Séance du 22 décembre 1999







M. le président. Je suis saisi par M. Marini, au nom de la commission des finances, d'une motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
« Considérant que, si le projet de loi de finances rectificative réduit le montant du déficit budgétaire pour 1999, il entraîne par ailleurs une nouvelle progression du montant des dépenses publiques ;
« Considérant que le Sénat reste attaché aux principes fondamentaux d'annualité et de sincérité budgétaires, et qu'il appartient que ceux-ci soient pleinement respectés par le Gouvernement, notamment pour ce qui concerne l'estimation des recettes de l'Etat ;
« Considérant que, malgré un nombre significatif d'accords avec le Sénat sur des articles fiscaux, l'Assemblée nationale est revenue en nouvelle lecture sur des apports essentiels du Sénat tant en matière de politique budgétaire qu'en ce qui concerne la fiscalité ;
« Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 152). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur général, auteur de la motion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les choses sont claires : la conjoncture nous autorise à imaginer une politique budgétaire différente, une politique qui favorise les transformations et les réformes de structures dont notre pays a besoin.
Mais cette politique, qui devrait mettre l'accent sur l'impérieuse nécessité de réduire les prélèvements obligatoires et les impôts, tous les impôts, nous ne la voyons pas venir. Les paroles ne correspondent pas aux actes : l'année 1999 sera, en effet, l'année record pour les prélèvements obligatoires.
Alors que la politique que nous souhaiterions voir mise en oeuvre se caractérise par la transparence et la complète sincérité, nous avons bien vu que, s'agissant de la question emblématique des recettes fiscales pour 1999, il a vraiment fallu que le Gouvernement se trouve placé dans des circonstances bien particulières pour que l'existence de la fameuse « cagnotte » soit admise, alors que, jusque-là, elle avait été niée, presque contre toute évidence.
Une politique conforme à nos voeux rendrait au rôle du Parlement, à l'apport de celui-ci dans la discussion des textes financiers, un lustre qui se ternit d'année en année. (M. le ministre s'exclame.) Cette politique devrait tendre, dans le respect des institutions de la Ve République, à ce que des choses qui datent de 1959 soient replacés dans le contexte d'aujourd'hui. Il faut que l'on accepte enfin que, dans le budget de l'Etat, il y ait l'investissement et son financement, le fonctionnement et son financement, et qu'il y ait, d'un côté, les finances de l'Etat, de l'autre, les finances de la sécurité sociale, le tout devant cependant être présenté de manière cohérente, car il s'agit bien des mêmes prélèvements obligatoires et des mêmes problèmes de répartition.
Une politique conforme à nos voeux mettrait également l'accent sur la nécessité d'une meilleure maîtrise de la dépense publique. Or les signaux que vous adressez, monsieur le ministre, pour d'évidentes raisons d'arithmétique parlementaire à l'Assemblée nationale, suscitent toujours l'espoir irraisonné, ici ou là, qu'une manne publique toujours croissante pourra être répartie et que l'on pourra sans cesse engager de nouvelles dépenses pour satisfaire telle ou telle catégorie, surtout si elle constitue une composante de votre électorat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'y a-t-il de commun entre la politique illustrée notamment par le collectif budgétaire, même rectifié, et la politique dans laquelle se reconnaîtrait la majorité sénatoriale ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a très peu de points communs entre nous,...
MM. Claude Estier et Gérard Miquel. C'est bien vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... entre les grands axes de la politique budgétaire et les grandes orientations auxquelles nous sommes susceptibles de nous référer.
Dans ces conditions, mieux vaut en prendre acte et éviter des débats qui seraient stériles. En effet, l'Assemblée nationale reconnaissant pour siens des principes qui ne sont pas les nôtres, nous risquerions de voir notre travail d'orfèvres-législatifs à nouveau battu en brèche, sur bien des points, par la majorité de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je préconise, mes chers collègues, le vote de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Portalis en a un haut-le-coeur ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Angels, contre la motion.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera très brève, dans la mesure où nous avons déjà longuement débattu de ce collectif budgétaire.
Je note tout d'abord que la majorité du Sénat approuve de nombreux points de ce texte. Cependant, je regrette que l'auteur de la motion ait évoqué une « non-sincérité budgétaire », alors que, comme je l'ai rappelé lundi dernier, le gouvernement actuel a toujours atteint les objectifs qu'il s'était fixés, ce qui n'était pas le cas des gouvernements précédents que la majorité du Sénat soutenait.
M. Jean Chérioux. Et ceux d'avant ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et les précédents des précédents ?
M. Bernard Angels. Monsieur le ministre, il faut poursuivre la politique menée depuis 1997 qui a permis de relancer la consommation, de réduire le chômage et les déficits budgétaires. Nous savons pouvoir compter sur vous pour tenir le cap ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 217
Contre 99

En conséquence, le projet de loi est rejeté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ordre du jour de la dernière séance de l'année étant épuisé, je tiens, avec M. le président du Sénat, à la veille de l'an 2000, à vous souhaiter de bonnes fêtes ainsi qu'un repos bien mérité, et à vous adresser des voeux de bonne et heureuse année. (Applaudissements.)

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