Séance du 10 février 2000







M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de résolution n°s 165 et 183 (1999-2000), je donne la parole à M. Schosteck pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, mes chers collègues, la récente parution du livre du médecin-chef de la malnommée « prison de la Santé » a suscité un vif émoi dans notre pays.
Les médias ont largement relayé plusieurs jours durant ce qui apparaît à l'évidence comme une zone d'ombre pour notre République.
Faut-il rappeler son constat, par ailleurs repris dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution des présidents des quatre groupes de la majorité sénatoriale ?
Trois ou quatre personnes par cellule de dix mètres carrés ; rats et cafards dans les couloirs ; vermine dans les matelas ; suicides, automutilations et promiscuité sexuelle terrifiante et intolérable.
Pourtant, si les médias ont permis d'afficher au grand jour ce qui semble parfaitement indigne d'une démocratie moderne, il ne faudrait nullement imaginer que notre assemblée a attendu ce jour pour découvrir le secret des conditions de vie de ceux qui, précisément, sont au secret.
Avant la parution de ce livre, nous nous étions déjà indignés, avec bon nombre de nos concitoyens, des événements proprement scandaleux survenus trois années durant dans la prison de Beauvais où - faut-il le rappeler ? - le directeur de l'établissement et certains membres du personnel se livraient à des actes parfaitement intolérables à l'égard des détenus.
Notre assemblée, il n'y a pas si longtemps, avait attiré l'attention du garde des sceaux, à l'occasion de l'examen du budget de la justice pour 2000, sur un certain nombre de dysfonctionnements graves - c'est le moins que l'on puisse dire - à travers la voix du rapporteur spécial, notre excellent collègue M. Hubert Haenel, et celle du rapporteur de ce jour, M. Georges Othily, qui rapportait alors pour avis sur l'administration pénitentiaire. L'émouvante intervention de M. Robert Badinter - j'ai envie de dire : la plaidoirie - vient confirmer cette réalité.
L'augmentation du nombre des suicides en quelque dix ans - on est passé très exactement du simple au double entre 1990 et 1998 : de 59 à 118 incarcérés - concomitante de la promiscuité et de la vétusté croissante d'établissements trop souvent centenaires, était connue de tous et nécessitait des réponses rapides.
C'est dans cette optique que, sans attendre la présente proposition de résolution et le livre que nous venons d'évoquer, notre assemblée avait, sur proposition de M. Henri de Richemont, étendu les prérogatives de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité aux établissements pénitentiaires.
Parallèlement, nous nous félicitons que l'Assemblée nationale en ce moment même se rallie à nos vues en matière de détention provisoire, à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi sur la présomption d'innocence.
Hier, au début de la discussion générale, le garde des sceaux a insisté sur la nécessité d'éviter les abus en matière de détention provisoire, celle-ci devant être l'exception, le dernier recours après d'autres mesures de contrôle judiciaire.
Par ailleurs, j'ai bien noté la volonté d'entamer une réflexion sur le placement sous surveillance électronique pour que celui-ci ne reste pas lettre morte, permette une alternative réelle et concrète à la détention et ne soit pas - j'ai relevé avec satisfaction la nuance - une extension du contrôle pour ceux qui n'auraient été soumis qu'à un contrôle judiciaire.
Je me réjouis que la volonté de rendre nos établissements pénitentiaires dignes de notre démocratie soit transversale dans nos rangs, ainsi que dans ceux de nos collègues de l'Assemblée nationale.
Cela est absolument essentiel, au nom des droits de l'homme, d'une part, mais également pour le bon fonctionnement de notre société, d'autre part.
Certains s'indignent, pas dans cet hémicycle, heureusement, du fait que l'on s'intéresse aux détenus alors qu'il y aurait d'autres priorités dans notre pays.
J'aimerais leur rappeler que la prison n'est pas seulement un lieu de sanction pour des infractions commises contre l'ordre public ; la prison n'est pas un lieu où l'on se contente de tenir des individus déviants à l'écart du grand nombre, d'autant plus que s'y trouve, on l'a rappelé, un grand nombre de détenus non condamnés.
La prison, en revanche, se doit d'être, sinon elle ne remplirait pas ses missions citoyennes, un lieu de réinsertion, et non une spirale de l'exclusion comme elle semble l'être, hélas ! dans trop de cas.
La prison a une fonction sociale de réinsertion des personnes condamnées, afin qu'elles puissent, une fois leurs fautes payées, reprendre une vie normale comme tout un chacun. Cela ne sera possible que si la prison devient ce qu'elle doit être avant toute chose, humaine.
Notre groupe votera donc bien évidemment cette proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les établissements pénitentiaires. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de résolution n°s 165 et 183 (1999-2000).

(Ces conclusions sont adoptées.)
M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.

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