Séance du 1er mars 2000







M. le président. « Art. 2. - L'article L. 300 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. » ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Outre les renseignements mentionnés à l'article L. 298, la déclaration doit indiquer le titre de la liste, l'ordre de présentation et le sexe des candidats. »
Par amendement n° 5, M. Cabanel, au nom de la commission, propose de supprimer la seconde phrase du texte présenté par le 1° de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 300 du code électoral.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. Cet amendement a trait aux élections sénatoriales.
La commission des lois vous propose de supprimer l'obligation d'alternance de candidats des deux sexes sur les listes et de revenir au principe qui figurait dans le texte initial du Gouvernement, à savoir l'égalité des sexes à une unité près.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Sans vouloir à tout prix revenir au texte initial du Gouvernement, je me suis prononcé, à l'Assemblée nationale, contre ces listes dites « tic-tac ».
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Le groupe socialiste est bien évidemment hostile à la suppression de cette disposition, et les quelques femmes qui siègent sur les travées de la gauche y sont encore plus opposées !
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale favorise de manière plus effective que le projet de loi initial la mise en oeuvre de la parité pour les élections sénatoriales qui se déroulent à la représentation proportionnelle. Là non plus, la loi n'impose rien que les grands électeurs ne voudraient pas. Elle détermine les conditions dans lesquelles les partis contribuent à la parité pour les élections sénatoriales à la représentation proportionnelle en constituant des listes.
L'amendement introduit dans le texte à l'Assemblée nationale prévoit que figureront sur ces listes autant d'hommes que de femmes, et cela en alternance. Il est fort à craindre, si n'est pas retenue la disposition relative à l'alternance, que les femmes ne seront pas les premières sur les listes... Je ne vais pas refaire la démonstration. Je ne veux pas abuser de la patience de M. Jacques Larché !
Par conséquent, nous nous opposerons fermement à la suppression de cette disposition et donc à cet amendement n° 5.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade. Mme Odette Terrade. L'article 2 du projet de loi, qui introduit dans le code électoral des dispositions à caractère obligatoire visant à assurer l'égalité des candidatures féminines et masculines pour les élections sénatoriales dans les départements élisant au moins cinq sénateurs, où le scrutin proportionnel est applicable - actuellement quinze départements -, a été complété pour répondre au souci, partagé sur la plupart des bancs de l'Assemblée nationale, d'instaurer une parité effective, visible en termes de résultats.
Comme pour les scrutins à deux tours, l'alternance dans l'ordre de présentation des listes a été retenue.
Toutefois, en tenant compte des particularités des scrutins de liste à un tour, du scrutin sénatorial en particulier, où un petit nombre de sièges est à pourvoir dans chaque département, en tenant compte du grand risque de voir les candidates figurer en fin de liste, il a été prévu, à juste titre, que les listes paritaires devront, en outre, être composées selon le principe d'une stricte alternance entre un homme et une femme.
Préconisé par Catherine Génisson dans son rapport au nom de l'Observatoire de la parité, contenu tant dans les recommandations de la délégation parlementaire aux droits des femmes à l'Assemblée nationale que dans divers textes - je pense à votre projet de loi, monsieur le ministre, ou à la proposition de loi de Mme Zimmermann -, le système d'alternance est prescrit comme un remède simple et efficace contre la représentation déséquilibrée des deux sexes à tous les niveaux de responsabilité.
La perspective de voir, dès 2001, ce dispositif impulser une réelle ouverture du Sénat, une plus grande féminisation de notre institution et aussi une plus juste représentation de la population des départements suscite chez certains membres de notre Haute Assemblée, j'en suis conscient, quelques « inquiétudes », alors qu'il s'agit tout simplement de rapprocher le citoyen du politique !
Les habitudes, les mentalités et les conservatismes qui ont conduit une certaine élite masculine à confisquer à son profit le pouvoir politique sont d'une telle lourdeur qu'aujourd'hui il est impossible de prétendre que l'application du principe paritaire se fera sans crispations.
Conjugué à d'autres réformes, le projet de loi que nous examinons devrait permettre de moderniser la vie politique, à condition toutefois que le Sénat, tenant compte des aspirations profondes à un renouvellement de la vie politique d'une majorité de Français, adopte une attitude plus positive envers les projets de loi relatifs au cumul des mandats ou à la future réforme du mode de scrutin sénatorial.
Si ce dernier texte contenant l'élargissement du scrutin proportionnel aux départements élisant au moins trois sénateurs - et non quatre comme vous le souhaitez, messieurs - est voté, trente-cinq départements devront, demain, obligatoirement établir leur liste selon le principe paritaire.
Bien que la volonté des partis politiques soit déterminante pour la réussite de la parité, la seule obligation de listes paritaires ne nous paraît pas suffisante.
C'est pourquoi nous tenons au maintien dans le texte des liste dites « chabada », ou « tic-tac » pour les élections européennes et sénatoriales. Contrairement aux arguments avancés par la commission des lois, qui propose de supprimer ce mécanisme qu'elle juge rigide, nous pensons que cette obligation de composition alternée des listes s'inscrit et dans la lettre et dans l'esprit de la révision constitutionnelle.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je ne peux pas du tout accepter la conclusion de l'orateur précédent, avec laquelle je suis en total désaccord.
Le système qui nous est proposé est une violation de la révision constitutionnelle, je tiens à l'affirmer. J'irai plus loin : il révèle une méconnaissance absolue de la nature d'une élection sénatoriale au scrutin proportionnel.
Quand on constitue une liste, se posent non seulement le problème du sexe, mais aussi celui de la représentation de tel ou tel partie du département, et encore d'autres problèmes importants. De ces réalités, la disposition « chabada » ne permettra pas de tenir compte !
Cela dit, je constate que nous avons réussi à faire en sorte, dans notre département, que des femmes figurant sur notre liste soient éligibles. C'est toujours le même problème : vous niez la volonté des partis et vous ne leur faites pas confiance ! (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Nous, nous faisons confiance aux partis politiques ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Nous estimons que l'obligation d'inscrire sur les listes autant d'hommes que de femmes suffit.
Par conséquent, c'est tout naturellement que nous nous rallierons au texte défendu par notre rapporteur.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Je suis déjà intervenue sur ce sujet hier ; mais il s'agit tout de même ici des élections sénatoriales, monsieur Gélard ! Si nous ne sommes pas tous professeurs de droit, en revanche, nous sommes tous ici sénateurs et tous nous savons ce que sont les élections sénatoriales avec les deux modes de scrutins.
Pour ma part, il s'agit du scrutin à la proportionnelle. Dans un département comme le mien, qui est très grand à tous points de vue, et pas seulement en population, nous connaissons tous ces problèmes d'équilibre, de territoire, comme nous connaissons les problèmes de sensibilité politique, etc.
Je voudrais rappeler un constat : nous sommes 5,9 % de femmes dans cette assemblée. Qu'on le veuille ou non, c'est un véritable scandale ! Lors du dernier renouvellement triennal, en septembre 1998, alors que ce projet de loi avait déjà été déposé et que la parité faisait l'objet d'un débat public, sur les 110 sénateurs concernés, une nouvelle femme seulement a été élue mais pas une femme de plus, car une autre n'a pas été réélue ! Ce dernier renouvellement triennal a amené au total 2,9 % d'élues. A ce rythme, non seulement nous n'avancerons pas vers la parité, mais nous allons même reculer ! En effet, notre assemblée compte actuellement 5,9 % de femmes. Si chaque renouvellement triennal n'en apporte que 2,9 %, je vous laisse imaginer la suite...
Moi, je veux bien tout entendre. La responsabilité des partis politiques ? Oui, nous en sommes tous d'accord. Nous sommes tous d'accord aussi pour dire qu'aujourd'hui encore, telle qu'elle se pratique, la vie politique de notre pays est quand même beaucoup plus faite par des hommes que par des femmes !
Compte tenu du fait que le scrutin sénatorial à la porportionnelle a cette particularité de porter sur de très petits nombres, nous comprenons bien qu'il sera particulièrement difficile d'appliquer la parité et qu'il faudra - et ce sera encore plus cruel - « sortir des sortants » ; mais il doit en être ainsi si nous voulons que la Haute Assemblée cesse d'être, sur ce point, le plus grand scandale des institutions ! Même les conseils municipaux comptent une proportion plus importante de femmes parmi les élus.
M. Philippe Arnaud. Et l'Assemblée nationale ?
Mme Dinah Derycke. A l'Assemblée nationale, aussi, il y a plus de 10 % de femmes élues. Au Sénat, nous sommes 5,9 % ! Nous sommes en dessous de tout...
Comment ne pas faire un pas, alors que nous savons qu'il y a un certain nombre de données sur lesquelles nous ne pouvons pas agir, sauf à se fier à la bonne volonté des partis politiques ? Le système même de l'élection sénatoriale au scrutin majoritaire fait qu'il faudra, vous le savez très bien, de longues années avant que de nombreuses femmes siègent dans cet hémicycle.
J'ai étudié le cas des 19 femmes que compte actuellement notre assemblée. Environ la moitié d'entre elles - je n'ai pas les chiffres exacts en tête, mais c'est à peu près la moitié - ont été élues grâce au scrutin proportionnel ; les autres l'ont été grâce au scrutin majoritaire.
Nous savons très bien que, pour être élu au scrutin majoritaire, en général, il faut avoir déjà occupé des fonctions de maire, de conseiller général ou de président de conseil général ; sont élus des maires qui ont une certaine ancienneté, qui sont un peu des notables, disons-le. Ce n'est pas du jour au lendemain que le scrutin majoritaire nous apportera une pléiade de femmes, il faut être réaliste !
Avec la proportionnelle, en revanche, nous avons une possibilité de faire entrer effectivement un plus grand nombre de femmes dans notre assemblée.
Vraiment, messieurs, est-ce trop que de vous demander de considérer la chose avec un peu plus de réalisme ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Nous aurons décidément du mal à avoir un véritable dialogue sur le sujet avec nos collègues de l'opposition, car ils font une fixation ! Je ne sais pas ce qu'en penseront les femmes de ce pays lorsqu'elles prendront connaissance du Journal officiel relatant ce débat !...
Mmes Dinah Derycke, Danièle Pourtaud et Odette Terrade. Vous pouvez compter sur nous pour leur communiquer vos interventions !
M. Alain Vasselle. Je ne sais pas ce qu'elles penseront de vos affirmations péremptoires et de cette méthode Coué à laquelle vous recourez en affirmant sans cesse un certain nombre de contre-vérités.
Est-ce vraiment une fin en soi que d'obtenir par la loi la présence des femmes dans des assemblées élues ? Est-ce ce qui est important pour que notre démocratie fonctionne bien ?
N'est-ce pas plutôt en fonction de leurs qualitées, de leur compétence, de leurs connaissances, qu'ils soient hommes ou femmes, que l'on doit juger de l'intérêt de la présence de telles ou tels dans telle ou telle assemblée ?
Faire une fixation sur la présence des femmes dans une assemblée uniquement pour qu'il y ait un grand nombre de femmes, c'est avoir une vue un peu courte des choses et une drôle de conception de la démocratie ! Permettez-moi, madame Derycke, de le souligner, car je ne suis pas persuadé que toutes les femmes de notre pays partagent votre analyse.
Je tiens à saluer ici, mes chers collègues, la position du Gouvernement, qui, sur cet amendement de la commission des lois, s'en est remis à la sagesse du Sénat. Pour ma part, j'invite la majorité du Sénat à se rallier à cette proposition, et puisque l'opposition, en principe, soutient le Gouvernement, j'espère que la raison l'emportera sur la passion.
Si le texte de l'Assemblée nationale était adopté, nous pourrions nous livrer à deux constatations.
D'une part, le système du mille-feuille applicable aux listes électorales dans les élections à la proportionnelle ne serait utilisé que pour une seule assemblée. Cela ne serait pas le cas pour les élections municipales, compte tenu de la répartition par groupe de six qui est prévue dans le texte de l'Assemblée nationale.
D'autre part, le Parlement est composé de deux chambres, dans notre pays : l'Assemblée nationale et le Sénat. Puisque la proportionnelle n'est pas le mode de scrutin utilisé pour assurer la représentation à l'Assemblée nationale, on n'a absolument pas l'assurance d'avoir une véritable parité à l'Assemblée nationale alors qu'elle existerait au Sénat si le texte de l'Assemblée nationale était finalement adopté. Il faut donc noter la différence de composition qui pourrait en découler entre les deux assemblées.
Pour assurer cette parité à l'Assemblée nationale, vous vous en remettez aux partis politiques, par l'intermédiaire de sanctions financières, qui viendront en discussion dans un article ultérieur. Mais vous savez bien, mes chers collègues, qu'un certain nombre de partis politiques feront preuve d'hypocrisie ! Vous n'éviterez pas les candidatures de ceux qui n'auront peut-être pas reçu l'investiture du parti, mais qui, en tant que sortants, auront toutes les chances, auprès de leur électorat, d'emporter l'élection. On retrouvera alors une composition de l'Assemblée nationale qui ne correspondra pas du tout à celle que l'on attendait. Vous aurez ainsi souscrit à l'hypocrisie de l'attitude qu'adoptera tel ou tel parti politique au moment des élections législatives.
N'est-ce pas plutôt à l'Assemblée nationale qu'il faudrait s'assurer de l'effectivité de la parité ? En effet, c'est elle qui a toujours le dernier mot sur les sujets de société.
Cela fera une belle jambe aux femmes d'être présentes à parité au Sénat alors qu'elles ne pourront pas influer de manière significative sur les textes qui seront adoptés définitivement à l'Assemblée nationale.
C'est la raison pour laquelle, je le répète, la raison doit l'emporter sur la passion, et je ne doute pas qu'une très forte majorité viendra rejoindre la position défendue à la fois par le Gouvernement et par la commission des lois.
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Tout au long de la discussion, les orateurs de la majorité sénatoriale ont insisté sur la difficulté qu'il y aura à garantir la parité dans l'établissement des listes électorales pour les petites communes.
S'il y a un scrutin qui permet l'établissement de listes en alternance, c'est bien celui des élections sénatoriales : on ne peut pas arguer d'une difficulté à susciter des candidatures ; il ne manque pas dans notre pays de femmes aptes à être sénatrices !
M. Gélard nous a expliqué qu'il était très difficile de constituer des listes parce qu'il y a le nord, le sud du département... qu'il faut tenir compte des novateurs ou des orthodoxes par formation politique... comme s'il n'y avait pas dans le nord ou dans le sud d'un département suffisamment de femmes aptes à être sénatrices, comme si c'était une denrée tellement rare qu'il serait absolument impossible d'établir des listes en alternance.
M. Gélard nous montre du doigt en disant que, finalement, nous n'avons pas confiance dans la détermination des partis politiques.
M. Patrice Gélard. C'est exact !
M. Michel Duffour. Je crois que vous êtes mal placé pour le dire, mon cher collègue, car il suffit de voir notre hémicycle, de savoir combien de femmes ont été élues sénatrices pour constater que, s'il y a des partis qui, justement, ont confiance dans la parité, ce sont bien les partis de gauche, ceux de la majorité plurielle, qui obtiennent des résultats dont vous ne pouvez vous prévaloir.
M. Vasselle explique qu'il y aura une inégalité entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et que si nous établissions la parité ici, elle n'existera toujours pas dans l'autre assemblée. Mais si le Sénat était pionnier dans ce domaine, pensez-vous que ce serait un malheur ? Cela permettrait peut-être, au contraire, de redorer le blason de notre assemblée. Si nous pouvions établir la parité, je crois que nous en serions grandis. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, et sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle. Nous n'avons pas besoin de cela pour redorer notre blason !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je pense que le texte de l'Assemblée nationale mérite de recueillir le soutien de tous, et surtout de nous toutes.
Je répondrai à M. Vasselle qu'obtenir que les femmes soient de plus en plus nombreuses dans une assemblée comme le Sénat est bien une fin en soi. En effet, quand on voit comment le Sénat fonctionne aujourd'hui, quand on écoute les débats qui s'y déroulent, on comprend que l'on surprenne des sourires quand on ose dire à un chauffeur de taxi ou à un garçon de café que l'on est membre du Sénat. «Comment, vous, une femme de votre âge, vous appartenez à ça ? Qu'est-ce que vous faites là-dedans ? »
M. Michel Caldaguès C'est quoi, ça ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous ne voulons pas rester isolées au Sénat ! Nous voulons que celui-ci soit plus représentatif de la population et que les débats qui s'y tiennent reflètent réellement les soucis de nos concitoyens. Si l'on parle si rarement de nos travaux dans la presse, c'est bien parce que les journalistes estiment que ce qui se dit dans notre hémicycle intéresse si peu l'opinion publique que ce n'est pas la peine d'en faire état. Il n'y a qu'à voir, pour s'en convaincre, la place laissée à nos débats dans tous les journaux, quelle que soit leur orientation politique !
Enfin, je crois que la présence de nombreuses femmes dans la vie publique, y compris au Sénat, redonnerait, aux yeux des citoyens, un certain crédit à la politique et rendrait un grand service à la démocratie et à la République. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Vasselle. J'ai pris ce matin un taxi conduit par une femme qui disait tout le contraire de vous, madame ! Elle partageait mon point de vue et pas du tout le vôtre. C'est donc que votre référence n'est pas bonne. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Depuis le début de notre débat, je n'ai pas voulu m'exprimer...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Quel dommage !
M. Dominique Braye. ... mais, à ce moment de la discussion, j'en ai vraiment assez d'entendre des discours convenus, des contrevérités et des propos démagogiques.
Je m'explique.
Quand j'entends dire par Mme Derycke que notre assemblée n'est composée qu'à 5,9 % de personnes du sexe féminin,...
Mme Dinah Derycke. C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais oui, c'est vrai !
M. Dominique Braye. ... je ne peux qu'en convenir, car c'est la réalité. Il n'empêche, madame Derycke ! Vous disiez que nous sommes tous, ici, sénateurs. Peut-être, mais nous n'avons pas tous étudiés de la même façon l'origine de notre institution. Qu'est-ce que le Sénat ? Le grand conseil des communes de France. Et tant qu'il n'y aura pas, à la base, plus de femmes dans les conseils municipaux, dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux, il ne pourra pas y avoir plus de femmes au Sénat. (M. Gélard applaudit.) Le mode d'élection qui caractérise le Sénat fait que, effectivement, toutes les différences sont exacerbées. Donc, contrairement à ce que dit Mme Derycke, le fait qu'il n'y ait pas de femmes au Sénat n'est nullement le résultat d'une volonté ; c'est la résultante de tout ce qui se passe en amont.
Si, dans cette assemblée, il y avait un peu plus de personnes de bon sens, si, sur les travées socialistes, pour défendre ce projet de loi, il n'y avait pas uniquement deux sénatrices élues, l'une, de Paris et, l'autre, d'un grand département et qui ne savent même pas ce qu'est le milieu rural, ce que sont les petites communes...
Mme Odette Terrade. C'est scandaleux ! C'est inadmissible !
M. le président. Madame Terrade, s'il vous plaît !
M. Dominique Braye. C'est vrai ! Il y a aussi des sénatrices qui sont des professionnelles de la politique parce que c'est ainsi au parti communiste : ce sont les permanents qui arrivent aux fonctions.
Mme Odette Terrade. Je ne vous permets pas de mettre en cause ma fonction !
M. Dominique Braye. De toute façon, c'est le parti qui organise tout.
Nous allons examiner prochainement un projet de loi sur mode d'élection des sénateurs. Tout le monde est d'accord pour abaisser l'âge d'éligibilité de trente-cinq ans à vingt-trois ans. Un grand responsable socialiste m'a dit : « Ne te fais pas de souci : que ce soit trente-cinq ans ou vingt-trois ans, cela ne changera rien ! Cela changera quelque chose pour la population, parce que c'est dans l'air du temps : il faut rajeunir la classe politique. C'est un bon message à faire passer. Mais, dans l'hémicycle, cela ne changera rien parce qu'on sait bien que, de toute façon, les grands électeurs éliront quelqu'un qu'ils ont déjà vu sur le terrain, qu'ils ont vu gérer une collectivité et à qui ils pourront faire confiance. Ils voteront pour des gens qui ont déjà un certain passé et qui n'auront donc pas vingt-trois ans. »
Ce que vous nous proposez en fait, on le voit bien, c'est une machine de guerre contre le Sénat. Parce que le Sénat, manifestement, s'oppose actuellement, il faut, par tous les moyens possibles, essayer de le déstabiliser et d'en changer la composition ! Voilà ce que vous êtes en train de faire. Mais alors dites les choses telles qu'elles sont. Dites la vérité, comme cela, peut-être pourrons-nous discuter !
J'aborderai mon dernier point en tant que vétérinaire.
Il y a une vingtaine d'années de cela, à l'époque où les écoles vétérinaires ne comptaient que 10 % de femmes, de grands esprits m'ont dit que la situation était dramatique. Aujourd'hui, les mêmes s'inquiètent de ce qu'il y a 70 % de femmes à l'école vétérinaire d'Alfort et se demandent comment on pourrait faire marche arrière !
Je vous le dis, mesdames, prenez un peu de recul sur toutes ces questions. Madame Derycke, madame Pourtaud, allez un peu plus souvent dans les campagnes et tout ira sûrement beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - Vives protestations sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Il va de soi que, comme mes amis, je voterai l'amendement de la commission des lois.
Mais je voudrais surtout dire que nous n'entendons pas recevoir de leçons de M. Duffour, qui a tendance à parer la gauche plurielle de tous les mérites en ce qui concerne la participation des femmes à la vie publique.
Notre parti, le RPR est le seul mouvement politique en France à avoir à sa tête une femme. J'ajoute que beaucoup d'entre nous ont, dans leurs conseils municipaux, donné des responsabilités à des femmes.
Moi qui, je le dis tout de suite, ne voterai pas cette loi, j'ai fait élire, dès mon premier mandat, un tiers de femmes sur ma liste, puis encore un tiers lors de mon deuxième mandat, et 40 % pour mon troisième mandat. Je précise aussi que la moitié de mes adjoints sont des femmes.
Mme Danièle Pourtaud. Et au Sénat ?
M. Michel Caldaguès. Mais je considère que, s'agissant du Sénat, il est tout à fait irréaliste et absurde de vouloir imposer une alternance homme - femme. Cela ne signifie rigoureusement rien !
Je saisis cette occasion pour dire également qu'il est, à mes yeux, indécent de vouloir promouvoir les femmes dans la vie publique en arrêtant des sanctions financières. Ainsi, maintenant, dans la vie publique, les femmes vont avoir un prix !
Et quand j'entends M. Duffour donner des leçons en employant le terme de « denrée » à propos des femmes, je suis un peu écoeuré ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Gérard Larcher. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Gélard ne demande plus la clôture ?
M. Patrice Gélard. M. le président n'a pas voulu accéder à ma demande !
M. Gérard Larcher. La passion, lors d'échanges qui sont d'ailleurs de qualité variable,...
Mme Danièle Pourtaud. Ça, c'est vrai !
M. Gérard Larcher. ... ne doit pas nous amener à nous transformer, comme Mme Cerisier-ben Guiga tout à l'heure, en procureurs contre notre assemblée.
Je souhaite rappeler que, le 14 mars prochain, dans cet hémicycle, seront rassemblés cinquante-quatre présidents et vice-présidents des Sénats du monde pour montrer combien cette idée est moderne.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Gérard Larcher. A la fin des années soixante-dix, moins de quarante-trois pays avaient une seconde chambre. Aujourd'hui, ils sont soixante-sept, et onze autres pays s'apprêtent à se doter d'une seconde assemblée.
Bien sûr, le rôle de cette seconde chambre varie selon les pays. Il peut s'agir de prendre en compte le fait fédéral ou l'évolution des institutions dans le sens d'une décentralisation. Il peut aussi s'agir d'intégrer les traditions coutumières dans la démocratie, et je pense là au très intéressant débat qu'a suscité tout à l'heure M. Loueckhote.
Bref, le Sénat est une idée moderne, une idée forte. C'est pourquoi il ne faudrait pas que, au détour de cette discussion, nous nous érigions en procureurs contre un système qui assure la stabilité des institutions, qui permet la réflexion à plus long terme. Que serait le système où un seul exécutif et une seule chambre devraient se retrouver en permanence ?
Les uns et les autres, nous avons voulu être élus dans une chambre de ce type et nous devons, en conséquence, mesurer nos propos lorsqu'il s'agit d'évoquer ce que représente notre assemblée. En vérité, elle correspond à une idée moderne, une idée essentielle pour la démocratie.
D'ailleurs, pour sortir des crises en Bosnie-Herzégovine, mais aussi dans les accords de Taëf, on a prévu des secondes chambres afin de permettre l'expression des réalités.
Voilà ce que je tenais à rappeler à cet instant de notre débat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
Mme Yolande Boyer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. On a parlé d'hypocrisie. Mais où est-elle, l'hypocrisie, quand, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous dites : « oui, il faut faire la parité », pour ensuite refuser qu'on s'en donne les moyens. L'hypocrisie, c'est là qu'elle se situe !
Par ailleurs, M. Braye n'était sans doute pas présent dans cet hémicycle lorsque je suis intervenue hier et que j'ai expliqué que j'étais une élue rurale.
Je suis d'ailleurs aussi la seule femme à être entrée dans cette assemblée lors du dernier renouvellement. Je n'en suis pas fière : j'aurais préféré que nous soyons plus nombreuses. Hélas ! alors que vous êtes plus de deux cents dans la majorité sénatoriale, il n'y a que six femmes dans vos rangs. Ne croyez-vous pas qu'il est temps de prendre des moyens pour remédier à cette inégalité ? Notre assemblée n'est pas à l'image de notre société, qui, elle, est composée à égalité d'hommes et de femmes.
Je suis choquée lorsque j'entends certains d'entre vous dire : « J'ai pris dans mon conseil municipal 30 % de femmes ». Vous n'avez pas à prendre ; ce sont elles qui montrent qu'elles veulent exercer des responsabilités !
Hier, plusieurs d'entre vous ont déclaré : « Elles travaillent bien, elles ont des qualités. » Bien sûr que les femmes ont des qualités ! Tout le monde le sait !
Plus les femmes seront nombreuses dans la vie politique, plus celle-ci changera. Aujourd'hui, elles ne sont pas assez nombreuses parce qu'on les empêche d'accéder aux responsabilités.
M. Alain Vasselle. Il faut donc présenter des femmes simplement parce que ce sont des femmes !
Mme Yolande Boyer. Les habitudes, dans notre société, font que les femmes ne sont pas dans la vie publique, et vous êtes bien contents qu'elles n'y accèdent pas.
M. Hilaire Flandre. Pas du tout !
Mme Yolande Boyer. Enfin, je dois dire que j'ai été profondément choquée par les propos qui ont été tenus à l'encontre de mes collègues Mme Dinah Derycke et Mme Danièle Pourtaud. Ce sont, certes, des élues de grandes villes, mais ce sont, exactement au même titre que vous et moi, des membres de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Cornu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Moi, je suis choqué par les propos qui viennent d'être tenus et qui visent à nous faire passer pour des rétrogrades.
Mme Danièle Pourtaud. Triste réalité !
M. Gérard Cornu. Nous sommes pour la parité, nous voulons l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Mais nous voulons agir avec souplesse et pragmatisme.
Mme Danièle Pourtaud. On voit le résultat !
M. Gérard Cornu. Or, qu'il s'agisse des « paquets de six », des listes « chabada » ou des listes « tic-tac », on est en train de tout encadrer ! A force de contraindre, on va arriver à l'inverse de ce que l'on souhaite.
Si, pour les élections sénatoriales, il faut faire des listes « chabada », que va-t-il se passer ? Des sénateurs renonceront à se représenter parce que, avec ces listes, ils n'auront plus aucune chance d'être élus. A moins qu'ils ne constituent leur propre liste et se placent en tête ! Et c'est ainsi qu'on aboutira à l'inverse de ce qui était souhaité, à savoir l'arrivée de nombreuses femmes dans notre hémicycle.
Voilà pourquoi il faut agir avec détermination, certes, pour que les listes soient à parité, mais aussi avec souplesse et pragmatisme.
Mme Hélène Luc. La parité, vous la voulez ou vous ne la voulez pas ?
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Duffour, vous avez déjà expliqué votre vote.
M. Michel Duffour. Mais je voudrais répondre à M. Cornu, monsieur le président.
M. le président. Vous saisirez une prochaine occasion pour répondre à qui vous voulez, mais, pour le moment, je ne peux pas vous redonner la parole.
Personne ne demande plus la parole pour explication de vote ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Cabanel, au nom de la commission, propose de supprimer le 2° de l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel, rapporteur. J'ai l'espoir que cet amendement ne soulèvera pas le fleuve d'interventions que nous voyons se dérouler depuis le début de la discussion des articles. Il concerne en effet simplement la construction architecturale du texte.
Nous reconnaissons que la mention du sexe sera nécessaire mais nous pensons qu'il serait plus opportun de reporter cette disposition à l'article 11 bis, de façon que, dans l'article 298, soient énumérés le nom, le prénom, l'adresse, etc., ainsi que le sexe.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2