cumul des mandats. Pendant des mois, les socialistes ont caricaturé la position de la majorité sénatoriale alors que nous rencontrions nos collègues parlementaires socialistes à l'Assemblée nationale qui nous disaient à nous, sénateurs de droite, de ne surtout pas lâcher sur ce texte-là !
On voit bien comment, finalement, le Gouvernement est revenu très facilement sur les positions du Sénat afin que vous puissiez rester sénateur-maire, député-maire, sénateur et président de conseil général. Il s'agit donc d'une hypocrisie, le mot est bien choisi, mon cher collègue Cornu, même si, à titre personnel, je le répète, je m'abstiendrai sur ce texte.
Encore une fois, je regrette cette espèce de jubilation quelque peu indécente. Cela m'ennuie d'autant plus que nous aurions pu aborder plus concrètement certains points, puisque j'ai entendu, sur les travées de la majorité sénatoriale, des arguments qui étaient objectifs et qui n'avaient rien à voir avec une quelconque prise de position contre la parité ( Mme Pourtaud proteste).
Mme Hélène Luc. Ce qui est objectif, c'est que la droite est contre la parité !
M. Alain Joyandet. Mais non !
Nous avons voté la parité en Congrès aussi largement que vous ! Aujourd'hui, nous discutons des textes d'application. S'il existe, certes, quelques différences entre nous sur ces derniers, je crois qu'elles ne méritent pas cette jubilation politicienne quelque peu indécente, surtout de la part de dames avec qui nous devrions pouvoir discuter de façon beaucoup plus sympathique de ce texte, lequel constituerait malgré tout une avancée importante.
Hypocrisie et jubilation alors que la majorité du Sénat était pour la limitation du cumul des mandats, pour la mise en oeuvre de la parité : ne caricaturez pas à ce point nos positions. Restez modestes !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite, moi aussi, dire quelques mots au moment où s'achève ce débat.
J'éprouve également, comme je le disais tout à l'heure en conclusion à l'occasion de la discussion générale commune, un sentiment de tristesse. Le 28 juin 1999, nous avons assisté à un élan qui, pour être inspiré par des motivations diverses - sincérité, discipline vis-à-vis de telle ou telle autorité de l'Etat, de telle ou telle formation politique - n'en était pas moins un élan. Je suis donc navré de constater que nous assistons aujourd'hui à la désagrégation de ce sentiment collectif qui se dégageait en faveur de la parité.
Le Sénat n'avait pas démérité dans cette affaire, même si les médias s'étaient livrés à toutes sortes de déformations intempestives de son attitude. C'est dans cet hémicycle qu'a été inventée la formule « trois plus quatre » - révision des articles 3 et 4 de la Constitution - qui a permis le déroulement du Congrès de Versailles, dans la mesure où l'Assemblée nationale s'y est ralliée. Nous n'avons donc pas à baisser la tête ni à douter de nous-mêmes.
En revanche - je le dis à Mme la secrétaire d'Etat pour qui j'éprouve beaucoup de sympathie - je doute de l'action gouvernementale et de sa pérennité car, sur des textes électoraux aussi importants, aussi déterminants pour l'avenir politique, puisqu'ils pèseront pendant des années sur les consultations populaires en France et qu'ils constituent l'application d'un principe constitutionnel, le Gouvernement aurait dû s'honorer d'une démarche de concertation. Un certain nombre d'entre nous n'auraient pas refusé d'y participer.
Je crains fort que la vie politique française ne s'affadisse gravement dans ce qu'un philosophe de la politique a appelé voilà quelques années - vous n'étiez pas encore au pouvoir - « la fatalité querelleuse de la bipolarisation ». On finit par trouver beau ce que l'on a condamné, par trouver laid ce que l'on avait magnifié.
Nous sommes en train de créer un système qui n'est pas bon. Ce jugement vise les lois électorales que l'on a égrenées pendant des mois et qui n'ont pas de cohérence. Je pense même qu'une grande réforme aurait été possible, laquelle aurait inscrit dans la Constitution le système électoral de l'Assemblée nationale, système uninominal majoritaire, et aurait peut-être entraîné une réforme plus profonde du Sénat et permettant une expression plus variée des courants de pensée. Mais tout cela, ce sont des occasions ratées.
Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un texte qui traduit la volonté claire et cohérente de la commission des lois du Sénat, d'une majorité sénatoriale qui a le droit de s'exprimer. Nous le voterons donc, mais sans joie et avec une pointe de déception, car nous avons l'impression - cela a été dit tout à l'heure et je reprends les termes de M. Cornu - que le texte du Gouvernement, qui était applicable pour tous, est devenu, au fil des délibérations de l'Assemblée nationale - où peut s'exprimer une majorité politique - une caricature de l'application du simple principe selon lequel la loi favorise un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Je demande aux membres de cette Haute Assemblée de voter, sans enthousiasme c'est vrai, le texte tel qu'il ressort des débats du Sénat, car c'est une démarche logique, même si nous aurions préféré qu'elle soit autre. Cela n'a pas été possible et c'est peut-être un tournant raté pour la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Vous demandez de le voter ! C'est bien le minimum !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 56:

Nombre de votants 308
Nombre de suffrages exprimés 303
Majorité absolue des suffrages 152
Pour l'adoption 199
Contre 104

PROJET DE LOI ORGANIQUE