Séance du 8 février 2000







M. le président. La parole est à Mme Derycke, auteur de la question n° 679, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, et de l'ensemble du Gouvernement sur les inquiétudes très fortes des salariés d'Alstom, dont l'entreprise a fusionné, pour sa partie énergie, avec l'entreprise ABB.
Ces graves préoccupations se fondent sur des raisons sérieuses.
D'une part, le groupe semble avoir la volonté d'opérer une réorganisation par produits qui, en désolidarisant juridiquement les diverses activités d'une entreprise et leur multidisciplinarité, remet en cause des savoir-faire, sapant ce qui fait la force de certains lieux de production et assure du même coup la pérennité de ceux-ci.
Ainsi, l'usine de Lys-lez-Lannoy, dans le Nord, serait rattachée au secteur « chaudières », que l'on dissocierait du secteur « environnement et services ».
D'autre part, un document confidentiel émanant de la direction du groupe prévoit une suppression de 346 postes dans le secteur « chaudières ». Or ce nombre correspond à l'effectif de l'usine de Lys-lez-Lannoy, seule usine du groupe en France à produire des chaudières.
Bien que la direction n'ait pas publiquement confirmé ces projets, l'ensemble de ces informations reste très préoccupant, d'autant que les instances de représentation des salariés n'ont pas été consultées et que cela a donné lieu à une procédure dans laquelle les organisations syndicales ont obtenu gain de cause.
La direction du groupe met en avant le déficit de l'usine de Lys-lez-Lannoy. En fait, ce déficit est largement organisé : le carnet de commandes du groupe est satisfaisant, mais les travaux, au lieu d'être confiés à l'usine, le sont à des entreprises sous-traitantes.
Il est essentiel que la direction du groupe s'engage à donner du travail à l'usine implantée dans le Nord, dont le savoir-faire est mondialement reconnu.
La réduction du temps de travail doit aussi être envisagée.
Au demeurant, le site de Lys-lez-Lannoy possède un potentiel de développement important. L'une des voies d'évolution consiste dans l'installation d'un pôle de valorisation des déchets, projet qui avait d'ailleurs été officiellement annoncé par la direction mais qui, à ce jour, n'a pas été mis en oeuvre.
Outre l'emploi qu'il s'agit de défendre, c'est bien, à l'échelle de notre pays, une partie essentielle de la filière énergétique ainsi que les fondements d'une politique de développement durable qui sont en jeu.
Compte tenu de l'ampleur de cette réorganisation et de ses implications, notamment en matière d'emploi, et particulièrement au coeur du versant nord-est de l'agglomération lilloise, frappée de plein fouet par les restructurations industrielles, je souhaite que le Gouvernement poursuive et accentue son effort de prise en compte de ces problèmes.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Madame la sénatrice, retenu par un certain nombre d'obligations, Christian Pierret a néanmoins tenu à vous apporter, concernant la situation de l'usine de Lys-lez-Lannoy du groupe ABB-Alstom, les éléments de réponse qui suivent.
La société Alstom a fusionné, en 1999, ses activités de production d'équipements énergétiques avec celles du groupe ABB, pour donner naissance à une nouvelle unité juridique dénommée ABB Alstom Power.
Cette opération s'inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste de réorganisations structurelles ayant touché, ces dernières années, la totalité du secteur industriel concerné. Elle s'inscrit également dans un contexte économique général particulièrement difficile du secteur des équipements.
Le site de Lys-lez-Lannoy est l'unité française du groupe ABB Alstom Power spécialisée dans la réalisation d'éléments de chaudières de combustion. Les produits fabriqués par ce site concernent deux marchés principaux : les chaudières de combustion de forte puissance, destinées à la production d'énergie, et les systèmes d'incinération d'ordures ménagères. Pour diverses raisons, ces deux marchés se situent actuellement à un niveau très faible dans notre pays et les commandes passées au nouveau groupe, dans ce domaine, sont en majorité destinées à la grande exportation.
ABB Alstom Power se trouve désormais contrôler quatorze sites de production, celui de Lys-lez-Lannoy et treize autres sites, dans les domaines d'activités relatifs aux chaudières de combustion.
A la connaissance de mon collègue de l'industrie, l'analyse des réorganisations industrielles qu'entraînera la création d'ABB Alstom Power n'est pas complètement achevée. Il semble donc aujourd'hui difficile de tirer des conclusions sur la manière dont ces réorganisations affecteront les sites de production de ABB Alstom Power, notamment celui de Lys-lez-Lannoy. Cependant, compte tenu du contexte que j'ai rappelé, il convient d'être attentif aux conséquences qu'aura la réorganisation en cours sur le site de Lys-lez-Lannoy, situé dans une région de longue tradition industrielle, et déjà durement éprouvée.
M. Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Christian Pierret ont ainsi récemment reçu le président du groupe ABB Alstom Power afin de lui faire part des préoccupations que suscite, sur le plan industriel en général, mais surtout à l'échelon local, la réorganisation actuellement en cours au sein de son groupe et de souligner la nécessité de porter la plus grande attention sur les conséquences sociales de cette réorganisation.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement et, en particulier, le secrétaire d'Etat à l'industrie veilleront, dans toute la mesure possible, à ce que la direction de l'entreprise n'échappe pas à ses obligations légales et morales.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Je ne doute pas de la vigilance du Gouvernement sur ce dossier.
Je tiens à rappeler qu'Alstom a fondé ses activités - et retiré les bénéfices qui en découlent - sur les commandes publiques.
Je l'ai dit, si le marché national est étroit pour l'activité que j'ai évoquée, des perspectives beaucoup plus encourageantes existent à l'exportation. D'ailleurs, de nombreuses commandes sont passées, mais elles sont confiées, en France même, à des sous-traitants, non à l'usine du groupe. Il y a donc là une volonté délibérée.
Après la fermeture des usines de la Lainière de Roubaix, de Levis, de Cerflex, de Meillassous, et d'autres encore, nos concitoyens sont de plus en plus révoltés de voir la logique financière l'emporter et de constater que les hommes sont sacrifiés.
Alors que le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité absolue et que cette politique est en train de réussir grâce aux efforts consentis par l'ensemble de nos concitoyens, nous ne pouvons admettre que, au nom de la mondialisation et de la recherche du plus grand profit, on ferme des unités de production à tout va, sans considération pour ceux qui y travaillent.

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