Séance du 12 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'enseignement scolaire pour 2000 est d'abord le budget de tous les records.
Le premier record, c'est que, pour la première fois, ce budget dépasse la barre symbolique des 300 milliards de francs, s'établissant à 308,49 milliards de francs.
Le deuxième record, c'est que, avec 3,5 % de hausse des crédits par rapport au budget de l'an dernier, il connaît la plus forte progression de l'ensemble des budgets civils de l'Etat, laquelle ne s'établit qu'à 0,9 %.
Voilà qui constitue, pour les uns, un motif de fierté, et, pour ma part, un vif sujet d'inquiétude.
Le contexte dans lequel évolue le système éducatif français est en effet profondément modifié en raison de la décrue démographique : la décennie quatre-vingt-dix est caractérisée par la chute des effectifs dans le premier et le second degré. Alors que l'augmentation continue des effectifs scolarisés imposait une politique de l'emploi volontariste, l'évolution démographique nouvelle impose un changement d'attitude.
Or le choix politique du Gouvernement est clair : il consiste à ne tirer aucune leçon, sur le plan budgétaire, de la rente démographique ; au contraire, il a été décidé de maintenir inchangé le nombre d'enseignants et, ce faisant, de conforter la logique purement quantitative qui, depuis trop longtemps, préside au fonctionnement du système éducatif.
Cette logique quantitative conduit à l'impasse. Non seulement elle alimente la surenchère budgétaire qui grève les finances publiques en contribuant à perpétuer un déficit budgétaire trop important et à accroître notre dette publique, mais elle représente aussi une facilité qui dispense de mettre en oeuvre des réformes de gestion d'ordre qualificatif.
Quelles réformes de fond nous proposez-vous, monsieur le ministre, madame la ministre ?
Peut-on considérer que la mise en place d'heures de soutien dans les collèges et les lycées, d'ateliers artistiques ou d'une heure d'enseignement de langue répondra au malaise des lycéens ? Peut-on considérer la création de 5 000 emplois-jeunes comme une réponse satisfaisante ?
Pourtant, l'éducation nationale souffre non pas d'un manque de moyens, mais d'un phénomène de « mal-administration », qui trouve sa source, d'une part, dans une gestion insuffisamment rigoureuse de ses moyens et, d'autre part, dans l'illusion, qu'elle entretient, selon laquelle ses problèmes ne peuvent trouver qu'une réponse financière.
Le malaise lycéen, encore vif aujourd'hui, constitue une caricature de cette illusion budgétaire. Alors que les effectifs lycéens diminuent, et continueront de diminuer, et que les taux d'encadrement des élèves se sont constamment améliorés depuis plusieurs années, un sourd mécontentement persiste.
J'estime qu'il est nécessaire de mettre un terme à cette dérive budgétaire permanente. N'oubliez pas, monsieur le ministre, madame la ministre, que je parle au nom de la commission des finances ; mes propos ont donc inévitablement un caractère particulier.
Le budget 2000 est hélas, la triste incarnation de cette dérive budgétaire. En effet, regardons d'un peu plus près les déterminants essentiels de la hausse des moyens de l'enseignement scolaire. Au total, 10,75 milliards de francs supplémentaires sont affectés à l'enseignement scolaire. Près de la moitié de cette progression, soit 47 %, résulte de l'augmentation des retraites ; 20 % résultent de l'effet mécanique de l'accord salarial et 10 % de la répercussion en année pleine des mesures votées en 1999.
En réalité, les moyens nouveaux ne représentent pas le quart de l'accroissement affiché, ce qui accrédite bien la thèse selon laquelle nous avons perdu le contrôle du premier budget de la nation. A l'heure où la réduction de notre déficit budgétaire et de notre dette constitue une priorité nationale pour assurer l'avenir de nos enfants, n'y a-t-il pas là quelque chose de particulièrement préoccupant ?
Vous vous flattez, monsieur le ministre, de voir la France rangée par l'OCDE au tout premier rang, aux côtés de la Suède, pour les dépenses qu'elle consacre à l'éducation de ses enfants.
La même organisation estimait en 1998 que, « compte tenu du poids des dépenses d'éducation, il est important que les systèmes éducatifs délivrent de bons résultats à un coût raisonnable ». En France, monsieur le ministre, force est de constater qu'au record budgétaire ne répond ni un record d'efficacité ni un record de satisfaction de la part des usagers du système éducatif.
Dois-je ici rappeler que, à l'entrée en 6e, 15 % des élèves ne savent pas lire, qu'un quart des élèves ne maîtrisent pas la géométrie et qu'un tiers ignorent le calcul ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce sont les mêmes !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. A la sortie du secondaire, l'importance du chômage des jeunes achève de démontrer l'inadaptation de notre système d'enseignement. Hier couronnement des études secondaires, le baccalauréat a aujourd'hui perdu toute valeur sur le marché du travail. On a voulu donner le baccalauréat à tout le monde. Soit ! Ce faisant, on n'a fait que déplacer la sélection à un niveau supérieur, celui de l'université.
M. Jean Chérioux. C'est exact !
M. Jacques-Richard Delong rapporteur spécial. On ne compte plus les abandons d'études ou les redoublements au niveau du DEUG. C'est sans doute moins voyant, mais beaucoup plus grave. Le redoublement de la classe de terminale offrait hier une seconde chance à l'élève ayant échoué à son examen. Est-ce lui rendre service que de l'envoyer à l'université, où il retrouvera les mêmes difficultés, mais dans un environnement beaucoup plus dur, où il aura perdu tous ses repères ? Il aura, hélas ! tôt fait de se décourager.
Je constate d'ailleurs que les réformes que vous proposez vont parfois - pas systématiquement, je vous l'accorde - dans le sens d'une facilité accrue offerte aux élèves. Dans le cadre de la réforme des lycées, vous avez retenu d'offrir un choix ouvert de la série menant au baccalauréat. Ce n'est pas une bonne idée. Tout d'abord, c'est faire bien peu de cas de l'avis des professeurs. Comment voulez-vous que ceux-ci se sentent à l'aise dans un système qui ne tient pas compte de l'évaluation qu'ils font de leurs élèves ? Par ailleurs, je crains que ce type de réforme ne conduise à un nivellement par le bas des séries les plus difficiles. C'est d'ailleurs ce que l'on constate déjà, et depuis plusieurs années, dans les séries scientifiques, où l'enseignement des mathématiques a été constamment morcelé ces dernières années, dans le but de s'adapter à un niveau général en baisse. Cela conduit de plus en plus de parents à retirer leurs enfants de certains établissements où ils jugent le niveau insuffisant, ce qui accentue une forme de ségrégation qui n'est pas l'objectif recherché.
Pour finir, monsieur le ministre, madame la ministre, je voudrais évoquer un problème bien particulier, dont j'ai été saisi en ma qualité de rapporteur spécial du budget de l'enseignement scolaire. Je voudrais vous parler du plan de mise en sécurité des écoles mis en place en 1994 et doté de 2,5 milliards de francs, qui doit s'achever normalement le 31 décembre 1999. Un rapport de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et de l'enseignement supérieur faisait état en 1998 d'une sous-consommation de ces crédits par les collectivités locales, due principalement à la lourdeur des procédures et à la nécessité de programmer des dépenses nouvelles. Si ces crédits n'ont pas été consommés dans leur totalité, il est essentiel que le plan soit prolongé afin de permettre aux collectivités locales d'utiliser ces crédits.
Voilà, monsieur le ministre, madame la ministre, l'essentiel des observations que m'inspire le budget de l'enseignement scolaire pour 2000. Ces critiques, vous les connaissez, puisque vous avez certainement lu le rapport rédigé par la commission d'enquête du Sénat sur l'enseignement scolaire.
J'aurais aimé que vous en teniez davantage compte dans l'élaboration de votre budget. Ce n'est pas le cas. Aussi me suis-je vu aujourd'hui dans l'obligation de réitérer les principales idées qu'il contient, en espérant qu'elles finiront par faire leur chemin.
En réalité, l'école d'aujourd'hui souffre des mêmes maux que la famille. Au nom de la tolérance, on a négligé d'inculquer à nos enfants les règles de vie essentielles à la cohérence de toute société : respect de l'autorité, sens des responsabilités. A force d'attention aux désirs de l'enfant, on a passé outre à son besoin primordial de repères sociaux. Or, on ne peut pas insister sur les droits sans évoquer les devoirs, de même qu'on ne peut pas valoriser l'effort si l'on ne sanctionne pas l'échec. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Maman, rapporteur pour avis.
M. André Maman, en remplacement de M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, avec 308,7 milliards de francs, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2000 est en progression de 3,5 % par rapport à 1999.
Convient-il de se réjouir de ce passage du cap symbolique des 300 milliards de francs pour le dernier exercice budgétaire du millénaire ? La commission des affaires culturelle ne le pense pas, car la dérive budgétaire dénoncée il y a quelques mois par la commission d'enquête du Sénat sur l'éducation se poursuit certes à un rythme moins rapide.
Cette progression budgétaire se conjugue avec une forte baisse démographique qui se prolonge dans le premier et le second degré. Permet-elle de réorienter la dépense publique d'éducation ? Certainement pas puisque la plus grande part de l'augmentation des crédits est la conséquence de mesures décidées les années antérieures, notamment en matière de rémunération d'activité ou de retraite.
Les réformes annoncées avec éclat ne bénéficient donc que d'une part résiduelle des crédits supplémentaires.
Sur l'évolution des crédits, je serai bref puisque le sujet a été largement évoqué par notre rapport d'enquête : l'enseignement scolaire reste le premier budget de l'Etat ; sa dérive continue est commandée par le poids des dépenses de personnel, des services votés et par l'effet d'entraînement des plans de revalorisation et d'intégration.
A cet égard, la commission ne citera que le coût de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, qui devrait s'élever à 11 milliards de francs pour la période 1990-2007. Si cette harmonisation statutaire des maîtres du premier degré est inévitable, ne serait-ce que pour des raisons sociales, il nous faut aussi insister sur son coût budgétaire.
J'évoquerai ensuite les évolutions divergentes des crédits et des effectifs d'élèves scolarisés. Les deux courbes représentatives des crédits et des effectifs se croisent en 1995, puis s'écartent de plus en plus depuis 1997, ce qui est particulièrement préoccupant.
Le projet de budget pour 2000 tente-t-il de remédier à cette dérive ? En aucune façon puisqu'il prévoit encore une nouvelle augmentation du nombre des emplois. Alors que plus de 43 000 emplois supplémentaires ont été constatés dans l'enseignement scolaire depuis dix ans, 4 300 emplois seront encore créés à la rentrée 2000 : 3 300 emplois d'enseignants pour le secondaire, 810 postes de personnels administratifs, techniciens et ouvriers de service, les ATOS, 150 personnels médico-sociaux, ces dernières créations étant à mon sens plus justifiées. Le coût de ces créations sera de 267 millions de francs.
Ces créations d'emplois doivent être appréciées par rapport à l'évolution démographique. L'enseignement scolaire a, vous le savez, perdu 317 000 élèves depuis dix ans. Les projections font apparaître que la baisse devrait être encore de 220 000 élèves dans le premier degré dans les dix ans à venir, tandis que le second degré perdrait quelque 393 000 élèves jusqu'en 2007.
Force est de constater que cette « rente démographique », est complètement ignorée par le projet de budget. La croissance continue des crédits n'a pourtant qu'une faible incidence sur les taux d'encadrement, aucune logique qualitative n'apparaît et le contrôle des emplois budgétaires, soit au niveau central, soit au niveau local, reste embryonnaire.
C'est dans ce contexte budgétaire qu'il convient d'examiner deux réformes qui ont pour objet de remédier aux dysfonctionnements constatés désormais après chaque rentrée scolaire : la déconcentration du mouvement et la réforme du système de remplacement.
Le bilan de la déconcentration du mouvement apparaît mitigé dans certaines académies : réduction du volant de remplaçants, nomination de débutants sur des postes difficiles, manque de candidats pour les postes à exigences particulières, ou encore transfert insuffisant de personnels dans les rectorats.
S'agissant du système de remplacement, force est de constater que la réforme engagée n'a pas remédié de manière significative au phénomène trop développé des « classes sans enseignants » et des « enseignants sans classe », et que les propositions, pourtant réalistes, de la commission d'enquête n'ont pas été retenues. Il faut également regretter que ses propositions qui tendaient à introduire plus de souplesse et de polyvalence dans la définition des périmètres disciplinaires, notamment au collège, n'aient pas été prises en compte.
Par ailleurs, l'éducation a toujours recours, et de manière excessive, à des « variables d'ajustement » : si les maîtres auxiliaires sont en voie de résorption régulière, le recours aux contractuels et aux heures supplémentaires est de plus en plus important.
S'agissant des emplois-jeunes, ils sont actuellement 60 000, implantés dans la moitié des collèges, 40 % des lycées professionnels et dans le tiers des écoles et lycées. Si leur utilité est indéniable, leur coût est important et leur avenir problématique.
On peut donc légitimement s'interroger sur la nécessité d'un nouveau recrutement de 5 000 aides-éducateurs alors que 14 000 emplois-jeunes quittent chaque année l'éducation nationale et que seulement 3 000 sont susceptibles de se diriger vers la fonction publique. Les aides-éducateurs d'aujourd'hui ont-ils vocation à devenir les enseignants titulaires de demain ? La question mérite d'être posée.
J'évoquerai en second lieu, madame le ministre, monsieur le ministre, les réformes de l'enseignement scolaire annoncées à grand bruit, après une longue période d'expertise et de consultation.
Pour l'école primaire d'abord, les modalités de la réforme sont fixées par la charte pour le xxie siècle, les conclusions des états généraux de la lecture et l'aménagement des rythmes scolaires, via les contrats éducatifs locaux.
Cette réforme laisse votre commission perplexe. On ne peut en effet que s'inquiéter de la tonalité pédagogique d'un galimatias où les cours deviennent des « activités » et le professeur « l'adulte de référence ». Après avoir gagné les instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, cette dérive atteint désormais la rue de Grenelle.
Par ailleurs, l'expérimentation de la réforme se fera sous l'égide de l'Institut national de recherche pédagogique, qui a récemment défrayé la chronique et qui peut difficilement apparaître comme un modèle de rigueur.
Comment ne pas craindre que l'aménagement des rythmes scolaires, l'intrusion des multiples intervenants extérieurs dans l'école et la transformation du maître en une sorte de chef d'orchestre, ou d'animateur socio-culturel, ne sonnent le glas d'une école républicaine à laquelle nous sommes attachés ?
Pour la lecture, l'organisation de la récente journée de la défense a confirmé que 10 % des jeunes sortaient du système scolaire sans maîtriser les fondamentaux. Votre commission estime qu'il n'est que temps de tirer un trait sur cette ère délétère des colloques et états généraux en tout genre sur la lecture, qui font les délices des spécialistes des sciences de l'éducation, mais qui ne font nullement avancer vers les solutions.
M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !
M. André Maman. rapporteur pour avis. Le rapporteur de votre commission rappellera ce que lui disait, sur un autre banc et à une autre époque, un vieil inspecteur : « En quittant l'école primaire, un élève doit posséder la pratique et le sens des quatre opérations, et aussi pouvoir écrire de lui-même un paragraphe de dix lignes sans faute d'orthographe. » Quelques années plus tard, nous sommes loin de ce modeste objectif !
J'évoquerai également d'un mot le problème des sorties scolaires.
La publication de la dernière circulaire du 23 septembre n'a pas rassuré les enseignants, qui attendent un dispositif réaliste fixant les limites de leur responsabilité pénale en ce domaine.
S'agissant du collège, ensuite, après la consultation « Dubet », la mise en place du « collège pour tous » devrait devenir une réalité.
Que faut-il en penser ? Certaines mesures vont dans le bon sens - meilleure liaison entre l'école et le collège, aide personnalisée aux élèves, notamment - mais apparaissent encore trop timides pour renforcer le « maillon faible » de notre système éducatif : l'échec scolaire, la relégation des élèves en sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, le défaut d'orientation, l'hétérogénéité croissante des classes, la violence, constituent autant de facteurs qui appellent une réflexion plus ambitieuse sur le collège unique.
Concernant le lycée enfin, le rapport pour avis analyse le détail de la réforme, qui apparaît très en retrait par rapport aux propositions « Meirieu » et au plan présenté en juillet 1998 par M. le ministre devant la commission.
Cette réforme n'a en rien empêché le développement du dernier mouvement lycéen, qui a résulté beaucoup plus d'un manque d'enseignants que d'une prétendue inertie des collectivités locales pour financer des lieux de rencontre dans les établissements.
En outre, cette réforme n'a en aucune manière porté remède au développement du système des options, qui permet aux familles averties de tourner la sectorisation et qui est, par ailleurs, coûteux en termes budgétaires.
J'aborderai, enfin, trois chantiers de réforme : la fonction de chef d'établissement, les conditions de travail et l'évaluation des enseignants, thèmes qui ont fait l'objet de rapports récents et d'une analyse approfondie de la commission d'enquête du Sénat.
Le recteur Blanchet a été chargé d'une mission de réflexion pour revaloriser la fonction de chef d'établissements. A l'issue de ses travaux, il a formulé une quarantaine de propositions, dont certaines recoupent les mesures suggérées par la commission d'enquête, telles que le développement de leurs prérogatives à l'égard de l'équipe éducative et l'élargissement de leur recrutement.
S'agissant de l'évaluation des enseignants, le rapport du recteur Monteil prévoit notamment que chaque enseignant élabore un rapport d'activité, que l'entrée dans la fonction se fasse de manière progressive et accompagnée, et qu'une association plus étroite soit instaurée entre les corps d'inspection et les personnels de direction en matière d'évaluation.
Ces orientations répondent en partie aux propositions formulées par la commission d'enquête mais restent muettes sur un nécessaire renforcement des moyens de l'inspection. On peut regretter à cet égard que le budget ne prévoie que 40 postes supplémentaires d'inspecteur d'académie alors que le ministre indiquait l'an dernier qu'il fallait augmenter de 50 % leurs effectifs, qui sont actuellement de quinze mille.
Concernant les conditions de travail et de vie des enseignants, le recteur Bancel a été chargé d'une mission qui a donné lieu à la publication d'un rapport au mois de mai dernier : ses principales propositions consistent à réviser l'obligation de service, à instituer un projet pédagogique contractuel dans l'établissement, à y créer un conseil pédagogique et scientifique, à introduire une composante de professionnalisation dans les concours et la formation des enseignants, et à accompagner les enseignants débutants.
Si plusieurs de ces mesures rejoignent, là aussi, celles qui ont été proposées par la commission d'enquête, on peut regretter qu'un aménagement de l'obligation hebdomadaire de service des enseignants, qui permettrait d'apporter une aide plus individualisée aux élèves en difficulté, n'ait pas été proposé par le rapport.
Bref, si ces trois chantiers sont porteurs d'avenir, ils comportent, en l'état, une grande part d'incertitude.
Sous réserve de ces observations, et compte tenu du fait que la dérive persistante des crédits ne s'accompagne pas d'une réorientation suffisante des moyens, la commission des affaires culturelles a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2000. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, dans le premier rapport que j'ai présenté l'an passé au nom de la commission des affaires culturelles, nous nous sommes attachés à rappeler les grandes missions et spécificités de l'enseignement technique de notre pays. Nous avions mis l'accent sur les transformations en cours et à venir pour faire de cette formation initiale une voie moderne de qualité et de réussite pour les élèves concernés.
Cette année, j'évoquerai plus particulièrement la réforme de l'enseignement professionnel, qui s'inscrit dans celle du lycée, et les adaptations qui s'imposent pour l'enseignement technologique.
Après avoir souligné l'évolution quelque peu limitée des crédits, il nous faudra rappeler que l'enseignement professionnel est tout à la fois lieu d'excellence et lieu d'accueil pour les élèves en difficulté.
Depuis la table ronde de mars 1998 jusqu'au colloque de Lille sur l'enseignement professionnel intégré de septembre dernier, vous avez annoncé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, une véritable refondation de l'enseignement professionnel.
A cet égard, je rappellerai tout d'abord les grandes lignes de la charte de l'enseignement traditionnel intégré présenté le 24 juin dernier.
Ses objectifs sont clairs : concilier les impératifs de la formation générale, de la formation professionnelle et de l'environnement économique.
Cela passe par un apprentissage de la citoyenneté et l'acquisition d'une culture générale fondée sur une éducation civique, juridique et sociale. Cela implique des enseignements artistiques et même des cours de philosophie. Ainsi, les élèves des lycées professionnels pourront-ils éventuellement se réorienter vers l'enseignement général et technologique.
L'enseignement professionnel se doit de maintenir des liens étroits avec les formations générales, mais aussi se rapprocher de l'entreprise. Cela suppose un partenariat avec les entreprises, des périodes de formation négociées avec les branches professionnelles et l'établissement d'un contrat de formation à forte dimension pédagogique entre le lycéen, son établissement et l'entreprise.
Cela implique également la désignation d'un coordonnateur au sein des établissements, l'utilisation des plates-formes technologiques des lycées professionnels par les PME et les PMI, ainsi que l'institution d'un coordonnateur académique chargé notamment de vérifier l'adéquation des formations et de l'emploi au plan local.
Il convient par ailleurs de rénover les enseignements par la réalisation de projets pluridisciplinaires à caractère professionnel et une aide individualisée aux élèves en difficulté.
Parallèlement, il faudra engager une réflexion sur le statut des lycées professionnels, sur leur orientation et sur leurs débouchés.
Enfin, les futurs professeurs de lycée professionnel devront bénéficier d'une formation pédagogique en institut universitaire de formations des maîtres, adaptée à ce nouvel enseignement intégré, et de stages professionnels en entreprise.
Cette charte ambitieuse devrait être expérimentée dans quelques établissements volontaires.
Le colloque de Lille du mois de septembre dernier a permis d'envisager ces dispositions dans le détail, notamment quant à l'enrichissement du contenu des formations. A titre personnel, je regrette que ce colloque n'ait pas suffisamment traité de certains sujets : les élèves en difficulté, la légitime gratification des élèves stagiaires - encore que vous ayez abordé le problème depuis, monsieur le ministre - les bourses et la réduction des horaires des enseignants.
Cette charte ambitieuse a fait l'objet d'une campagne vigoureuse de promotion de l'enseignement professionnel. Grâce à M. Jacquet, l'effet « Coupe du monde » a joué et des académies comme celle de Montpellier ont enregistré une hausse de 15 % des candidatures en lycée professionnel. Malheureusement, tous les postulants n'ont pas pu trouver une place dans les établissements.
Votre commission regrette cependant que cette campagne n'ait pas été accompagnée des moyens correspondant à l'augmentation des demandes. En effet, près de 10 000 postes ne sont pas occupés par des titulaires et 2 000 postes n'étaient toujours pas pourvus deux mois après la dernière rentrée, ce qui a légitimé la participation importante des lycéens professionnels au dernier mouvement lycéen.
Force est de constater que les objectifs ambitieux de la réforme ne trouvent pas une traduction pleine et entière dans les crédits prévus pour 2000, malgré leur augmentation.
Ces crédits s'élèveront à 37,697 milliards de francs contre 37,148 milliards de francs en 1999. Ils permettront de créer 1 100 emplois de PLP2 et 96 emplois de non-enseignants.
Des mesures de revalorisation sont prévues. Elles permettront de transformer les derniers emplois de PLP1 en emplois de PLP2, pour un coût de 18,95 millions de francs.
Le projet de budget pour 2000 reste donc en deçà du nécessaire, même s'il traduit un progrès significatif.
Je traiterai ensuite rapidement de la nécessaire rénovation de la voie technologique.
Cette filière accueille 30 % des effectifs des lycées. Elle prépare à quatre baccalauréats, assortis de quatorze spécialités et de huit options, le tout aboutissant à vingt et un diplômes différents.
Dans ses propositions, le recteur Forestier a proposé de réduire cette « balkanisation » technologique, avec trois baccalauréats et onze spécialités.
Ces propositions sont intéressantes. Mais il conviendrait aussi de favoriser l'orientation des élèves les plus fragiles vers les séries technologiques, de prendre mieux en compte l'hétérogénéité des classes et de développer les débouchés post-baccalauréat, notamment dans la série « sciences médico-sociales ». En tout état de cause, toutes les dispositions nouvelles devront être prises après une concertation approfondie avec les acteurs.
En second lieu, la commission des affaires culturelles tient à rappeler que si l'enseignement peut être un lieu d'excellence, il est aussi un lieu d'accueil pour les élèves en difficulté.
Comme vous le savez, le nombre des sorties du système éducatif sans formation ou qualification s'est réduit depuis dix ans. Je pense que cet effort doit être poursuivi selon des formules diverses.
Le programme « Nouvelles chances », lancé en mai 1999, tend à prévenir les ruptures au collège et à mettre en place des parcours de formation qualifiante en fin de scolarité. Il s'inscrit d'ailleurs dans le cadre européen en bénéficiant des aides du FSE.
Les classes et internats relais participent du même souci en proposant une pédagogie différenciée, un encadrement renforcé, en partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse, les collectivités locales, la politique de la ville et le tissu associatif : 250 classes relais devraient fonctionner l'an prochain et accueillir 5 000 jeunes en grande difficulté. Une dotation de 100 postes du 1er degré a été répartie, à la dernière rentrée, entre les vingt-six départements désignés comme prioritaires par le conseil de sécurité intérieur.
Je ne dirai qu'un mot sur la mission générale d'insertion de l'éducation nationale, la MIGEN, qui a accueilli quelque 46 000 jeunes l'an dernier ; 40 % ont pu reprendre un cursus de formation et un jeune sur dix a pu trouver un emploi six mois après sa sortie du dispositif. Le projet de loi de finances prévoit une mesure nouvelle de 3 millions de francs pour augmenter le nombre de ses bénéficiaires.
Les sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, sont également spécialisées dans l'accueil des élèves en très grande difficulté scolaire. Elles ont fait l'objet d'une rénovation depuis 1996, et la réforme du collège devrait permettre d'améliorer l'intégration de leurs élèves à la vie du collège.
D'après les informations qui m'ont été communiquées, les trois quarts des jeunes de l'enseignement adapté devraient poursuivre leur formation en lycées professionnels, en établissements régionaux d'enseignement adapté, les EREA, ou en centre de formation d'apprentis, les CFA d'ici à trois ans ; ce pourcentage n'était que de 50 % en 1998.
Ces objectifs sont sans doute ambitieux. Ceux qui, comme moi, ont participé aux déplacements de la commission d'enquête sur l'éducation dans diverses académies ont pu constater les perspectives préoccupantes d'insertion de ces élèves en très grande difficulté scolaire ; c'est notamment le cas dans les départements d'outre-mer.
J'évoquerai enfin la transformation des classes technologiques de collège. Comme vous le savez, la réforme pédagogique du collège de 1996 a conduit à repenser le dispositif des classes technologiques. Elles seraient supprimées et remplacées par des groupes « nouvelles technologies appliquées » et une classe de 3e à option technologique.
Cette réforme traduit un souci d'éviter la constitution de toute filière de relégation et de renforcer les possibilités d'orientation de ces élèves, y compris en seconde générale et technologique.
La commission des affaires culturelles voudraient être assurée que la remise en cause des 4e et 3e technologiques a bien été précédée d'une réflexion suffisante tant les objectifs annoncés lui semblent ambitieux.
Outre un meilleur accueil de ces élèves en difficulté, l'enseignement professionnel doit enfin développer ses formations d'excellence.
La reprise économique constatée depuis plusieurs mois - et qui se poursuit - se traduit en effet par une forte demande de main-d'oeuvre qualifiée : le contenu des formations professionnelles doit donc être actualisé en permanence, notamment en direction des technologies nouvelles, pour être adapté aux évolutions inévitables de l'emploi et des métiers.
Ces formations devraient par ailleurs être enrichies par un enseignement général autorisant de futures reconversions professionnelles et permettant l'accès à l'enseignement supérieur via des passerelles adaptées.
Dans le département du Val-de-Marne, que je connais bien, 500 jeunes n'avaient pas trouvé, à la rentrée 1999, d'établissement où aller. Par leur persévérance et grâce à l'aide de M. le recteur et de Mme la présidente de l'université, 75 % d'entre eux ont finalement trouvé un établissement répondant à leur premier voeu. Mais certaines filières sont très sélectives : c'est, par exemple, le cas de l'informatique et des arts.
Un certain nombre d'élèves très motivés par le bac professionnel ont envie, malgré l'étroitesse de la voie, de continuer leurs études dans l'enseignement supérieur. Il faut le leur permettre. C'est pourquoi ces classes passerelles sont nécessaires. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? C'est une question positive que je vous pose, parce qu'on n'en était pas là, voilà encore quelques années !
A cet égard, nous devons nous réjouir de la création d'une nouvelle licence professionnelle qui ouvrira les formations supérieures aux techniques et qui permettra de réduire une ségrégation traditionnelle qui n'a plus de raison d'être.
Il conviendrait également de développer un système d'aides spécifiques pour les élèves de l'enseignement professionnel, afin de leur permettre de choisir en toute liberté leur orientation.
Un tel objectif passe par une revalorisation des bourses de lycée, afin de couvrir les dépenses élevées d'équipement et de stages dont la durée est appelée à s'allonger dans le cadre de l'enseignement intégré. Il serait sans doute opportun, dans cette perspective, de créer une allocation de rentrée scolaire spécifique bénéficiant aux lycéens professionnels souvent issus de milieux aux ressources limitées alors que les frais de scolarité dans certaines sections de cet enseignement sont parmi les plus élevés.
Dans le cadre de la réflexion qui va être engagée sur le statut des lycéens professionnels, il faudrait, enfin, poser le problème de leur gratification. Celle-ci est d'ailleurs prévue dans le code du travail, sans charges sociales particulières. Une telle gratification est désormais justifiée par la longueur des nouveaux stages et l'origine souvent modeste des stagiaires. Elle pourrait figurer, par exemple, dans la convention nationale type de stage.
Par ailleurs, la difficulté de la fonction de professeur de lycée professionnel est aujourd'hui à l'origine d'une désaffection des jeunes pour cette fonction enseignante. Une revalorisation indiciaire, une réduction des horaires, une formation spécifique, le développement de stages en entreprise et la prise en compte de l'expérience professionnelle dans les concours constitueraient autant d'éléments contribuant à rendre la fonction plus attractive.
Dans l'attente de ces mesures et d'un élargissement des recrutements, le recours aux professeurs associés est nécessaire. Encore faut-il leur assurer une formation pédagogique minimale et circonstanciée.
J'en terminerai en soulignant la nécessité d'instituer une vériable programmation budgétaire pluriannuelle pour l'enseignement professionnel, à l'instar de celle que prévoyait la loi de 1985. Une telle programmation me paraît indispensable pour effectuer les rattrapages nécessaires, mettre en oeuvre la réforme ambitieuse de l'enseignement intégré, procéder aux recrutements nécessaires, fixer, en quelque sorte, un cap solide et durable pour les années à venir.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat - que je pressens positive ! - sagesse que je pressens très positive, pour l'adoption des crédits pour 2000 de l'enseignement technique.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
- Groupe du RPR : 36 minutes ;
- Groupe socialiste : 31 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste : 24 minutes ;
- Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 16 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen : 14 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'enseignement scolaire, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, comme l'a déjà souligné l'excellent rapport de mon collègue M. Delong, le projet de budget de l'enseignement scolaire, de 308,7 milliards de francs, se confirme comme le premier budget de la nation. Il s'agit d'un budget en augmentation, avec le franchissement de la barre symbolique des 300 milliards de francs, alors que l'on observe une diminution de la démographie scolaire, dans le premier comme dans le second degré.
A ce budget, n'oublions pas d'ajouter, pour connaître la dépense totale d'éducation, les 35 % au moins que supportent les collectivités locales et les autres partenaires.
Une vision simpliste pourrait faire croire que les plus graves problèmes que traverse notre école sont résolus, ou vont bientôt l'être. Permettez-moi de ne pas, hélas ! partager complètement l'optimisme ambiant.
Cet effort budgétaire permettrait, selon vous, la mise en place de réformes indispensables pour moderniser notre système éducatif. Cependant, nous pouvons observer depuis quelques années une dérive budgétaire qui ne semble pas aujourd'hui s'inverser.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Pierre Martin. En effet, l'éducation nationale dispose de moyens très importants, qui la placent, comme je viens de le dire, au premier rang des budgets de l'Etat.
Oui ! l'éducation « est la première priorité nationale », comme l'énonce l'article 1er de la loi d'orientation du 10 juillet 1989. Mais non ! cette priorité ne doit pas simplement se traduire par une augmentation budgétaire. Elle doit se traduire aussi par une gestion plus rigoureuse.
Votre projet de budget ne semble pas tenir compte des remarques qui ont été faites par la commission d'enquête du Sénat et dont la prise en considération aurait pourtant permis pourtant d'améliorer le système, car c'est bien le système qu'il faut améliorer !
La commission, dans son rapport, s'est attachée à démontrer que les crédits énormes affectés à l'éducation nationale sont gérés dans toute la rigueur nécessaire.
Il s'agit bien de sommes considérables. En effet, selon le rapport de la commission d'enquête : « L'éducation nationale coûte chaque jour presque 1 milliard de francs aux contribuables. » Le budget de l'enseignement scolaire est du même ordre de grandeur que le produit de l'impôt depuis 1989.
M. René-Pierre Signé. C'est normal !
M. Jean Chérioux. Il faut mieux utiliser ces sommes !
M. Pierre Martin. Exception faite de l'année 1996, la croissance de ce budget a été plus rapide que celle du budget de l'Etat.
L'évolution comparée des effectifs d'élèves et du budget de l'enseignement scolaire révèle une rupture en 1995, puisque l'effort budgétaire ne cesse d'augmenter, alors que la démographie scolaire est en baisse.
Cette situation devrait, en toute logique, conduire à une amélioration des résultats. Ce n'est malheureusement pas le cas. Aussi serait-il judicieux et nécessaire de dépenser mieux, peut-être même de dépenser moins.
Sur ce point, comme sur de nombreux autres, mon collègue Patrick Lassourd, qui ne peut être présent aujourd'hui, partage mon point de vue et dénonce l'inadéquation manifeste qui existe entre les choix éducatifs arrêtés par le Gouvernement et la réalité.
L'objectif quantitatif - on compte, à ce jour, 10 000 enseignants en surnombre et de nombreux enseignants hors de leur rôle proprement éducatif par le biais de mises à disposition, de décharges syndicales, etc. - a, depuis toujours au ministère de l'éducation nationale, pris le pas sur de véritables et si nécessaires projets qualitatifs !
Certes, vous nous expliquerez, monsieur le ministre, que cette évolution marque la volonté du Gouvernement d'améliorer l'encadrement des élèves. Mais force est de constater que ce renforcement n'est en fait que symbolique puisque, dans le premier degré, le nombre d'élèves par enseignant est passé de 24 en 1992 à 23,3 en 1998 et qu'il devrait atteindre 22 en ZEP aujourd'hui.
M. Serge Lagauche. Il faudrait plus de crédits !
M. Pierre Martin. Votre volonté obtient-elle les résultats escomptés ? Sincèrement, je ne le crois pas.
S'agissant de l'enseignement du premier degré, votre budget ne prévoit aucune suppression d'emploi d'enseignant, et vous annoncez, dans le même temps, la création de 3 300 emplois d'enseignants dans le secondaire.
La rentrée de 1999 marque une baisse de 58 900 élèves dans le primaire et le secondaire. Les prévisions pour la rentrée 2000 démontrent que cette diminution des effectifs scolarisés continuera. Dans les dix prochaines années, les effectifs des écoles devraient diminuer d'environ 220 000 élèves et ceux du second degré de près de 400 000 élèves. Il est donc urgent de s'interroger sur le bien-fondé d'une augmentation de crédits, surtout lorsque l'on constate que 96 % de ces crédits sont affectés aux dépenses de personnel. Cette part est en continuelle augmentation ces dernières années.
M. René-Pierre Signé. Il n'aime pas les professeurs !
M. Pierre Martin. Les auditions auxquelles j'ai pu assister dans le cadre de la commission d'enquête menée par notre assemblée sur le sujet étaient particulièrement éclairantes sur les dysfonctionnements structurels de l'enseignement scolaire. Toute politique en matière d'emploi passe par la capacité à connaître et à maîtriser les effectifs. Or cette information ne vous arrive qu' a posteriori.
Nous avons même pu nous demander si la véritable priorité du Gouvernement n'était pas plutôt la rémunération des fonctionnaires. Mais attention, comme disait Clemenceau, « la France est un pays fertile : on y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts » !
M. Jean-Claude Carle. Bonne référence !
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Pierre Martin. Il est très difficile, mes chers collègues, de voter ce budget, tant nous sommes dans le flou pour le juger. En effet, nous sommes amenés à nous prononcer sur les crédits de l'enseignement scolaire sans disposer de toute l'information nécessaire pour appréhender les conditions dans lesquelles sont utilisés ces crédits.
Vous le savez bien, monsieur le ministre, vos emplois ne correspondent pas toujours aux postes. J'en veux pour preuve l'exemple édifiant que constitue la manipulation que vous opérez par le jeu des transferts des maîtres-auxiliaires sur les maîtres d'internat et surveillants d'externat - les MI-SE - et des MI-SE sur les emplois-jeunes.
A ce propos, sans pour autant remettre en cause l'utilité sociale et pédagogique des emplois-jeunes,...
M. René-Pierre Signé. Vous l'avez fait !
M. Pierre Martin. ... on est en droit de se demander si les aides-éducateurs d'aujourd'hui n'ont pas vocation à devenir les enseignants titulaires de demain.
Le besoin étant créé, comment, dans les années à venir, répondrez-vous, monsieur le ministre, à ce besoin si les emplois-jeunes n'existent plus ? Par la création de nouveaux fonctionnaires ?...
Ces quelques remarques démontrent que l'amélioration du système éducatif ne passe pas exclusivement par le quantitatif mais qu'il passe plutôt par le qualitatif.
En ce sens, le problème de l'illettrisme - la substitution de ce mot à celui d'analphabétisme n'a nullement résolu le problème - nous en fournit un exemple significatif.
L'apprentissage de la lecture est en effet une question de méthode plus que de moyens. Il est inacceptable qu'un enfant sur sept ne sache pas lire à l'entrée en sixième, que deux sur cinq ignorent la différence entre un carré et un rectangle, que 10 % à 15 % de la population scolaire emprunte le long couloir de l'illettrisme qui, de la maternelle à la troisième, traverse l'école de la République. Ce cycle scolaire, d'une durée de treize à quatorze ans, devrait-il encore se terminer par ces échecs que nous connaissons, qui sont souvent définitifs et lourds de conséquences ?
M. René-Pierre Signé. Cela s'améliore !
M. Pierre Martin. Les méthodes d'enseignement valent surtout par le maître qui les applique. Or il faut noter le manque de courage de l'éducation nationale, qui se refuse à écarter certains professeurs ne méritant pas de conserver la responsabilité d'une classe et qui hypothèquent la réussite scolaire de trop nombreux élèves.
Manque de courage également lorsque l'on s'évertue à annoncer que les meilleurs maîtres, les plus expérimentés, seront dans les classes difficiles alors qu'à chaque rentrée on nomme sur ces postes des professeurs des écoles sans expérience sortant de l'IUFM, parce que l'on n'a pas su convaincre les autres d'y venir.
Où en sommes-nous par rapport aux mesures annoncées en ce qui concerne le moratoire, l'initiation aux langues étrangères, les contrats éducatifs locaux, l'ARVEJ, l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune ?
Seul un réel partenariat autour de l'élève, avec l'Etat, les enseignants, les parents, les élus et les représentants des académies, peut gagner le pari de la réussite scolaire dans l'intérêt de l'enfant. Car c'est bien l'enfant qui doit rester au coeur de nos préoccupations. C'est bien l'enfant qui doit être l'objet de toute notre attention.
Or l'enfant est-il vraiment au coeur de nos préoccupations quand on constate la place limitée qui est réservée à la médecine scolaire, pourtant incontournable de nos jours. Ainsi, dix postes de médecins seulement sont créés dans le budget pour 2000. Le rôle des infirmiers et infirmières scolaires est-il vraiment renforcé ?
Vous allez nous répondre, bien sûr, par l'affirmative, madame le ministre, en ne manquant pas de rappeler que, prochainement, les infirmières scolaires pourront délivrer la pilule du lendemain.
M. René-Pierre Signé. Mais oui !
M. le président. Monsieur Signé, vous n'avez pas la parole !
M. Jean Chérioux. C'est une grande victoire, vraiment !
M. Pierre Martin. Ne prenez-vous pas le risque de déresponsabiliser les élèves dans la maîtrise de leur sexualité en faisant apparaître la non-protection comme un élément facultatif ?
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Pierre Martin. De plus, cette annonce est l'expression d'une attitude de défiance et de mépris vis-à-vis de la famille, car vous donnez l'impression de considérer les parents comme incapables de communiquer avec leurs enfants, d'assumer leur responsabilité.
M. René-Pierre Signé. Eh ben dis donc !
M. Pierre Martin. Des décisions aussi radicales n'ont pas toujours été prises en d'autres domaines ; je pense notamment aux méfaits du tabac, à l'abus d'alcool, ou encore au danger de la drogue.
Je terminerai mon intervention en parlant des deux grands perdants de votre prétendument ambitieux programme : les chefs d'établissement et l'enseignement privé sous contrat.
Concernant les chefs d'établissement, on peut observer une évolution considérable de leur rôle, évolution qui n'est toujours pas suivie d'un renforcement de leurs prérogatives. L'absence d'autorité pédagogique des chefs d'établissement est d'autant plus paradoxale qu'ils sont eux-mêmes issus du corps enseignant et que leur fonction prend une dimension pédagogique de plus en plus importante ! Par ailleurs ils ne sont pas épargnés par l'augmentation des mises en jeu de leur responsabilité pénale.
En ce qui concerne l'enseignement privé sous contrat, je n'ai aucun scrupule à dénoncer aujourd'hui les manquements de votre budget au principe de parité, d'autant que, ancien enseignant et directeur d'école, je viens du public.
M. René-Pierre Signé. On ne l'aurait pas deviné !
M. Pierre Martin. En effet, vous ne respectez pas la notion de parité inscrite dans la loi Debré modifiée du 31 décembre 1959. La loi de finances devrait traduire ce principe dans les mesures qu'elle contient. Or, cette parité n'est pas effective dans plusieurs domaines, en matière de promotion par exemple, ou en matière de cotisations salariales pour la retraite.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
M. Pierre Martin. Il faudrait qu'à l'avenir nos débats sur l'éducation nationale ne se résument pas à la lecture des lignes d'un « bleu » budgétaire parfois énigmatique, qui vide de son sens l'autorisation budgétaire.
La loi Jospin de 1989 précisait dans son article 1er : « Si l'éducation est la première priorité nationale, il y a lieu d'éviter les effets d'annonce pour se recentrer sur l'élève et les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif ambitieux. »
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. Pierre Martin. Avez-vous véritablement, monsieur le ministre, madame le ministre, évité les effets d'annonce pour atteindre cet objectif ?
Je ne le crois pas, c'est pourquoi nous voterons aujourd'hui contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Et c'est un enseignant qui a parlé !
M. Jean Chérioux. Il a beaucoup de mérite !
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de ma surprise, pour ne pas dire plus, quant au jour et à l'heure où nous discutons du budget de l'enseignement scolaire, priorité de la nation et première ligne du budget. Je regrette, en effet, que cette discussion ait lieu un dimanche après-midi - le jour du Seigneur ! - moi qui croyais que la séparation de l'Eglise et de l'Etat était l'un des fondements de notre République ! (Sourires.) Cela est tout à fait regrettable, d'autant que le budget annexe des monnaies et médailles fut discuté, « lui », un mardi, jour de plus grande affluence. La richesse acquise aurait-elle plus d'importance que la richesse en devenir de la nation ?
Mais revenons au budget destiné à ceux qui sont justement le devenir de notre pays : nos jeunes élèves.
Le budget de l'enseignement scolaire passe désormais le cap des 300 milliards de francs. Il augmente quatre fois plus que la moyenne des budgets ! Il croît de plus de 3,5 % par rapport à 1999 alors que l'évolution moyenne du budget de l'Etat est de 0,9 %. Dans le même temps, le nombre d'élèves diminue de près de 60 000 !
Décidément, monsieur le ministre, vous êtes en pleine contradiction entre votre discours et vos actes. Vous qui, à plusieurs reprises, avez dit « toujours plus de moyens ne résoudrait rien », vous vous imposez, si vous me permettez cette expression, des inflations budgétaires !
Vous augmentez les moyens quand vous souhaitiez améliorer la gestion. On comprend que cette situation vous soit difficile. On saisit ainsi mieux pourquoi, la réalité étant trop dure, vous tentez de la masquer.
Ainsi, pour la deuxième année consécutive, vous faites illusion : vous supprimez des postes... mais seulement sur le papier. Ainsi, vous annoncez la suppression de 4 319 postes de maîtres et de surveillants d'internat en l'an 2000. En réalité, ils resteront en place ; mieux, ils augmenteront même d'un millier. Simplement, ces « pions », comme on les appelle, seront rémunérés non plus sur les effectifs officiels mais sur une ligne particulière consacrée aux dépenses d'internat. Il fallait y penser !
Il est vrai aussi qu'il est difficile de résister à la tentation d'augmenter un budget. C'est si facile ! Et c'est tellement plus médiatique d'annoncer un budget en hausse que d'entreprendre les réformes de fond indispensables !
Il y a désormais deux discours sur l'éducation nationale : il y a le discours du ministre, qui nous berce de chiffres ronflants, de projets de réforme, de résultats qui seraient censés s'améliorer ; puis il y a, sur le terrain, le discours et la réalité des enseignants qui se plaignent de la baisse du niveau des élèves et de la violence croissante.
L'écart entre votre discours et les réalités s'accroît d'année en année.
Le discours du ministre porte parfois attention au discours des enseignants, mais c'est une attention bien désinvolte et c'est pour l'abandonner aussitôt.
Des explosions de violence vous ont ainsi conduit à élaborer bien vite, puis à annoncer en fanfare, il y a deux ans, un plan anti-violence. Ce plan se résume, aujourd'hui, à l'affectation de 4 700 emplois-jeunes, souvent insuffisamment formés, aux écoles des quartiers en difficulté. Et pourtant, pendant ce temps, une violence endémique continue de proliférer.
Les chiffres devraient pourtant vous interpeller ! Ne voyez-vous pas que l'inflation budgétaire ne résout rien et s'accompagne, au contraire, d'une inflation des difficultés ?
Depuis 1975, les crédits de l'éducation nationale ont doublé en francs constants : ils représentent aujourd'hui plus du cinquième du budget de l'Etat.
La dépense globale d'éducation, qui est la somme du budget de l'Etat, de celui des collectivités locales, des dépenses des entreprises et de celles des familles, est passée de 445 milliards de francs en 1990 à 634 milliards de francs en 1998, soit une augmentation de près de 200 milliards de francs.
Depuis vingt ans, le nombre d'enseignants a augmenté de 40 % alors que les effectifs d'élèves n'ont progressé que de 17 %. Depuis six ans, le nombre d'élèves a diminué de 317 000. Dans les dix prochaines années, les effectifs diminueront de 220 000 dans les écoles et de près de 400 000 dans le second degré. Le nombre d'élèves diminue, le budget augmente et les difficultés subsistent : il y a véritablement un problème.
Si l'augmentation des moyens permettait de réduire l'échec scolaire et d'améliorer les conditions de travail des enseignants, on pourrait comprendre. Mais tel n'est pas le cas.
On compte, selon les chiffres de 1998, un enseignant pour quatorze élèves dans le secondaire. En tenant compte des durée de présence différentes des enseignants et des élèves au sein des établissements, on atteint une moyenne de un pour vingt et un. Comment alors expliquer qu'il y ait des classes surchargées dépassant parfois les trente-cinq élèves et, dans le même temps, des classes qui ferment ? Il y a vraiment un problème...
La conclusion s'impose : ce ne sont pas les moyens qui font défaut, c'est la mauvaise utilisation de ceux-ci qui est en cause. C'est d'ailleurs l'avis de nos concitoyens.
La commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des personnels, dont j'étais l'un des rapporteurs, a heureusement permis d'apporter un certain nombre d'explications.
J'en rappellerai quelques-unes.
On compte 10 000 enseignants en surnombre, en raison d'un recrutement inadapté aux besoins. Ce gâchis coûte à la nation 3 milliards de francs, soit l'équivalent du budget de mon département, la Haute-Savoie. Au-delà de la gabegie financière, c'est aussi un gâchis humain : des enseignants doutent de leur mission.
Ainsi, la suppression de la physique en 5e a laissé un surplus de 3 000 postes, la rigidité des statuts empêchant tout redéploiement de ces enseignants vers d'autres disciplines. Il y a des matières où l'on manque d'enseignants, d'autres où il y en a trop ! Allez-vous, madame, monsieur le ministre, essayer de corriger cette inadéquation ?
Je continue.
De nombreux enseignants ne sont pas devant les élèves. Ils sont soit détachés, soit mis à disposition. A Paris, par exemple, notre enquête révèle qu'une centaine d'enseignants sont affectés dans un lycée où ils ne vont jamais. Où sont-ils ? On en trouve dans les cabinets ministériels, on en trouve dans de nombreux autres organismes. C'est parce que le Sénat a diligenté une commission d'enquête que nous avons pu en faire le constat, car rien ne figure à ce sujet dans les « bleus » budgétaires.
Ainsi, 15 000 enseignants sont en détachement, soit l'équivalent d'une trente et unième académie virtuelle.
Il y a, bien sûr, ceux qui enseignent à l'étranger, accomplissant une mission qui participe au rayonnement de la France et qu'il convient de préserver ; mon collègue André Ferrand y reviendra dans quelques instants.
En revanche, on retrouve aussi des enseignants détachés dans de nombreux organismes comme la Ligue de l'enseignement, la Fédération des jeunes pour la nature, les Eclaireurs de France, les Francas, et j'en passe. Là, il convient de s'interroger sérieusement sur le bien-fondé et la réalité de ces détachements.
On compte 1 150 mises à disposition officielles, au profit de la MGEN, de la CAMIF, de la MAIF, etc., auxquelles il faudrait ajouter les « mises à disposition clandestines ».
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Ce n'est pas vrai ! Il n'y en a pas !
M. Jean-Claude Carle. A l'heure où certains organismes, proches du système éducatif, sont sous le feu de l'actualité, n'est-il pas urgent de s'interroger sur ces mises à disposition ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous ne pouvez pas dire ça ! Ce n'est pas vrai !
M. le président. Monsieur le ministre, souhaitez-vous intervenir ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Carle, vous n'y voyez pas d'inconvénient ?...
M. Jean-Claude Carle. Nullement, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il n'y a pas de mise à disposition de personnels de l'éducation nationale à la MAIF et à la MGEN. Vous ne pouvez pas dire ça, monsieur Carle, à la tribune du Sénat, que je respecte infiniment ! Vous pouvez dire qu'il y a des détachements, oui, mais pas des mises à disposition !
M. Serge Lagauche. Très bien !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Carle.
M. Jean-Claude Carle. Enfin, 7 000 agents bénéficient de décharges syndicales ou réglementaires, dont certaines échappent au contrôle de l'administration centrale. Mais, dans le même temps, vous refusez, monsieur le ministre, d'aligner le seuil des décharges de service, pourtant justifiées, aux 5 500 directeurs d'école privée sous contrat.
Voilà différents faits qui expliquent un peu mieux pourquoi l'éducation nationale ne parvient toujours pas à mettre un professeur en face de chaque classe.
En outre, chaque année, 5 % des heures d'enseignement dues aux élèves ne sont pas effectuées et ne font l'objet d'aucun remplacement.
A ces heures perdues s'ajoutent les heures supprimées en fin d'année, lorsque les établissements sont fermés pour l'organisation des examens.
En moyenne, les élèves du second degré perdent chaque année trois semaines de cours. De la sixième à la terminale, un élève perd une demi-année d'enseignement. Quand mettrez-vous en place une gestion prévisionnelle des remplacements ?
La commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des personnels enseignants proposait notamment d'introduire plus de souplesse et de polyvalence dans la définition des périmètres disciplinaires au collège. Elle n'a pas été, pour l'instant, entendue.
L'éducation nationale ne souffre pas de manque de moyens mais de « mal-administration ».
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
M. Jean-Claude Carle. Ce mal ne se résout pas à coup de milliards de francs supplémentaires. Ces sommes contribuent au contraire à augmenter l'inertie du système et en accentuent la crise. Malgré des moyens sans cesse accrus. La France connaît une progression de l'illettrisme inquiétante : 60 000 jeunes sortent encore chaque année du système scolaire sans qualification.
Plus de 500 000 jeunes sont aujourd'hui au chômage, soit plus de 20 % d'entre eux : le taux le plus élevé, depuis des décennies, de tous les pays européens.
Mme Hélène Luc. Ça va tout de même mieux que lorsque vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Claude Carle. Vous répondez à ces difficultés par l'inflation budgétaire : une augmentation de 3,5 %, l'équivalent de 10 milliards de francs. Et pourtant, les moyens nouveaux ne sont même pas affectés aux priorités.
Un exemple. Pour l'introduction des nouvelles technologies dans les établissements scolaires, les besoins sont évalués à environ 15 milliards de francs. Vous affectez à ce poste seulement 285 millions de francs. Et vous oubliez, là encore, l'enseignement privé, qui, je vous le rappelle, monsieur le ministre, compte plus de deux millions d'élèves.
M. René-Pierre Signé. Ah, il l'aime, l'enseignement privé !
M. Jean-Claude Carle. Faut-il citer aussi les dérisoires 105 millions de francs consacrés à la réforme des lycées ?
Où vont vos priorités, monsieur le ministre ?
M. René-Pierre Signé. Pas à l'enseignement privé !
M. Jean-Claude Carle. Au fonctionnement ou à l'investissement ?
Et que sont devenues vos réformes ? Votre discours les annonce amples et profondes ; votre budget, qui enfle pourtant chaque année, s'empresse de les réduire à peu de choses.
Le collège est le maillon le plus fragile de notre système éducatif. Le collège unique concentre aujourd'hui l'essentiel des difficultés de ce système, l'échec scolaire comme la violence.
Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, que face à cette crise, les 240 millions de francs que vous consacrez à l'aide personnalisée en sixième et en cinquième vont résoudre le problème ? N'est-ce pas à la structure même du collège qu'il faut s'attaquer ?
Enfin, vous ne faites rien pour remédier aux discriminations existant entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Ainsi, à service semblable et à rémunération identique, les cotisations salariales de retraite sont très inégales : un enseignant du privé voit son salaire amputé de 5 000 à 10 000 francs par an par rapport à son homologue fonctionnaire. De même, les différences flagrantes entre les dotations d'aide aux actions éducatives et innovantes sont anormales : les écoles primaires publiques reçoivent près de 700 francs par maître, tandis que l'enseignement privé ne touche que 340 francs, soit environ 50 % de moins.
Vous allouez à toutes ces priorités des sommes dérisoires. Pourtant, le projet de budget augmente de plus de 3,5 %, ce qui représente plus de 10 milliards de francs, liés à la « mal-administration » dont j'ai parlé il y a quelques instants. C'est donc de 20 milliards de francs que vous disposeriez, l'équivalent, monsieur le ministre, du budget de la culture et de la jeunesse et des sports réunis. C'est colossal !
La conclusion s'impose : plus le budget augmente, plus les milliards supplémentaires ont une efficacité marginale, plus ils se perdent dans les siphons de la mauvaise gestion.
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
M. Jean-Claude Carle. Si, malgré l'inflation budgétaire, vous n'avez pas d'argent, c'est parce que vous ne menez pas à bien les réformes de fond qui vous auraient permis de dégager les moyens de vos ambitions et parce que vous ne voulez pas ou ne pouvez pas redéployer les crédits.
L'éducation nationale reste trop fermée et trop cloisonnée. On parle encore aujourd'hui de l'éducation nationale comme d'un objet abstrait, isolé des autres institutions et des autres acteurs sociaux. Concrètement, cela se traduit par un partenariat insuffisant et par une centralisation excessive.
Le partenariat doit s'établir avec tous ceux qui ont une responsabilité éducative. L'éducation est un tout : ce n'est pas seulement les livres que l'on lit et les devoirs que l'on fait ; c'est aussi l'apprentissage de la vie en commun, du respect des autres et du civisme.
Les acteurs de l'éducation, ce ne sont donc pas uniquement les enseignants, quel que soit leur mérite par ailleurs. La famille joue aussi un rôle considérable : si le rôle de l'école est d'assurer l'instruction de nos enfants, elle ne doit pas se substituer aux parents pour assurer leur éducation. Le partenariat avec le monde professionnel est également important.
Quant à la gestion, elle reste trop centralisée. La déconcentration du mouvement des enseignants est une bonne chose, mais elle ne suffit pas. Elle a d'ailleurs montré ses limites.
Je l'ai déjà dit et je le répète, l'Etat devrait abandonner un certain nombre de fonctions périphériques en concluant des partenariats avec les collectivités locales. La restauration, l'hébergement, l'entretien nécessitent du personnel ; or les dotations en personnel ATOS sont souvent déficitaires dans de nombreux établissements. Et je ne parle pas des universités, car ce n'est pas le moment, mais, vous le savez comme moi, la moyenne y est bien inférieure aux critères de San Remo.
Pourquoi ne pas imaginer d'autres possibilités et ouvrir des territoires d'expérimentation, même dans le domaine pédagogique ? La diversité des situations et la nécessité de réagir face aux réalités montrent les limites de la solution unique et le bien-fondé des mesures contractuelles prises le plus près possible du besoin.
Beaucoup de choses peuvent être réglées au niveau de l'établissement et de la communauté éducative. Chacun doit s'engager.
Les collectivités locales doivent pourvoir aux investissements matériels pour donner les meilleures conditions d'études et de confort. Mais elles ont aussi un droit de regard sur ce qui se passe à l'intérieur des murs et sur ce que deviennent les jeunes à la sortie de leur cursus scolaire.
Les chefs d'établissement doivent disposer de plus d'autonomie pour traiter des affaires de l'établissement et voir leur rôle renforcé. Des contrats d'établissement devraient être conclus entre l'Etat, les collectivités locales et les professions. Il faut passer d'un contexte de compétences séparées à un contexte de compétences partagées.
La proximité, c'est aussi la cohérence à l'échelon des bassins de formation. Il convient de jouer sur les complémentarités entre les établissements et leur mise en réseau.
Tous ces défis, je ne nie pas qu'il soit difficile de les relever et je ne doute pas de votre volonté de le faire. Mais vous semblez malheureusement n'y apporter qu'une seule réponse : le « toujours plus » budgétaire.
Or l'histoire montre que ce n'est pas la bonne réponse, qu'il est urgent d'y voir plus clair et d'engager les redéploiements nécessaires, autour de deux idées : le partenariat et la proximité. C'est la seule manière de réduire les deux maux dont souffre notre système éducatif : le corporatisme et le centralisme.
Vos convictions ne dépassent pas toujours le stade du discours, et je le regrette. Le « toujours plus » ne donne que des résultats bien insuffisants. Le courage c'est d'oser faire autrement et de savoir parfois dire non.
Voilà deux ans, monsieur le ministre, je pensais, avec d'autres, que vous seriez peut-être « celui qui a dit non ». Deux ans plus tard, nous constatons qu'il n'en est rien. C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants dira non à votre projet de budget pour l'enseignement scolaire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 novembre 1998, la commission des affaires culturelles du Sénat a mis en place une commission d'enquête afin d'examiner la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements du second degré. Dans le rapport de cette commission, nous avons relevé de nombreux dysfonctionnements affectant cette gestion.
En considérant simplement la baisse structurelle des effectifs d'élèves, la commission a mis en lumière la dérive du budget de l'éducation nationale puisqu'il apparaît que cette décroissance démographique n'a aucun effet budgétaire.
Les crédits alloués à l'éducation nationale, premier poste budgétaire, et de loin, de ce projet de loi de finances, battent aujourd'hui un nouveau record. Avec 308 milliards de francs - en hausse de 3,5 % par rapport à 1999 - pour la première fois dans l'histoire de la République, un budget dépasse les 300 milliards de francs.
C'est sans doute la conséquence de cette évolution à la hausse des crédits de l'éducation nationale en dépit de toute logique. En effet, bien que les effectifs des enfants scolarisés aient décru de 58 900 élèves à la rentrée 1999 - et il devraient encore décroître de 59 600 élèves à la rentrée 2000 -, le projet de budget prévoit la création de 3 300 emplois d'enseignant ou de conseiller principal d'éducation et de conseiller d'orientation psychologue. Parallèlement, le mouvement de titularisation des maîtres auxiliaires se poursuit.
Au total, le projet de budget prévoit la création de 4 300 emplois, gagés par des transformations en crédits, de maître d'internat et de surveillant d'externat, auxquels s'ajoute l'ouverture de moyens nouveaux, pour un total de 7 500 emplois, dont 5 000 emplois-jeunes.
Dans ce contexte, sans doute n'est-il pas vain de s'interroger sur la signification réelle de cette hausse des crédits. Traduit-elle une priorité ou, plus prosaïquement, est-elle le reflet de l'impuissance du Gouvernement face à des difficultés qui le dépassent ?
La hausse des crédits n'est certainement pas condamnable en elle-même, dans la mesure où elle repose sur l'idée selon laquelle la priorité accordée à l'éducation nationale doit nécessairement avoir une traduction financière, mais elle est préoccupante en ce que la dépense semble loin d'être optimisée.
La réflexion sur les orientations du budget de l'éducation nationale est d'autant plus urgente qu'avec 82 % de crédits affectés aux dépenses de personnel, c'est-à-dire une somme de près de 253 milliards de francs, ce budget est de loin le poste budgétaire le plus rigide de l'Etat.
La commission sénatoriale a enquêté sur la gestion des personnels des écoles et des établissements professionnels. Elle a notamment démontré qu'une gestion inadéquate des moyens, plus qu'une véritable pénurie d'emplois, expliquait les dysfonctionnements qu'elle a pu constater.
Dès lors, force est de considérer que le choix du Gouvernement traduit une certaine fuite en avant budgétaire puisqu'il laisse croire que les difficultés de l'éducation nationale pourront être réglées par une simple augmentation de crédits.
Pour ma part, je suis convaincu que la plupart des difficultés de l'éducation nationale relèvent surtout de problèmes structurels.
La commission d'enquête sénatoriale a relevé un certain nombre de dysfonctionnements dans la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements du second degré.
Je souhaiterais cependant insister sur certaines rigidités du système qui contraignent l'administration à faire appel à des variables d'ajustement, ce qui rend encore plus complexe la gestion du système éducatif.
La situation des maîtres auxiliaires me paraît fort bien illustrer les incohérences dans la gestion des personnels enseignants.
Depuis plus de vingt ans, les rectorats pouvaient recruter des maîtres auxiliaires lorsqu'ils manquaient d'enseignants dans certaines matières. La crise de recrutement des titulaires, de 1985 à 1992, a entraîné un recours massif aux maîtres auxiliaires. Jusqu'à 400 000 personnes ont été ainsi employées.
La crise du recrutement étant terminée, de plus en plus de maîtres auxiliaires se sont retrouvés au chômage, après parfois des années d'enseignement.
Afin de régler un problème social aigu, le ministère de l'éducation nationale a décidé le réemploi systématique de tous les maîtres auxiliaires qui étaient en poste durant la période 1995-1997, soit environ 28 000 ; il a également précisé que tout recours à de nouveaux maîtres auxiliaires était exclu.
Les rectorats ne peuvent donc plus utiliser cet élément de souplesse qui permettait aux établissements d'assurer toutes les heures d'enseignement prévues, dans quelque discipline que ce soit. La situation est bien souvent ubuesque, puisqu'on trouve des maîtres auxiliaires en surnombre dans de très nombreuses matières, alors que certains cours ne peuvent plus être assurés, faute de personnel qualifié.
Les établissements sont aujourd'hui dans l'incapacité de gérer ces flux d'enseignants. Pourtant, et en dépit des interdictions du ministère de l'éducation nationale, les établissements scolaires tentent de faire face aux manques en faisant appel à des vacataires ou à des contractuels. Si ces derniers sont recrutés pour un an, les vacataires, eux, ne peuvent effectuer que deux cents heures, ce qui ne couvre pas l'intégralité de l'année scolaire, et ne bénéficient d'aucune couverture sociale ni d'allocation pour perte d'emploi.
Sans doute le réemploi des maîtres auxiliaires est-il socialement une bonne chose, mais il ne faudrait certainement pas que l'arrêt du recrutement de nouveaux maîtres auxiliaires laisse la place à un auxiliariat encore plus précaire.
Par ailleurs, madame la ministre, votre projet de budget prévoit la création de cinq mille emplois-jeunes. Dans un tel contexte de désorganisation et d'incertitude, qu'allez-vous faire de ces personnels et, surtout, comment allez-vous financer le coût des emplois-jeunes dans les écoles et les collèges ?
La création des cinq mille emplois-jeunes d'aides-éducateurs qui viendront s'ajouter aux soixante mille déjà existants dans l'éducation nationale ne va-t-elle pas contribuer à accroître la rigidité du budget et à engager les finances de l'Etat sur une période beaucoup plus longue que prévue, étant donné les incertitudes qui pèsent sur l'avenir des jeunes à l'issue de leur contrat de cinq ans ?
Encore une fois, ne faudrait-il pas plutôt voir dans la décision de créer ces cinq mille emplois-jeunes le recours irréfléchi à la logique quantitative ?
Conséquence, sans doute, de la mauvaise gestion des personnels de l'éducation nationale, les résultats obtenus sont souvent décevants, notamment par rapport aux efforts budgétaires de la nation.
Les résultats des évaluations du niveau des élèves à l'entrée en CM2 et en 6e font apparaître qu'un nombre non négligeable d'élèves ne maîtrise pas encore les connaissances de base.
Ainsi, à l'entrée en CM2, il apparaît que près d'un élève sur quatre ne maîtrise pas les connaissances de base en lecture et que la moitié n'a pas un niveau supérieur aux compétences de base. Les résultats sont légèrement meilleurs en calcul, mais 22,6 % des élèves ne maîtrisent pas les connaissances de base.
A l'entrée en 6e, le score moyen global de réussite des tests de français est de 61,9 %, alors qu'en mathématiques il est de 54,7 %.
Les indications de ces évaluations confirment largement les inquiétudes, régulièrement exprimées, quant à la persistance, dans notre pays, d'un niveau d'illettrisme.
Il serait vain de spéculer sur les raisons de cette inadaptation du système scolaire. Mais la rupture pour les élèves entre l'école et le collège, en ne permettant pas la nécessaire continuité éducative de l'enseignement, ne favorise sans doute pas l'excellence des résultats obtenus.
Madame la ministre, permettez au sénateur de la plus grande région de France et singulièrement l'une des plus éloignées de la capitale française, la Guyane, d'évoquer la situation de l'enseignement scolaire de cette région.
La situation du système éducatif en Guyane se caractérise par une non-scolarisation chronique. L'offre de scolarisation en maternelle, à l'école élémentaire, au collège et au lycée reste largement insuffisante et trop d'enfants encore n'effectuent pas les trois années d'école maternelle avant leur entrée à l'école élémentaire. Ainsi, on enregistre 30 % de retard en CP, alors qu'en Martinique il est de 9 %, et 45 % de retard en CM2.
Quelles en sont les raisons ? Elles sont multiples. La géographie et l'enclavement de certaines zones sur les fleuves, le multiethnisme et le multiculturalisme, l'analphabétisme de nouveaux arrivants ou de tribus isolées à scolariser, enfin, les situations familiales difficiles et la prédélinquance fréquente sont des faits de nature à contribuer à l'échec scolaire.
Certes, la récente création du rectorat de la Guyane permet la prise en charge, dans de meilleures conditions que par le passé, des besoins spécifiques à la nouvelle académie. Cependant, force est de constater, au moment où je vous parle, que l'inspection académique estime qu'environ 2 500 enfants n'accèdent pas à l'éducation, dont 600 environ sont recensés dans la seule ville de Saint-Laurent-du-Maroni.
Selon le dernier recensement réalisé au cours de cette année en Guyane, on compte 167 000 habitants, avec une population scolaire qui s'élève à près de 60 000 élèves. Le retard scolaire reste très important : plus de 39 % des élèves en Guyane ont un an de retard, particulièrement dans les classes élémentaires.
L'assimilation des élèves d'origine étrangère, qui représentent 45 % des effectifs du premier degré, pose un véritable problème.
La préscolarisation des enfants dès deux ans reste très faible en Guyane : elle ne concerne que 3 % de la classe d'âge, contre 35 % en métropole. Le taux de scolarisation dès trois ans n'est, quant à lui, que de 40 %, alors qu'il atteint 99,6 % en métropole.
Dans le second degré, les effectifs ne font que croître, en raison d'une démographie galopante due à l'immigration. Les orientations qui y sont proposées aux élèves sont significatives de l'état du système scolaire en Guyane. Après la classe de 5e, la Guyane connaît le taux de redoublement le plus important des académies d'outre-mer. L'orientation en 4e technologique est encore trop peu utilisée, ainsi que celle en fin de 3e d'insertion, qui ouvre la voie de l'apprentissage.
La proportion des jeunes d'une classe d'âge ayant accès au baccalauréat augmente, mais elle reste faible : elle s'élève à 35 %, soit un jeune Guyanais sur trois. Le taux de sortie du système scolaire sans diplôme reste également important : près de 48 %.
Il convient donc, madame la ministre, que votre gouvernement accepte de retenir les propositions émanant du corps social guyanais, ainsi que les propositions des assemblées départementale et régionale réunies en congrès le 27 février 1999, qui figurent dans un document appelé « pacte de développement ».
La situation démographique particulière de la Guyane, qui nécessite un effort important de construction scolaire, renforce la responsabilité des collectives locales, celles-ci sont devenues des acteurs majeurs du système éducatif depuis les lois de décentralisation. Pour autant, les collectivités concernées manquent cruellement de moyens leur permettant de répondre à la demande de manière réaliste et rationnelle.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de traduire avec force, auprès de votre collègue du ministère de l'intérieur, la réalité de la situation que je viens de vous exposer. Il importe en effet de revoir les critères, non conformes à la réalité des dotations décentralisées, tant pour le département de la Guyane au titre de la dotation départementale d'équipement des collèges, que pour le conseil régional au titre de la dotation régionale d'équipement scolaire, ou pour les collectivités communales au titre de la dotation globale de fonctionnement.
La répartition des compétences en matière d'éducation telle qu'elle résulte, pour l'outre-mer, des lois du 31 décembre 1982 et du 2 août 1984 ne favorise pas la cohérence de la politique éducative locale.
Un regroupement des structures ou des compétences ne semble pas possible pour le moment compte tenu des décisions du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1982 et du 25 juillet 1994, qui interprètent d'une manière restrictive les termes de l'article 73 de la Constitution.
C'est pourquoi il importe que nous nous engagions vers une évolution statutaire pour l'ensemble des régions d'outre-mer, laquelle pourrait être réalisée à l'occasion de l'éventuel débat sur le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer qui devrait avoir lieu au cours du printemps de l'an 2000 et dont les principes et orientations ne retiennent pas cette option. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)