Séance du 24 février 2000







M. le président. La parole est à Mme Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et porte sur la situation en Tchétchénie, situation terrible sur le plan humain et sur le plan des droits de l'homme : atrocités, viols, massacres, beaucoup de morts - des deux côtés d'ailleurs - des « camps de filtration », et même des « filtres roulants », des trains, des trafics d'otages...
Grozny est détruite et, cependant, les bombardements se poursuivent.
Bref, c'est un désastre humanitaire qui émeut l'opinion française, une affaire politique qui concerne toute la communauté internationale et que seule la France a dénoncée avec fermeté ; les autres nations européennes n'ont pas relayé cette condamnation.
Ce qui était intolérable en Yougoslavie est donc toléré en Tchétchénie.
Les pressions diplomatiques sont restées limitées et les Russes n'ont pas bougé d'un iota ! Pour eux, la guerre est justifiée : affaire intérieure, souveraineté de la Russie, lutte contre le terrorisme, le banditisme, l'intégrisme... Tout cela n'est pas faux, mais ne justifie ni la guerre, ni cette répression féroce qui s'abat sur les populations civiles. Cela ne justifie pas non plus la modération de l'ensemble des Européens - à l'exception des Français - et des Américains.
Malgré tout cela, Moscou contre-attaque : refus de tout contrôle international, nomination d'une commission pour vérifier les faits et d'un représentant spécial du président Poutine aux droits de l'homme. Moscou ouvre une enquête criminelle, mais contre le président tchétchène et pour rébellion armée. Moscou dénonce les médias occidentaux, français notamment, pour mensonges et bobards.
Monsieur le ministre, entre le crime, la honte et la realpolitik, que faire ? Moscou n'est pas Belgrade, soit, mais peut-il y avoir deux poids et deux mesures ?
Quelle action commune possible envisager ? Peut-on suspendre la Russie du Conseil de l'Europe ? Doit-on envoyer des observateurs internationaux, que la Russie refuse de recevoir ? Comment l'y contraindre ? Enfin, faut-il remettre à plat les programmes de coopération entre l'Union européenne, le Fonds monétaire international et la Russie, et soumettre leurs financements à des conditions strictes ?
Que propose la France, qui, jusqu'à présent, a été un pays moteur ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, dès le début de la guerre en Tchétchénie, la France s'est exprimée avec fermeté et clarté. Force est de reconnaître que sa voix a été relativement isolée.
Sans relâche, nous avons souligné combien, à nos yeux, la Russie se fourvoyait dans son action militaire. Nous l'avons dit aux dirigeants russes, et le ministre des affaires étrangères l'a répété le 4 février à Moscou : il ne peut y avoir de solution militaire à cette crise.
Nul ne conteste le principe de l'intégrité territoriale de la fédération de Russie. La question tchétchène ne peut trouver qu'une solution politique. Les objectifs de préservation de l'intégrité territoriale et de lutte contre le terrorisme ne peuvent en aucun cas justifier des opérations militaires indiscriminées contre les populations civiles et les souffrances qui leur sont infligées. Cela est inacceptable.
Les informations sur les exactions commises à Grozny et dans les « camps de filtration » sont tout spécialement alarmantes.
M. Christian Demuynck. Il y en a d'autres !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. De tels actes sont contraires aux principes élémentaires de la démocratie et aux engagements internationaux auxquels la Russie a souscrit.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une situation d'urgence humanitaire. C'est cette urgence qui guide nos actes. Les autorités russes doivent l'admettre et répondre par des mesures concrètes aux demandes que nous avons formulées.
Je les rappelle telles qu'elles ont été exprimées solennellement par le ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine : cesser immédiatement la répression aveugle et les représailles contre les populations tchétchènes ; permettre sans délai la venue en Tchétchénie des représentants des organisations humanitaires internationales ; autoriser le déploiement d'observateurs du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ; permettre aux journalistes de travailler librement et en sécurité.
La Russie, qui dit aspirer à devenir un grand pays moderne inséré dans la communauté internationale, se doit sans attendre de mettre ses actes en conformité avec cet objectif déclaré.
La coopération de la communauté internationale, en particulier des pays européens, avec la Russie ne peut pas ne pas être affectée par la situation en Tchétchénie. La France a été la première à le dire avec force au sommet de l'OSCE à Istanbul et au Conseil européen d'Helsinki. L'Union européenne a pris des premières mesures en ce sens.
Nous sommes en contact étroit avec nos partenaires pour apprécier avec eux les suites qu'appelle la situation. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

SITUATION AU KOSOVO