Séance du 16 décembre 1999







M. le président. « Art. 1er. - I. - Après l'article 180 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, il est inséré un article 180-1 ainsi rédigé :
« Art. 180-1. - I. - A l'occasion de toute augmentation de capital par émission d'actions nouvelles d'une société cotée ayant distribué au moins deux dividendes au cours des trois derniers exercices, 5 % des actions nouvelles doivent être proposées à l'ensemble des salariés, sous réserve d'une durée minimum d'ancienneté dans l'entreprise qui ne peut excéder un an, à un prix de souscription préférentiel, inférieur de 20 % au prix d'émission. Ces actions sont incessibles pendant cinq ans à dater de leur souscription.
« Ce rabais peut cependant aller jusqu'à 50 % du prix d'émission si les actions ainsi souscrites sont incessibles pendant un délai de 10 ans à compter de leur souscription.
« Ce rabais peut être compris entre 20 % et 50 % du prix d'émission si les actions ainsi souscrites sont incessibles pendant un délai allant de 5 à 10 ans à compter de leur souscription, le rabais étant d'autant plus élevé que le délai est long.
« L'assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire selon le cas, et après information préalable du comité d'entreprise, le montant de ce rabais.
« L'assemblée générale extraordinaire peut décider que la disposition prévue au premier alinéa vise également les salariés des sociétés dont 50 % au moins du capital est détenu, directement ou indirectement, par la société émettrice.
« II. - Les actions proposées sont réparties entre les salariés sur le fondement d'un accord collectif.
« Les actions doivent être souscrites dans un délai d'un mois à compter de la décision de l'assemblée générale autorisant l'augmentation du capital.
« Les actions souscrites dans les conditions prévues par le présent article sont obligatoirement nominatives. Les salariés peuvent souscrire à l'augmentation du capital, soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement d'entreprise régi par le chapitre III de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances. Un salarié ne peut souscrire que dans la limite d'une somme égale à la moitié du plafond annuel retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
« III. - Les dispositions prévues au I et au II peuvent s'appliquer aux sociétés non cotées sur décision de l'assemblée générale extraordinaire. Mais, dans ce cas, les actions ne peuvent être souscrites que par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement d'entreprise.
« IV. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
« II. - L'article 92 D du code général des impôts est complété, in fine , par un paragraphe ainsi rédigé :
« 7° A la cession des titres acquis dans les conditions prévues par l'article 180-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. »
« III. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 442-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces délais ne s'appliquent pas si les droits constitués au profit des salariés sont utilisés pour souscrire à une augmentation de capital dans les conditions prévues à l'article 180-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. »
« IV. - L'article L. 443-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce délai ne s'applique pas si la liquidation des avoirs acquis dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise permet au salarié de souscrire à une augmentation de capital dans les conditions prévues à l'article 180-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. »
M. Jean Chérioux, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux, rapporteur. Cet article 1er prévoit que 5 % des actions émises lors d'une augmentation de capital doivent être réservées aux salariés à des conditions préférentielles.
Une telle disposition se retrouve dans des rédactions très proches à la fois à l'article 1er de la proposition de loi n° 52 et aux articles 4, 5 et 6 de l'excellente proposition de loi n° 87 de M. Jean Arthuis.
En réalité, ce dispositif s'inspire directement d'une proposition de loi présentée à l'Assemblée nationale par M. Edouard Balladur et un certain nombre de ses collègues, proposition de loi qui a été rejetée lors de la séance publique du 20 mai 1999.
La rédaction que propose la commission des affaires sociales prévoit cependant quelques adaptations par rapport au dispositif présenté à l'Assemblée nationale, comme vous l'avez souligné dans une certaine mesure, madame la secrétaire d'Etat.
Premièrement les conditions préférentielles sont harmonisées avec celles des dispositifs d'épargne salariale. Les salariés bénéficient d'une décote de 20 %, mais les titres sont bloqués pendant cinq ans. La décote peut atteindre 50 %, mais les titres doivent alors être bloqués dix ans. La décote doit se concevoir en quelque sorte non pas comme un cadeau de l'entreprise mais comme une forme de provision pour risque pour permettre au salarié de subir un moindre risque dans la détention de ses titres : dix ans, c'est quand même long. Il est donc logique que la décote soit fonction de la durée de blocage. En outre, elle ne comporte pas d'exonération de cotisations sociales ni de prélèvements sociaux autres que celles du PEE, puisqu'on ne fait que reprendre le régime de celui-ci.
Deuxièmement, ce dispositif s'intègre dans le cadre de la négociation d'entreprise et favorise le dialogue social, comme vous avez bien voulu le souligner tout à l'heure. Tout d'abord, le montant de la décote est fixé après information préalable du comité d'entreprise. Surtout, le fonctionnement du dispositif exige un accord d'entreprise qui fixe les modalités de répartition des actions. Les partenaires sociaux sont donc bien présents.
Troisièmement, ce dispositif n'affaiblit pas les mécanismes actuels d'épargne salariale. Au contraire, il a vocation à s'y intégrer. Il prévoit en effet deux types de souscription : une souscription individuelle ou, ce qui semble préférable, une souscription par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement d'entreprise dans le cadre d'un PEE. Il est d'ailleurs clair que cette solution sera la plus fréquente, car elle ouvre la voie à un abondement de l'entreprise, conformément au droit commun du PEE. A des fins de prudence, seule une gestion collective, et donc mutualisée, serait autorisée pour les entreprises non cotées.
Quatrièmement, c'est un dispositif souple qui respecte les spécificités de chaque entreprise et de chaque salarié. Le salarié est libre d'adhérer ou de ne pas adhérer ; il faut choisir une gestion individuelle ou collective.
Cinquièmement, c'est un dispositif équitable, car il prévoit des possibilités de financement de l'opération pour les salariés. Ceux-ci peuvent, en effet, débloquer les sommes placées sur les PEE ou dans la participation pour acquérir les actions, s'ils choisissent un actionnariat individuel.
Toutes ces dispositions garantissent alors le caractère équilibré de ce dispositif, qui a un double intérêt : il permet, évidemment, l'émergence de l'actionnariat salarié dans les sociétés où celui-ci n'existe pas ; il est un remède - et c'est important, car c'est actuellement un souci - contre la dilution de la part de l'actionnariat salarié que l'on constate au moment des augmentations de capital, car les salariés ont tendance à ne pas utiliser leur droit préférentiel de souscription.
J'observe d'ailleurs que le dispositif proposé par la commission des affaires sociales n'ouvre la voie à aucune des critiques qu'avait émises le Gouvernement, comme vous avez bien voulu le reconnaître tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet article 1er.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre tous les articles, ainsi que contre l'ensemble du texte.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Je voudrais faire deux observations.
Tout d'abord, lorsque l'on indique que, « à l'occasion de toute augmentation de capital par émission d'actions nouvelles d'une société cotée ayant distribué au moins deux dividendes au cours des trois derniers exercices, les options de souscription devront être offertes à l'ensemble des salariés », il ne faut pas oublier que ces sociétés sont des groupes ; les options de souscription devront donc être offertes à l'ensemble des salariés du groupe, faute de quoi on pourrait imaginer des manoeuvres visant à isoler la société cotée en bourse des participations.
Nous souhaitons donc bien signifier, par notre vote, que ce dispositif - mais peut-être faudrait-il trouver une rédaction encore plus satisfaisante - vise l'ensemble des salariés d'un groupe.
Quant à l'idée d'une décote à 50 %, émise par notre excellent collègue Jean Chérioux, elle me séduit. Toutefois, je ne suis pas sûr que sa mise en pratique soit très facile. En effet, il faudra attendre dix ans pour valider les conditions offertes au moment de la souscription, et lorsque, malheureusement, on devra interrompre le processus, je ne sais pas très bien ce qui se passera.
Néanmoins, parce que M. Chérioux est un homme de conviction, je ferai un acte de foi en votant ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2