Séance du 16 décembre 1999







M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
L'assassinat du préfet Erignac, le 6 février 1998, est l'action la plus odieuse et la plus symbolique qu'une poignée de clandestins nationalistes corses ait jamais porté contre la République.
Passant sur l'épisode tragico-comique de l'incendie d'une paillote, sur celui de l'emprisonnement d'un préfet, sur la fuite, favorisée semble-t-il par un service de police, de l'assassin présumé du préfet Erignac,...
M. Raymond Courrière. On ne va pas revenir là-dessus !
M. Bernard Fournier. ... nous constatons que l'image de l'Etat en Corse est victime de dysfonctionnements gravissimes.
M. Raymond Courrière. Jospin, il vous donne des leçons !
M. Bernard Fournier. Cette image, qui aurait dû être celle d'un Etat de droit, est un peu plus bafouée aujourd'hui, avec l'aveu de faiblesse et d'impuissance que le Gouvernement vient de faire en début de semaine. (Oh là là ! sur les travées socialistes.)
M. le Premier ministre affirmait, voilà peu de temps encore, qu'aucune discussion institutionnelle n'était compatible avec le recours à la violence. Il soulignait alors que la question corse était non pas une question de statut mais un problème de violence.
Et que constatons-nous ? Que vous ouvrez les portes de Matignon à ceux qui ont refusé...
M. Raymond Courrière. Dites-le à Rossi !
M. Bernard Fournier. ... de condamner les assassins du préfet Erignac (C'est vrai ! sur les travées du RPR), à ceux qui ne se sont jamais cachés de leur soutien aux auteurs d'attentats.
M. Raymond Courrière. Vous avez tellement réussi de votre côté ?
M. Bernard Fournier. Pour tenter d'obtenir un simulacre de paix civile, vous semblez négocier un changement institutionnel pour l'île. Vous oubliez que cette solution n'est pas celle que les Corses souhaitent : les résultats de chaque élection manifestent incontestablement l'attachement de la Corse à la France.
M. Raymond Courrière. Dites-le à Rossi !
M. Bernard Fournier. Mesdames, messieurs du Gouvernement, la Corse, c'est la République !
Compte tenu de votre revirement à l'égard de cette partie de notre territoire national, pouvez-vous indiquer au Sénat si votre souhait est de conduire la Corse vers un nouveau statut, un statut d'autonomie substantielle, qui l'éloignerait un peu plus du continent ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, que nous retrouvons avec plaisir après ses ennuis de santé.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Merci, monsieur le président. Le plaisir est réciproque.
M. Le Premier ministre, en voyage officiel au Japon, m'a chargé de répondre à votre question, monsieur le sénateur.
M. Jospin a reçu à Matignon, lundi dernier, les élus de la Corse, les présidents des exécutifs, les responsables des groupes représentés à l'Assemblée de Corse et les parlementaires. Pourquoi une telle initiative sans précédent, qui semble vous émouvoir, monsieur le sénateur ? Parce qu'il fallait sortir d'une situation de blocage, parce qu'il fallait le faire par le dialogue dans la transparence, au grand jour - là encore, c'est nouveau -...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, c'est nouveau !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. ... comme le souhaitent les Corses et tous ceux qui sont attachés à ce qu'une réponse durable soit enfin apportée au problème corse, resté sans solution - faut-il le rappeler, monsieur le sénateur ? - depuis des années. (Très bien ! sur les travées socialistes.) Ceux qui sont venus à cette réunion ont exprimé, avec une grande liberté, leur diversité, leurs différences mais aussi des préoccupations parfois communes.
Le Premier ministre a redit, bien sûr, que, en Corse, l'Etat condamnait et combattait la violence et continuerait à le faire. Il a redit que notre démarche commune, qui relevait de notre légitimité reçue du suffrage - le Gouvernement et les élus de la Corse - impliquait que nous agissions selon les règles de la démocratie et de la République.
Les thèmes abordés ont été extrêmement divers : la langue, la culture, les problèmes de fiscalité, les problèmes de développement, la façon de travailler ensemble, le statut, ses aménagements ou sa réforme plus profonde, l'insularité.
A l'issue de cette longue discussion, chacun étant d'accord pour prolonger la démarche engagée, le Premier ministre a proposé une méthode de travail fondée sur une profonde conviction : le Gouvernement a besoin d'élus de la Corse qui prennent leurs responsabilités, qui travaillent ensemble et qui font des propositions.
C'est donc, dans un premier temps, aux élus de la Corse, dans leur diversité, confrontés parfois à des contradictions ou à des divergences, mais aussi avec un même vécu de l'île, de définir ensemble les thèmes qui doivent être abordés pour la poursuite de cette concertation. (M. du Luart s'exclame.)
Des propositions doivent être faites. Pourquoi ne pas envisager, ensuite, des groupes de travail ? Une prochaine étape qui pourrait avoir lieu en février ou en mars prochain permettra au Premier ministre de renouveler cette initiative à l'hôtel Matignon.
Il est souhaitable que ce qu'on appelle les représentants de la société civile ou les forces vives de l'île puissent aussi être associés à cette discussion.
En tout cas, au-delà des interrogations, cette réunion a suscité aussi un certain espoir. J'espère que cette aspiration est commune. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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