Séance du 23 février 2000







M. le président. « Art. 28. _ Les experts auxquels peuvent avoir recours les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les huissiers de justice, les notaires et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent être agréés par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
« Le conseil établit une liste des experts agréés dans chaque spécialité. »
Par amendement n° 21, MM. Bret, Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de cet article, de remplacer le mot : « peuvent » par le mot : « doivent ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Nous abordons ici la situation des experts que j'évoquais dans mon intervention lors de la discussion générale.
Les articles 28 à 34 du projet visent, en effet, en l'absence de toute réglementation relative aux experts, à remédier à cette situation, en prévoyant une procédure d'agrément assortie d'obligations, afin d'assurer la fiabilité des ventes publiques et d'apporter aux consommateurs des garanties.
Toutefois, comme je le soulignais le 10 juin dernier, il est légitime de s'interroger sur le bien-fondé de l'institution d'un tel « statut d'expert », si, d'une part, il n'est pas fait obligation de recourir à des experts présentant les qualités requises pour être agréés et si, d'autre part, aucune qualification professionnelle n'est exigée.
J'avais déposé, en conséquence, un sous-amendement précisant que les conditions d'agrément des experts inscrits sur la liste sont déterminées au regard de leurs capacités et de leur qualification professionnelle par décret en Conseil d'Etat.
A la suite des précisions apportées tant par le rapporteur M. Dejoie que par Mme Trautmann, mon sous-amendement était satisfait et je l'avais donc retiré en séance.
Demeure néanmoins, aujourd'hui encore, l'absence d'obligation pour les maisons de ventes publiques de recourir à des experts agréés. Dans un premier temps, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait adopté un amendement intéressant en ce qu'il imposait aux sociétés de ventes de recourir à ces experts agréés. Il n'a cependant pas été retenu en séance publique et c'est regrettable. Aussi ai-je décidé de le déposer ici même. Je vous propose de remplacer le mot « peuvent » par le mot « doivent ».
Je considère, en effet, qu'il ne faut pas laisser se développer, à côté d'experts qui seraient agréés, d'autres qui ne le seraient pas. Il en va de la moralisation des ventes, de la protection du consommateur et de la sécurité des transactions. Il ne s'agit en aucune manière, après avoir supprimé le monopole des commissaires-priseurs, d'en introduire un autre.
Nous sommes ici dans le domaine même des compétences des experts. Il est normal d'encadrer un tant soit peu cette profession qui, jusqu'à présent, s'est développée sans garde-fou.
Dans le même esprit, je voterai contre l'amendement proposé par la commission des lois tendant à supprimer, à l'article 29, la limitation du nombre de spécialités dans lesquelles les experts peuvent être agréés par le conseil des ventes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Le présent projet de loi a pour objet de libéraliser l'organisation des ventes. Or, en instaurant l'obligation de passer par un expert, on crée un nouveau monopole, alors que l'on vient de supprimer celui des commissaires-priseurs !
En outre, dans des cas très particuliers, il peut être fait appel à des experts occasionnels, dont on ne voit pas pourquoi ils demanderaient un agrément. Le commissaire-priseur ou le chargé des ventes doit pouvoir faire appel à eux librement.
Je citerai un exemple : pour certifier les oeuvres picturales de M. X, qui n'a pas une réputation extraordinaire, on peut faire appel à un membre de sa famille en mesure d'assurer que c'est bien lui qui les a peintes. Ce n'est pas un expert, mais il peut rendre service au commissaire-priseur. Pour autant, on ne va pas lui demander de se faire agréer par le Conseil des ventes !
L'obligation de passer par un expert crée donc un nouveau monopole. En plus, elle n'est pas indispensable, y compris pour assurer la protection du consommateur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable à cet amendement qui tend à imposer aux sociétés de ventes, aux huissiers de justice et aux notaires le recours à des experts agréés.
D'abord, si l'on institue un régime d'agrément obligatoire, on crée une profession d'experts agréés par le Conseil des ventes. Ensuite, cette réglementation contraignante n'apporte pas véritablement aux consommateurs de garanties supplémentaires par rapport à celles qui sont déjà prévues dans le projet de loi. Enfin, des considérations d'opportunité doivent être prises en compte : il faut éviter dans les cas où les objets mis en vente exigent une expertise spécialisée, que l'absence d'expert agréé dans le domaine considéré n'aboutisse à exclure toute possibilité de recours à un expert, ce qui soulèverait évidemment un problème important !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)

Article 29