Séance du 12 décembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Education nationale, recherche et technologie (suite)

I. - Enseignement scolaire (p. 2 )

MM. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial de la commission des finances ; André Maman, en remplacement de M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire ; Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique ; MM. Pierre Martin, Jean-Claude Carle, Georges Othily.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. Serge Lagauche, André Maman, Mme Hélène Luc, MM. René-Pierre Signé, André Ferrand.
MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; André Ferrand, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.

Crédits du titre III (p. 4 )

M. le rapporteur spécial, Mmes Nicole Borvo, le ministre.
Rejet des crédits par scrutin public.

Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p. 5 )

3. Ordre du jour (p. 6 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures dix.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]

Education nationale,
recherche et technologie (suite)

I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'enseignement scolaire pour 2000 est d'abord le budget de tous les records.
Le premier record, c'est que, pour la première fois, ce budget dépasse la barre symbolique des 300 milliards de francs, s'établissant à 308,49 milliards de francs.
Le deuxième record, c'est que, avec 3,5 % de hausse des crédits par rapport au budget de l'an dernier, il connaît la plus forte progression de l'ensemble des budgets civils de l'Etat, laquelle ne s'établit qu'à 0,9 %.
Voilà qui constitue, pour les uns, un motif de fierté, et, pour ma part, un vif sujet d'inquiétude.
Le contexte dans lequel évolue le système éducatif français est en effet profondément modifié en raison de la décrue démographique : la décennie quatre-vingt-dix est caractérisée par la chute des effectifs dans le premier et le second degré. Alors que l'augmentation continue des effectifs scolarisés imposait une politique de l'emploi volontariste, l'évolution démographique nouvelle impose un changement d'attitude.
Or le choix politique du Gouvernement est clair : il consiste à ne tirer aucune leçon, sur le plan budgétaire, de la rente démographique ; au contraire, il a été décidé de maintenir inchangé le nombre d'enseignants et, ce faisant, de conforter la logique purement quantitative qui, depuis trop longtemps, préside au fonctionnement du système éducatif.
Cette logique quantitative conduit à l'impasse. Non seulement elle alimente la surenchère budgétaire qui grève les finances publiques en contribuant à perpétuer un déficit budgétaire trop important et à accroître notre dette publique, mais elle représente aussi une facilité qui dispense de mettre en oeuvre des réformes de gestion d'ordre qualificatif.
Quelles réformes de fond nous proposez-vous, monsieur le ministre, madame la ministre ?
Peut-on considérer que la mise en place d'heures de soutien dans les collèges et les lycées, d'ateliers artistiques ou d'une heure d'enseignement de langue répondra au malaise des lycéens ? Peut-on considérer la création de 5 000 emplois-jeunes comme une réponse satisfaisante ?
Pourtant, l'éducation nationale souffre non pas d'un manque de moyens, mais d'un phénomène de « mal-administration », qui trouve sa source, d'une part, dans une gestion insuffisamment rigoureuse de ses moyens et, d'autre part, dans l'illusion, qu'elle entretient, selon laquelle ses problèmes ne peuvent trouver qu'une réponse financière.
Le malaise lycéen, encore vif aujourd'hui, constitue une caricature de cette illusion budgétaire. Alors que les effectifs lycéens diminuent, et continueront de diminuer, et que les taux d'encadrement des élèves se sont constamment améliorés depuis plusieurs années, un sourd mécontentement persiste.
J'estime qu'il est nécessaire de mettre un terme à cette dérive budgétaire permanente. N'oubliez pas, monsieur le ministre, madame la ministre, que je parle au nom de la commission des finances ; mes propos ont donc inévitablement un caractère particulier.
Le budget 2000 est hélas, la triste incarnation de cette dérive budgétaire. En effet, regardons d'un peu plus près les déterminants essentiels de la hausse des moyens de l'enseignement scolaire. Au total, 10,75 milliards de francs supplémentaires sont affectés à l'enseignement scolaire. Près de la moitié de cette progression, soit 47 %, résulte de l'augmentation des retraites ; 20 % résultent de l'effet mécanique de l'accord salarial et 10 % de la répercussion en année pleine des mesures votées en 1999.
En réalité, les moyens nouveaux ne représentent pas le quart de l'accroissement affiché, ce qui accrédite bien la thèse selon laquelle nous avons perdu le contrôle du premier budget de la nation. A l'heure où la réduction de notre déficit budgétaire et de notre dette constitue une priorité nationale pour assurer l'avenir de nos enfants, n'y a-t-il pas là quelque chose de particulièrement préoccupant ?
Vous vous flattez, monsieur le ministre, de voir la France rangée par l'OCDE au tout premier rang, aux côtés de la Suède, pour les dépenses qu'elle consacre à l'éducation de ses enfants.
La même organisation estimait en 1998 que, « compte tenu du poids des dépenses d'éducation, il est important que les systèmes éducatifs délivrent de bons résultats à un coût raisonnable ». En France, monsieur le ministre, force est de constater qu'au record budgétaire ne répond ni un record d'efficacité ni un record de satisfaction de la part des usagers du système éducatif.
Dois-je ici rappeler que, à l'entrée en 6e, 15 % des élèves ne savent pas lire, qu'un quart des élèves ne maîtrisent pas la géométrie et qu'un tiers ignorent le calcul ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce sont les mêmes !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. A la sortie du secondaire, l'importance du chômage des jeunes achève de démontrer l'inadaptation de notre système d'enseignement. Hier couronnement des études secondaires, le baccalauréat a aujourd'hui perdu toute valeur sur le marché du travail. On a voulu donner le baccalauréat à tout le monde. Soit ! Ce faisant, on n'a fait que déplacer la sélection à un niveau supérieur, celui de l'université.
M. Jean Chérioux. C'est exact !
M. Jacques-Richard Delong rapporteur spécial. On ne compte plus les abandons d'études ou les redoublements au niveau du DEUG. C'est sans doute moins voyant, mais beaucoup plus grave. Le redoublement de la classe de terminale offrait hier une seconde chance à l'élève ayant échoué à son examen. Est-ce lui rendre service que de l'envoyer à l'université, où il retrouvera les mêmes difficultés, mais dans un environnement beaucoup plus dur, où il aura perdu tous ses repères ? Il aura, hélas ! tôt fait de se décourager.
Je constate d'ailleurs que les réformes que vous proposez vont parfois - pas systématiquement, je vous l'accorde - dans le sens d'une facilité accrue offerte aux élèves. Dans le cadre de la réforme des lycées, vous avez retenu d'offrir un choix ouvert de la série menant au baccalauréat. Ce n'est pas une bonne idée. Tout d'abord, c'est faire bien peu de cas de l'avis des professeurs. Comment voulez-vous que ceux-ci se sentent à l'aise dans un système qui ne tient pas compte de l'évaluation qu'ils font de leurs élèves ? Par ailleurs, je crains que ce type de réforme ne conduise à un nivellement par le bas des séries les plus difficiles. C'est d'ailleurs ce que l'on constate déjà, et depuis plusieurs années, dans les séries scientifiques, où l'enseignement des mathématiques a été constamment morcelé ces dernières années, dans le but de s'adapter à un niveau général en baisse. Cela conduit de plus en plus de parents à retirer leurs enfants de certains établissements où ils jugent le niveau insuffisant, ce qui accentue une forme de ségrégation qui n'est pas l'objectif recherché.
Pour finir, monsieur le ministre, madame la ministre, je voudrais évoquer un problème bien particulier, dont j'ai été saisi en ma qualité de rapporteur spécial du budget de l'enseignement scolaire. Je voudrais vous parler du plan de mise en sécurité des écoles mis en place en 1994 et doté de 2,5 milliards de francs, qui doit s'achever normalement le 31 décembre 1999. Un rapport de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et de l'enseignement supérieur faisait état en 1998 d'une sous-consommation de ces crédits par les collectivités locales, due principalement à la lourdeur des procédures et à la nécessité de programmer des dépenses nouvelles. Si ces crédits n'ont pas été consommés dans leur totalité, il est essentiel que le plan soit prolongé afin de permettre aux collectivités locales d'utiliser ces crédits.
Voilà, monsieur le ministre, madame la ministre, l'essentiel des observations que m'inspire le budget de l'enseignement scolaire pour 2000. Ces critiques, vous les connaissez, puisque vous avez certainement lu le rapport rédigé par la commission d'enquête du Sénat sur l'enseignement scolaire.
J'aurais aimé que vous en teniez davantage compte dans l'élaboration de votre budget. Ce n'est pas le cas. Aussi me suis-je vu aujourd'hui dans l'obligation de réitérer les principales idées qu'il contient, en espérant qu'elles finiront par faire leur chemin.
En réalité, l'école d'aujourd'hui souffre des mêmes maux que la famille. Au nom de la tolérance, on a négligé d'inculquer à nos enfants les règles de vie essentielles à la cohérence de toute société : respect de l'autorité, sens des responsabilités. A force d'attention aux désirs de l'enfant, on a passé outre à son besoin primordial de repères sociaux. Or, on ne peut pas insister sur les droits sans évoquer les devoirs, de même qu'on ne peut pas valoriser l'effort si l'on ne sanctionne pas l'échec. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Maman, rapporteur pour avis.
M. André Maman, en remplacement de M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, avec 308,7 milliards de francs, le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2000 est en progression de 3,5 % par rapport à 1999.
Convient-il de se réjouir de ce passage du cap symbolique des 300 milliards de francs pour le dernier exercice budgétaire du millénaire ? La commission des affaires culturelle ne le pense pas, car la dérive budgétaire dénoncée il y a quelques mois par la commission d'enquête du Sénat sur l'éducation se poursuit certes à un rythme moins rapide.
Cette progression budgétaire se conjugue avec une forte baisse démographique qui se prolonge dans le premier et le second degré. Permet-elle de réorienter la dépense publique d'éducation ? Certainement pas puisque la plus grande part de l'augmentation des crédits est la conséquence de mesures décidées les années antérieures, notamment en matière de rémunération d'activité ou de retraite.
Les réformes annoncées avec éclat ne bénéficient donc que d'une part résiduelle des crédits supplémentaires.
Sur l'évolution des crédits, je serai bref puisque le sujet a été largement évoqué par notre rapport d'enquête : l'enseignement scolaire reste le premier budget de l'Etat ; sa dérive continue est commandée par le poids des dépenses de personnel, des services votés et par l'effet d'entraînement des plans de revalorisation et d'intégration.
A cet égard, la commission ne citera que le coût de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, qui devrait s'élever à 11 milliards de francs pour la période 1990-2007. Si cette harmonisation statutaire des maîtres du premier degré est inévitable, ne serait-ce que pour des raisons sociales, il nous faut aussi insister sur son coût budgétaire.
J'évoquerai ensuite les évolutions divergentes des crédits et des effectifs d'élèves scolarisés. Les deux courbes représentatives des crédits et des effectifs se croisent en 1995, puis s'écartent de plus en plus depuis 1997, ce qui est particulièrement préoccupant.
Le projet de budget pour 2000 tente-t-il de remédier à cette dérive ? En aucune façon puisqu'il prévoit encore une nouvelle augmentation du nombre des emplois. Alors que plus de 43 000 emplois supplémentaires ont été constatés dans l'enseignement scolaire depuis dix ans, 4 300 emplois seront encore créés à la rentrée 2000 : 3 300 emplois d'enseignants pour le secondaire, 810 postes de personnels administratifs, techniciens et ouvriers de service, les ATOS, 150 personnels médico-sociaux, ces dernières créations étant à mon sens plus justifiées. Le coût de ces créations sera de 267 millions de francs.
Ces créations d'emplois doivent être appréciées par rapport à l'évolution démographique. L'enseignement scolaire a, vous le savez, perdu 317 000 élèves depuis dix ans. Les projections font apparaître que la baisse devrait être encore de 220 000 élèves dans le premier degré dans les dix ans à venir, tandis que le second degré perdrait quelque 393 000 élèves jusqu'en 2007.
Force est de constater que cette « rente démographique », est complètement ignorée par le projet de budget. La croissance continue des crédits n'a pourtant qu'une faible incidence sur les taux d'encadrement, aucune logique qualitative n'apparaît et le contrôle des emplois budgétaires, soit au niveau central, soit au niveau local, reste embryonnaire.
C'est dans ce contexte budgétaire qu'il convient d'examiner deux réformes qui ont pour objet de remédier aux dysfonctionnements constatés désormais après chaque rentrée scolaire : la déconcentration du mouvement et la réforme du système de remplacement.
Le bilan de la déconcentration du mouvement apparaît mitigé dans certaines académies : réduction du volant de remplaçants, nomination de débutants sur des postes difficiles, manque de candidats pour les postes à exigences particulières, ou encore transfert insuffisant de personnels dans les rectorats.
S'agissant du système de remplacement, force est de constater que la réforme engagée n'a pas remédié de manière significative au phénomène trop développé des « classes sans enseignants » et des « enseignants sans classe », et que les propositions, pourtant réalistes, de la commission d'enquête n'ont pas été retenues. Il faut également regretter que ses propositions qui tendaient à introduire plus de souplesse et de polyvalence dans la définition des périmètres disciplinaires, notamment au collège, n'aient pas été prises en compte.
Par ailleurs, l'éducation a toujours recours, et de manière excessive, à des « variables d'ajustement » : si les maîtres auxiliaires sont en voie de résorption régulière, le recours aux contractuels et aux heures supplémentaires est de plus en plus important.
S'agissant des emplois-jeunes, ils sont actuellement 60 000, implantés dans la moitié des collèges, 40 % des lycées professionnels et dans le tiers des écoles et lycées. Si leur utilité est indéniable, leur coût est important et leur avenir problématique.
On peut donc légitimement s'interroger sur la nécessité d'un nouveau recrutement de 5 000 aides-éducateurs alors que 14 000 emplois-jeunes quittent chaque année l'éducation nationale et que seulement 3 000 sont susceptibles de se diriger vers la fonction publique. Les aides-éducateurs d'aujourd'hui ont-ils vocation à devenir les enseignants titulaires de demain ? La question mérite d'être posée.
J'évoquerai en second lieu, madame le ministre, monsieur le ministre, les réformes de l'enseignement scolaire annoncées à grand bruit, après une longue période d'expertise et de consultation.
Pour l'école primaire d'abord, les modalités de la réforme sont fixées par la charte pour le xxie siècle, les conclusions des états généraux de la lecture et l'aménagement des rythmes scolaires, via les contrats éducatifs locaux.
Cette réforme laisse votre commission perplexe. On ne peut en effet que s'inquiéter de la tonalité pédagogique d'un galimatias où les cours deviennent des « activités » et le professeur « l'adulte de référence ». Après avoir gagné les instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, cette dérive atteint désormais la rue de Grenelle.
Par ailleurs, l'expérimentation de la réforme se fera sous l'égide de l'Institut national de recherche pédagogique, qui a récemment défrayé la chronique et qui peut difficilement apparaître comme un modèle de rigueur.
Comment ne pas craindre que l'aménagement des rythmes scolaires, l'intrusion des multiples intervenants extérieurs dans l'école et la transformation du maître en une sorte de chef d'orchestre, ou d'animateur socio-culturel, ne sonnent le glas d'une école républicaine à laquelle nous sommes attachés ?
Pour la lecture, l'organisation de la récente journée de la défense a confirmé que 10 % des jeunes sortaient du système scolaire sans maîtriser les fondamentaux. Votre commission estime qu'il n'est que temps de tirer un trait sur cette ère délétère des colloques et états généraux en tout genre sur la lecture, qui font les délices des spécialistes des sciences de l'éducation, mais qui ne font nullement avancer vers les solutions.
M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !
M. André Maman. rapporteur pour avis. Le rapporteur de votre commission rappellera ce que lui disait, sur un autre banc et à une autre époque, un vieil inspecteur : « En quittant l'école primaire, un élève doit posséder la pratique et le sens des quatre opérations, et aussi pouvoir écrire de lui-même un paragraphe de dix lignes sans faute d'orthographe. » Quelques années plus tard, nous sommes loin de ce modeste objectif !
J'évoquerai également d'un mot le problème des sorties scolaires.
La publication de la dernière circulaire du 23 septembre n'a pas rassuré les enseignants, qui attendent un dispositif réaliste fixant les limites de leur responsabilité pénale en ce domaine.
S'agissant du collège, ensuite, après la consultation « Dubet », la mise en place du « collège pour tous » devrait devenir une réalité.
Que faut-il en penser ? Certaines mesures vont dans le bon sens - meilleure liaison entre l'école et le collège, aide personnalisée aux élèves, notamment - mais apparaissent encore trop timides pour renforcer le « maillon faible » de notre système éducatif : l'échec scolaire, la relégation des élèves en sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, le défaut d'orientation, l'hétérogénéité croissante des classes, la violence, constituent autant de facteurs qui appellent une réflexion plus ambitieuse sur le collège unique.
Concernant le lycée enfin, le rapport pour avis analyse le détail de la réforme, qui apparaît très en retrait par rapport aux propositions « Meirieu » et au plan présenté en juillet 1998 par M. le ministre devant la commission.
Cette réforme n'a en rien empêché le développement du dernier mouvement lycéen, qui a résulté beaucoup plus d'un manque d'enseignants que d'une prétendue inertie des collectivités locales pour financer des lieux de rencontre dans les établissements.
En outre, cette réforme n'a en aucune manière porté remède au développement du système des options, qui permet aux familles averties de tourner la sectorisation et qui est, par ailleurs, coûteux en termes budgétaires.
J'aborderai, enfin, trois chantiers de réforme : la fonction de chef d'établissement, les conditions de travail et l'évaluation des enseignants, thèmes qui ont fait l'objet de rapports récents et d'une analyse approfondie de la commission d'enquête du Sénat.
Le recteur Blanchet a été chargé d'une mission de réflexion pour revaloriser la fonction de chef d'établissements. A l'issue de ses travaux, il a formulé une quarantaine de propositions, dont certaines recoupent les mesures suggérées par la commission d'enquête, telles que le développement de leurs prérogatives à l'égard de l'équipe éducative et l'élargissement de leur recrutement.
S'agissant de l'évaluation des enseignants, le rapport du recteur Monteil prévoit notamment que chaque enseignant élabore un rapport d'activité, que l'entrée dans la fonction se fasse de manière progressive et accompagnée, et qu'une association plus étroite soit instaurée entre les corps d'inspection et les personnels de direction en matière d'évaluation.
Ces orientations répondent en partie aux propositions formulées par la commission d'enquête mais restent muettes sur un nécessaire renforcement des moyens de l'inspection. On peut regretter à cet égard que le budget ne prévoie que 40 postes supplémentaires d'inspecteur d'académie alors que le ministre indiquait l'an dernier qu'il fallait augmenter de 50 % leurs effectifs, qui sont actuellement de quinze mille.
Concernant les conditions de travail et de vie des enseignants, le recteur Bancel a été chargé d'une mission qui a donné lieu à la publication d'un rapport au mois de mai dernier : ses principales propositions consistent à réviser l'obligation de service, à instituer un projet pédagogique contractuel dans l'établissement, à y créer un conseil pédagogique et scientifique, à introduire une composante de professionnalisation dans les concours et la formation des enseignants, et à accompagner les enseignants débutants.
Si plusieurs de ces mesures rejoignent, là aussi, celles qui ont été proposées par la commission d'enquête, on peut regretter qu'un aménagement de l'obligation hebdomadaire de service des enseignants, qui permettrait d'apporter une aide plus individualisée aux élèves en difficulté, n'ait pas été proposé par le rapport.
Bref, si ces trois chantiers sont porteurs d'avenir, ils comportent, en l'état, une grande part d'incertitude.
Sous réserve de ces observations, et compte tenu du fait que la dérive persistante des crédits ne s'accompagne pas d'une réorientation suffisante des moyens, la commission des affaires culturelles a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2000. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, dans le premier rapport que j'ai présenté l'an passé au nom de la commission des affaires culturelles, nous nous sommes attachés à rappeler les grandes missions et spécificités de l'enseignement technique de notre pays. Nous avions mis l'accent sur les transformations en cours et à venir pour faire de cette formation initiale une voie moderne de qualité et de réussite pour les élèves concernés.
Cette année, j'évoquerai plus particulièrement la réforme de l'enseignement professionnel, qui s'inscrit dans celle du lycée, et les adaptations qui s'imposent pour l'enseignement technologique.
Après avoir souligné l'évolution quelque peu limitée des crédits, il nous faudra rappeler que l'enseignement professionnel est tout à la fois lieu d'excellence et lieu d'accueil pour les élèves en difficulté.
Depuis la table ronde de mars 1998 jusqu'au colloque de Lille sur l'enseignement professionnel intégré de septembre dernier, vous avez annoncé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, une véritable refondation de l'enseignement professionnel.
A cet égard, je rappellerai tout d'abord les grandes lignes de la charte de l'enseignement traditionnel intégré présenté le 24 juin dernier.
Ses objectifs sont clairs : concilier les impératifs de la formation générale, de la formation professionnelle et de l'environnement économique.
Cela passe par un apprentissage de la citoyenneté et l'acquisition d'une culture générale fondée sur une éducation civique, juridique et sociale. Cela implique des enseignements artistiques et même des cours de philosophie. Ainsi, les élèves des lycées professionnels pourront-ils éventuellement se réorienter vers l'enseignement général et technologique.
L'enseignement professionnel se doit de maintenir des liens étroits avec les formations générales, mais aussi se rapprocher de l'entreprise. Cela suppose un partenariat avec les entreprises, des périodes de formation négociées avec les branches professionnelles et l'établissement d'un contrat de formation à forte dimension pédagogique entre le lycéen, son établissement et l'entreprise.
Cela implique également la désignation d'un coordonnateur au sein des établissements, l'utilisation des plates-formes technologiques des lycées professionnels par les PME et les PMI, ainsi que l'institution d'un coordonnateur académique chargé notamment de vérifier l'adéquation des formations et de l'emploi au plan local.
Il convient par ailleurs de rénover les enseignements par la réalisation de projets pluridisciplinaires à caractère professionnel et une aide individualisée aux élèves en difficulté.
Parallèlement, il faudra engager une réflexion sur le statut des lycées professionnels, sur leur orientation et sur leurs débouchés.
Enfin, les futurs professeurs de lycée professionnel devront bénéficier d'une formation pédagogique en institut universitaire de formations des maîtres, adaptée à ce nouvel enseignement intégré, et de stages professionnels en entreprise.
Cette charte ambitieuse devrait être expérimentée dans quelques établissements volontaires.
Le colloque de Lille du mois de septembre dernier a permis d'envisager ces dispositions dans le détail, notamment quant à l'enrichissement du contenu des formations. A titre personnel, je regrette que ce colloque n'ait pas suffisamment traité de certains sujets : les élèves en difficulté, la légitime gratification des élèves stagiaires - encore que vous ayez abordé le problème depuis, monsieur le ministre - les bourses et la réduction des horaires des enseignants.
Cette charte ambitieuse a fait l'objet d'une campagne vigoureuse de promotion de l'enseignement professionnel. Grâce à M. Jacquet, l'effet « Coupe du monde » a joué et des académies comme celle de Montpellier ont enregistré une hausse de 15 % des candidatures en lycée professionnel. Malheureusement, tous les postulants n'ont pas pu trouver une place dans les établissements.
Votre commission regrette cependant que cette campagne n'ait pas été accompagnée des moyens correspondant à l'augmentation des demandes. En effet, près de 10 000 postes ne sont pas occupés par des titulaires et 2 000 postes n'étaient toujours pas pourvus deux mois après la dernière rentrée, ce qui a légitimé la participation importante des lycéens professionnels au dernier mouvement lycéen.
Force est de constater que les objectifs ambitieux de la réforme ne trouvent pas une traduction pleine et entière dans les crédits prévus pour 2000, malgré leur augmentation.
Ces crédits s'élèveront à 37,697 milliards de francs contre 37,148 milliards de francs en 1999. Ils permettront de créer 1 100 emplois de PLP2 et 96 emplois de non-enseignants.
Des mesures de revalorisation sont prévues. Elles permettront de transformer les derniers emplois de PLP1 en emplois de PLP2, pour un coût de 18,95 millions de francs.
Le projet de budget pour 2000 reste donc en deçà du nécessaire, même s'il traduit un progrès significatif.
Je traiterai ensuite rapidement de la nécessaire rénovation de la voie technologique.
Cette filière accueille 30 % des effectifs des lycées. Elle prépare à quatre baccalauréats, assortis de quatorze spécialités et de huit options, le tout aboutissant à vingt et un diplômes différents.
Dans ses propositions, le recteur Forestier a proposé de réduire cette « balkanisation » technologique, avec trois baccalauréats et onze spécialités.
Ces propositions sont intéressantes. Mais il conviendrait aussi de favoriser l'orientation des élèves les plus fragiles vers les séries technologiques, de prendre mieux en compte l'hétérogénéité des classes et de développer les débouchés post-baccalauréat, notamment dans la série « sciences médico-sociales ». En tout état de cause, toutes les dispositions nouvelles devront être prises après une concertation approfondie avec les acteurs.
En second lieu, la commission des affaires culturelles tient à rappeler que si l'enseignement peut être un lieu d'excellence, il est aussi un lieu d'accueil pour les élèves en difficulté.
Comme vous le savez, le nombre des sorties du système éducatif sans formation ou qualification s'est réduit depuis dix ans. Je pense que cet effort doit être poursuivi selon des formules diverses.
Le programme « Nouvelles chances », lancé en mai 1999, tend à prévenir les ruptures au collège et à mettre en place des parcours de formation qualifiante en fin de scolarité. Il s'inscrit d'ailleurs dans le cadre européen en bénéficiant des aides du FSE.
Les classes et internats relais participent du même souci en proposant une pédagogie différenciée, un encadrement renforcé, en partenariat avec la protection judiciaire de la jeunesse, les collectivités locales, la politique de la ville et le tissu associatif : 250 classes relais devraient fonctionner l'an prochain et accueillir 5 000 jeunes en grande difficulté. Une dotation de 100 postes du 1er degré a été répartie, à la dernière rentrée, entre les vingt-six départements désignés comme prioritaires par le conseil de sécurité intérieur.
Je ne dirai qu'un mot sur la mission générale d'insertion de l'éducation nationale, la MIGEN, qui a accueilli quelque 46 000 jeunes l'an dernier ; 40 % ont pu reprendre un cursus de formation et un jeune sur dix a pu trouver un emploi six mois après sa sortie du dispositif. Le projet de loi de finances prévoit une mesure nouvelle de 3 millions de francs pour augmenter le nombre de ses bénéficiaires.
Les sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, sont également spécialisées dans l'accueil des élèves en très grande difficulté scolaire. Elles ont fait l'objet d'une rénovation depuis 1996, et la réforme du collège devrait permettre d'améliorer l'intégration de leurs élèves à la vie du collège.
D'après les informations qui m'ont été communiquées, les trois quarts des jeunes de l'enseignement adapté devraient poursuivre leur formation en lycées professionnels, en établissements régionaux d'enseignement adapté, les EREA, ou en centre de formation d'apprentis, les CFA d'ici à trois ans ; ce pourcentage n'était que de 50 % en 1998.
Ces objectifs sont sans doute ambitieux. Ceux qui, comme moi, ont participé aux déplacements de la commission d'enquête sur l'éducation dans diverses académies ont pu constater les perspectives préoccupantes d'insertion de ces élèves en très grande difficulté scolaire ; c'est notamment le cas dans les départements d'outre-mer.
J'évoquerai enfin la transformation des classes technologiques de collège. Comme vous le savez, la réforme pédagogique du collège de 1996 a conduit à repenser le dispositif des classes technologiques. Elles seraient supprimées et remplacées par des groupes « nouvelles technologies appliquées » et une classe de 3e à option technologique.
Cette réforme traduit un souci d'éviter la constitution de toute filière de relégation et de renforcer les possibilités d'orientation de ces élèves, y compris en seconde générale et technologique.
La commission des affaires culturelles voudraient être assurée que la remise en cause des 4e et 3e technologiques a bien été précédée d'une réflexion suffisante tant les objectifs annoncés lui semblent ambitieux.
Outre un meilleur accueil de ces élèves en difficulté, l'enseignement professionnel doit enfin développer ses formations d'excellence.
La reprise économique constatée depuis plusieurs mois - et qui se poursuit - se traduit en effet par une forte demande de main-d'oeuvre qualifiée : le contenu des formations professionnelles doit donc être actualisé en permanence, notamment en direction des technologies nouvelles, pour être adapté aux évolutions inévitables de l'emploi et des métiers.
Ces formations devraient par ailleurs être enrichies par un enseignement général autorisant de futures reconversions professionnelles et permettant l'accès à l'enseignement supérieur via des passerelles adaptées.
Dans le département du Val-de-Marne, que je connais bien, 500 jeunes n'avaient pas trouvé, à la rentrée 1999, d'établissement où aller. Par leur persévérance et grâce à l'aide de M. le recteur et de Mme la présidente de l'université, 75 % d'entre eux ont finalement trouvé un établissement répondant à leur premier voeu. Mais certaines filières sont très sélectives : c'est, par exemple, le cas de l'informatique et des arts.
Un certain nombre d'élèves très motivés par le bac professionnel ont envie, malgré l'étroitesse de la voie, de continuer leurs études dans l'enseignement supérieur. Il faut le leur permettre. C'est pourquoi ces classes passerelles sont nécessaires. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? C'est une question positive que je vous pose, parce qu'on n'en était pas là, voilà encore quelques années !
A cet égard, nous devons nous réjouir de la création d'une nouvelle licence professionnelle qui ouvrira les formations supérieures aux techniques et qui permettra de réduire une ségrégation traditionnelle qui n'a plus de raison d'être.
Il conviendrait également de développer un système d'aides spécifiques pour les élèves de l'enseignement professionnel, afin de leur permettre de choisir en toute liberté leur orientation.
Un tel objectif passe par une revalorisation des bourses de lycée, afin de couvrir les dépenses élevées d'équipement et de stages dont la durée est appelée à s'allonger dans le cadre de l'enseignement intégré. Il serait sans doute opportun, dans cette perspective, de créer une allocation de rentrée scolaire spécifique bénéficiant aux lycéens professionnels souvent issus de milieux aux ressources limitées alors que les frais de scolarité dans certaines sections de cet enseignement sont parmi les plus élevés.
Dans le cadre de la réflexion qui va être engagée sur le statut des lycéens professionnels, il faudrait, enfin, poser le problème de leur gratification. Celle-ci est d'ailleurs prévue dans le code du travail, sans charges sociales particulières. Une telle gratification est désormais justifiée par la longueur des nouveaux stages et l'origine souvent modeste des stagiaires. Elle pourrait figurer, par exemple, dans la convention nationale type de stage.
Par ailleurs, la difficulté de la fonction de professeur de lycée professionnel est aujourd'hui à l'origine d'une désaffection des jeunes pour cette fonction enseignante. Une revalorisation indiciaire, une réduction des horaires, une formation spécifique, le développement de stages en entreprise et la prise en compte de l'expérience professionnelle dans les concours constitueraient autant d'éléments contribuant à rendre la fonction plus attractive.
Dans l'attente de ces mesures et d'un élargissement des recrutements, le recours aux professeurs associés est nécessaire. Encore faut-il leur assurer une formation pédagogique minimale et circonstanciée.
J'en terminerai en soulignant la nécessité d'instituer une vériable programmation budgétaire pluriannuelle pour l'enseignement professionnel, à l'instar de celle que prévoyait la loi de 1985. Une telle programmation me paraît indispensable pour effectuer les rattrapages nécessaires, mettre en oeuvre la réforme ambitieuse de l'enseignement intégré, procéder aux recrutements nécessaires, fixer, en quelque sorte, un cap solide et durable pour les années à venir.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat - que je pressens positive ! - sagesse que je pressens très positive, pour l'adoption des crédits pour 2000 de l'enseignement technique.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
- Groupe du RPR : 36 minutes ;
- Groupe socialiste : 31 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste : 24 minutes ;
- Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 16 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen : 14 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'enseignement scolaire, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, comme l'a déjà souligné l'excellent rapport de mon collègue M. Delong, le projet de budget de l'enseignement scolaire, de 308,7 milliards de francs, se confirme comme le premier budget de la nation. Il s'agit d'un budget en augmentation, avec le franchissement de la barre symbolique des 300 milliards de francs, alors que l'on observe une diminution de la démographie scolaire, dans le premier comme dans le second degré.
A ce budget, n'oublions pas d'ajouter, pour connaître la dépense totale d'éducation, les 35 % au moins que supportent les collectivités locales et les autres partenaires.
Une vision simpliste pourrait faire croire que les plus graves problèmes que traverse notre école sont résolus, ou vont bientôt l'être. Permettez-moi de ne pas, hélas ! partager complètement l'optimisme ambiant.
Cet effort budgétaire permettrait, selon vous, la mise en place de réformes indispensables pour moderniser notre système éducatif. Cependant, nous pouvons observer depuis quelques années une dérive budgétaire qui ne semble pas aujourd'hui s'inverser.
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Pierre Martin. En effet, l'éducation nationale dispose de moyens très importants, qui la placent, comme je viens de le dire, au premier rang des budgets de l'Etat.
Oui ! l'éducation « est la première priorité nationale », comme l'énonce l'article 1er de la loi d'orientation du 10 juillet 1989. Mais non ! cette priorité ne doit pas simplement se traduire par une augmentation budgétaire. Elle doit se traduire aussi par une gestion plus rigoureuse.
Votre projet de budget ne semble pas tenir compte des remarques qui ont été faites par la commission d'enquête du Sénat et dont la prise en considération aurait pourtant permis pourtant d'améliorer le système, car c'est bien le système qu'il faut améliorer !
La commission, dans son rapport, s'est attachée à démontrer que les crédits énormes affectés à l'éducation nationale sont gérés dans toute la rigueur nécessaire.
Il s'agit bien de sommes considérables. En effet, selon le rapport de la commission d'enquête : « L'éducation nationale coûte chaque jour presque 1 milliard de francs aux contribuables. » Le budget de l'enseignement scolaire est du même ordre de grandeur que le produit de l'impôt depuis 1989.
M. René-Pierre Signé. C'est normal !
M. Jean Chérioux. Il faut mieux utiliser ces sommes !
M. Pierre Martin. Exception faite de l'année 1996, la croissance de ce budget a été plus rapide que celle du budget de l'Etat.
L'évolution comparée des effectifs d'élèves et du budget de l'enseignement scolaire révèle une rupture en 1995, puisque l'effort budgétaire ne cesse d'augmenter, alors que la démographie scolaire est en baisse.
Cette situation devrait, en toute logique, conduire à une amélioration des résultats. Ce n'est malheureusement pas le cas. Aussi serait-il judicieux et nécessaire de dépenser mieux, peut-être même de dépenser moins.
Sur ce point, comme sur de nombreux autres, mon collègue Patrick Lassourd, qui ne peut être présent aujourd'hui, partage mon point de vue et dénonce l'inadéquation manifeste qui existe entre les choix éducatifs arrêtés par le Gouvernement et la réalité.
L'objectif quantitatif - on compte, à ce jour, 10 000 enseignants en surnombre et de nombreux enseignants hors de leur rôle proprement éducatif par le biais de mises à disposition, de décharges syndicales, etc. - a, depuis toujours au ministère de l'éducation nationale, pris le pas sur de véritables et si nécessaires projets qualitatifs !
Certes, vous nous expliquerez, monsieur le ministre, que cette évolution marque la volonté du Gouvernement d'améliorer l'encadrement des élèves. Mais force est de constater que ce renforcement n'est en fait que symbolique puisque, dans le premier degré, le nombre d'élèves par enseignant est passé de 24 en 1992 à 23,3 en 1998 et qu'il devrait atteindre 22 en ZEP aujourd'hui.
M. Serge Lagauche. Il faudrait plus de crédits !
M. Pierre Martin. Votre volonté obtient-elle les résultats escomptés ? Sincèrement, je ne le crois pas.
S'agissant de l'enseignement du premier degré, votre budget ne prévoit aucune suppression d'emploi d'enseignant, et vous annoncez, dans le même temps, la création de 3 300 emplois d'enseignants dans le secondaire.
La rentrée de 1999 marque une baisse de 58 900 élèves dans le primaire et le secondaire. Les prévisions pour la rentrée 2000 démontrent que cette diminution des effectifs scolarisés continuera. Dans les dix prochaines années, les effectifs des écoles devraient diminuer d'environ 220 000 élèves et ceux du second degré de près de 400 000 élèves. Il est donc urgent de s'interroger sur le bien-fondé d'une augmentation de crédits, surtout lorsque l'on constate que 96 % de ces crédits sont affectés aux dépenses de personnel. Cette part est en continuelle augmentation ces dernières années.
M. René-Pierre Signé. Il n'aime pas les professeurs !
M. Pierre Martin. Les auditions auxquelles j'ai pu assister dans le cadre de la commission d'enquête menée par notre assemblée sur le sujet étaient particulièrement éclairantes sur les dysfonctionnements structurels de l'enseignement scolaire. Toute politique en matière d'emploi passe par la capacité à connaître et à maîtriser les effectifs. Or cette information ne vous arrive qu' a posteriori.
Nous avons même pu nous demander si la véritable priorité du Gouvernement n'était pas plutôt la rémunération des fonctionnaires. Mais attention, comme disait Clemenceau, « la France est un pays fertile : on y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts » !
M. Jean-Claude Carle. Bonne référence !
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Pierre Martin. Il est très difficile, mes chers collègues, de voter ce budget, tant nous sommes dans le flou pour le juger. En effet, nous sommes amenés à nous prononcer sur les crédits de l'enseignement scolaire sans disposer de toute l'information nécessaire pour appréhender les conditions dans lesquelles sont utilisés ces crédits.
Vous le savez bien, monsieur le ministre, vos emplois ne correspondent pas toujours aux postes. J'en veux pour preuve l'exemple édifiant que constitue la manipulation que vous opérez par le jeu des transferts des maîtres-auxiliaires sur les maîtres d'internat et surveillants d'externat - les MI-SE - et des MI-SE sur les emplois-jeunes.
A ce propos, sans pour autant remettre en cause l'utilité sociale et pédagogique des emplois-jeunes,...
M. René-Pierre Signé. Vous l'avez fait !
M. Pierre Martin. ... on est en droit de se demander si les aides-éducateurs d'aujourd'hui n'ont pas vocation à devenir les enseignants titulaires de demain.
Le besoin étant créé, comment, dans les années à venir, répondrez-vous, monsieur le ministre, à ce besoin si les emplois-jeunes n'existent plus ? Par la création de nouveaux fonctionnaires ?...
Ces quelques remarques démontrent que l'amélioration du système éducatif ne passe pas exclusivement par le quantitatif mais qu'il passe plutôt par le qualitatif.
En ce sens, le problème de l'illettrisme - la substitution de ce mot à celui d'analphabétisme n'a nullement résolu le problème - nous en fournit un exemple significatif.
L'apprentissage de la lecture est en effet une question de méthode plus que de moyens. Il est inacceptable qu'un enfant sur sept ne sache pas lire à l'entrée en sixième, que deux sur cinq ignorent la différence entre un carré et un rectangle, que 10 % à 15 % de la population scolaire emprunte le long couloir de l'illettrisme qui, de la maternelle à la troisième, traverse l'école de la République. Ce cycle scolaire, d'une durée de treize à quatorze ans, devrait-il encore se terminer par ces échecs que nous connaissons, qui sont souvent définitifs et lourds de conséquences ?
M. René-Pierre Signé. Cela s'améliore !
M. Pierre Martin. Les méthodes d'enseignement valent surtout par le maître qui les applique. Or il faut noter le manque de courage de l'éducation nationale, qui se refuse à écarter certains professeurs ne méritant pas de conserver la responsabilité d'une classe et qui hypothèquent la réussite scolaire de trop nombreux élèves.
Manque de courage également lorsque l'on s'évertue à annoncer que les meilleurs maîtres, les plus expérimentés, seront dans les classes difficiles alors qu'à chaque rentrée on nomme sur ces postes des professeurs des écoles sans expérience sortant de l'IUFM, parce que l'on n'a pas su convaincre les autres d'y venir.
Où en sommes-nous par rapport aux mesures annoncées en ce qui concerne le moratoire, l'initiation aux langues étrangères, les contrats éducatifs locaux, l'ARVEJ, l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune ?
Seul un réel partenariat autour de l'élève, avec l'Etat, les enseignants, les parents, les élus et les représentants des académies, peut gagner le pari de la réussite scolaire dans l'intérêt de l'enfant. Car c'est bien l'enfant qui doit rester au coeur de nos préoccupations. C'est bien l'enfant qui doit être l'objet de toute notre attention.
Or l'enfant est-il vraiment au coeur de nos préoccupations quand on constate la place limitée qui est réservée à la médecine scolaire, pourtant incontournable de nos jours. Ainsi, dix postes de médecins seulement sont créés dans le budget pour 2000. Le rôle des infirmiers et infirmières scolaires est-il vraiment renforcé ?
Vous allez nous répondre, bien sûr, par l'affirmative, madame le ministre, en ne manquant pas de rappeler que, prochainement, les infirmières scolaires pourront délivrer la pilule du lendemain.
M. René-Pierre Signé. Mais oui !
M. le président. Monsieur Signé, vous n'avez pas la parole !
M. Jean Chérioux. C'est une grande victoire, vraiment !
M. Pierre Martin. Ne prenez-vous pas le risque de déresponsabiliser les élèves dans la maîtrise de leur sexualité en faisant apparaître la non-protection comme un élément facultatif ?
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Pierre Martin. De plus, cette annonce est l'expression d'une attitude de défiance et de mépris vis-à-vis de la famille, car vous donnez l'impression de considérer les parents comme incapables de communiquer avec leurs enfants, d'assumer leur responsabilité.
M. René-Pierre Signé. Eh ben dis donc !
M. Pierre Martin. Des décisions aussi radicales n'ont pas toujours été prises en d'autres domaines ; je pense notamment aux méfaits du tabac, à l'abus d'alcool, ou encore au danger de la drogue.
Je terminerai mon intervention en parlant des deux grands perdants de votre prétendument ambitieux programme : les chefs d'établissement et l'enseignement privé sous contrat.
Concernant les chefs d'établissement, on peut observer une évolution considérable de leur rôle, évolution qui n'est toujours pas suivie d'un renforcement de leurs prérogatives. L'absence d'autorité pédagogique des chefs d'établissement est d'autant plus paradoxale qu'ils sont eux-mêmes issus du corps enseignant et que leur fonction prend une dimension pédagogique de plus en plus importante ! Par ailleurs ils ne sont pas épargnés par l'augmentation des mises en jeu de leur responsabilité pénale.
En ce qui concerne l'enseignement privé sous contrat, je n'ai aucun scrupule à dénoncer aujourd'hui les manquements de votre budget au principe de parité, d'autant que, ancien enseignant et directeur d'école, je viens du public.
M. René-Pierre Signé. On ne l'aurait pas deviné !
M. Pierre Martin. En effet, vous ne respectez pas la notion de parité inscrite dans la loi Debré modifiée du 31 décembre 1959. La loi de finances devrait traduire ce principe dans les mesures qu'elle contient. Or, cette parité n'est pas effective dans plusieurs domaines, en matière de promotion par exemple, ou en matière de cotisations salariales pour la retraite.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
M. Pierre Martin. Il faudrait qu'à l'avenir nos débats sur l'éducation nationale ne se résument pas à la lecture des lignes d'un « bleu » budgétaire parfois énigmatique, qui vide de son sens l'autorisation budgétaire.
La loi Jospin de 1989 précisait dans son article 1er : « Si l'éducation est la première priorité nationale, il y a lieu d'éviter les effets d'annonce pour se recentrer sur l'élève et les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif ambitieux. »
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. Pierre Martin. Avez-vous véritablement, monsieur le ministre, madame le ministre, évité les effets d'annonce pour atteindre cet objectif ?
Je ne le crois pas, c'est pourquoi nous voterons aujourd'hui contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Et c'est un enseignant qui a parlé !
M. Jean Chérioux. Il a beaucoup de mérite !
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de ma surprise, pour ne pas dire plus, quant au jour et à l'heure où nous discutons du budget de l'enseignement scolaire, priorité de la nation et première ligne du budget. Je regrette, en effet, que cette discussion ait lieu un dimanche après-midi - le jour du Seigneur ! - moi qui croyais que la séparation de l'Eglise et de l'Etat était l'un des fondements de notre République ! (Sourires.) Cela est tout à fait regrettable, d'autant que le budget annexe des monnaies et médailles fut discuté, « lui », un mardi, jour de plus grande affluence. La richesse acquise aurait-elle plus d'importance que la richesse en devenir de la nation ?
Mais revenons au budget destiné à ceux qui sont justement le devenir de notre pays : nos jeunes élèves.
Le budget de l'enseignement scolaire passe désormais le cap des 300 milliards de francs. Il augmente quatre fois plus que la moyenne des budgets ! Il croît de plus de 3,5 % par rapport à 1999 alors que l'évolution moyenne du budget de l'Etat est de 0,9 %. Dans le même temps, le nombre d'élèves diminue de près de 60 000 !
Décidément, monsieur le ministre, vous êtes en pleine contradiction entre votre discours et vos actes. Vous qui, à plusieurs reprises, avez dit « toujours plus de moyens ne résoudrait rien », vous vous imposez, si vous me permettez cette expression, des inflations budgétaires !
Vous augmentez les moyens quand vous souhaitiez améliorer la gestion. On comprend que cette situation vous soit difficile. On saisit ainsi mieux pourquoi, la réalité étant trop dure, vous tentez de la masquer.
Ainsi, pour la deuxième année consécutive, vous faites illusion : vous supprimez des postes... mais seulement sur le papier. Ainsi, vous annoncez la suppression de 4 319 postes de maîtres et de surveillants d'internat en l'an 2000. En réalité, ils resteront en place ; mieux, ils augmenteront même d'un millier. Simplement, ces « pions », comme on les appelle, seront rémunérés non plus sur les effectifs officiels mais sur une ligne particulière consacrée aux dépenses d'internat. Il fallait y penser !
Il est vrai aussi qu'il est difficile de résister à la tentation d'augmenter un budget. C'est si facile ! Et c'est tellement plus médiatique d'annoncer un budget en hausse que d'entreprendre les réformes de fond indispensables !
Il y a désormais deux discours sur l'éducation nationale : il y a le discours du ministre, qui nous berce de chiffres ronflants, de projets de réforme, de résultats qui seraient censés s'améliorer ; puis il y a, sur le terrain, le discours et la réalité des enseignants qui se plaignent de la baisse du niveau des élèves et de la violence croissante.
L'écart entre votre discours et les réalités s'accroît d'année en année.
Le discours du ministre porte parfois attention au discours des enseignants, mais c'est une attention bien désinvolte et c'est pour l'abandonner aussitôt.
Des explosions de violence vous ont ainsi conduit à élaborer bien vite, puis à annoncer en fanfare, il y a deux ans, un plan anti-violence. Ce plan se résume, aujourd'hui, à l'affectation de 4 700 emplois-jeunes, souvent insuffisamment formés, aux écoles des quartiers en difficulté. Et pourtant, pendant ce temps, une violence endémique continue de proliférer.
Les chiffres devraient pourtant vous interpeller ! Ne voyez-vous pas que l'inflation budgétaire ne résout rien et s'accompagne, au contraire, d'une inflation des difficultés ?
Depuis 1975, les crédits de l'éducation nationale ont doublé en francs constants : ils représentent aujourd'hui plus du cinquième du budget de l'Etat.
La dépense globale d'éducation, qui est la somme du budget de l'Etat, de celui des collectivités locales, des dépenses des entreprises et de celles des familles, est passée de 445 milliards de francs en 1990 à 634 milliards de francs en 1998, soit une augmentation de près de 200 milliards de francs.
Depuis vingt ans, le nombre d'enseignants a augmenté de 40 % alors que les effectifs d'élèves n'ont progressé que de 17 %. Depuis six ans, le nombre d'élèves a diminué de 317 000. Dans les dix prochaines années, les effectifs diminueront de 220 000 dans les écoles et de près de 400 000 dans le second degré. Le nombre d'élèves diminue, le budget augmente et les difficultés subsistent : il y a véritablement un problème.
Si l'augmentation des moyens permettait de réduire l'échec scolaire et d'améliorer les conditions de travail des enseignants, on pourrait comprendre. Mais tel n'est pas le cas.
On compte, selon les chiffres de 1998, un enseignant pour quatorze élèves dans le secondaire. En tenant compte des durée de présence différentes des enseignants et des élèves au sein des établissements, on atteint une moyenne de un pour vingt et un. Comment alors expliquer qu'il y ait des classes surchargées dépassant parfois les trente-cinq élèves et, dans le même temps, des classes qui ferment ? Il y a vraiment un problème...
La conclusion s'impose : ce ne sont pas les moyens qui font défaut, c'est la mauvaise utilisation de ceux-ci qui est en cause. C'est d'ailleurs l'avis de nos concitoyens.
La commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des personnels, dont j'étais l'un des rapporteurs, a heureusement permis d'apporter un certain nombre d'explications.
J'en rappellerai quelques-unes.
On compte 10 000 enseignants en surnombre, en raison d'un recrutement inadapté aux besoins. Ce gâchis coûte à la nation 3 milliards de francs, soit l'équivalent du budget de mon département, la Haute-Savoie. Au-delà de la gabegie financière, c'est aussi un gâchis humain : des enseignants doutent de leur mission.
Ainsi, la suppression de la physique en 5e a laissé un surplus de 3 000 postes, la rigidité des statuts empêchant tout redéploiement de ces enseignants vers d'autres disciplines. Il y a des matières où l'on manque d'enseignants, d'autres où il y en a trop ! Allez-vous, madame, monsieur le ministre, essayer de corriger cette inadéquation ?
Je continue.
De nombreux enseignants ne sont pas devant les élèves. Ils sont soit détachés, soit mis à disposition. A Paris, par exemple, notre enquête révèle qu'une centaine d'enseignants sont affectés dans un lycée où ils ne vont jamais. Où sont-ils ? On en trouve dans les cabinets ministériels, on en trouve dans de nombreux autres organismes. C'est parce que le Sénat a diligenté une commission d'enquête que nous avons pu en faire le constat, car rien ne figure à ce sujet dans les « bleus » budgétaires.
Ainsi, 15 000 enseignants sont en détachement, soit l'équivalent d'une trente et unième académie virtuelle.
Il y a, bien sûr, ceux qui enseignent à l'étranger, accomplissant une mission qui participe au rayonnement de la France et qu'il convient de préserver ; mon collègue André Ferrand y reviendra dans quelques instants.
En revanche, on retrouve aussi des enseignants détachés dans de nombreux organismes comme la Ligue de l'enseignement, la Fédération des jeunes pour la nature, les Eclaireurs de France, les Francas, et j'en passe. Là, il convient de s'interroger sérieusement sur le bien-fondé et la réalité de ces détachements.
On compte 1 150 mises à disposition officielles, au profit de la MGEN, de la CAMIF, de la MAIF, etc., auxquelles il faudrait ajouter les « mises à disposition clandestines ».
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Ce n'est pas vrai ! Il n'y en a pas !
M. Jean-Claude Carle. A l'heure où certains organismes, proches du système éducatif, sont sous le feu de l'actualité, n'est-il pas urgent de s'interroger sur ces mises à disposition ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous ne pouvez pas dire ça ! Ce n'est pas vrai !
M. le président. Monsieur le ministre, souhaitez-vous intervenir ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Carle, vous n'y voyez pas d'inconvénient ?...
M. Jean-Claude Carle. Nullement, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il n'y a pas de mise à disposition de personnels de l'éducation nationale à la MAIF et à la MGEN. Vous ne pouvez pas dire ça, monsieur Carle, à la tribune du Sénat, que je respecte infiniment ! Vous pouvez dire qu'il y a des détachements, oui, mais pas des mises à disposition !
M. Serge Lagauche. Très bien !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Carle.
M. Jean-Claude Carle. Enfin, 7 000 agents bénéficient de décharges syndicales ou réglementaires, dont certaines échappent au contrôle de l'administration centrale. Mais, dans le même temps, vous refusez, monsieur le ministre, d'aligner le seuil des décharges de service, pourtant justifiées, aux 5 500 directeurs d'école privée sous contrat.
Voilà différents faits qui expliquent un peu mieux pourquoi l'éducation nationale ne parvient toujours pas à mettre un professeur en face de chaque classe.
En outre, chaque année, 5 % des heures d'enseignement dues aux élèves ne sont pas effectuées et ne font l'objet d'aucun remplacement.
A ces heures perdues s'ajoutent les heures supprimées en fin d'année, lorsque les établissements sont fermés pour l'organisation des examens.
En moyenne, les élèves du second degré perdent chaque année trois semaines de cours. De la sixième à la terminale, un élève perd une demi-année d'enseignement. Quand mettrez-vous en place une gestion prévisionnelle des remplacements ?
La commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des personnels enseignants proposait notamment d'introduire plus de souplesse et de polyvalence dans la définition des périmètres disciplinaires au collège. Elle n'a pas été, pour l'instant, entendue.
L'éducation nationale ne souffre pas de manque de moyens mais de « mal-administration ».
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
M. Jean-Claude Carle. Ce mal ne se résout pas à coup de milliards de francs supplémentaires. Ces sommes contribuent au contraire à augmenter l'inertie du système et en accentuent la crise. Malgré des moyens sans cesse accrus. La France connaît une progression de l'illettrisme inquiétante : 60 000 jeunes sortent encore chaque année du système scolaire sans qualification.
Plus de 500 000 jeunes sont aujourd'hui au chômage, soit plus de 20 % d'entre eux : le taux le plus élevé, depuis des décennies, de tous les pays européens.
Mme Hélène Luc. Ça va tout de même mieux que lorsque vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Claude Carle. Vous répondez à ces difficultés par l'inflation budgétaire : une augmentation de 3,5 %, l'équivalent de 10 milliards de francs. Et pourtant, les moyens nouveaux ne sont même pas affectés aux priorités.
Un exemple. Pour l'introduction des nouvelles technologies dans les établissements scolaires, les besoins sont évalués à environ 15 milliards de francs. Vous affectez à ce poste seulement 285 millions de francs. Et vous oubliez, là encore, l'enseignement privé, qui, je vous le rappelle, monsieur le ministre, compte plus de deux millions d'élèves.
M. René-Pierre Signé. Ah, il l'aime, l'enseignement privé !
M. Jean-Claude Carle. Faut-il citer aussi les dérisoires 105 millions de francs consacrés à la réforme des lycées ?
Où vont vos priorités, monsieur le ministre ?
M. René-Pierre Signé. Pas à l'enseignement privé !
M. Jean-Claude Carle. Au fonctionnement ou à l'investissement ?
Et que sont devenues vos réformes ? Votre discours les annonce amples et profondes ; votre budget, qui enfle pourtant chaque année, s'empresse de les réduire à peu de choses.
Le collège est le maillon le plus fragile de notre système éducatif. Le collège unique concentre aujourd'hui l'essentiel des difficultés de ce système, l'échec scolaire comme la violence.
Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, que face à cette crise, les 240 millions de francs que vous consacrez à l'aide personnalisée en sixième et en cinquième vont résoudre le problème ? N'est-ce pas à la structure même du collège qu'il faut s'attaquer ?
Enfin, vous ne faites rien pour remédier aux discriminations existant entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Ainsi, à service semblable et à rémunération identique, les cotisations salariales de retraite sont très inégales : un enseignant du privé voit son salaire amputé de 5 000 à 10 000 francs par an par rapport à son homologue fonctionnaire. De même, les différences flagrantes entre les dotations d'aide aux actions éducatives et innovantes sont anormales : les écoles primaires publiques reçoivent près de 700 francs par maître, tandis que l'enseignement privé ne touche que 340 francs, soit environ 50 % de moins.
Vous allouez à toutes ces priorités des sommes dérisoires. Pourtant, le projet de budget augmente de plus de 3,5 %, ce qui représente plus de 10 milliards de francs, liés à la « mal-administration » dont j'ai parlé il y a quelques instants. C'est donc de 20 milliards de francs que vous disposeriez, l'équivalent, monsieur le ministre, du budget de la culture et de la jeunesse et des sports réunis. C'est colossal !
La conclusion s'impose : plus le budget augmente, plus les milliards supplémentaires ont une efficacité marginale, plus ils se perdent dans les siphons de la mauvaise gestion.
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
M. Jean-Claude Carle. Si, malgré l'inflation budgétaire, vous n'avez pas d'argent, c'est parce que vous ne menez pas à bien les réformes de fond qui vous auraient permis de dégager les moyens de vos ambitions et parce que vous ne voulez pas ou ne pouvez pas redéployer les crédits.
L'éducation nationale reste trop fermée et trop cloisonnée. On parle encore aujourd'hui de l'éducation nationale comme d'un objet abstrait, isolé des autres institutions et des autres acteurs sociaux. Concrètement, cela se traduit par un partenariat insuffisant et par une centralisation excessive.
Le partenariat doit s'établir avec tous ceux qui ont une responsabilité éducative. L'éducation est un tout : ce n'est pas seulement les livres que l'on lit et les devoirs que l'on fait ; c'est aussi l'apprentissage de la vie en commun, du respect des autres et du civisme.
Les acteurs de l'éducation, ce ne sont donc pas uniquement les enseignants, quel que soit leur mérite par ailleurs. La famille joue aussi un rôle considérable : si le rôle de l'école est d'assurer l'instruction de nos enfants, elle ne doit pas se substituer aux parents pour assurer leur éducation. Le partenariat avec le monde professionnel est également important.
Quant à la gestion, elle reste trop centralisée. La déconcentration du mouvement des enseignants est une bonne chose, mais elle ne suffit pas. Elle a d'ailleurs montré ses limites.
Je l'ai déjà dit et je le répète, l'Etat devrait abandonner un certain nombre de fonctions périphériques en concluant des partenariats avec les collectivités locales. La restauration, l'hébergement, l'entretien nécessitent du personnel ; or les dotations en personnel ATOS sont souvent déficitaires dans de nombreux établissements. Et je ne parle pas des universités, car ce n'est pas le moment, mais, vous le savez comme moi, la moyenne y est bien inférieure aux critères de San Remo.
Pourquoi ne pas imaginer d'autres possibilités et ouvrir des territoires d'expérimentation, même dans le domaine pédagogique ? La diversité des situations et la nécessité de réagir face aux réalités montrent les limites de la solution unique et le bien-fondé des mesures contractuelles prises le plus près possible du besoin.
Beaucoup de choses peuvent être réglées au niveau de l'établissement et de la communauté éducative. Chacun doit s'engager.
Les collectivités locales doivent pourvoir aux investissements matériels pour donner les meilleures conditions d'études et de confort. Mais elles ont aussi un droit de regard sur ce qui se passe à l'intérieur des murs et sur ce que deviennent les jeunes à la sortie de leur cursus scolaire.
Les chefs d'établissement doivent disposer de plus d'autonomie pour traiter des affaires de l'établissement et voir leur rôle renforcé. Des contrats d'établissement devraient être conclus entre l'Etat, les collectivités locales et les professions. Il faut passer d'un contexte de compétences séparées à un contexte de compétences partagées.
La proximité, c'est aussi la cohérence à l'échelon des bassins de formation. Il convient de jouer sur les complémentarités entre les établissements et leur mise en réseau.
Tous ces défis, je ne nie pas qu'il soit difficile de les relever et je ne doute pas de votre volonté de le faire. Mais vous semblez malheureusement n'y apporter qu'une seule réponse : le « toujours plus » budgétaire.
Or l'histoire montre que ce n'est pas la bonne réponse, qu'il est urgent d'y voir plus clair et d'engager les redéploiements nécessaires, autour de deux idées : le partenariat et la proximité. C'est la seule manière de réduire les deux maux dont souffre notre système éducatif : le corporatisme et le centralisme.
Vos convictions ne dépassent pas toujours le stade du discours, et je le regrette. Le « toujours plus » ne donne que des résultats bien insuffisants. Le courage c'est d'oser faire autrement et de savoir parfois dire non.
Voilà deux ans, monsieur le ministre, je pensais, avec d'autres, que vous seriez peut-être « celui qui a dit non ». Deux ans plus tard, nous constatons qu'il n'en est rien. C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants dira non à votre projet de budget pour l'enseignement scolaire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 novembre 1998, la commission des affaires culturelles du Sénat a mis en place une commission d'enquête afin d'examiner la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements du second degré. Dans le rapport de cette commission, nous avons relevé de nombreux dysfonctionnements affectant cette gestion.
En considérant simplement la baisse structurelle des effectifs d'élèves, la commission a mis en lumière la dérive du budget de l'éducation nationale puisqu'il apparaît que cette décroissance démographique n'a aucun effet budgétaire.
Les crédits alloués à l'éducation nationale, premier poste budgétaire, et de loin, de ce projet de loi de finances, battent aujourd'hui un nouveau record. Avec 308 milliards de francs - en hausse de 3,5 % par rapport à 1999 - pour la première fois dans l'histoire de la République, un budget dépasse les 300 milliards de francs.
C'est sans doute la conséquence de cette évolution à la hausse des crédits de l'éducation nationale en dépit de toute logique. En effet, bien que les effectifs des enfants scolarisés aient décru de 58 900 élèves à la rentrée 1999 - et il devraient encore décroître de 59 600 élèves à la rentrée 2000 -, le projet de budget prévoit la création de 3 300 emplois d'enseignant ou de conseiller principal d'éducation et de conseiller d'orientation psychologue. Parallèlement, le mouvement de titularisation des maîtres auxiliaires se poursuit.
Au total, le projet de budget prévoit la création de 4 300 emplois, gagés par des transformations en crédits, de maître d'internat et de surveillant d'externat, auxquels s'ajoute l'ouverture de moyens nouveaux, pour un total de 7 500 emplois, dont 5 000 emplois-jeunes.
Dans ce contexte, sans doute n'est-il pas vain de s'interroger sur la signification réelle de cette hausse des crédits. Traduit-elle une priorité ou, plus prosaïquement, est-elle le reflet de l'impuissance du Gouvernement face à des difficultés qui le dépassent ?
La hausse des crédits n'est certainement pas condamnable en elle-même, dans la mesure où elle repose sur l'idée selon laquelle la priorité accordée à l'éducation nationale doit nécessairement avoir une traduction financière, mais elle est préoccupante en ce que la dépense semble loin d'être optimisée.
La réflexion sur les orientations du budget de l'éducation nationale est d'autant plus urgente qu'avec 82 % de crédits affectés aux dépenses de personnel, c'est-à-dire une somme de près de 253 milliards de francs, ce budget est de loin le poste budgétaire le plus rigide de l'Etat.
La commission sénatoriale a enquêté sur la gestion des personnels des écoles et des établissements professionnels. Elle a notamment démontré qu'une gestion inadéquate des moyens, plus qu'une véritable pénurie d'emplois, expliquait les dysfonctionnements qu'elle a pu constater.
Dès lors, force est de considérer que le choix du Gouvernement traduit une certaine fuite en avant budgétaire puisqu'il laisse croire que les difficultés de l'éducation nationale pourront être réglées par une simple augmentation de crédits.
Pour ma part, je suis convaincu que la plupart des difficultés de l'éducation nationale relèvent surtout de problèmes structurels.
La commission d'enquête sénatoriale a relevé un certain nombre de dysfonctionnements dans la situation et la gestion des personnels des écoles et des établissements du second degré.
Je souhaiterais cependant insister sur certaines rigidités du système qui contraignent l'administration à faire appel à des variables d'ajustement, ce qui rend encore plus complexe la gestion du système éducatif.
La situation des maîtres auxiliaires me paraît fort bien illustrer les incohérences dans la gestion des personnels enseignants.
Depuis plus de vingt ans, les rectorats pouvaient recruter des maîtres auxiliaires lorsqu'ils manquaient d'enseignants dans certaines matières. La crise de recrutement des titulaires, de 1985 à 1992, a entraîné un recours massif aux maîtres auxiliaires. Jusqu'à 400 000 personnes ont été ainsi employées.
La crise du recrutement étant terminée, de plus en plus de maîtres auxiliaires se sont retrouvés au chômage, après parfois des années d'enseignement.
Afin de régler un problème social aigu, le ministère de l'éducation nationale a décidé le réemploi systématique de tous les maîtres auxiliaires qui étaient en poste durant la période 1995-1997, soit environ 28 000 ; il a également précisé que tout recours à de nouveaux maîtres auxiliaires était exclu.
Les rectorats ne peuvent donc plus utiliser cet élément de souplesse qui permettait aux établissements d'assurer toutes les heures d'enseignement prévues, dans quelque discipline que ce soit. La situation est bien souvent ubuesque, puisqu'on trouve des maîtres auxiliaires en surnombre dans de très nombreuses matières, alors que certains cours ne peuvent plus être assurés, faute de personnel qualifié.
Les établissements sont aujourd'hui dans l'incapacité de gérer ces flux d'enseignants. Pourtant, et en dépit des interdictions du ministère de l'éducation nationale, les établissements scolaires tentent de faire face aux manques en faisant appel à des vacataires ou à des contractuels. Si ces derniers sont recrutés pour un an, les vacataires, eux, ne peuvent effectuer que deux cents heures, ce qui ne couvre pas l'intégralité de l'année scolaire, et ne bénéficient d'aucune couverture sociale ni d'allocation pour perte d'emploi.
Sans doute le réemploi des maîtres auxiliaires est-il socialement une bonne chose, mais il ne faudrait certainement pas que l'arrêt du recrutement de nouveaux maîtres auxiliaires laisse la place à un auxiliariat encore plus précaire.
Par ailleurs, madame la ministre, votre projet de budget prévoit la création de cinq mille emplois-jeunes. Dans un tel contexte de désorganisation et d'incertitude, qu'allez-vous faire de ces personnels et, surtout, comment allez-vous financer le coût des emplois-jeunes dans les écoles et les collèges ?
La création des cinq mille emplois-jeunes d'aides-éducateurs qui viendront s'ajouter aux soixante mille déjà existants dans l'éducation nationale ne va-t-elle pas contribuer à accroître la rigidité du budget et à engager les finances de l'Etat sur une période beaucoup plus longue que prévue, étant donné les incertitudes qui pèsent sur l'avenir des jeunes à l'issue de leur contrat de cinq ans ?
Encore une fois, ne faudrait-il pas plutôt voir dans la décision de créer ces cinq mille emplois-jeunes le recours irréfléchi à la logique quantitative ?
Conséquence, sans doute, de la mauvaise gestion des personnels de l'éducation nationale, les résultats obtenus sont souvent décevants, notamment par rapport aux efforts budgétaires de la nation.
Les résultats des évaluations du niveau des élèves à l'entrée en CM2 et en 6e font apparaître qu'un nombre non négligeable d'élèves ne maîtrise pas encore les connaissances de base.
Ainsi, à l'entrée en CM2, il apparaît que près d'un élève sur quatre ne maîtrise pas les connaissances de base en lecture et que la moitié n'a pas un niveau supérieur aux compétences de base. Les résultats sont légèrement meilleurs en calcul, mais 22,6 % des élèves ne maîtrisent pas les connaissances de base.
A l'entrée en 6e, le score moyen global de réussite des tests de français est de 61,9 %, alors qu'en mathématiques il est de 54,7 %.
Les indications de ces évaluations confirment largement les inquiétudes, régulièrement exprimées, quant à la persistance, dans notre pays, d'un niveau d'illettrisme.
Il serait vain de spéculer sur les raisons de cette inadaptation du système scolaire. Mais la rupture pour les élèves entre l'école et le collège, en ne permettant pas la nécessaire continuité éducative de l'enseignement, ne favorise sans doute pas l'excellence des résultats obtenus.
Madame la ministre, permettez au sénateur de la plus grande région de France et singulièrement l'une des plus éloignées de la capitale française, la Guyane, d'évoquer la situation de l'enseignement scolaire de cette région.
La situation du système éducatif en Guyane se caractérise par une non-scolarisation chronique. L'offre de scolarisation en maternelle, à l'école élémentaire, au collège et au lycée reste largement insuffisante et trop d'enfants encore n'effectuent pas les trois années d'école maternelle avant leur entrée à l'école élémentaire. Ainsi, on enregistre 30 % de retard en CP, alors qu'en Martinique il est de 9 %, et 45 % de retard en CM2.
Quelles en sont les raisons ? Elles sont multiples. La géographie et l'enclavement de certaines zones sur les fleuves, le multiethnisme et le multiculturalisme, l'analphabétisme de nouveaux arrivants ou de tribus isolées à scolariser, enfin, les situations familiales difficiles et la prédélinquance fréquente sont des faits de nature à contribuer à l'échec scolaire.
Certes, la récente création du rectorat de la Guyane permet la prise en charge, dans de meilleures conditions que par le passé, des besoins spécifiques à la nouvelle académie. Cependant, force est de constater, au moment où je vous parle, que l'inspection académique estime qu'environ 2 500 enfants n'accèdent pas à l'éducation, dont 600 environ sont recensés dans la seule ville de Saint-Laurent-du-Maroni.
Selon le dernier recensement réalisé au cours de cette année en Guyane, on compte 167 000 habitants, avec une population scolaire qui s'élève à près de 60 000 élèves. Le retard scolaire reste très important : plus de 39 % des élèves en Guyane ont un an de retard, particulièrement dans les classes élémentaires.
L'assimilation des élèves d'origine étrangère, qui représentent 45 % des effectifs du premier degré, pose un véritable problème.
La préscolarisation des enfants dès deux ans reste très faible en Guyane : elle ne concerne que 3 % de la classe d'âge, contre 35 % en métropole. Le taux de scolarisation dès trois ans n'est, quant à lui, que de 40 %, alors qu'il atteint 99,6 % en métropole.
Dans le second degré, les effectifs ne font que croître, en raison d'une démographie galopante due à l'immigration. Les orientations qui y sont proposées aux élèves sont significatives de l'état du système scolaire en Guyane. Après la classe de 5e, la Guyane connaît le taux de redoublement le plus important des académies d'outre-mer. L'orientation en 4e technologique est encore trop peu utilisée, ainsi que celle en fin de 3e d'insertion, qui ouvre la voie de l'apprentissage.
La proportion des jeunes d'une classe d'âge ayant accès au baccalauréat augmente, mais elle reste faible : elle s'élève à 35 %, soit un jeune Guyanais sur trois. Le taux de sortie du système scolaire sans diplôme reste également important : près de 48 %.
Il convient donc, madame la ministre, que votre gouvernement accepte de retenir les propositions émanant du corps social guyanais, ainsi que les propositions des assemblées départementale et régionale réunies en congrès le 27 février 1999, qui figurent dans un document appelé « pacte de développement ».
La situation démographique particulière de la Guyane, qui nécessite un effort important de construction scolaire, renforce la responsabilité des collectives locales, celles-ci sont devenues des acteurs majeurs du système éducatif depuis les lois de décentralisation. Pour autant, les collectivités concernées manquent cruellement de moyens leur permettant de répondre à la demande de manière réaliste et rationnelle.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de traduire avec force, auprès de votre collègue du ministère de l'intérieur, la réalité de la situation que je viens de vous exposer. Il importe en effet de revoir les critères, non conformes à la réalité des dotations décentralisées, tant pour le département de la Guyane au titre de la dotation départementale d'équipement des collèges, que pour le conseil régional au titre de la dotation régionale d'équipement scolaire, ou pour les collectivités communales au titre de la dotation globale de fonctionnement.
La répartition des compétences en matière d'éducation telle qu'elle résulte, pour l'outre-mer, des lois du 31 décembre 1982 et du 2 août 1984 ne favorise pas la cohérence de la politique éducative locale.
Un regroupement des structures ou des compétences ne semble pas possible pour le moment compte tenu des décisions du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1982 et du 25 juillet 1994, qui interprètent d'une manière restrictive les termes de l'article 73 de la Constitution.
C'est pourquoi il importe que nous nous engagions vers une évolution statutaire pour l'ensemble des régions d'outre-mer, laquelle pourrait être réalisée à l'occasion de l'éventuel débat sur le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer qui devrait avoir lieu au cours du printemps de l'an 2000 et dont les principes et orientations ne retiennent pas cette option. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lagauche.
M. René-Pierre Signé. Enfin la gauche ! (Sourires.)
M. Serge Lagauche. Pour la troisième année consécutive, vous nous présentez, madame le ministre, monsieur le ministre, un budget en forte hausse, une hausse largement supérieure à celle du budget de l'Etat. Ce budget reste le premier de la nation et, pour la première fois, dépasse le seuil symbolique des 300 milliards de francs !
Les quelque 308 milliards de francs destinés à l'enseignement scolaire ne seront pas de trop au regard des nombreux objectifs que vous vous êtes fixés dans le cadre de votre ministère, mais aussi compte tenu du coût de la scolarité en France.
Je lisais récemment dans l'une de vos publications, L'Etat de l'école, que le coût de la scolarité d'un enfant, commencée à l'âge de trois ans et menée jusqu'au bac - donc pour la période qui nous intéresse ce soir - était, en 1998, évalué à 520 700 francs, alors que, en 1986, ce coût n'était que de 387 200 francs. Ces chiffres nous éclairent sur le rôle primordial que doit jouer l'Etat pour faire face à cette augmentation du coût édfucatif, rôle qui doit se traduire en termes financiers, mais aussi en termes de réforme.
Cette année est justement celle de toutes les réformes. Engagées à la dernière rentrée scolaire ou mises en oeuvre en 2000, elles donneront un nouvel essor à l'éducation nationale. La charte « Bâtir l'école du xxie siècle », la réforme des collèges, celle des lycées, tous ces projets ne peuvent que susciter l'approbation de tous.
Ces différentes réformes sont toutes fondées sur une plus grande écoute des enfants et sur la prise en compte, autant que possible, de leurs problèmes individuels afin de permettre la réussite du plus grand nombre. Elles sont également fondées sur l'incitation à s'ouvrir sur le monde extérieur, les pratiques diversifiées et les autres cultures. Les jeunes devraient ainsi être mieux armés pour affronter le monde moderne.
Mais la majorité sénatoriale semble très éloignée de cette conception ouverte de l'école. Sur ce point, je ne peux m'empêcher de vous lire un extrait du rapport pour avis de la commission des affaires culturelles, qui traite de ses interrogations quant à la réforme de l'école primaire, extrait qui explique sûrement les raisons cachées du rejet de votre budget. Je cite donc la page 42 - ainsi personne ne pourra venir me dire que je fais un procès d'intention à la majorité sénatoriale !
La commission « exprime notamment la crainte que l'instituteur traditionnel, dont la vocation était "d'instituer", de mettre debout, de faire grandir dans ses élèves ce que ceux-ci ne trouveraient pas dans la société, et dont la spécificité avait déjà été gommée en devenant professeur des écoles, soit aujourd'hui encore un peu plus dépossédé de son identité. Compte tenu des évolutions annoncées, le maître n'est-il pas condamné, du fait de l'irruption de la société dans l'école, des demandes parentales, de la profusion d'intervenants extérieurs et d'animateurs de toute nature, de l'intervention des aides éducateurs, de la multiplication des activités péri et extra-scolaires... à devenir une sorte de "chef d'orchestre" ou d'animateur socio-culturel, alors que son rôle traditionnel était de dispenser un savoir et des connaissances, selon "un rapport rigoureux et austère avec sa discipline qui avait valeur d'exemple pour ses élèves" ? »
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Serge Lagauche. Monsieur Chérioux, personnellement, ces propos me choquent, comme ils choqueront aussi, je pense, le personnel enseignant, qui s'investit pour adapter notre système d'enseignement aux exigences des évolutions rapides de notre société.
M. Jean Chérioux. Pourtant, Jules Ferry ne penserait pas autrement !
M. Serge Lagauche. Oui, le métier d'enseignant change - pas vous ! (M. Jean Chérioux proteste.) Mais il n'est ni une espèce en voie de disparition, ni une espèce menacée.
Oui, l'école doit s'ouvrir sur son environnement extérieur. Ne parle-t-on pas de communauté scolaire ? Non, elle n'est pas une forteresse assiégée par des hordes de parents consuméristes, d'animateurs de tout et de rien et d'emplois-jeunes qui empiètent sur le rôle de l'enseignant !
M. Yann Gaillard. Cela dépend des endroits !
M. Serge Lagauche. Ayez de meilleures fréquentations, mon cher collègue !
M. Jean Chérioux. Si Jules Ferry vous entendait !
M. Serge Lagauche. Un axe très intéressant de la réforme concernant l'école primaire a trait à l'enseignement des langues vivantes dès le CM2 et, bientôt, dès le CM1. J'ai noté que 15 millions de francs étaient prévus, dans le projet de la loi de finances pour l'an 2000, afin de parachever l'expérience en CM2 et de l'initier en CM1. Cela signifie-t-il que l'ensemble des classes de CM2 bénéficieront de cet enseignement à la rentrée prochaine ? J'ai entendu dire que, pour l'instant, 80 % seulement des classes de CM2 sont couvertes. Quant au CM1, combien de classes seront concernées à la rentrée prochaine et dans quel délai peut-on envisager que toutes dispensent cet enseignement ?
Pour ce qui concerne la réforme des collèges, un pas énorme a été fait notamment pour permettre aux jeunes enfants de mieux s'intégrer dès la 6e.
Cette classe est d'une importance capitale et constitue, pour l'enfant, une véritable rupture d'avec le confort sécurisant que représentaient l'école primaire, son professeur des écoles, unique interlocuteur, mais également son unique salle de classe et ses horaires réguliers.
Outre cette unicité de lieu, de temps et d'interlocuteur, ce sont également les méthodes de travail qui changent et le nombre des disciplines qui augmente en 6e. Les initiatives que vous avez prises, madame la ministre, pour faciliter l'insertion des enfants au collège sont excellentes. J'ai parcouru avec attention le Journal de sixième distribué aux enfants de 6e à la rentrée des classes : il est attrayant et bien fait, et il donne envie d'attaquer la vie au collège.
Pour prolonger un peu le confort de l'école primaire, vous avez également prévu l'octroi d'une salle de classe unique. Je souhaite que les établissements disposent des moyens matériels pour appliquer cette mesure.
Les rencontres entre enseignants du CM2 et de la 6e me semblent également constituer une avancée positive. Je souhaiterais que vous me disiez si, sur le terrain, des contacts effectifs ont été pris.
Enfin, parmi les autres dispositions intéressantes concernant les classes de 6e et de 5e, je soulignerai les heures de remise à niveau par petits groupes - effectuées par un autre enseignant que celui qui est chargé de la discipline - et ce dans les disciplines fondamentales, soit la lecture, l'orthographe et le calcul. Cette mesure intéressante me semble délicate dans son application. Bien entendu, j'ai en mémoire la difficile réforme des heures supplémentaires que vous avez dû opérer, et qui n'a d'ailleurs pas toujours été bien perçue par l'ensemble des enseignants.
Je constate que, dans le projet de budget pour l'an 2000, figure une mesure nouvelle de 240 millions de francs qui permettra d'avoir recours aux heures supplémentaires - année, ou HSA, pour financer cette aide personnalisée en classes de 6e et de 5e. A-t-on cependant prévu par ailleurs une formation des enseignants qui auront à effectuer ces heures de remise à niveau dans des disciplines et selon des méthodes qu'ils ne maîtrisent pas nécessairement ? Il ne faudrait pas qu'une gestion difficile empêche une innovation intéressante d'aboutir !
Très intéressantes sont les expériences de travaux croisés, qui, je l'espère, seront, comme prévu, étendues à l'ensemble des classes de 4e à la rentrée scolaire 2000-2001.
Pouvez-vous m'indiquer comment se passent les heures de vie de classe et l'installation des tuteurs ?
J'en viens au lycée, où la réforme ne s'applique qu'à la classe de seconde cette année. Elle s'étendra à la classe de première dès la rentrée prochaine, avec le projet de budget dont nous débattons.
Je ne reviens pas sur la question de l'aide individualisée financée par les heures supplémentaires, puisque le mécanisme, et donc mes interrogations, sont les mêmes que pour le collège.
En revanche, j'apprécie l'aspect plus diversifié des enseignements que la réforme permettra de proposer. Il en est ainsi de l'éducation civique, juridique et sociale, de l'apprentissage des langues avec l'aide d'un assistant de langue étrangère et, surtout, de l'instauration des ateliers d'expression artistique pour les élèves qui le souhaitent, dans les établissements où cet enseignement n'est pas dispensé. Le fait de mener cette expérience en partenariat avec le ministère de la culture la rend particulièrement intéressante, et j'ai bien noté que votre ministère y participait à hauteur de 20 millions de francs pour 2000.
Là encore, sur la réforme du lycée, le commentaire de la commission figurant dans le rapport me paraît complètement hors des réalités. En plus, il est symptomatique de la manière dont sont considérées les exigences de dialogue et de participation citoyenne des lycéens à la vie de leur établissement, quand il est fait état d'une « prétendue inertie des collectivités régionales, qui ont été invitées par le Gouvernement à financer des salles polyvalentes, des "lieux de rencontre" et autres foyers et cafétérias ». La commission poursuit : « Nos lycéens réclament davantage de professeurs que des lieux de rencontres, sauf à privilégier une conception du lycée qui deviendrait un lieu de vie light au sein duquel la transmission des savoirs n'apparaîtrait que secondaire. » Il vaut mieux que j'arrête là cette citation !
M. Jean Chérioux. Elle est pourtant très intéressante !
M. Serge Lagauche. Je le sais, sinon je ne l'aurais pas choisie !
La majorité sénatoriale - écoutez bien, chers collègues ! - ne veut pas entendre les revendications des lycéens.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. Mais si !
M. André Maman, rapporteur pour avis. Mais si, nous les écoutons.
M. Serge Lagauche. Non ! Vous croyez les écouter !
M. le président. Messieurs, veuillez laisser parler l'orateur.
M. Serge Lagauche. Ne vous énervez pas, messieurs, c'est dimanche, le jour du repos ! (Sourires.)
M. le président. Poursuivez, monsieur Lagauche.
M. Serge Lagauche. La majorité sénatoriale ne veut donc pas entendre les revendications des lycéens. Pour ma part, je les ai entendus réclamer non pas des « lieux de rencontre » - l'expression est quelque peu maladroite - mais des lieux d'expression, de débat, de vie lycéenne, leur assurant une véritable reconnaissance en tant que citoyens.
Votre politique sociale n'est pas en reste puisque, pour parachever la réforme du système des bourses initiée par vous, après qu'il fut mis à mal par le gouvernement Juppé, vous dégagez encore, cette année, 8,3 millions de francs pour permettre la majoration de 5 000 francs des bourses de lycée destinées à 5 000 élèves de familles modestes entrant en seconde et ayant obtenu d'excellents résultats en troisième.
Au total, plus de 4,2 milliards de francs, dans votre budget, seront destinés aux bourses et secours d'études.
L'initiative que vous venez de prendre, madame la ministre, en matière de prévention contre les conduites à risque dans les établissements scolaires procède du même type de démarche, qui vise à prendre les problèmes en charge au sein même des établissements. Je souhaite donc de tout coeur que l'opération « Repères » soit un succès et permette, à l'avenir, de préserver davantage de jeunes des fléaux que sont la drogue, l'alcool et le suicide qui sont tous d'ailleurs des formes de suicide en eux-mêmes.
Pour terminer sur le sujet des établissements scolaires, vu du côté des élèves et de leurs parents, je souhaiterai m'attarder une minute sur une question que j'ai déjà effleurée au début de mon propos : le coût des études, plus particulièrement au collège et au lycée, notamment le prix des livres scolaires.
Au collège, c'est à l'Etat d'assumer totalement cette dépense, mais le problème se pose avec les cahiers d'exercices, compléments de plus en plus indispensables dans de nombreuses disciplines. Ces cahiers sont à la charge des familles ; pourtant, le tribunal administratif de Bordeaux a donné raison aux parents qui refusaient cet état de fait.
On estime à plus de 100 francs la dépense par élève et par an pour ces cahiers d'exercices. A cette charge s'ajoute celle des livrets scolaires, cahiers de correspondance et autres frais d'affranchissement, entre 30 et 90 francs selon les établissements.
Au lycée, les charges sont encore plus lourdes, puisqu'il faut y ajouter le prix des livres et, pour les élèves des lycées professionnels, les dépenses en équipement personnel, qui peuvent s'élever jusqu'à 6 000 francs par an.
Monsieur le ministre, madame le ministre, vous faites énormément en faveur de la réduction des inégalités sociales dans votre secteur, mais je pense qu'il faudrait réaliser encore un petit effort afin que les dépenses que je viens de citer soient, petit à petit, prises en charge par le budget de l'éducation nationale. Cela serait-il possible ?
J'en viens maintenant aux principaux acteurs de l'éducation : les enseignants et l'ensemble des personnels qui concourent à la lourde tâche éducative.
Le but n'est pas de répéter des chiffres déjà entendus maintes fois ce soir et toujours sujets à caution et à interprétation. Je souhaite tout de même souligner quelques avancées extrêmement positives.
Depuis que vous êtes aux commandes de l'éducation nationale, ce sont plus de 17 000 emplois, toutes catégories confondues, qui auront été créés. Dois-je rappeler que, pour la seule année 1997, dernière année où la loi de finances a été préparée par le gouvernement Juppé, 5 212 postes étaient supprimés ? Ces créations s'effectuent dans un contexte de baisse constante des effectifs scolaires, qui ont diminué d'environ 350 000 en dix ans, notamment de 58 000 pour la seule rentrée 1998.
Pour la seule année 2000, 11 800 créations d'emplois sont prévues. Certaines d'entre elles sont, certes, gagées sur des transformations d'emplois de maîtres d'internat - surveillants d'externat, ou MI-SE, mais l'on ne peut qu'accueillir positivement la création de 3 300 postes d'enseignant et d'encadrement dans l'enseignement scolaire, les 1 000 emplois de MI-SE, les 1 500 emplois d'assistant de langues, les 5 000 emplois-jeunes supplémentaires et les 960 postes de personnel non enseignant. Pour ces derniers, vous renouvelez l'effort qui avait été engagé l'an dernier, quand 616 emplois ATOS avaient été créés, effort qui contraste de manière positive avec les coupes claires effectuées de 1994 à 1997 par les gouvernements Balladur et Juppé.
Malgré vos efforts, il reste beaucoup à faire pour arriver à un taux satisfaisant de présence de personnel non enseignant dans les établissements, et je vous encourage à persévérer dans la voie des créations d'emplois que vous avez prise.
Je m'attarderai un instant sur le nombre d'emplois de professeur des écoles stagiaire : 10 400 dans la loi de finances pour 2000, comme dans celle pour 1999. Vos propres statistiques, monsieur le ministre, prévoient un nombre de départ à la retraite de 14 000 par an, semble-t-il. Le déficit en enseignants du premier degré risque donc de se creuser, même compte tenu de la baisse des effectifs. Comment comptez-vous remédier à cette carence ?
Votre budget comporte également de nombreuses mesures de repyramidage ou autres améliorations de situation des personnels et les différents protocoles d'accord - Jospin, Lang ou Durafour - me semblent être honorés. Il est particulièrement important de prouver ainsi la gratitude du Gouvernement envers les personnels de l'éducation nationale qui, pour des progressions de carrière relativement modestes, ont en charge des tâches de plus en plus diversifiées et doivent faire face à des conditions d'exercice de leur métier de plus en plus difficiles.
A ce titre, je salue également les nombreux efforts consentis aux réseaux d'éducation prioritaires et aux ZEP, notamment dans le cadre du plan de lutte contre la violence.
Dans le budget pour 2000, 4 000 indemnités de sujétions spéciales supplémentaires viendront s'ajouter aux 12 000 existantes ; les enseignants des ZEP devraient voir leur travail facilité puisque les 1 000 créations de MI-SE et les 5 000 aides-éducateurs supplémentaires seront destinés à renforcer les équipes dans ces zones difficiles. La refonte de la carte des ZEP à laquelle vous avez procédé aura permis d'augmenter le nombre d'écoles s'y trouvant de 4 787 en 1997 à 5 617 en 1999.
Je dirai deux mots de la déconcentration du mouvement de mutation des enseignants.
La rentrée de septembre 1999 a constitué la première rentrée placée sous le signe de ce mouvement déconcentré. Le bilan de cette autre réforme paraît très positif. Cela me semble lié, en grande partie, à l'excellente campagne d'information menée par le ministère auprès des enseignants.
Toujours est-il que les demandes de mutation ont sensiblement augmenté, tout comme le taux de satisfaction, qui est passé de 34,1 % à 35,7 %. C'est encore bien peu, me direz-vous, compte tenu de l'immense majorité de laissés-pour-compte ! Mais cela constitue un pas dans la bonne direction, tout comme le calendrier de mutation qui, du fait de la réforme, a été rationalisé.
Quant à l'efficacité du système au regard des besoins de l'éducation nationale, il a permis de mieux coller à ces besoins puisque les postes à pourvoir ont ainsi pu être augmentés de moitié et que le nombre de mutations a été accru de près de 70 %. Tous les chiffres que vous pourrez me communiquer pour compléter mon information, monsieur le ministre, madame la ministre, m'intéresseront.
Pour terminer, j'aborderai la question de la santé des élèves, car c'est un élément essentiel de leur réussite scolaire. Toute la démarche sous-tendue par vos différentes réformes de notre système d'enseignement consiste à considérer l'élève dans sa globalité. C'est pourquoi vous avez décidé, madame la ministre, en mars 1998, un plan de relance de la santé scolaire, secteur sinistré s'il en est, puisque les engagements de M. Bayrou dans le cadre du « Nouveau contrat pour l'école », en ce domaine comme dans bien d'autres, n'ont jamais été honorés.
Après la création de 600 postes médico-sociaux en 1998 et de 400 postes en 1999, l'effort budgétaire est poursuivi cette année avec la création de cent cinquante postes et l'abondement de crédits à concurrence de 4 millions de francs destinés à financer la rémunération de médecins apportant leur concours au service de la promotion de la santé en faveur des élèves.
Nous ne pouvons que nous féliciter de votre décision courageuse de permettre aux infirmières scolaires de délivrer la pilule du lendemain aux jeunes filles qui leur en font la demande. Il s'agit d'une très bonne mesure. Mais, pour qu'elle soit efficace, il faut la présence d'une infirmière dans l'établissement chaque jour de classe. En dépit de vos efforts de créations de poste, le retard est tel que ce ne sera pas toujours le cas.
De plus, cette mesure doit s'inscrire dans une véritable politique de prévention, d'éducation à la santé et à la sexualité continue et progressive, dont la mise en pratique pourrait être largement facilitée par un véritable partenariat avec la médecine de ville et un fonctionnement en réseau. Pour se faire, vous avez voulu généraliser les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté. Où en est-on sur le terrain ? Pouvez-vous préciser leur mode de fonctionnement et si un premier bilan de leur généralisation est disponible ?
De même, l'instauration des vingt heures annuelles d'éducation à la santé pour les classes de 4e est-elle effective ? Si tel est le cas, par qui sont-elles asurées et quel en est le programme ?
Je pense avoir dit l'essentiel de ce qui me tenait à coeur et de ce que voulait exprimer mon collègue Jean-Louis Carrère ! qui n'a hélas, pu être présent cet après-midi.
Ce budget marque de grandes avancées dans l'ambitieuse politique de modernisation du système d'enseignement suivie par le Gouvernement. Il va de soi qu'il reçoit mon entier soutien, comme celui de l'ensemble du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention comportera deux parties très différentes : la première portera sur le réseau scolaire à l'étranger et son évolution ces dernières années, ainsi que sur les difficultés qu'il connaît en ce moment ; la seconde concernera les résultats des propositions d'enquête du Sénat. J'ai préparé cette intervention avec le concours de mon excellent collègue M. Grignon, qui n'a pu, hélas ! être présent aujourd'hui.
Le réseau scolaire français à l'étranger, qui est le plus étendu et le plus efficace du monde, est constitué de 440 écoles homologuées par le ministère de l'éducation nationale et réparties sur tous les continents. Ces écoles scolarisent 157 934 élèves : 66 069 Français, 72 062 nationaux et 19 803 étrangers tiers. Ainsi, le nombre d'élèves français représente 42 % de l'ensemble.
Aucun autre pays ne possède un réseau scolaire aussi important, aussi bien géré et donnant d'aussi bons résultats. Avec près de 12 points de plus que la moyenne des résultats du baccalauréat général en France, qui est de 78,7 %, le taux de réussite au baccalauréat dans les établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, AEFE, qui atteint 90,66 %, est excellent. Ajoutons qu'au concours général les élèves français de l'étranger ont obtenu douze prix, et viennent en deuxième position après Paris et devant les vingt-neuf autres académies.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. André Maman. C'est la plus belle vitrine de la France à l'étranger et de la francophonie. Elle permet à nos enfants expatriés d'être scolarisés comme le sont leurs camarades en France.
Dès qu'une école française est créée dans le monde - et c'est toujours à la suite de la volonté de l'association de parents d'élèves locale, et non du gouvernement français, je tiens à insister sur ce point - on peut être certain que l'expatriation des familles et, par la suite, les investissements, les créations d'entreprises commerciales, financières, industrielles, vont suivre. De nombreuses statistiques le prouvent amplement.
De plus, en scolarisant les enfants étrangers, nous nous faisons des amis, nous formons de futures élites qui resteront proches de la France. Rien n'est plus propice que ce réseau scolaire pour nous rapprocher des autres nations, des autres ethnies, des autres peuples.
Un enfant français à l'étranger - c'est un reproche que l'on nous fait - coûte beaucoup plus cher qu'en France. Je pense donc aux budgets futurs. A ce propose, il faut citer le rôle capital qui a été joué par l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger, l'ANEFE, dont le président, le sénateur honoraire Jacques Habert, reste toujours très vigilant.
Si j'insiste, c'est que, souvent, quand on parle de l'enseignement français à l'étranger, on soulève le coût des études. Pendant des années, au Conseil supérieur des Français à l'étranger, on m'a reproché le prix des études au lycée français de New York, qui était le sujet principal d'attaque. Aujourd'hui, on n'en parle plus car les autres lycées dans le monde ont des frais d'écolage du même ordre.
On nous reproche l'augmentation des frais d'écolage. Or, ils sont identiques à ceux des autres écoles privées établies dans la même ville, qui sont en compétition avec nos écoles. Nous connaissons le coût de l'enseignement d'un jeune Français dans le primaire et dans le secondaire en France. Si nous pouvions obtenir des ressources équivalentes pour nos jeunes de l'étranger, nous n'aurions plus de problème financier.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ça, c'est sûr !
M. André Maman. On me dit : « Vous, les Français de l'étranger, vous ne payez pas d'impôt ! » - je souhaiterais qu'on me le dise officiellement, par écrit, et non plus entre deux portes. Or, c'est faux : nous payons des impôts.
L'enseignement français, de la maternelle au baccalauréat, est considéré comme un des meilleurs du monde, sinon le meilleur.
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. André Maman. Dans les pays les plus développés, j'ai souvent entendu dire, par les étrangers, que nous avions les meilleures institutrices du monde.
MM. René-Pierre Signé et Serge Lagauche. Bravo !
M. André Maman. Nous en sommes fiers, et nous voulons maintenir notre système d'enseignement au niveau le plus élevé. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous avez dit le contraire tout à l'heure !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Je croyais que les enfants ne savaient pas lire !
M. André Maman. Je n'ai jamais dit qu'ils ne savaient pas lire, madame la ministre !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Précédemment, vous avez dit que 30 % des élèves ne savaient pas lire !
M. André Maman. Nous avons les meilleurs enseignants du monde à cet échelon-là, et je sais de quoi je parle.
M. le président. En l'instant, M. Maman ne s'exprime pas en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Veuillez poursuivre, monsieur Maman.
M. André Maman. Mais encore faut-il que ce réseau scolaire soit aidé, que le Gouvernement français mette tout en oeuvre pour lui permettre, d'abord, d'accueillir tous les enfants qui voudraient fréquenter ces écoles. Les frais d'écolage sont hélas ! souvent élevés, ce qui peut écarter certains enfants de notre système d'enseignement.
Monsieur le ministre, madame la ministre, je rappelle la promesse faite par les ministres des affaires étrangères qui se sont succédé, quelle que soit leur appartenance politique : aucun enfant français de l'étranger ne sera exclu de notre système scolaire pour des raisons financières. Or, on nous signale maintenant le cas d'enfants - ils sont certes peu nombreux - qui ne peuvent être scolarisés précisément pour des raisons financières.
Il est donc nécessaire de maîtriser les frais d'écolage, qui ont beaucoup augmenté ces dernières années. Il faut accroître le budget des bourses, pour les familles dont les ressources sont modestes. La part prise en charge par l'Etat doit augmenter, c'est une impérieuse nécessité.
Le montant des bourses scolaires est passé de 102 millions de francs en 1991 à 232 millions de francs. C'est un progrès remarquable. Cependant, ce n'est pas assez.
L'Agence avait été créée pour diminuer la part parentale. Or, celle-ci ne cesse d'augmenter, et dépasse maintenant 50 %.
En 1999, on dénombre 17 115 boursiers sur un total de 66 609 élèves, c'est-à-dire qu'un enfant sur quatre est boursier. Mais on omet de dire qu'il ne s'agit pas toujours de bourses complètes. En effet, il arrive qu'elles soient limitées à 10 ou 20 %, ce qui est intenable pour des familles ayant plusieurs enfants.
Le réseau scolaire de l'étranger est placé sous la tutelle de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, créée par la loi du 6 juillet 1990 et dont nous fêterons bientôt le dixième anniversaire.
Malheureusement, cette agence a été placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, puis de la coopération. Nous ne cessons de regretter l'absence du ministère de l'éducation nationale. Nous réclamons une cotutelle de l'Agence. Nous vous l'avions dit, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles. M. Védrine et vous-même nous aviez laissé quelque espoir. Pourtant, rien n'a été fait. (Si ! sur la travées socialistes.) Non, pour ce qui est de la cotutelle, puisque le ministère de l'éducation nationale reste à l'écart. Or, il doit prendre la place qui lui revient de droit.
Ici, je voudrais formuler des craintes très vives à propos de l'inflexion que semble prendre la direction de l'Agence quant à l'homologation de nouvelles écoles et à la résorption du réseau par la déshomologation.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je tiens à savoir si cette attitude nouvelle, qui inquiète beaucoup les associations de parents d'élèves, qui pensaient que l'on créerait de nouvelles écoles, ainsi que le monde enseignant en général, dépend uniquement de la volonté de l'Agence, ou bien si elle est le résultat d'une réflexion au plus haut niveau. Certes, la direction de l'enseignement scolaire, la DESCO, est cosignataire de la liste d'accréditation établie chaque année, mais ce n'est pas suffisant.
Est-il vrai, par exemple, que certaines écoles homologuées sont menacées au Etats-Unis, comme l'Agence l'a fait entendre récemment ? Je rappelle que, dans ce pays, le plus important du monde, nous comptons trente-neuf écoles françaises homologuées, dont beaucoup sont accréditées depuis des dizaines d'années. Nous avons eu récemment la visite de l'Agence, et nous avons cru comprendre que l'enquête qu'elle a menée pourrait déboucher sur des déshomologations. Si ces dernières résultaient de cessations d'activité, comme en Côte d'Ivoire, ou de manquements graves, nous pourrions le comprendre. Mais comment expliquer à une... proviseuse... disons une dame proviseur d'un lycée très important de San Francisco accrédité depuis quarante ans que celui-ci perdra peut-être son accréditation ? On ne comprend vraiment pas !
On nous parle de redéploiements au profit de l'Europe centrale et orientale, ainsi que de l'Asie de l'Est et du Sud-Est. Mais cela ne doit pas entraîner de conséquences injustifiées ailleurs dans le monde !
Rappelons que la loi du 10 juillet 1989, élaborée sous l'égide du ministre de l'éducation nationale de l'époque, M. Lionel Jospin, dont vous étiez le conseiller, monsieur le ministre, avait bien pris acte de la spécificité de l'enseignement français à l'étranger, dans le domaine aussi bien des programmes que de l'administration et de l'organisation.
Les écoles françaises à l'étranger ne peuvent être exactement identiques à celles de métropole. Dans ces écoles, certaines heures de cours doivent être consacrées à la langue et à la civilisation locales, ce qui suppose une certaine souplesse, que la direction de l'Agence ne nous semble pas suffisamment prendre en compte.
Je voudrais être rassuré quant à l'avenir du réseau scolaire français à l'étranger, car, et ce sera la conclusion de cette première partie de mon intervention, une vive inquiétude s'y fait jour. Ce n'est pas en employant un style cassant, en manquant souvent à la courtoisie la plus élémentaire et en traitant les divers acteurs de l'enseignement comme s'ils étaient incompétents, alors qu'ils sont très souvent des pédagogues de valeur, que l'on résoudra le problème ! Une telle attitude se dessine pourtant très nettement depuis quelques mois, et vous en obtiendrez peut-être confirmation par les courriers de certains ambassadeurs de France à l'étranger.
Je voudrais maintenant aborder la seconde partie de mon intervention.
Encore une fois, le premier budget de l'Etat est celui qui augmente le plus par rapport à l'année précédente, avec 308,7 milliards de francs inscrits dans le projet de budget pour 2000. L'augmentation, qui est de 3,5 %, soit 10 milliards de francs supplémentaires, est nettement supérieure à la progression générale des dépenses, qui est de 0,9 %.
L'année dernière, la commission d'enquête du Sénat, dont le rapporteur était mon excellent collègue Francis Grignon, qui, je le répète, ne peut malheureusement être présent aujourd'hui dans cet hémicycle, avait constaté que, en dépit de dotations considérables et d'une rente démographique favorable, l'éducation nationale continuait à être confrontée à d'importants dysfonctionnements. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelles ont été les mesures prises afin de mieux contrôler l'utilisation des moyens attribués au système scolaire et d'en améliorer la gestion ?
Je souhaite tout d'abord attirer l'attention sur le fait qu'il n'a été remédié à aucun des dysfonctionnements que la commission avait pu constater lors de l'élaboration de son rapport.
Le projet de budget pour 2000 prévoit la création de 4 300 emplois, dont 3 360 d'enseignant dans le second degré, 810 de personnel ATOS et 150 de personnel médico-sociaux, pour un coût de 267 millions de francs, et ce alors que le nombre d'élèves ne cesse de diminuer depuis dix ans. Madame le ministre, monsieur le ministre, vous privilégiez l'objectif de la qualité en améliorant le taux d'encadrement et en favorisant la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Cela ne passe-t-il pas aussi par une gestion plus rigoureuse des moyens mis à la disposition du ministère de l'éducation nationale ?
A titre d'exemple, la multiplicité des options continue d'alourdir considérablement le coût de l'enseignement du second degré, en amenant la mobilisation de professeurs devant de petits groupes d'élèves. De plus, le système d'options, parce qu'il permet d'éviter la sectorisation, est parfois détourné de sa vocation à des fins sélectives.
Par ailleurs, il eût été souhaitable que les moyens soient en partie réorientés, afin de pallier certains dysfonctionnements.
Les enseignants en surnombre sont ainsi près de 10 000, pour un coût évalué à 3 milliards de francs, alors que, parallèlement, nous continuons à manquer de professeurs en anglais, en espagnol, en sciences physiques et en sciences de la vie et de la terre. Ce défaut de rigueur dans la gestion des enseignants conduit le ministère à faire jouer abusivement des variables d'ajustement, ce qui a pour effet d'alimenter la dérive budgétaire.
En effet, depuis l'interdiction de procéder à de nouveaux recrutements de maîtres auxiliaires, l'éducation nationale a tenté de retrouver une certaine souplesse de gestion en recourant à des professeurs contractuels et à des vacataires : 15 000 maîtres auxiliaires ont ainsi été réemployés à la rentrée scolaire de 1999, auxquels s'ajoutent 8 000 contractuels et un grand nombre de vacataires qui échappent à tout recensement. Le projet de budget pour 2000 prévoit encore de financer le recrutement de 3 000 contractuels.
De surcroît, plus de 65 000 emplois-jeunes ont été créés depuis 1997. Les jeunes embauchés à ce titre se sont vu confier une mission éducative pour laquelle ils ne sont pas formés. Le coût des salaires des aides éducateurs et des charges afférentes est estimé à 1 milliard de francs.
Les effets de ce dispositif sont certes bénéfiques à court terme, puisqu'il permet de résorber le chômage des jeunes diplômés. Toutefois, sur quoi ces emplois-jeunes déboucheront-ils ? Allez-vous pérenniser ces emplois au sein de l'éducation nationale, en créant un concours spécifique qui permettra à leurs bénéficiaires d'être titularisés ? Ou bien allez-vous tous les licencier au terme de leur contrat ? Ce n'est pas la signature d'un accord-cadre avec sept grandes entreprises, qui s'engagent à embaucher 3 600 d'entre eux, qui vous permettra de résoudre ce problème !
Monsieur le ministre, je ne peux que constater avec regret qu'aucune des propositions de la commission d'enquête n'a été retenue, notamment celles qui avaient trait au renforcement du contrôle du Parlement sur la gestion de l'éducation nationale.
Nous avions en effet proposé la création d'un « jaune » budgétaire, ce qui aurait obligé le ministère à faire clairement apparaître l'effectif des enseignants qui n'enseignent pas, plus particulièrement de ceux qui bénéficient de décharges réglementaires, de mises à disposition ou de détachements. Or il n'en est rien ! Les parlementaires ne disposent que du « bleu » budgétaire, dont la lecture reste difficile et ne nous permet pas d'estimer clairement le nombre d'emplois occupés par des enseignants.
Ce projet de budget ignore totalement les propositions de la commission d'enquête. Comment aurait-il pu en être autrement, monsieur le ministre, puisque vous avez critiqué son rapport, sans même avoir vérifié la pertinence de vos affirmations. Le 16 novembre dernier, vous avez déclaré, devant nos collègues députés, que les chiffres de ce rapport sont « si fantaisistes qu'ils mélangent mises à disposition et détachements » et que « les enseignants élus députés étaient classés dans les mises à disposition ».
Vous souhaitiez nous réclamer votre dû ! Eh bien, monsieur le ministre, je vous répondrai que le Sénat n'a pas mélangé les mises à disposition et les détachements, et que les enseignants élus députés sont bien classés parmi les détachés.
Votre attitude à l'égard du Sénat, votre refus de prendre en compte la moindre de ses propositions en vue d'améliorer les perspectives d'avenir de nos enfants conduiront les membres du groupe de l'Union centriste à ne pas voter votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la majorité issue de la gauche plurielle, l'éducation nationale constitue une priorité majeure, ainsi que l'a exprimé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, en juin 1997.
M. Emmanuel Hamel. Pour nous aussi !
Mme Hélène Luc. Oui, mais cela ne s'est jamais traduit dans les faits !
Nous souscrivons pleinement à ce choix. Vous aurez ainsi pu prendre note, monsieur le ministre, de l'affirmation réitérée par les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen de leur ambition et de leur volonté de permettre à chaque jeune de notre pays d'être placé en situation de réussite et de développer au mieux ses talents et ses capacités, afin de se préparer de façon optimale à sa future vie professionnelle, personnelle et sociale.
Puisque je parle de réussite, permettez-moi, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, de me réjouir du succès du lancement d'Ariane 5, précurseur d'autres avancées, notamment commerciales, et de féliciter tous les ingénieurs, techniciens et personnels qui ont contribué à ce succès. (M. Hamel applaudit.)
Vous pouvez en effet applaudir nos techniciens, mon cher collègue !
Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin de la législature et, au regard de ce projet de budget de l'enseignement scolaire, un bilan d'étape peut être dressé, qui viendra nourrir la nécessaire réflexion sur le devenir à plus long terme de notre système éducatif.
Je ne reprendrai pas ici les nombreux chiffres qui ont été cités par mes collègues de l'Assemblée nationale et par notre rapporteur spécial. Eu égard à la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, je souhaiterais axer mon propos sur le défi que doit relever notre école.
En ce domaine, les attentes de nos concitoyens sont très fortes, et nous devons considérer cet intérêt comme un atout considérable. On constate en effet dans notre pays un profond attachement au service public de l'éducation, dont on exige que la qualité soit toujours plus grande et que la modernité prenne en compte des besoins toujours évolutifs dans les domaines des connaissances, des technologies, des pratiques éducatives.
Nous nous inscrivons pleinement dans cette approche, dans ce mouvement de fond de notre société, et toutes nos interventions, tant à cette tribune que sur le terrain, où nous oeuvrons en permanence avec les partenaires de l'école, ont pour premier objet d'apporter des réponses à ces grands défis qui conditionnent l'avenir économique et humain de notre pays.
L'un d'entre eux, et non des moindres, est celui de la pérennité de la compétence régalienne de l'Etat en matière de scolarisation, qui doit être assurée.
Au moment où les tenants de l'ultralibéralisation, en France et ailleurs, prônent la transformation en marchandise et la privatisation de la formation, appâtés qu'ils sont par les profits gigantesques qui pourraient en résulter, il est nécessaire de réaffirmer et de conforter, par nos propos mais aussi par la politique mise en oeuvre, nos grands principes républicains, qui font de notre pays une référence, un exemple reconnu dans le monde entier.
Monsieur le ministre, à l'occasion de la conférence de Seattle, qui représentait une menace pour notre système éducatif, vous avez rappelé l'attachement du Gouvernement à notre conception de l'école.
Vous trouverez toujours chez les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen la même détermination, le même engagement indéfectible, tant il y va en cette affaire de la place et du rôle de la France dans le prochain siècle.
Mais il faut que les actes traduisent cette volonté commune, s'agissant aussi bien de la mission confiée à l'école que des moyens à lui attribuer.
L'un des meilleurs atouts pour progresser dans cette voie, monsieur le ministre, réside dans la capacité à réussir la transformation progressiste de l'école, préalable nécessaire à de nouvelles avancées qualitatives et quantitatives.
Pour l'heure, notre système éducatif, après une période positive d'expansion, plafonne en termes de démocratisation, ce qui signifie qu'il souffre d'un manque d'équité.
En effet, l'affirmation de l'égalité des chances de réussite pour tous est en panne, et une frange importante de la population scolaire ne parvient pas à s'approprier les savoirs indispensables et vit sa scolarité sur un mode négatif.
Les inégalités scolaires sont multiformes et omniprésentes : elles renvoient à des crises sociales fortes, mais aussi à des disparités géographiques, de recrutement et de dotations humaines et matérielles des établissements, ainsi qu'en matière de filières d'enseignement proposées, de contenus et de débouchés.
L'indispensable réduction de ces inégalités relève de la solidarité nationale et du partage le plus large possible des savoirs. Il faut s'y atteler, madame le ministre, monsieur le ministre. Vous avez ouvert des chantiers, vous avez lancé des réformes ; vos partenaires vous aideront à en élaborer les objectifs et les modalités.
Je citerai comme exemples représentatifs de cette politique la mise en oeuvre du plan d'urgence en Seine-Saint-Denis, les recrutements nouveaux d'enseignants et de personnels non enseignants, l'aide personnalisée par petits groupes et les mesures nouvelles décidées à la suite des mouvements lycéens. Mais, compte tenu des retards accumulés par les politiques de la droite, laquelle considère le service public non pas comme un investissement humain utile, mais comme une charge indue...
M. Emmanuel Hamel. Allons !
Mme Hélène Luc. ... je suis convaincue qu'il faut aller désormais plus loin et plus haut. Il s'agit de poser de façon radicalement nouvelle la question des liens entre la formation, le travail et, plus généralement, l'ensemble des activités concourant à l'épanouissement des individus. L'école du xxie siècle doit être capable de donner un nouveau souffle à la société, dont elle représente le socle pour le changement. Elle doit être toujours à la recherche d'une universalité qui place l'être humain dans ce qu'il y a de meilleur.
Cela implique bien sûr que les enseignants transmettent des savoirs. Mais la méthodologie en matière d'acquisition des savoirs, qui revêt aujourd'hui une importance cruciale, n'est plus celle d'il y a quinze ans : elle revient, comme l'a dit M. le ministre, à apprendre à apprendre, car une partie de la connaissance, notamment avec le multimédia, provient de l'extérieur. On peut dire, à mon avis, que le rôle de l'enseignant dans les établissements scolaires est une question qui progresse.
L'école doit dispenser des valeurs de communautés linguistiques, sans oublier pour cela l'enseignement des langues régionales, des valeurs liées à notre histoire, à celle des grands hommes, avec les périodes historiques qui fondent notre mémoire. Elle doit aussi enseigner les sciences, qui progressent et qui doivent prendre une place plus importante encore dans l'enseignement.
Il importe aussi, à la faveur des prévisions de baisse sensible du nombre d'élèves dans les prochaines années et des marges budgétaires nouvelles dégagées par la croissance, de considérer aujourd'hui comme réaliste et possible l'objectif d'un effectif maximum de vingt-cinq à trente élèves par classe, avec une modulation suivant les niveaux et les situations des établissements. Un nombre de trente élèves dans les classes de terminale constitue un début, mais il faut aller plus loin et plus vite.
Un tel engagement de la nation, avec la programmation budgétaire progressive et précise des recrutements correspondants - la loi d'orientation de 1989 l'édictait d'ailleurs - doit être réalisé. Tous, jeunes, enseignants, parents, élus plébiscitent une telle disposition non pour elle-même, mais pour ce qu'elle apporterait de modernité en termes de dimension humaine du groupe, d'individualisation inéluctable et d'amélioration de l'acte éducatif. Tous ces partenaires, qui constituent un gisement d'experts dont l'apport est irremplaçable, en sont à juste titre persuadés : un tel objectif est un passage obligé, une évolution indispensable pour innover, pour transformer, pour créer des dynamiques et des pratiques nouvelles, bref pour fonder les conditions de l'école du xxie siècle. La gauche, par une telle décision, enrichirait d'une empreinte nouvelle la liste des avancées progressistes qu'elle a su imprimer dans l'histoire de notre service public d'éducation.
Vous me direz, monsieur le ministre, qu'une telle mesure obérerait les finances publiques au-delà du raisonnable. Procédez donc au préalable à une simulation précise et transparente prenant en compte la conjoncture démographique et économique nouvelle ; la faisabilité du projet en découlera.
Vous me direz peut-être, madame, monsieur le ministre, que, voilà plusieurs décennies, les classes étaient bien plus chargées et que la réussite scolaire n'en était pas pour autant entravée. Mais, comme vous le savez, le public n'est plus le même ; ses caractéristiques, ses besoins sont totalement différents aujourd'hui ; s'agissant ainsi de l'expression orale, un rapport récent de l'inspection générale de l'éducation nationale souligne que seuls 30 % des élèves la maîtriseraient réellement. Comment, sinon par une diminution significative des effectifs, créer des conditions propices à un développement correct et efficace de cette dimension intellectuelle dont la fonction est cruciale pour tout apprentissage et pour toute vie sociale ?
Le budget de l'enseignement scolaire pour 2000 augmente de 3,5 %, alors que la progression de l'ensemble des crédits est de 0,9 %. Cette augmentation permet de sous-tendre des mesures positives de titularisation, de création de postes, de suppression de droits d'examen, notamment. Mais cela reste très insuffisant, car le budget enregistre une hausse des heures supplémentaires de 10 %, heures supplémentaires qu'il faudrait transformer en postes budgétaires. Ainsi, 30 000 emplois ATOS seraient nécessaires alors que 1 000 postes seulement sont créés.
Mon amie Nicole Borvo interviendra spécifiquement, tout à l'heure, sur les services de santé scolaire et sur les dernières initiatives prises par Mme la ministre déléguée. Je tiens néanmoins, madame la ministre, à vous faire part de mon accord sur votre décision concernant la pilule du lendemain. Vous répondez ainsi à une détresse des jeunes filles à laquelle il faut bien faire face, étant entendu qu'il ne faut pas pour autant diminuer notre effort en matière de contraception.
Les crédits affectés à l'aide personnalisée en 6e et en 5e et à l'aide individualisée au lycée progressent clairement et s'élèvent à 240 millions de francs. Il est regrettable que ces aides soient dispensées sous forme d'heures supplémentaires, et qu'elles ne donnent pas lieu à création de postes budgétaires. Il faut créer des postes.
Vous le savez, madame, monsieur le ministre, les personnes occupant des emplois-jeunes sont préoccupées par l'acquisition d'une formation et d'un emploi stable. Pouvez-vous nous redire quelles mesures vous entendez prendre ? Ces jeunes ont retrouvé, c'est certain, la satisfaction d'être utiles, la joie de vivre - je le dis très sincèrement - et la joie de travailler ; mais maintenant, ils veulent plus, comme c'est normal.
Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen adoptent, s'agissant de votre politique, une position constructive d'interpellation en faveur de la réussite d'une transformation progressiste de l'école ; cette dernière suppose une programmation et un budget qui soient les supports d'un service public consolidé et fortifié. La décentralisation a apporté indiscutablement des éléments positifs, mais elle ne doit pas nuire à l'unicité du service public.
La gauche réussira sa transformation de l'école en revendiquant l'histoire, les réalisations, les acquis de l'école républicaine. Elle le fera tout d'abord en s'inscrivant dans la continuité des mobilisations, des luttes, des engagements professionnels, syndicaux, politiques qui ont fait le service public laïc d'éducation ; elle le fera aussi en enracinant les évolutions d'aujourd'hui dans le patrimoine culturel, scientifique, technologique, intellectuel de notre pays ; elle le fera en osant le bilan critique, sans concessions, des certitudes, des habitudes, des rigidités de l'esprit de corps, de l'étatisme qui freinent les modifications indispensables. Les enseignants progressent dans cette voie, et il faut leur faire confiance, les associer. La gauche réussira enfin sa transformation de l'école en combattant ceux qui, autour de l'école et dans l'école, enferment la jeunesse dans un présent étriqué et dans un avenirincertain.
L'école a besoin d'un vrai projet politique liant sa transformation à celle de la société française.
Pour la majorité sénatoriale, qui ne voit pas l'intérêt d'avoir un programme, il suffit de dépenser moins, mais mieux.
M. Pierre Martin. C'est tout à fait ça !
Mme Hélène Luc. Pour moi, ce n'est pas du tout un programme ! Il y a eu certes beaucoup de gâchis, mais, aujourd'hui, la situation est ce qu'elle est !
Il nous faut maintenant faire preuve du même esprit citoyen de création que les auteurs du plan Langevin-Wallon, à la Libération, c'est-à-dire ne pas vouloir restaurer l'école d'hier, ne pas se contenter de corriger les défauts de l'école d'aujourd'hui, mais travailler à sa transformation du service public d'éducation.
L'école doit s'imprégner du goût d'une culture moderne, du désir de vivre ensemble, de vivre bien pour soi-même, mais avec les autres, dans des institutions justes. Cette ambition, les membres du groupe communiste républicain et citoyen veulent la mettre au service de la réussite d'une politique de gauche.
Telles sont, madame, monsieur le ministre, les remarques et les propositions que je souhaitais faire au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen. Nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a parfois opposé, dans la préparation de notre débat d'aujourd'hui, les éléments quantitatifs et les apects qualitatifs du projet de budget que vous nous soumettez.
Cette opposition ne me paraît pas fondée, s'agissant du premier budget de la nation. La volonté de réforme du Gouvernement, en l'espèce, ne pourrait s'accomplir sans un effort financier significatif.
C'est pourquoi je souhaite d'abord exprimer ma fierté et celle de mes collègues socialistes de soutenir un gouvernement qui a, en trois exercices budgétaires, accru de 10 % l'effort national en faveur de l'éducation. Le budget de l'enseignement scolaire dépasse, pour la première fois, les 300 milliards de francs. Plus de 6 600 postes ont été créés depuis la rentrée de 1997. Si les chiffres ne sont pas tout, celui-ci est parlant, au moins autant que celui des 5 000 postes supprimés par vos deux prédécesseurs !
Cet élément quantitatif, je ne le développerai pas plus ici. C'est par le redéploiement des crédits, c'est par l'affectation de cet effort que se signale d'abord la qualité du projet de budget de l'enseignement scolaire pour l'année 2000.
Je rappellerai seulement, madame, monsieur le ministre, que, en tenant compte de la baisse démographique, c'est une progression des crédits de 4 % par élève scolarisé que vous proposez à notre vote. Vous mettez à profit la diminution des effectifs d'élèves pour améliorer le taux de l'encadrement scolaire. Plutôt que de réduire le nombre d'enseignants, vous réduisez la taille des classes et vous créez des soutiens nouveaux. Voilà, au-delà des chiffres, l'expression d'une volonté politique.
Il faudrait aussi souligner la cohérence manifestée par ces crédits avec l'engagement de toute une législature en faveur de la qualité de l'enseignement scolaire. Je saluerai simplement l'intégration efficace des aides éducateurs aux équipes pédagogiques, l'amélioration des statuts des personnels enseignants, en particulier des directeurs d'école - il reste certes beaucoup à faire en matière d'abaissement du seuil des décharges afin de restituer son caractère attrayant à cette fonction importante - enfin, la déconcentration du mouvement des professeurs, en passe de réussir pleinement. Faut-il rappeler ici que la gestion des ressources humaines était purement et simplement inconnue rue de Grenelle avant 1998 ?
Voilà pour les grandes lignes. Il ne s'agit pas d'être triomphalistes : personne ne soutiendrait qu'un ensemble administratif aussi vaste que l'éducation nationale peut être géré facilement, et personne n'affirmerait non plus que les problèmes éducatifs peuvent être réglés par l'école seule. Mais c'est justement parce que l'école se trouve, malgré elle, en charge de tâches qui la dépassent que la collectivité se doit de la rendre toujours plus efficace, de la moderniser et de la faire évoluer en permanence dans le respect de toute la population scolaire.
Je veux insister sur les crédits et les mesures qui garantissent le caractère équitable de la diffusion des savoirs de base. Je note ainsi la création de 1 500 postes d'assistant de langues étrangères et de 5 000 emplois-jeunes supplémentaires en vue d'épauler le personnel enseignant.
Je pense également au renforcement de la liaison entre le CM2 et la 6e, à l'introduction du tutorat et de l'aide personnalisée pour les élèves de 6e et de 5e, à la diversification des méthodes d'enseignement.
Je pense, enfin, au projet de partition des collèges de plus de 1 000 élèves.
Garantir l'accès équitable des élèves à l'école passera aussi par votre décision de rétablir les bourses des collèges, par l'institution des fonds sociaux des cantines, des collèges et des lycées, par l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire et son versement dès le premier enfant : 4 milliards de francs sont inscrits dans votre projet de budget à ces divers titres.
Il faudrait aussi évoquer les nouvelles mesures prises pour accueillir un tiers d'enfants handicapés en plus dans les établissements.
Il faudrait encore parler du plan de lutte contre la violence et de ses mesures simples, dont l'application porte ses premiers fruits.
Gouvernement, majorité plurielle, que disons-nous au fond ? Qu'il n'y a pas d'autre choix que celui de l'égalité des chances, sans restriction ! Sans nier les difficultés ni les écueils, nous disons que l'accès du plus grand nombre à un socle de connaissances fondamentales est la condition première pour réaliser une société de liberté telle que nous l'entendons, une société qui permette à chacun de faire effectivement le libre choix de son devenir personnel et professionnel, c'est-à-dire le projet et le modèle de société où se reconnaissent l'écrasante majorité des Français. Tout autre choix, en matière éducative, est régressif et condamne, à terme, les chances du pays.
Madame la ministre, lorsque je me félicitais, il y a un instant, de la partition des établissements surchargés, vous vous doutez bien que je ne pensais qu'à l'intérêt général de la nation, car mon département, l'un des plus ruraux, rencontre en matière scolaire des difficultés d'ordre tout différent.
Il y a deux ans, ici même et à la même occasion, j'avais évoqué devant vous la question des ZEP en zone rurale. Des efforts ont été faits, et je tiens à vous en remercier personnellement, madame la ministre, vous qui êtes venue dans la Nièvre nous apporter votre soutien.
Aujourd'hui, c'est encore à ces régions que je pense, en émettant le voeu que s'y développe la scolarisation dès l'âge de deux ans, qui concerne aujourd'hui le tiers des petits Français, principalement dans les grandes zones urbaines. Or la scolarisation précoce est aussi une nécessité en zone rurale, ne serait-ce que parce que le besoin d'ouverture des enfants y est considérable, ou encore parce que le salaire de leur mère est souvent la condition indispensable pour que le foyer s'en sorte.
Madame la ministre, je sais, avec les sénateurs socialistes, combien il est difficile d'agir pour que l'école du xxie siècle réponde aux défis, inconnus jusqu'alors, qui sont les siens. Nous n'en sommes que plus confiants envers votre action et celle de M. Claude Allègre.
Nous savons aussi à quel point il est utile de maîtriser la dépense publique, comme a choisi de le faire avec succès le Gouvernement. Sachez que nous n'en apprécions que mieux l'effort qualitatif et quantitatif consenti par le pays en faveur de l'éducation de ses enfants. Nous soutiendrons, bien évidemment, cet effort dans cette assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, je suis le dernier orateur à m'exprimer dans ce débat, mais, je l'espère, not the least , malgré la grande brièveté de mon intervention. (Sourires.)
C'est effectivement en peu de mots mais avec beaucoup de conviction, monsieur le ministre, que je voudrais vous parler à mon tour de l'enseignement français à l'étranger.
Je profite de l'occasion que m'offre l'examen de votre budget pour reprendre le dialogue que j'ai eu l'honneur d'entamer avec vous le 7 octobre dernier, ici même au Sénat, lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Après avoir souligné la qualité et la densité de notre réseau d'écoles à l'étranger ainsi que l'augmentation de l'enveloppe des bourses, j'avais, ce jour, déploré que, malgré ces éléments favorables, nous ne soyons toujours pas en mesure de profiter de l'attrait de notre culture et de notre système d'enseignement auprès des citoyens de nombreux pays, ni d'offrir à tous les enfants français de par le monde la chance d'étudier dans des écoles françaises parce qu'elles sont trop chères.
J'avais réclamé « une grande politique et les moyens de cette politique ».
Je n'ai pas eu l'occasion de vous le dire alors, monsieur le ministre, mais sachez que je me suis réjoui de la réponse que vous m'aviez apportée, parce que vous aviez bien voulu à la fois manifester votre accord sur le constat et faire état de votre engagement dans la direction qui me paraît être la bonne en déclarant qu'il fallait qu' « avec votre collègue Hubert Védrine » vous recherchiez ensemble « des solutions et des moyens qui satisfassent cette nécessaire grande ambition de la France ».
Monsieur le ministre, on connaît votre naturelle ouverture sur l'international et votre désir de promouvoir notre culture dans le monde : ne le faisiez-vous pas hier encore à Boston et à Washington ? On sait aussi combien vous êtes conscient de l'importance de voir nos compatriotes plus nombreux à l'étranger et les décideurs de demain formés dans notre langue.
Mais tout va aujourd'hui plus vite, et le temps presse. Il est plus que temps de mettre en chantier cette grande oeuvre qui honorerait le gouvernement auquel vous appartenez. C'est à vous de l'en convaincre, monsieur le ministre, l'initiative vous appartient ! Tous les acteurs concernés sont d'ailleurs prêts à s'associer à vous, car une véritable mise à plat est nécessaire, qui permettrait une approche nouvelle et moderne, souple et adaptée aux différents contextes et aux différents pays, y compris au niveau des financements.
Pour mener à bien ce grand chantier, vous pourrez compter non seulement sur la communauté éducative - et je tiens à souligner à cet égard ma considération pour le travail accompli, en particulier par les chefs d'établissement - mais aussi sur le dévouement traditionnel des associations de parents d'élèves et des comités de gestion, dont les membres et les entreprises auxquelles ceux-ci appartiennent sont souvent à l'origine de la création de nos écoles.
Vous pourrez compter aussi sur les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, que vous avez récemment honoré de votre présence, ainsi que sur les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Ce chantier passe, au-delà des différentes actions que vous avez déjà entreprises - en particulier sur le plan pédagogique - par un engagement plus complet, notamment financier, de votre ministère aux côtés du ministre des affaires étrangères. Le projet de budget que nous examinons vous en offre-t-il la possibilité ?
Quant aux textes qui régissent le statut de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, leur adaptation, qui permettrait la mise en oeuvre de la politique dont nous avons besoin, n'est qu'une affaire de volonté. C'est cette volonté que je serais heureux de vous entendre réaffirmer.
Je souhaiterais également, monsieur le ministre, que vous nous informiez sur l'état actuel de votre concertation avec votre collègue chargé des affaires étrangères, ainsi que sur les projets du Gouvernement en ce qui concerne, je me permets de vous citer à nouveau, cette « nécessaire grande ambition de la France ». (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quel est le sujet de notre débat d'aujourd'hui ? C'est, au-delà des moyens budgétaires, l'avenir du service public d'éducation français. Ce service public est pour nous essentiel, parce qu'il est indissociable de l'idée que nous nous faisons de la République, j'ai été amené à le rappeler encore ces jours dernier dans un autre pays, qui a une autre logique que le nôtre.
Notre projet est simple : nous voulons donner à notre service public, à notre école, l'ambition et les moyens d'affronter les défis techniques, économiques, et donc les défis sociaux, du prochain siècle : ceux qui sont issus de l'explosion des savoirs et des connaissances, ceux qui sont liés à l'introduction massive des nouvelles technologies qui vont bouleverser totalement les méthodes d'éducation.
Cette adaptation, voire cette mutation, doit se faire en s'appuyant sur les succès et sur la qualité de cet enseignement.
A ce sujet, j'ai entendu un orateur se contredire au cours de deux interventions successives. Je lui réponds donc que, même si je cherche à améliorer encore notre système d'enseignement, celui-ci reste incontestablement l'un des meilleurs du monde, et c'est d'ailleurs l'un de nos plus grands atouts : la raison numéro un pour laquelle des entreprises étrangères viennent s'installer en France est, selon une enquête du journal l'Expansion , la qualité de notre système d'enseignement. C'est pourquoi je considère que tenir, dans des enceintes commes celle-ci, des propos tendant à ternir l'image de notre système d'enseignement, c'est mener une mauvaise action contre notre pays. (M. Lagauche applaudit.)
Dans le même temps, il faut moderniser et transformer ses méthodes, sa gestion : elle doit être plus réactive, plus transparente, plus efficace.
Adapter l'école aux défis de demain, instaurer une gestion moderne du service public de l'école, ce sont deux volets indissociables ; c'est, en fin de compte, le même projet.
Sur ce projet, je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il pourrait - qu'il devrait - y avoir un vrai consensus par-delà les oppositions politiques. Le travail de votre commission d'enquête le montre : sur beaucoup de points, il pose avec sérieux de vraies questions et diffère fort peu, d'ailleurs, de celui qu'a effectué l'Assemblée nationale sur les mêmes sujets.
J'ai déjà répondu en partie à plusieurs des questions que m'a posées votre commission, et, comme je m'y suis engagé, j'adresserai au président Gouteyron, dans le courant de la semaine prochaine, une réponse très détaillée sur chacune de ses propositions.
J'ai de nombreux points d'accord avec lui, mais aussi quelques points de désaccord.
Il est quand même intéressant de noter qu'un certain nombre des propositions de votre commission rejoignent les chantiers que j'ai entrepris, s'agissant notamment de la déconcentration ou du remplacement. Je remarque d'ailleurs que l'un d'entre vous a parlé pendant dix minutes de rapports que nous avions commandés et dont nous allons appliquer les conclusions comme s'il s'agissait de propositions originales.
Du travail de votre commission, on peut soit faire un usage polémique et caricatural, soit, au contraire, le considérer comme un élément important du débat public sur l'école. A ce sujet, autant le rapport écrit de votre commission comprend de nombreuses propositions solides et sérieuses qui méritent d'être prises en compte, autant la présentation publique qui en a été faite et qui a été reprise par les journaux est une caricature.
Dénoncer les 30 000 enseignants qui ne sont pas devant des élèves en mélangeant les détachements, les mises à dispostion et l'exercice du droit syndical, c'est de la polémique, et cela ne résout pas le problème !
Le droit syndical dans la fonction publique est-il une anomalie de gestion ? Est-il anormal de détacher des enseignants auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, afin de propager notre culture à l'étranger ? Est-il anormal de détacher des enseignants auprès du Parlement pour l'exercice d'un mandat parlementaire ? Les chiffres qui ont été fournis lors de la conférence de presse sont totalement fantaisistes !
Heureusement, ceux de votre rapport sont plus sérieux : ils font état de 1 500 décharges syndicales, 1 150 mises à disposition d'organismes d'intérêt général, dont plus du tiers font l'objet d'un remboursement.
On peut, certes, discuter pour savoir si un détachement à la Ligue de l'enseignement est correct, si une mise à disposition à l'Institut Charles-de-Gaulle est utile. C'est un sujet de débat. Mais nous en prenons la responsabilité.
Il y a, c'est vrai, de 1 000 à 2 000 mises à disposition - mais elles ne dépendent pas du ministre ! - pouvant exister au niveau local dans des conditions incertaines. Il y a là un problème de gestion, je le reconnais. Mais il concerne 0,2 % de l'ensemble des enseignants ! En raison des alternances politiques - je vous le dis sans fard - tout le monde y a sa part de responsabilité. Mais j'y mettrai bon ordre !
La caricature, c'est de dénoncer en même temps les surnombres du second degré et les créations d'emplois ! Pour n'avoir plus de surnombres sans création d'emplois, il faut fermer pendant deux sessions le concours de l'agrégation ! Est-ce la proposition que vous me faites, messieurs les rapporteurs ?
La caricature, c'est de regretter que tout le débat soit organisé autour des questions quantitatives, alors que nous sommes ceux qui, justement, ont clairement annoncé que les enjeux étaient maintenant qualitatifs, ce qui n'était pas, vous en conviendrez, le positionnement politique le plus confortable pour un gouvernement de gauche ! Il faut donc être de bonne foi.
Je rappelle tout de même que l'amorce de la baisse des effectifs d'élèves dans le second degré date de 1994. Je rappelle également que la crise de recrutement des enseignants, qui aurait dû conduire à un calibrage des concours, était déjà tangible en 1994. Je rappelle, enfin, que la multiplication des options, parée des couleurs des réformes pédagogiques, que dénonce aujourd'hui la commission, ce n'est pas moi qui l'ai décidée. J'en ai seulement hérité.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Malheureusement, il s'agit de budgets que vous aviez votés.
M. Serge Lagauche. Voilà un héritage que vous ne pouvez renier !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'en conclus que d'autres que moi auraient sans doute eu grand besoin des analyses de votre commission pour gérer le système éducatif. Mais, vous comme d'autres, vous avez des idées quand vous n'êtes pas au gouvernement, mais vous n'en n'avez plus lorsque vous y êtes !
Pour ma part, je n'ai pas le sentiment d'avoir déserté dans ce combat pour la modernisation de la gestion du système éducatif. Je remets de l'ordre.
J'en veux pour preuve - et c'est la première fois ; avant, on ajustait grâce à la croissance - le redéploiement géographique entre académies en fonction de la démographie et des réalités sociales. J'en veux pour preuve le plan de développement de la Seine-Saint-Denis et des départements d'outre-mer, dont Mme Luc a rendu compte avec une grande précision.
J'en veux pour preuve également la remise en ordre des remplacements dans le premier et le second degré, et l'affectation des enseignants en surnombre. Nous procédons à une baisse régulière des places mises aux concours du second degré afin de faire disparaître les surnombres budgétaires, mais cela sans brutalité, car les étudiants qui ont préparé ces concours méritent comme d'autres d'avoir leur chance.
La diminution du nombre de maîtres auxiliaires, vous l'avez notée.
J'y ajouterai la baisse de la précarité des ATOS, grâce à une action vigoureuse de recrutement de titulaires : plus 35 % cette année. Nous nous sommes attaqués à ce véritable fléau. Nous devrions stabiliser, en 1999, presque autant de contractuels que ces deux dernières années, et ce sans quasiment de créations d'emploi.
Au-delà de cette remise en ordre, nous menons une action en profondeur pour moderniser la gestion du système éducatif.
Déconcentration du mouvement : nous avons mis fin à un système archaïque. Contrairement aux pronostics de certains, la déconcentration fonctionne. Elle permet de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des postes et des personnes, de mettre en oeuvre une véritable gestion des ressources humaines - impossible à réaliser de manière centralisée - et d'assurer progressivement une meilleure adaptation des enseignants à leur poste et, en même temps, de donner satisfaction aux personnels dans leur choix de mutation.
Lorsque j'entends ici des voix de l'opposition s'élever pour critiquer la déconcentration, je me permets de répondre, d'une part, que cela est en contradiction avec ce que l'opposition a toujours réclamé et qu'elle n'a pas fait lorsqu'elle était au pouvoir - M. Bayrou, avant de devenir ministre, était un grand apôtre de la déconcentration... dans ses discours, mais, une fois au Gouvernement, il ne l'a pas faite - et, d'autre part, que ce n'est pas moi que vous critiquez mais des centaines de fonctionnaires qui accomplissent un travail extraordinaire pour mettre en oeuvre cette déconcentration, en travaillant le soir très tard et souvent le dimanche pour que tous les programmes informatiques soient opérationnels et que tout se passe bien.
Les personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service de santé, sont une des grandes priorités du budget pour l'an 2000. Il n'y avait pas eu de créations d'emplois aussi nombreuses depuis 1993 ! Le rôle de ces personnels est en effet déterminant pour la bonne marche des établissements et la bonne gestion de tout le système éducatif. Il faut tirer toutes les conclusions - et nous les tirons - de la table ronde ATOSS réunie l'année dernière.
Parlons des remplacements.
Quand j'ai ouvert le sujet à la rentrée 1997, que n'a-t-on pas entendu ! Aujourd'hui, c'est une exigence partagée par tous.
Les absences sont une calamité dans beaucoup d'instances, et pas seulement à l'éducation nationale...
Qu'avons-nous fait ? Avec la table ronde « Pas de classe sans enseignant », nous avons identifié les différentes causes, installé un système de suivi systématique et mis de l'ordre dans les pratiques de l'administration qui étaient bien souvent, elles aussi, causes d'absences.
Dès la rentrée, les moyens de remplacement ont été gérés pour la première fois de manière systématique, au même titre que les moyens d'enseignement.
Vous voulez des résultats ? Vous voulez des chiffres ? Eh bien, je vais vous en donner !
En 1996-1997, 7,5 % des cours étaient non assurés - ne confondez pas avec les absences, lesquelles étaient bien supérieures, puisqu'elles dépassaient 13 % - ce chiffre concerne ce qui se passait après remplacement. De 7,5 %, on est passé à 6,5 % en 1997-1998, pour tomber à 3,9 % en 1998-1999. En septembre 1999, nous étions à 1,65 %. Nous allons donc dans la bonne direction ! Naturellement, l'objectif est d'arriver à zéro.
Comme vous le voyez, nous nous préoccupons de la qualité de la gestion.
Mais l'essentiel reste de répondre aux défis du système éducatif. Les choix du Gouvernement en la matière sont clairs.
Je voudrais l'affirmer très nettement : oui, l'école change, oui, l'école va changer, oui, l'école va être bouleversée. L'intrusion des nouvelles technologies dans l'école, hors de l'école, à côté de l'école, dans un monde qui change, va imposer ce changement.
Le métier d'enseignant changera. A ceux qui évoquent avec nostalgie les problèmes qui pouvaient se poser à la fin du siècle dernier, je répondrai que cette époque était certes confrontée à la mise en place d'un certain nombre de systèmes, mais que cela n'a rien à voir avec la situation actuelle. C'est un peu comme de comparer l'armée de la défaite de Sedan avec l'armée d'aujourd'hui !
Les principes de l'école républicaine, en revanche, restent les mêmes pour nous : c'est l'égalité des chances pour tous, c'est aider plus ceux qui en ont le plus besoin, et c'est veiller à ce que cette école républicaine, gratuite et laïque puisse former des citoyens, et des citoyens qui trouvent un travail.
A cette fin, il faut que cette école ne soit pas en retard dans sa modernisation par rapport à ce qui peut se produire dans un secteur qui a de plus en plus tendance à devenir marchand.
La modernisation de l'école est donc une nécessité, et ces réformes, nous les faisons. Parce qu'elles sont maintenant admises, elles ne provoquent pas de réactions, et n'intéressent donc pas les médias. Peut-être devrions-nous d'ailleurs susciter quelques manifestations ici ou là... (Sourires.)
L'école du xxie siècle se met en place. La réforme des collèges se met en place, la réforme des lycées également.
Pour ce qui est de l'enseignement professionnel intégré, allez un peu dans vos circonscriptions, et vous verrez que des négociations ont lieu entre les lycées professionnels et les entreprises pour le mettre en place.
Se mettent également en place la relance de l'éducation prioritaire, dont Mme Royal parlera sans doute, et le développement des nouvelles technologies à l'école.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, d'après l'indicateur mis en place par les sociétés américaines de logiciels, la France était huitième en Europe dans l'emploi d'Internet par les adolescents. Nous sommes numéro un maintenant ! Tous les lycées sont câblés et 70 % des collèges le sont. Nous portons maintenant notre effort sur l'école.
Et cet effort en matière de nouvelles technologies sera prolongé par un effort en matière de télé-enseignement, domaine dans lequel nous sommes d'ores et déjà le troisième opérateur mondial.
En ce qui concerne la lutte contre la violence, nous aurons l'occasion dans quelques semaines d'annoncer la phase II du plan violence.
Mais la situation a déjà beaucoup changé : alors que nous avions un sentiment de montée constante de la violence depuis 1994, on constate pour la première fois, comme l'a établi le rapport Debarbieux, une décroissance dans certaines zones et une stabilisation dans d'autres.
Cette amélioration de la situation ne nous satisfait pas pour autant, et nous sommes décidés à mener jusqu'au bout la lutte contre la violence scolaire. Nous poursuivrons donc nos efforts.
Avec le programme « Nouvelles chances », l'école est en effet son propre recours : nous prenons en charge les 50 000 élèves qui en sortaient aucune qualification.
Beaucoup de questions ont été posées à propos des aides-éducateurs, alors qu'il me semble y avoir déjà répondu tant en commission qu'à l'occasion de questions orales. Mais on me pose toujours les mêmes questions. La pédagogie consiste certes à se répéter sans cesse jusqu'à ce que l'on soit parvenu à se faire comprendre, mais vous pourriez peut-être faire l'économie de ces répétitions.
Je le dis donc une bonne fois pour toutes : il y a 60 000 emplois-jeunes aides-éducateurs. J'ai arrêté leur recrutement parce que je voulais m'assurer de leurs débouchés. J'ai négocié avec un certain nombre d'entreprises. Nous avons signé aujourd'hui, monsieur Maman, non pas 3 000 contrats mais 19 500 contrats avec des entreprises, ce qui dépasse déjà le flux annuel de sortie des aides-éducateurs. Je pense que nous dépasserons largement ce chiffre dans le courant du mois de janvier prochain, si j'en crois les journaux... puisque certaines fédérations patronales annoncent ce qu'elles vont faire dans les journaux !
Maintenant que nous avons assuré ces débouchés pour les aides-éducateurs, nous pourrons en embaucher d'autres, à condition que la rotation se fasse bien : il faudra s'assurer que la signature de contrats à des niveaux élevés avec des grandes entreprises ou avec des fédérations a bien sa traduction sur le terrain.
Ces emplois-jeunes, c'est la transformation complète de l'école. Nous avons introduit à l'école un système instauré voilà quarante ans à l'université : des assistants qui aident les enseignants. Ils ne se substituent en rien aux enseignants, ils les aident. La preuve en est que si, demain, je disais que l'on supprime les postes d'aides-éducateurs, il y aurait une manifestation monstre de ceux-là mêmes qui étaient opposés à leur création. Les enseignants reconnaissent maintenant leur rôle d'intermédiaires, de médiateurs.
L'école est en train de changer et les aides-éducateurs initient les élèves aux nouvelles technologies, les aident à se familiariser avec les métiers de l'art, ou avec le sport, par exemple.
Nous continuons à engager des chantiers. Leur point commun, c'est l'aide à l'élève.
L'élève est le centre du système éducatif. Qu'on le veuille ou non, c'est lui qui doit faire l'objet de toute l'attention. Nous n'avons pas varié d'unn iota cette ligne de conduite.
Si nous recevons un soutien complet de toutes les associations de parents d'élèves - ce que vous ne mentionnez pas - y compris de celle des parents d'élève de l'enseignement privé, dont le secrétaire général a éprouvé hier le besoin de faire une déclaration dans ce sens, c'est bien parce que nous avons remis l'élève au centre du système éducatif.
L'aide à l'élève est apportée dans le primaire, au collège et au lycée.
Il s'agit non seulement d'aider les plus faibles, mais aussi de reconnaître les talents, grâce aux bourses accordées au mérite au lycée dans l'enseignement supérieur.
Des chantiers sont en cours. Allons-nous nous arrêter après ces réalisations ? Non ! nous continuerons et nous traiterons des dossiers dont nous ne nous sommes pas encore occupés, faute de temps.
Contrairement à ce que certains prétendent, je ne fais pas d'effet d'annonce. Tout au long de ma vie, j'ai toujours fait ce que j'ai annoncé.
Nous nous occupons maintenant des personnels de direction et d'inspection. Ils sont essentiels pour l'éducation nationale. Mais ce n'est pas simple : il nous faut non seulement revaloriser la situation de certains pour inciter les jeunes à s'intéresser à ces métiers, alors qu'ils sont relativement mal mal rémunérés, mais aussi faire en sorte que les modes de recrutement se fondent davantage sur le talent et moins sur les galons, si je puis dire. Il faut mieux former ces personnels et leur offrir une meilleure insertion. C'est ce que nous allons faire.
Si les enseignants commencent à mesurer les conséquences de la déconcentration, il n'en est pas de même des représentants des parents que vous êtes et des représentants de la société, comme vous l'avez dit.
Nous devons progresser dans la voie de la déconcentration par l'installation des bassins d'éducation, par une coordination accrue entre les ordres d'enseignement et par une meilleure prise en compte de l'intérêt des élèves et des parents.
Nous allons également nous attaquer aux conditions de travail des enseignants au quotidien, mais aussi à leurs possibilités de mobilité vers d'autres métiers.
Avec la rénovation des IUFM, nous allons promouvoir une formation plus professionnelle, moins « théorisante ». Le vocabulaire ésotérique n'apporte rien. Je suis tout à fait favorable à cette évolution.
Dans la deuxième partie de l'année, nous entamerons le grand chantier, notre grand chantier. Mais ce sera difficile parce qu'il se heurtera à un sentiment bien français.
Ce chantier, c'est la formation, l'éducation diplômante tout au long de la vie.
Il s'agit de permettre à chacun, à n'importe quel moment de sa vie, s'il veut s'éduquer, se former, progresser, de bénéficier d'une reconnaissance de sa volonté d'étudier.
Nous avons commencé à travailler dans ce sens avec les universités. Il faudra que nous généralisions le développement de l'université des « seniors », c'est-à-dire que nous favorisions l'accès à la formation de tous les adultes qui le souhaitent, en particulier des retraités, qui sont maintenant demandeurs.
Je répondrai maintenant très rapidement sur quelques points particuliers sur lesquels vous m'avez interrogé.
S'agissant des crédits de mise en sécurité des écoles, monsieur Delong, je vous indique que la totalité de ces crédits ont été délégués au ministère de l'intérieur. C'est donc une question à poser au ministre de l'intérieur. Je l'interrogerai moi-même également car, naturellement, je souhaite qu'on continue à pouvoir utiliser ces crédits.
S'agissant des gratifications versées dans le cadre des conventions de stage, je précise qu'il appartient non pas à l'élève mais au lycée de les négocier.
J'ai été interrogé sur la violence. J'ai déjà répondu sur ce point, et M. Carle n'est pas là.
J'en viens à la Guyane.
Je souligne, monsieur Othily, qu'un effort important en matière de constructions scolaires a été prévu dans le précédent contrat de plan : 120 millions de francs, dont 53 millions de francs pour notre ministère, avec l'objectif de construire 115 classes et 30 logements.
Un plan de rattrapage a été élaboré en 1999 pour renforcer cet effort. En sus du contrat de plan, une enveloppe exceptionnelle de 66 millions de francs a été allouée, dont 10 millions de francs pour l'éducation nationale, afin d'accélérer le rythme. Au total, il s'agit donc de 186 millions de francs, dont 63 millions de francs financés par le ministère de l'éducation nationale.
Un effort complémentaire important a été réalisé en matière d'emplois : en 1998, 341 postes, dont 120 dans le premier degré, 160 dans le second degré et 66 postes d'ATOS ; en 1999, 220 postes, dont 67 dans le premier degré, 123 dans le second degré et 30 postes d'ATOS ; en 2000, entre 200 et 220 postes, à répartir. Sur la période 1998-2000, cela fait donc 780 postes !
Je rappelle qu'au total nous aurons créé, entre 1998 et 2000, 3 715 emplois dans les départements d'outre-mer.
Quant aux perspectives s'agissant du prochain contrat de plan en Guyane, elles sont de 240 millions de francs pour notre ministère.
Je crois donc, monsieur le sénateur, que nous sommes très conscients des problèmes de la Guyane et, j'ose le dire, que nous sommes le premier Gouvernement à nous y être attaqué.
La seule action qui a été menée par le précédent gouvernement a été la création d'un rectorat en Guyane. Mais il s'agissait d'un rectorat « tout nu » : un recteur, un chauffeur et une voiture. Le recteur n'avait même pas de local ; il se déplaçait sans cesse en Guyane parce qu'il ne pouvait pas se poser. C'était le recteur itinérant !
Nous avons installé un rectorat. Nous avons loué des bâtiments.
M. Georges Othily. Nous réclamons la construction d'un rectorat neuf !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. La construction est prévue. Mais nous avons d'ores et déjà loué des bâtiments. Par rapport à une voiture, c'est déjà mieux !
Monsieur Lagauche, vos chiffres concernant les personnels ayant demandé leur mutation ne sont pas tout à fait les bons : 43 % ont obtenu satisfaction. J'ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que chacun d'entre vous recevra un compte rendu exact, analytique, de l'ensemble du mouvement déconcentré.
Je remercie Mme Luc pour son analyse sur l'enseignement professionnel et l'enseignement technique. Elle a émis un certain nombre de suggestions dont nous aurons l'occasion de parler.
J'évoquerai maintenant l'enseignement du français à l'étranger et, symétriquement, un sujet que vous n'avez pas abordé, celui de l'enseignement international en France. Les deux questions sont liées.
L'un et l'autre doivent être améliorés.
L'enseignement international en France dépend de mon ministère. Je puis donc dire que nous allons petit à petit prendre des initiatives car il est vrai que nous avons du mal à accueillir certains étrangers compte tenu du nombre insuffisant de lycées internationaux.
J'attache personnellement une très grande importance à l'enseignement français à l'étranger. Je suis venu devant les représentants des Français de l'étranger. Nous avons mis en place une commission mixte avec le ministère des affaires étrangères. Nous avons décidé de nous investir dans la formation pédagogique des enseignants.
Nous allons associer des établissements à l'étranger et des établissements français via Internet afin d'instaurer un véritable partenariat.
Nous allons par ailleurs améliorer l'inspection des lycées français à l'étranger et la formation pédagogique continue des enseignants.
Pour aller au-delà, il faut opérer un changement qui ne dépend pas que de moi. (M. Carle s'exclame.) Je vous parle très franchement, monsieur le sénateur. Il en est de même pour les activités culturelles à l'étranger, les centres culturels à l'étranger...
S'agissant des bourses aux étudiants étrangers venant en France, mon ministère pourrait faire un petit effort. Je souhaiterais, par exemple, faire un effort particulier pour les anciens élèves des lycées français à l'étranger. Il me semble en effet anormal que les étrangers qui ont fait l'effort d'étudier dans un lycée français à l'étranger ne se voient pas offrir la possibilité de poursuivre leurs études en France.
Mais l'organisation française attribue cette compétence à l'administration des affaires étrangères, qui va me rétorquer : « Vous donnez plus d'argent, et nous gérons le problème. » Je lui oppose un niet catégorique. Si le ministère de l'éducation nationale accorde de l'argent, il doit participer à la gestion ; je ne ferai aucune exception à cette règle.
Au-delà du problème financier, il s'agit d'un débat politique. Mais le problème mérite d'être abordé.
Vos questions mesdames, messieurs les sénateurs sont utiles, elles prouvent qu'il y a un besoin. J'ai d'ailleurs reçu une lettre de M. Penne et je ferai part de cette question au Premier ministre.
Il ne s'agit pas là d'une petite affaire. Elle conduit même, à terme, à se poser la question suivante : est-ce que la direction générale des affaires culturelles du Quai d'Orsay doit être conservée dans sa forme actuelle ? Mais ce problème dépend non pas de moi, mais du ministère des affaires étrangères.
L'intérêt de mon ministère pour ce problème est total, mais son incapacité à aller plus loin que ce que je vous ai dit l'est tout autant.
M. André Ferrand. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Ferrand, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. André Ferrand. Je suis tout à fait conscient que le problème est interministériel. Lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement, je m'étais d'ailleurs adressé à M. le Premier ministre. Il était présent et vous m'aviez répondu en son nom. Je poursuis donc aujourd'hui le dialogue avec vous.
Sachez que je suis intervenu à peu près dans les mêmes termes lors de la discussion du projet de budget des affaires étrangères.
J'ai mis deux fers au feu, et un troisième auprès du Premier ministre. (Sourires.)
Je suis très conscient des problèmes que vous avez exposés, mon attitude le prouve. Je sais aussi que le temps presse. Nous avons pourtant le sentiment de tourner en rond, monsieur le ministre.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous réponds très franchement que ce problème n'est pas nouveau et qu'il a autant gêné les précédents gouvernements ! En effet, dès lors qu'il s'agit de restructurer un ministère, le ministère « conquérant », si je puis dire, se trouve dans une position délicate.
Dès lors, vous comprendrez que je ne peux pas vous répondre autre chose que ce que je vous ai dit, à savoir que cette requête ne s'adresse pas à moi.
Encore une fois, l'intérêt de mon ministère pour cette question est total. Je l'ai d'ailleurs montré en allant devant les Français de l'étranger. Ce ne sont donc pas seulement des discours !
Nous avons mis en place des formations ; nous avons fait des choses !
Aller au-delà reviendrait à frôler la ligne blanche. Or je ne peux pas la franchir !
Si le ministre des affaires étrangères vous dit que l'AEFE doit passer sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale ou être en co-tutelle avec ce ministère, alors on avancera sur ce problème. Cela dépend de lui. Même le Premier ministre ne va pas imposer un arbitrage à la hache si le ministre des affaires étrangères n'est pas décidé à procéder à ce changement. Votre question s'adresse donc au ministre des affaires étrangères ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Hamel et Ferrand applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en écoutant certains orateurs, les rapporteurs en particulier, je me suis demandée si nous vivions dans le même pays. J'ai en effet entendu un discours caricatural...
M. René-Pierre Signé. Choquant !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... dénigrant le système scolaire,...
M. Serge Lagauche. Très juste !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... et portant atteinte, à plusieurs reprises, à sa réputation.
M. René-Pierre Signé. Oui, c'était choquant !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Et je ne parle ni des approximations, ni des chiffres faux, ni des contradictions de tous ordres !
Monsieur Delong, rapporteur spécial, vous avez fait une description désastreuse du système scolaire. Le Gouvernement ne vous suivra pas sur ce chemin.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. Elle est malheureusement exacte !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Vous avez en particulier repris le discours, ô combien dépassé - il y a même très longtemps que je n'avais pas entendu évoquer ce thème, monsieur le sénateur ! - de la baisse du niveau du baccalauréat.
Non, monsieur le sénateur, le niveau du baccalauréat ne baisse pas ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Depuis le temps que la nation engage des moyens considérables sur le système scolaire, heureusement même qu'il s'élève, ne vous en déplaise, monsieur le sénateur !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. Ce n'est pas crédible !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Vous m'avez fait penser, en tenant ce discours, aux conservateurs du siècle dernier ou du début de ce siècle qui étaient tout simplement hostiles à l'école publique, laïque et obligatoire !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. J'attendais ça !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Si les enfants d'ouvriers allaient à l'école, ils auraient peut-être de mauvaises pensées,...
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. C'est d'une pauvreté !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... peut-être refuseraient-ils de travailler aussi dur pour des salaires de misère, bref, on ne trouverait plus d'ouvriers - on l'a entendu, à l'époque !
Certains conservateurs pourtant élus s'étaient également opposés à l'accès des femmes au baccalauréat sous le prétexte, disaient-ils, qu'elles n'auraient plus envie de faire des enfants et qu'elles obéiraient beaucoup moins à leurs maris !
Monsieur le sénateur, laissez-moi vous dire que l'augmentation du nombre de bacheliers, cela s'appelle tout simplement la démocratisation du système scolaire de la République ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. René-Pierre Signé. Ils ont la même mentalité ! Cela n'a pas changé !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. C'est trop risible pour qu'on réponde !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Vous avez ensuite évoqué la ségrégation entre établissements, pour la déplorer.
Nous répondons à ce problème. Et à vos amis qui, pendant quatre ans, ont abandonné la politique de l'éducation prioritaire, nous rappelons que nous avons relancé cette politique et réintégré 1 600 établissements scolaires - écoles et collèges - en zones d'éducation prioritaires afin de donner plus aux élèves qui ont le moins.
Vous avez évoqué la question de la mise en sécurité des établissements scolaires. Claude Allègre y a répondu.
En effet, ces crédits ont été délégués aux préfets et peuvent donc encore être engagés. Sur le reliquat des crédits qui n'avaient pas été consommés, nous avons mis en place une importante opération de division de gros collèges : il s'agit, par cette mesure, de mettre en sécurité les collèges qui, en raison de classes surchargées, éprouvent des difficultés pour assurer la discipline.
Monsieur Maman, il faudra nous expliquer par quel mystère les enseignants, qui sont formidables à l'étranger pour éduquer les enfants de diplomates, de cadres supérieurs et de banquiers, deviennent soudain, selon vous, si mauvais dès lors qu'ils exercent en France ! En effet, à vous en croire, un élève sur deux ne saurait pas lire en sortant de l'école primaire.
Là encore, vous avez caricaturé de façon inacceptable l'ensemble des réformes qui sont mises en place.
Vous nous avez dit que les cours devenaient des activités ludiques... Or c'est une option radicalement opposée qui est actuellement retenue dans le système scolaire puisque, tant la charte pour bâtir l'école du xxie siècle que les contrats éducatifs locaux et les états généraux de la lecture ont pour objectif de recentrer l'école sur l'apprentissage des savoirs, de prévenir les difficultés scolaires dès qu'elles sont identifiées et de renforcer le contenu pédagogique dans l'enseignement !
Les états généraux de la lecture, que vous avez qualifiés de délétères, sont tout sauf cela, puisqu'ils ont débouché sur des décisions concrètes - celles que vos amis n'ont pas su mettre en place - afin précisément de renforcer l'efficacité de l'école !
Mais comment ces approximations me surprendraient-elles, alors que vous avez mélangé les inspecteurs d'académie et les inspecteurs pédagogiques régionaux, avant de confondre les mises à disposition avec les détachements ? Pour dire les choses clairement sur le système scolaire, encore faut-il être précis sur ce dont on parle !
S'agissant des sorties scolaires, vous n'avez manifestement pas lu les textes actuellement en vigueur. C'est tout le contraire de ce que vous avez dit ! En effet, dans un souci de clarification des règles de responsabilité, j'ai ouvert, pour le plus grand bien des écoles, ce lourd chantier de remise à plat de la vingtaine de circulaires qui concernaient les sorties scolaires et il n'y a plus désormais qu'un seul texte ! Là encore, nous avons fait le travail que nos prédécesseurs n'ont pas fait...
M. Martin s'est plaint à la fois d'un excès d'emplois dans le système éducatif et d'un trop grand nombre d'élèves par classe. Il a dénoncé l'excès de fonctionnaires... mais il en réclame pour son département !
M. René-Pierre Signé. Eh oui, c'est toujours comme ça !
Mme Nicole Borvo. Il faut faire des miracles !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il avance sur l'illettrisme des chiffres qui relèvent du fantasme en disant que 30 % des élèves ne sauraient ni lire, ni écrire, ni compter. Ce faisant, il porte préjudice au système scolaire, en le dénigrant de manière inadmissible.
Le nombre d'élèves en difficulté est désormais clairement établi, puisque ces élèves sont repérés lors des journées d'appel de préparation à la défense : il y a exactement 9,6 % de jeunes - et c'est déjà beaucoup ! - qui ont de graves difficultés dans la maîtrise des langages : l'expression orale, la lecture et l'écriture. C'est aussi un chantier auquel nous nous attelons.
Vous qui êtes issus des rangs de la majorité sénatoriale et qui avez agité le spectre de l'illettrisme, je vous en prie, une bonne foi pour toutes, changer de fonds de commerce, car, en avançant des chiffres faux, vous portez atteinte à l'image de marque des élèves, au travail qu'accomplissent tous les jours les enseignants dans leurs classes, vous portez tout simplement atteinte à l'image de marque et à la réputation du système scolaire français, qui, justement, est considéré à l'étranger comme le meilleur du monde !
M. René-Pierre Signé. Et vous portez atteinte à la France !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. M. Martin, qui dénonce le nombre trop élevé de fonctionnaires, n'en réclame pas moins la création de postes de médecins scolaires. Précisément, en trois ans, nous avons créé 1 300 postes de personnels médico-sociaux. Vous avouerez, monsieur Martin, que c'est un peu plus que les quarante postes créés en quatre ans par vos amis pour faire face au problème, difficile en effet, de la médecine scolaire !
M. Martin a enfin évoqué la question de la parité avec l'enseignement privé. L'enseignement privé, comme par hasard, est défendu, lui !
M. René-Pierre Signé. Ça, il aime bien !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. La loi est strictement respectée : s'il y a des différences de cotisations de retraite, elles tiennent au fait que les systèmes de retraite sont différents, tout simplement parce que le statut de maître du privé est spécifique.
M. Carle a confondu allègrement les mises à disposition, qui sont strictement contrôlées, et les détachements, qui sont remboursés. Je ne m'y attarderai donc pas.
Il a bien évidemment agité aussi le spectre de l'illétrisme. Je vous répondrai une bonne fois pour toutes que si l'on repère lors des journées d'appel de préparation à la défense 9,6 % de jeunes qui ont des difficultés avec la lecture, l'écriture et le langage oral, cela signifie que notre pays parvient à hisser 91 % de jeunes à un niveau de maîtrise des outils fondamentaux de l'école ! Permettez-moi de vous dire que cette performance, qui est sans doute une des meilleures du monde, est exceptionnelle. Mais il est vrai que, sans la maîtrise de ces langages de base, il n'y a pas de citoyenneté possible ! Nous continuerons à améliorer l'efficacité du système. Tel est bien, d'ailleurs, l'un des objectifs des différents budgets de l'éducation nationale que nous vous présentons.
Vous avez avancé comme formule miracle le partenariat et la proximité. C'est précisément toute la logique des actions qui sont actuellement engagées, ne serait-ce que la déconcentration mise en place par Claude Allègre. Il s'agit bien de rapprocher les décisions du terrain.
Les contrats éducatifs locaux donnent précisément aux équipes pédagogiques les outils de proximité nécessaires pour mettre en place les partenariats.
On pourrait citer d'autres mesures, telles que la mise en place, dans les différentes académies, de médiateurs qui permettent, là encore, de régler les problèmes au plus près du terrain.
Monsieur Othily, permettez-moi de vous dire qu'en critiquant le système scolaire vous ne vous épargnez pas un certain nombre d'approximations !
Vous critiquez les évaluations en CM 2 alors qu'il n'existe pas d'évaluation en CM 2, monsieur Othily ! Elles se font en CE 2.
Les chiffres que vous avez cités à ce propos sont inexacts ou approximatifs. Ils ont là aussi pour conséquence de dénigrer les résultats des élèves et ceux du système scolaire.
Bien évidemment, vous avez mis le doigt sur un certain nombre de problèmes, mais jamais - c'est une observation générale que l'on peut faire - vous n'avez mis en valeur les items qui progressaient. Cela n'existe pas, des élèves qui baissent dans toutes les matières ! Ils progressent dans certaines, ils ont des difficultés dans d'autres.
Alors, cessez de caricaturer le système scolaire comme vous le faites !
Je ne reviens pas sur les questions relatives à la Guyane puisque Claude Allègre y a répondu.
M. Serge Lagauche, vous avez - enfin ! - et je voudrais vous en remercier, ainsi que Mme Luc et M. Signé, fait entendre dans cet hémicycle un discours positif sur le système scolaire, sans passer sous silence les difficultés qui peuvent aussi exister. Je vous en remercie au nom des enseignants et des élèves, qui travaillent, ne l'oublions pas !
Vous avez bien décrit le rôle primordial et les perspectives des réformes. Vous avez ainsi été le seul, disais-je à l'instant, avec Mme Luc et M. Signé, à saluer l'engagement des équipes pédagogiques, à défendre l'école et son évolution.
Vous m'avez demandé quel était l'état d'application des réformes au collège.
La mesure de remise à niveau a été massivement appliquée puisque, selon les premiers éléments du rapport de l'inspection, plus de 80 % des collèges ont mis en place ce dispositif. L'articulation entre le CM 2 et la classe de 6e est assurée dans environ 70 % des collèges. Les heures de vie de classe et de tutorat ont été adoptées par 40 % des collèges.
Enfin, vous avez évoqué une question délicate : la classe de référence en 6e est l'une des mesures les plus difficiles à mettre en place, souvent à cause de problèmes de matériels, de disponibilité de classe ou parce que cela perturbe un peu l'organisation. Je compte cependant maintenir la pression pour que ce qui n'a pas pu être fait à l'occasion de la rentrée scolaire le soit tout au long de l'année et à l'occasion de la prochaine rentrée scolaire.
Je vous remercie du soutien que vous venez d'apporter à la prévention des conduites à risques. Un travail très approfondi a été conduit dans ce domaine, en particulier par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie la MILDT. Le guide pratique qu'elle a diffusé dans les établissements scolaires a été très bien accueilli.
Pour agir, il faut comprendre, savoir et être informé. Il faut pouvoir parler d'égal à égal avec les magistrats, les policiers, savoir de quoi l'on parle et mettre l'accent sur la prévention.
Enfin, vous avez évoqué longuement la question de la gratuité. Cette question me préoccupe également.
La dotation consacrée à l'acquisition des manuels scolaires au collège a été sensiblement augmentée puisqu'elle est passée de 317 millions de francs à 347 millions de francs. J'ai par ailleurs demandé que les sections d'enseignement général et professionnel adaptés, connues sous le sigle de SEGPA, qui, trop souvent, sont privées de manuels scolaires, puissent bénéficier de cette augmentation.
En ce qui concerne les fournitures scolaires annexes, j'ai, à plusieurs reprises, rappelé aux autorités académiques et aux chefs d'établissement qu'aucune dépense indue ne devait être mise à la charge des familles et que les frais relatifs à l'acquisition de matériels pédagogiques ou à usage collectif sont à la charge des collectivités locales compétentes. J'ai également rappelé le principe de gratuité en matière de sorties scolaires.
J'en viens aux frais de scolarité non assurés par les collectivités, comme les fournitures scolaires à usage individuel - vous avez évoqué les cahiers d'exercices, et c'est une vraie question. Ces fournitures peuvent être prises en charge, pour les familles modestes, par les bourses de collèges et de lycées et par les fonds sociaux, dont la dotation a été augmentée. Enfin, l'allocation de rentrée scolaire, qui peut également être utilisée pour l'acquisition de ces fournitures individuelles, a été revalorisée et portée à 1 600 francs, son bénéfice a été ouvert aux familles d'un enfant.
Il faut souligner par ailleurs que le projet de loi de finances a supprimé les droits acquittés par les élèves du second degré pour l'inscription et le passage des examens. Cette mesure représente un coût de 130 millions de francs.
Madame Luc, vous avez abondamment développé le sujet de l'enseignement technique et professionnel. M. Allègre vous a longuement répondu. Je n'y reviendrai donc pas.
Vous avez fait une description particulièrement complète et pertinente de tous les dispositifs mis à la disposition des élèves les plus en difficulté.
Vous avez également posé des questions sur l'option et les groupes NTA - nouvelles technologies appliquées, dans les collèges ; j'y suis particulièrement attentive.
Vous avez demandé des garanties à propos de la mise en place de ces groupes.
Pour permettre une bonne application de cette mesure et une restitution aux collèges des moyens dont ils disposaient pour les classes de 4e et de 3e technologiques pour qu'ils les affectent à la mise en place des groupes « nouvelles technologies appliquées », les collèges recevront les dotations nécessaires à la rentrée 2000. Les groupes pourront ainsi être mis en place sans pour autant constituer une filière de relégation.
Monsieur Signé, vous avez dit votre fierté devant les efforts qui sont engagés. Je suis sensible à votre soutien.
Vous avez mis l'accent sur l'aspect qualitatif. En effet, tout l'effort que nous mettons en oeuvre, M. Allègre et moi, tend à faire en sorte que le système scolaire prenne le tournant qualitatif après avoir assumé quantitativement la scolarisation de toutes les générations de notre pays.
Vous avez aussi exprimé votre attachement au réseau d'écoles rurales. L'éducation prioritaire en milieu rural, que vous connaissez bien, sera encore renforcée. Je crois qu'il n'y a pas de fatalité à la disparition du service public en milieu rural, au contraire. Les inspecteurs d'académie sont actuellement chargés d'animer des commissions ayant pour mission de réfléchir à la mise en réseau des petits collèges ruraux, qui sont pour moi un sujet de préoccupation en raison de l'effondrement des effectifs dans certains endroits. Il faut améliorer l'offre scolaire de ces petits collèges ruraux et les mettre en réseau à la fois pour conforter la qualité de l'enseignement qui y est dispensé et donner aux élèves l'envie d'y rester. A ce propos, je voudrais saluer l'effort tout particulier que fait le département de la Nièvre pour développer les internats ruraux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est en étant assuré de sa tâche, accueillant à tous et attentif à chacun, que notre système scolaire répondra à sa mission de démocratisation, en donnant plus à ceux qui ont le moins, en étant ancré sur le réel, en intégrant les nouveaux moyens de communication, les nouvelles technologies, sans soumission au désordre.
C'est en étant fort d'une véritable identité, en mettant toujours en avant la priorité donnée à la transmission des savoirs, des connaissances, à l'acquisition des savoir-faire et à la conquête de leur autonomie par les élèves, qui doivent devenir des adultes responsables, que notre système sera à la fois plus juste et, ce faisant, plus efficace. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. - Enseignement scolaire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 838 768 554 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaite indiquer simplement, car je ne l'ai pas dit dans mon intervention à la tribune, que la commission des finances s'est prononcée contre le budget qui nous est proposé.
A titre personnel, je tiens à dire que j'ai écouté M. le ministre avec un grand intérêt et que j'ai apprécié sa courtoisie.
Je n'ajouterai que ces quelques mots : tout ce qui est excessif est insignifiant ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je souhaiterais évoquer à nouveau un problème qui a déjà été évoqué, et j'espère que vous me répondrez.
A l'occasion du Salon de l'éducation, vous avez annoncé votre décision d'autoriser les infirmières scolaires à délivrer la pilule du lendemain aux adolescentes en situation de détresse ou d'extrême urgence.
Bien entendu, cette décision a suscité quelques réticences de la part de personnes qui, sans doute, ne savent pas que, chaque année, environ 10 000 jeunes filles ont des grossesses non désirées et que 6 500 d'entre elles recourent à l'avortement. Plutôt que de s'insurger contre la disposition, mieux vaudrait réfléchir à ces chiffres et à la réalité qu'ils recouvrent !
Comme l'a dit Mme Luc, avec la majorité du mouvement éducatif et familial, nous soutenons la solution que vous préconisez, qui permettra à des personnels de santé qualifiés, proches des jeunes dans leur vie quotidienne, de traiter concrètement, dans le cadre d'un protocole éducatif, les problèmes de grossesse précoce et, au-delà, par le recours au dialogue, de participer à la démarche globale d'éducation à la santé et à la sexualité.
Il faut savoir que la plupart des jeunes filles concernées ne peuvent trouver ni les possibilités de dialogue ni, bien entendu, l'éducation nécessaire au sein de leur famille. Ce problème mérite réflexion.
L'objectif visé est, bien sûr, d'aboutir à la mise en place d'une contraception responsable, en liaison avec les centres de planning familial.
Pour mener à bien cette nouvelle mission d'urgence et, plus généralement, promouvoir la santé et la prévention à l'école, écouter, accompagner et suivre les jeunes, les infirmières, les médecins, les psychologues et les assistantes sociales devront être présents dans les établissements.
Or, aujourd'hui, vous le savez fort bien, madame la ministre, faute de personnels médico-sociaux en nombre suffisant, le suivi sanitaire des élèves est très mal assuré. Ainsi, des prestations telles que les soins bucco-dentaires ou le dépistage de la surdité sont difficilement effectuées. Ainsi, on voit ressurgir chez les enfants des maladies qui avaient disparu, telles que la tuberculose.
On peut se demander comment, dans ces conditions, ces personnels pourront être suffisamment disponibles pour se mettre à l'écoute des jeunes en général et de ces jeunes filles qui vivent des situations de détresse extrême en particulier.
Avec un médecin pour sept mille élèves - je sais bien que vous avez fait beaucoup plus que les précédents gouvernements - seuls les rendez-vous obligatoires, c'est-à-dire la visite médicale pour les classes d'orientation et les sections techniques, peuvent être assurés.
La proposition de loi présentée en 1997 par le Parlement des enfants et tendant à réclamer la présence d'une infirmière dans chaque groupe scolaire demeure donc plus que jamais d'actualité.
Nous sommes en effet très loin d'un suivi régulier et de qualité de la santé des élèves, qui, tous, devraient pourtant bénéficier au moins d'une visite annuelle diligentée par le système éducatif.
L'extrême précarité qui contraint certaines familles à renoncer aux soins, l'état sanitaire des adolescents, notamment leur souffrance psychologique, appellent un renforcement des services de la médecine scolaire.
Madame la ministre, je souhaite que la coopération entre votre ministère et celui de la santé soit plus efficace en matière de santé publique et donc de prévention pour les jeunes ; c'est absolument essentiel.
Cette année, votre budget prévoit la création de dix postes de médecins et de cent dix postes d'infirmières. Au regard des besoins croissants de santé publique, l'effort entrepris depuis deux ans, bien qu'important, ne sera pas suffisant. Pourquoi ne prendriez-vous pas dès à présent l'engagement d'augmenter les effectifs pendant plusieurs années, préalable nécessaire à la réalisation de vos ambitions de relance de la santé scolaire - ambitions que je soutiens, bien évidemment - au service d'une véritable politique de prévention et d'éducation ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous évoquez la question de la santé scolaire en général et, plus particulièrement, certains de ses aspects.
Vous l'avez rappelé, un effort sans précédent a été réalisé au cours des trois dernières années en faveur de la santé scolaire. Outre les moyens supplémentaires qui sont dégagés dans le présent projet de loi de finances, sont prévues des vacations de médecins. Cette mesure va nous permettre de mettre en oeuvre, dans les zones d'éducation prioritaire, un travail en articulation avec la médecine de quartier. Ces vacations concernent, je le précise, deux cents postes de médecin à mi-temps.
Tout cela doit me permettre de concrétiser mon intention de rendre systématique la visite médicale en classe de 6e, de manière que tous les élèves puissent effectivement en bénéficier.
Dans le prolongement de la proposition de loi du Parlement des enfants, qui a été adoptée la semaine dernière à l'Assemblée nationale, nous allons intégrer dans les emplois du temps des classes une séance d'éducation à la santé, afin d'approfondir le dialogue avec les élèves et, en particulier, d'accentuer toutes les actions de dépistage de la maltraitance.
J'en viens à la question de la contraception d'urgence.
A partir du moment où le médicament était en vente libre, il m'a semblé que cela correspondait à un progrès de faire en sorte que les élèves ne soient plus isolées face à cette détresse, qu'elles puissent, en dialoguant avec les personnels compétents - infirmières scolaires, médecins scolaires - accéder, d'abord à l'information, ensuite à une contraception responsable.
Il est donc bien clair que la délivrance de ce médicament ne s'applique qu'à des cas d'urgence et d'extrême détresse, c'est-à-dire lorsque aucun centre de planning ou aucun service hospitalier n'est accessible. Bien entendu, cela suppose aussi qu'on ait au préalable proposé à l'élève d'entrer en contact avec ses parents et qu'on l'ait fait, sauf si celle-ci s'y oppose vigoureusement.
Le dispositif que nous avons défini s'intègre dans une action plus globale d'éducation à la sexualité et à la vie qui s'appuiera sur le rappel d'un certain nombre de valeurs, notamment le fait que la sexualité précoce n'est pas un progrès, que la sexualité est d'abord une relation affective, qui implique, pour être une source d'épanouissement, l'estime de soi et le respect des autres. Ce travail s'accompagnera d'ailleurs d'un renforcement de la lutte contre toutes les violences sexuelles, car, ne l'oublions pas, parmi les 6 500 adolescentes qui subissent une interruption de grossesse, nombreuses sont celles qui ont subi des violences sexuelles.
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Nicole Borvo. Merci, madame la ministre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 98
Contre 219

M. le président. « Titre IV : 1 233 945 136 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 621 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 397 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 88 700 000 francs ;
« Crédits de paiement : 54 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire.

3

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 13 décembre 1999, à neuf heures trente, seize heures et le soir :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000). - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération :
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 40).
Justice :
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 33) ;
Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (services généraux, avis n° 94, tome IV) ;
M. Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (administration pénitentiaire, avis n° 94, tome V) ;
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (protection judiciaire de la jeunesse, avis n° 94, tome VI).
A seize heures et le soir :
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-200). - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits :
Aucun amendement aux articles de la deuxième partie n'est plus recevable.

Scrutin public à la tribune

M. le président. En application de l'article 60 bis , troisième alinéa, du règlement, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000 aura lieu, de droit, par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 14 décembre 1999.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 115, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive et de loisir (n° 31, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat (n° 79, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (n° 104, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 118, 1999-2000) sur :
« - la proposition de loi de M. Jean Chérioux et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié (n° 52, 1999-2000) ;
« - la proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste relative au développement du partenariat social (n° 87, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du dimanche 12 décembre 1999


SCRUTIN (n° 23)



sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2000 (budget de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie : I. - Enseignement scolaire)

Nombre de votants : 310
Nombre de suffrages exprimés : 309
Pour : 98
Contre : 211

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.
Contre : 17.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. André Vallet.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Contre : 92.
Abstention : 1. _ M. Emmanuel Hamel.
N'ont pas pris part au vote : 6. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat et M. Gérard Larcher, qui présidait la séance, MM. Jean Bernard, Paul Blanc, Louis de Broissia et Hilaire Flandre.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Michel Charzat (député).

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Contre : 50.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Philippe Richert et Xavier de Villepin.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Contre : 45.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Xavier Pintat.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Contre : 7.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique
Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel
Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent


René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles
Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri
de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian
de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette
Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri
de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand
de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Serge Vinçon
Guy Vissac

Abstention


M. Emmanuel Hamel.

N'ont pas pris part au vote


MM. Jean Bernard, Paul Blanc, Louis de Broissia, Hilaire Flandre, Xavier Pintat, Philippe Richert, André Vallet et Xavier de Villepin.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.
Ne peut participer aux travaux du Sénat (en application de l'article L.O. 137 du code électoral) : M. Michel Charzat.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 317
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour l'adoption : 98
Contre : 219

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.