Séance du 16 décembre 1999







M. le président. « Article unique. - Les neuvième et dixième alinéas de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
« Toutefois, sans préjudice des dispositions applicables aux activités réglementées, les communes peuvent exiger des intéressés ou de leurs ayants droit une participation aux frais qu'elles ont engagés à l'occasion d'opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive ou de loisir. Elles déterminent les conditions dans lesquelles s'effectue cette participation, qui peut porter sur tout ou partie des dépenses.
« Les communes sont tenues d'informer le public des conditions d'application de l'alinéa précédent sur leur territoire, par un affichage approprié en mairie et, le cas échéant, dans tous les lieux où sont apposées les consignes relatives à la sécurité. »
Sur l'article unique, la parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Je tiens tout d'abord à remercier M. Rinchet de son excellente analyse, dont je regrette cependant la « chute », encore qu'il ait admis que l'abstention du groupe socialiste serait plutôt positive. (Sourires.)
Puisque l'on a fait allusion aux assurances, permettez-moi de rappeler que ce sont des sommes colossales qui sont encaissées par les assureurs au titre de cotisations diverses pour couvrir telle ou telle activité, notamment périscolaire, au titre de la responsabilité civile, pour l'assurance générale du domicile ou encore par le biais des cartes bancaires. Et ces sommes ne sont jamais mobilisées pour des opérations de secours, même sur des sites bien déterminés, comme des plages parfaitement surveillées ou le territoire des stations de sports d'hiver, hors les pistes de ski. C'est dire si les assurances considéreraient avec peu d'enthousiasme l'éventualité d'être amenées un jour à contribuer.
Nous sommes tous ici d'accord sur le principe, y compris M. Foucaud : nous nous inscrivons dans une démarche pédagogique, raison pour laquelle il faut, tout en respectant la liberté de chacun, former et informer, et veiller à ce que la pratique des sports dangereux soit encadrée par des professionnels.
Mais une fois que l'on s'est mis d'accord sur le principe, on n'a rien réglé pour autant ! Ma proposition consiste donc à faire participer tout le monde à un petit effort collectif.
L'Etat le fait à sa façon, tout comme le département, par les SDIS. Reste l'assurance. Et savez-vous quel serait le coût de l'assurance pour de telles activités si elle était répartie sur l'ensemble des Français ? Quinze francs par personne et par an !
A défaut de cette effort collectif via l'assurance, monsieur le secrétaire d'Etat, il convient que le Gouvernement renonce à se faire rembourser les frais, comme il s'en est réservé le droit, et que donc ce soit l'ensemble de la collectivité nationale qui assure, par le biais de la péréquation, les frais de secours engagés par les communes. Il ne faut pas que ce soit la petite commune qui assume, sur ses seules ressources, le poids des risques courus par la foule des touristes déferlant sur son territoire. Tel est l'objet de la proposition de loi.
Mais si ce n'est pas l'ensemble de la communauté nationale qui assume le coût, alors ce sont les bénéficiaires des secours qui doivent contribuer.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je veux apporter quelques précisions à la suite de ce débat intéressant mais qui, nous le sentons bien, n'a pas été mené jusqu'à son terme.
La proposition de la loi de M. Faure a le mérite d'aborder un problème réel. Nous voyons bien le conflit entre la liberté et le développement prodigieux des sports et des loisirs. Le législateur ne peut que constater l'engouement de plus en plus grand de nos concitoyens pour les sports à risque. D'ailleurs, votre proposition de loi, monsieur Faure, concerne non pas seulement les communes de montagne, mais aussi toutes les communes à partir du moment où il est possible de pratiquer sur leur territoire une activité sportive et de loisir.
Adopter un dispositif trop contraignant en ce domaine reviendrait à contrarier les grands principes qui sont les nôtres et qui ont été évoqués ici, à savoir la gratuité des secours et la liberté de pratiquer une activité physique et sportive.
Deux pistes ont été suggérées.
En premier lieu, il s'agit de la prévention et de l'information, thèmes traités par vous-même ainsi que par MM. Rinchet et Foucaud.
Sur ce plan, des campagnes télévisées sont en cours, notamment en direction des jeunes, avec, par exemple, une incitation au port du casque. Une campagne, actuellement en préparation avec la SNCF, va être diffusée dans les gares, au moment des départs en vacances, et d'autres sont relayées par la commission de sécurité des consommateurs.
Nous avons saisi le bureau de vérification de la publicité à propos des spots publicitaires qui peuvent inciter à l'imprudence, voire à des prises de risques considérables. Je pense ici à ces belles images de saut à ski, sans parler de films récents, comme le dernier James Bond, qui peuvent inciter les jeunes à préférer des sports dits « extrêmes ».
En second lieu, M. Rinchet a proposé la réunion d'une table ronde avec les services de l'Etat, les élus locaux, les assureurs et les fédérations sportives. Ces dernières sont cependant moins concernées, si j'en juge par l'attitude très responsable de certains, les spéléologues par exemple. Ainsi dans l'affaire du gouffre de Gramat, on ne peut pas dire que les spéléologues aient été imprudents. Les prévisions météorologiques n'étaient pas mauvaises. On ne peut pas plus dire qu'il s'agissait de personnes inconscientes, car elles se sont sauvées elles-mêmes dans des conditions difficiles, bien qu'il ait fallu engager des frais pour leur porter secours.
Cette proposition de table ronde mérite d'être étudiée par le ministère de l'intérieur, de façon que l'on essaie d'avancer sur des propositions raisonnables.
Pour ce qui est de la proposition de loi de M. Faure, dont on comprend la démarche, je crains qu'elle n'apparaisse comme une limite apportée, par l'initiative communale, à la pratique de certains sports et qu'elle n'entraîne des situations d'inégalités fortes. Je le ressens ainsi.
Je crains également que l'affichage prévu ne permette à certaines communes de s'exonérer pour toute pratique sportive. Cela ne manquerait pas de susciter des réactions de la part de nos concitoyens, dans les Alpes en particulier, et cela mérite réflexion.

Intitulé

M. le président. La commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi tendant à permettre une participation des pratiquants d'activités sportives ou de loisir aux frais de secours engagés par les communes ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission, je donne la parole à M. Descours, pour explication de vote.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai écouté ce débat avec beaucoup d'intérêt.
Je voudrais dire d'abord à ceux qui récusent la proposition de loi que je n'ai pas été convaincu par leurs arguments, qui sont de trois ordres.
Premièrement, la prévention. Monsieur le secrétaire d'Etat, sur ce point, nous sommes tous d'accord et, en tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, moi aussi, je suis favorable à la prévention. Mais, malgré la prévention, le budget de la sécurité sociale a plutôt tendance à augmenter ! Donc, je crois que la prévention ne répondra pas à toutes les situations.
Deuxièmement, la voie pénale. Mais, comme nos collègues l'ont expliqué, il ne se passe pas de week-end, dans les régions de montagne, sans qu'un ou deux promeneurs ou randonneurs se perdent. Or ce ne sont pas les grandes opérations médiatiques qui posent problème, même si, globalement, elles coûtent fort cher. Non, c'est la multiplication des petites opérations que les communes sont amenées à engager qui pèse. Et, dans ces cas-là, on n'est pas dans le domaine pénal.
Donc, je crois que, malheureusement, si la voie pénale, dans tel ou tel cas, peut être opposée aux imprudents, dans la grande majorité des cas, le maire de telle ou telle commune ne poursuivra pas au pénal un promeneur qui se sera perdu entre dix-huit heures et minuit ! Le pénal ne se justifie que dans des cas extrêmes.
Troisièmement, les grands principes. Moi, je veux bien qu'on me cite les grands principes que rappelle le Premier ministre, mais l'un d'entre nous a expliqué que l'Etat, avec la taxe sur les assurances, perçoit 35 milliards de francs et que les secours lui coûte 300 millions. Eh bien ! que l'Etat applique les grands principes et qu'il casse sa tirelire ! (Sourires.) Qu'il dise qu'il paie désormais les secours ! (M. Jean Faure applaudit.) Alors, là, l'Etat, pour une fois, mettra ses actions en concordance avec les grands principes.
Je considère - mais cette critique ne vise pas spécialement ce gouvernement - qu'on ne peut pas défendre les grands principes et faire une économie de 34,7 milliards de francs avec la taxe sur les assurances au nom de ces mêmes grands principes. Il y a là une discordance absolue entre les grands principes que l'Etat agite devant nous et la façon dont il agit lui-même.
Donc, encore une fois, les arguments qui nous ont été présentés par nos collègues qui étaient soit très réticents, comme M. Foucaud, soit approbateurs mais que la discipline de groupe oblige à s'abstenir, comme notre collègue M. Rinchet, de Savoie, ne m'ont pas convaincu.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Le sénateur d'un département de montagne que je suis n'oublie pas non plus qu'en tant que vacancier il constate chaque année que l'on doit, au moindre coup de vent, aller chercher des véliplanchistes imprudents. Et tout cela aux frais des communes du littoral ! Cette multiplication d'incidents pèse sur les communes, surtout les plus petites.
De quelle égalité parle-t-on alors, si la commune d'Engins doit payer 300 000 francs sur un budget total de 900 000 francs ? Il faudra bien que le maire augmente la pression fiscale locale pour boucler son budget.
Il y a là une véritable inégalité pour des communes dont les citoyens ne sont pas forcément très fortunés, notamment les petites communes, que tout le monde a évoquées et qui ont aujourd'hui à leur charge des coûts qu'elles ne peuvent plus supporter.
C'est la raison pour laquelle le groupe du RPR soutiendra la proposition de loi de M. Jean Faure. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je crois tout de même me souvenir qu'à l'époque où le bien-aimé roi a pris son ordonnance, c'était effectivement, comme le rappelait M. Jean Faure, pour assurer la sécurité des villes et des villages contre le risque d'incendie. A tel point que, lorsqu'on quittait les zones habitées, le dernier relais portait le nom de : « A la grâce de Dieu ». Le roi connaissait donc bien ses limites ! (Sourires.)
Aujourd'hui, l'Etat veut maintenir l'ordonnance royale et assurer la gratuité mais non plus, pour ce qui ne le concerne pas, à la grâce de Dieu, mais à la grâce des communes, à la grâce des finances des communes ! Il y a donc là un transfert, sans pour autant que les communes soient désormais d'essence divine ! (Nouveaux sourires.)
Il faudrait donc revenir à la responsabilité de l'Etat.
C'est pourquoi, en espérant que les différentes lectures permettront de parvenir à un accord, je voterai le texte présenté par M. Faure et excellemment modifié et défendu par M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Je saisis cette ultime occasion d'interroger le Gouvernement. Avez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, ou le Gouvernement a-t-il l'intention, comme le laissait entendre M. le ministre de l'intérieur, de faire inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? Cela permettrait de continuer à approfondir cette question, comme le suggéraient nos collègues MM. Foucaud et Rinchet, et d'avoir un bon débat.
Il serait regrettable qu'après avoir probablement été adoptée par le Sénat - c'est en tout cas ce que je souhaite - cette proposition de loi soit enterrée et le débat arrêté.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'idée d'une table ronde à organiser en début d'année me paraît tout à fait judicieuse.
Quant au calendrier parlementaire, je ne saurais m'engager sur ce point.
En tout cas, la réflexion que vous avez souhaité initier peut être utilement prolongée par cette concertation et déboucher alors sur un texte qui recueille un large agrément.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 267 (1998-1999).
M. Jean-François Picheral. Le groupe socialiste s'abstient !

(Ces conclusions sont adoptées.)

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