Séance du 11 décembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Anciens combattants (p. 2 )

MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Joseph Ostermann, Guy Fischer, Bernard Joly, Mme Gisèle Printz, MM. Rémi Herment, Michel Pelchat, Hubert Durand-Chastel, Mme Nelly Olin, MM. Gilbert Chabroux, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Courrière.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Crédits du titre III (p. 3 )

MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat.
Rejet des crédits.

Crédits du titre IV (p. 4 )

M. Guy Fischer.
Rejet des crédits.

Article 65. - Adoption (p. 5 )

Article 66 (p. 6 )

Amendement n° II-70 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 66 (p. 7 )

Amendements n°s II-1 de la commission des affaires sociales et II-72 de M. Fischer. - MM. le rapporteur pour avis, Guy Fischer, le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Irrecevabilité des deux amendements.
Amendements identiques n°s II-60 de Mme Printz et II-84 de M. Hoeffel. - Mme Gisèle Printz, MM. Rémi Herment, le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Irrecevabilité des deux amendements.
Amendement n° II-69 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 66 bis (p. 8 )

Amendements n°s II-71 rectifié de M. Fischer et II-36 de M. Cléach. - MM. Guy Fischer, Marcel-Pierre Cléach, le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Irrecevabilité des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 66 ter. - Adoption (p. 9 )

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 11 ).

4. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 12 ).

Culture (p. 13 )

MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique ; Jack Ralite, Bernard Joly, Mme Danièle Pourtaud, MM. André Maman, Louis de Broissia, Marcel Vidal.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
Adoption des crédits.

Communication (p. 14 )

MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite ; Mme Danièle Pourtaud, MM. André Maman, Louis de Broissia, Ivan Renar, Michel Pelchat.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Article 55 (p. 15 )

Amendements identiques n°s II-5 rectifié de la commission des finances et II-83 de Mme Pourtaud. - M. le rapporteur spécial, Mmes Danièle Pourtaud, le ministre. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 55 bis (p. 16 )

M. le rapporteur spécial.
Adoption de l'article.

Lignes 39 et 40 de l'état E. - Adoption (p. 17 )

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

I. - Services généraux (p. 18 )

Crédits du titre III (p. 19 )

M. le rapporteur spécial.
Rejet des crédits.

Crédits des titres IV et V. - Rejet (p. 20 )

5. Dépôt d'une proposition de loi (p. 21 ).

6. Ordre du jour (p. 22 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]

Anciens combattants



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que, dans quelques jours, nous franchirons le seuil d'un nouveau siècle, alors qu'à Istanbul, voilà quelques semaines, les gouvernants des pays les plus industrialisés se sont entendus sur le principe de la réduction des armements en Europe, il nous faut nous préoccuper ce matin des crédits alloués au secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
Certains pourraient être tentés d'y voir un symbole du passé. Ce serait une grossière erreur. Les anciens combattants, par le sang qu'ils ont versé, par l'épreuve qu'ils ont subie, portent l'essence même de ce « nouveau monde » sans conflit, sans armes et sans horreur que nous appelons tous de nos voeux.
Les sommes qui leurs sont consacrées ne sont donc que le prix de notre reconnaissance envers eux, le prix du souvenir. La leçon qu'ils nous ont enseignée, bien malgré eux, ils l'ont payée cher, très cher : le prix d'une jeunesse sacrifiée. Nous nous devons d'oeuvrer pour que nul ne l'oublie.
Aujourd'hui, grâce aux mesures que vous nous proposez dans votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, grâce à celles que vous avez accordées lors du débat à l'Assemblée nationale et à celles que vous nous concéderez peut-être à l'issue de cette discussion, j'espère que nous apporterons la réparation à laquelle peuvent légitimement prétendre ceux qui nous ont ouvert la voie de la paix.
Ma fonction de rapporteur spécial m'impose de vous infliger quelques chiffres, ce dont je vous prie de bien vouloir m'excuser.
La restructuration du secrétariat d'Etat aux anciens combattants et la confusion de certains de ses crédits avec ceux du ministère de la défense conduisent à une lisibilité difficile de ce projet de budget. Nous ne pouvons, en effet, nous arrêter aux chiffres bruts, et la diminution apparente des crédits doit être corrigée par ces transferts.
Il en est ainsi des crédits destinés à la politique de la mémoire, s'élevant à 14,9 millions de francs, qui sont alloués à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, seuls 5,07 millions de francs restant à la disposition du secrétariat d'Etat aux anciens combattants pour subventionner les associations ou les collectivités locales.
Les crédits destinés à financer les fêtes nationales et les cérémonies publiques augmentent, par ailleurs, de 24 %.
Un même transfert est opéré pour les crédits destinés à la remise en état des nécropoles nationales, avec 4 millions de francs de crédits de paiement et 8 millions de francs d'autorisations de programme, et pour le financement des hauts lieux de mémoire, avec 2 millions de francs de crédits de paiement et 2 millions de francs d'autorisations de programme.
Deux projets au moins sont à l'étude : un projet de mémorial de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle et un projet de mémorial consacré au système concentrationnaire nazi dans le camp du Struthof.
A cet égard, il semblerait préférable, afin d'améliorer la transparence du budget, que la ligne budgétaire concernant l'entretien et la rénovation des sépultures de guerre soit distincte de celle qui concerne la construction des hauts lieux de mémoire. Pourrai-je connaître tout à l'heure votre position à ce sujet ?
Il me semble souhaitable, si l'on reste sur la même ligne budgétaire, d'achever le programme de remise en état de nos nécropoles et autres sépultures avant d'engager de nouveaux projets.
Je vous rappelle qu'un plan avait été estimé, en 1994, à 50 millions de francs, avec un étalement jusqu'à l'an 2000. Or, il n'a été exécuté qu'à 60 % ; 24 millions sont donc nécessaires pour le mener à bien.
Parlant des hauts lieux de la mémoire, j'aimerais que vous nous fassiez, monsieur le secrétaire d'Etat, une brève communication sur l'état d'avancement du projet de mémorial de la guerre d'Algérie. Pourriez-vous nous donner des indications sur le mode de financement de l'opération et sur le stade des négociations avec la mairie de Paris quant au lieu d'implantation du monument ?
Enfin, on peut noter, dans le budget de la défense, la création d'une ligne budgétaire pour le financement des travaux de sécurité dans les établissements publics sous tutelle ; avec 11,5 millions de francs en crédits de paiement et 16 millions en autorisations de programme.
En tenant compte de cette évolution, les crédits réels du secrétariat d'Etat aux anciens combattants s'élèvent à près de 25 milliards de francs et accusent donc une diminution de près 2 %, qu'il nous faut encore relativiser du fait de la diminution inéluctable des parties prenantes.
Il est à noter que la part de la dette viagère régresse, à 17,28 milliards de francs. En effet, alors qu'elle représentait encore 78 % du budget pour 1999, elle ne représente que 69 % du budget pour 2000.
Il me faut donc vous rendre hommage, monsieur le secrétaire d'Etat, pour l'usage que vous avez fait de ce différentiel. C'est ainsi que les crédits à la disposition de l'Institution nationale des invalides augmentent de 2,3 % par rapport à 1999 et élèvent à 44 millions de francs. Les subventions de fonctionnement de l'ONAC, qui s'élèvent à 238 millions de francs, augmentent de 4,1 % par rapport à 1999, soit 37 millions de francs.
Vous savez combien l'office national des anciens combattants et victimes de guerre a occupé mes pensées durant cette année. Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui d'intervenir à cette tribune pour vous faire part brièvement de mon sentiment sur cette institution.
Il n'est nullement dans mon intention de vous présenter le rapport que je viens d'achever et dont, je n'en doute pas, vous avez fait votre livre de chevet. Mais je tiens à vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, combien je suis impressionné par l'évolution que j'ai constatée dans la gestion de l'office depuis le début de ma mission. Sous votre rigoureuse impulsion, l'office, dont l'existence même était sujette à caution il y a un an, apparaît désormais comme le relais incontournable de votre action auprès du monde combattant.
Je me devais de rendre hommage à l'efficacité et à la détermination de votre action à cet égard, action qui, au demeurant, a été remarquablement relayée par le préfet Claude Guizard, directeur général de l'ONAC.
Je me félicite aussi qu'après avoir exigé dix-huit mois, puis quinze, vous proposiez, avec l'article 65, d'étendre les conditions d'attribution de la carte du combattant à douze mois de service en Afrique du Nord.
De même, et bien que cela ne satisfasse pas totalement les associations d'anciens combattants, j'approuve votre projet de revalorisation du plafond de la retraite mutualiste à 105 points, tel qu'il est présenté à l'article 66.
Je note toutefois qu'il est peu probable que les 130 points espérés par les intéressés soient atteints avant la fin de la législature. Il aurait fallu, pour cette année, revaloriser le plafond à au moins 110 points.
Poursuivons avec les mesures à mettre au crédit de votre action.
Chacun de nous vous est reconnaissant d'avoir accordé 5 millions de francs de mesures nouvelles en faveur des veuves à l'occasion du débat à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, 3 millions de francs supplémentaires sont prévus pour le développement de la politique de la mémoire. Là encore, vous savez combien je suis attaché à cette question je m'en suis largement expliqué dans le rapport intitulé « Les défis de la mémoire », que j'ai publié l'année dernière.
Toutefois, ces mesures, dont je ne puis que me réjouir et qui prouvent votre volonté de tenir compte des attentes du monde combattant, sont loin de résoudre toutes les questions en suspens.
La commission des finances du Sénat veille à ce que les crédits mis à la disposition des ministères soient utilisés de la manière la plus efficace possible. Pourquoi les crédits affectés aux centres d'appareillages demeurent, alors que, depuis plusieurs années, leur activité diminue ? Peut-être pourrez-vous me donner quelques explications sur ce sujet.
Sachant que le budget pour 2000 fait apparaître un déficit de près de 700 millions de francs par rapport au budget pour 1999, il est intolérable de constater que le Gouvernement a préféré y voir le moyen de réaliser une économie - je sais que vous n'êtes pas le seul responsable, qu'il y a toujours Bercy ! - plutôt que de mettre à profit cette somme, ou une partie de cette somme, pour résoudre des contentieux depuis trop longtemps en instance.
Trop de demandes légitimes restent en effet non satisfaites.
Je ne puis me contenter de la mesquine revalorisation partielle des pensions des plus grands invalides. Vous accordez 15 millions de francs, quand 70 millions de francs auraient suffi au rattrapage du retard accumulé depuis tant d'années. Songez aux souffrances physiques et morales de ces hommes dont la vie a été sacrifiée : aucune somme d'argent ne peut compenser leur vie gâchée, a fortiori cette demi-mesure, pour ne pas dire ce dixième de mesure !
Je veux parler encore de cette injustice qui frappe les rappelés de la guerre d'Algérie. Ils ont dû quitter famille et emploi pour aller, six mois durant, combattre sous le drapeau. Imaginez un instant les conséquences d'une telle épreuve !
Leur refuser la carte du combattant est indigne du sacrifice qui leur a été imposé. L'application de l'accord du 22 octobre 1996 suffirait à mettre fin à ce contentieux.
Indigne encore est le mépris avec lequel sont traitées les troupes stationnées en terre étrangère après la fin officielle des combats. Pensez-vous que mourir dans le Djebel en 1963 ou en 1964 soit bien différent de mourir en 1959 ou en 1960 ? La mort dans une rizière en 1947 est-elle moins digne de la reconnaissance de la nation que la mort survenue en 1944 ? Il serait bon, monsieur le secrétaire d'Etat, de prolonger jusqu'au 2 juillet 1964 la date des services ouvrant droit au Titre de reconnaissance de la nation.
Non moins honteuse est la cristallisation pensions - ce n'est pas la première fois que je le dis ! - des pensions des combattants originaires de nos anciennes colonies. L'étude comparative que vous avez fait mener sur le pouvoir d'achat des pensionnés fait apparaître un net retard au détriment des Algériens, des Marocains et des Tunisiens. Mais ce constat n'a engendré aucune mesure en leur faveur.
Je rends hommage à votre grand sens de la concertation et à votre honnêteté morale dans l'analyse des situations. Néanmoins, toute étude ne vaut que si ses conclusions sont suivies d'effets. Or, les commissions, études, rapports et autres analyses se succèdent sans que soient adoptées des mesures concrètes. C'est le cas de la décristallisation, c'est le cas aussi des psychotraumatismes de guerre : une étude a été lancée, une commission a été mise en place en juillet 1999 ; nous en verrons les résultats.
J'en veux encore pour exemple le cas des incorporés de force dans le Reichsarbeitsdienst , RAD, et le Kriegshilfsdienst, KHD. Le dédommagement, dont, je le reconnais, vous ne contestez pas le principe, avait été différé du fait du non-engagement de l'Entente franco-allemande, qui doit le cofinancer avec le Gouvernement français. L'accord de principe de l'Entente est acquis depuis plus d'un an, mais aucune ligne budgétaire n'est prévue à cette fin.
J'achèverai mon propos sur le constat suivant : la retraite anticipée des anciens d'AFN n'a pu voir le jour - je faisais partie de la commission sur ce sujet et nous avons passé des heures avec les anciens combattants et les responsables politiques je n'y reviens pas.
Quant à l'allocation de remplacement pour l'emploi, vous allez me répondre que la mesure s'applique depuis quelques jours, mais je vous rappelle à ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'il y a tout juste un an j'avais été le seul, dans ces lieux, à m'élever contre cette mesure aussi médiatique qu'inapplicable. Le temps m'a malheureusement donné raison, et croyez bien que je le regrette, car le sort de nos anciens combattants est inchangé et à l'espoir a succédé la déception.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes redevable de cette attente bafouée ; une anticipation de la retraite du combattant si ce n'est à soixante ans, du moins à soixante-trois ans - si on ne l'a pas décidé cette année ; on pourrait l'envisager pour le prochain budget - pourrait vous dédouaner à leur égard.
Ce n'est pas un privilège exorbitant que je vous demande, au nom du monde combattant ; il y a eu des précédents !
En 1930, la loi de finances n'avait-elle pas prévu une allocation, ancêtre de la retraite du combattant, de 500 francs en faveur des poilus de 14-18 titulaires de la carte du combattant et ayant atteint cinquante ans ?
Par ailleurs, nos anciens combattants des territoires d'outre-mer ne touchent-ils pas la retraite du combattant dès soixante ans ?
C'est, à mon avis, une question d'égalité de traitement. Vous allez me dire que la mesure coûte très cher, ce que je sais. Mais essayons de l'étaler sur deux ans ; n'attendons pas cinq ans !
Vous le constatez, monsieur le secrétaire d'Etat, malgré la qualité technique du projet de budget que vous soumettez à notre approbation aujourd'hui, malgré votre engagement, dont nul ne met en doute la sincérité et l'efficacité - je peux en témoigner, vous connaissant depuis longtemps - il ne m'est pas possible d'appeler mes collègues à voter les crédits de votre ministère.
Trop d'oublis, trop de mesures partielles et frileuses entachent votre budget. Aussi, la commission des finances du Sénat a-t-elle décidé de le rejeter.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits relatifs aux anciens combattants pour 2000 s'inscrivent en apparence dans la continuité des budgets précédents : l'érosion régulière des crédits se poursuit, tandis que les mesures nouvelles proposées sont très loin de répondre à toutes les attentes du monde combattant.
Les crédits budgétaires diminuent en effet de 500 millions de francs, soit de 2 %, pour atteindre 25 milliards de francs à structure constante. Les mesures nouvelles positives se limitent, elles, à 81 millions de francs dans la version initiale de ce budget.
Pourtant, l'examen de ces crédits intervient dans un contexte particulier qui nous aurait laissé espérer la présentation d'un budget plus ambitieux.
La contrainte budgétaire est en effet moins forte. Le monde combattant aurait été en droit d'attendre un meilleur redéploiement des crédits.
En outre, le Parlement vient d'adopter à l'unanimité une proposition de loi reconnaissant, enfin, la réalité de l'état de guerre en Algérie. Je ne peux que me féliciter de cette mise en accord tant attendue du droit et des faits. Si cette loi n'a aucune incidence budgétaire, son vote a toutefois montré que les questions touchant les anciens combattants peuvent être résolues, grâce au débat parlementaire, en associant dans un consensus à la fois la représentation nationale, les associations et le Gouvernement. J'aurais aimé qu'une telle démarche consensuelle se poursuivre à l'occasion de l'examen du projet de budget.
Enfin, la réforme de votre département ministériel est désormais effective. Elle permet de lever toute ambiguïté sur la pérennité d'un budget autonome, Elle aurait pu également permettre de profiter des économies de gestion pour améliorer l'action en faveur des anciens combattants.
Mais ce nouveau contexte ne s'est, hélas ! traduit ni par un budget plus ambitieux ni par le souci de régler au plus vite les principaux contentieux subsistant avec le monde combattant.
Il se traduit, au contraire, par une diminution sensible des actions de solidarité, diminution que la commission considère comme préoccupante.
La politique de la mémoire est confortée. A ce propos, j'observe avec satisfaction que vous avez dégagé des crédits d'études pour le mémorial de la guerre d'Algérie.
Les crédits relatifs à la politique de la réparation, eux, sont globalement stables.
Certes, le poids des évolutions démographiques contribue, hélas ! à la diminution du nombre de pensionnés. En revanche, l'arrivée massive à l'âge de soixante-cinq ans des anciens combattants d'Afrique du Nord se traduit par une montée en charge de la retraite du combattant. Ainsi, en 2000, il devrait y avoir 985 000 titulaires de la retraite du combattant et 485 000 pensionnés.
L'application du rapport constant, évalué à 248 millions de francs en 2000, aura alors pour conséquence de stabiliser les dépenses liées à la réparation.
A l'inverse, les crédits relatifs à la politique de solidarité sont en forte baisse.
Cela tient avant tout à l'extinction progressive des actions du fonds de solidarité, dès lors que les allocataires du fonds atteignent massivement l'âge de la retraite. Les crédits du fonds diminuent de quelque 450 millions de francs.
Aussi, dans ce contexte, la commission des affaires sociales considère comme nécessaire d'utiliser une part des crédits ainsi dégagés pour financer de nouvelles actions de solidarité. Il est en effet à craindre que nombre d'allocataires actuels ne se retrouvent dans une situation plus précaire lorsqu'ils ne sont plus ressortissants du fonds.
Le Gouvernement ne semble pourtant pas s'engager dans cette voie.
Le budget de 1999 avait prévu deux nouvelles actions de solidarité : la suppression du sas de six mois pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, et l'attribution automatique, aux anciens combattants titulaires de la carte du combattant, de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, en cas de refus de l'employeur.
Or ces deux mesures n'ont eu qu'un impact pour le moins limité.
La première n'a concerné que 192 personnes au premier semestre de 1999.
La seconde n'est toujours pas appliquée, malgré la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux, le 12 mai dernier. Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité bloque l'application de cette mesure en se refusant à signer le nécessaire agrément. Pourriez-vous, à ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer l'évolution de ce dossier ?
Le projet de budget pour 2000 est encore plus parcimonieux en mesures de solidarité.
Certes, le projet de budget prévoit, dans sa version initiale, quelques mesures nouvelles. Je pense notamment à l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant et à la revalorisation du plafond majorable de la retraite mutualiste. Il s'agit ici du droit à réparation.
C'est vrai, la discussion à l'Assemblée nationale a permis de dégager quelque 30 millions de francs de crédits supplémentaires, qui permettront de financer certaines actions nécessaires comme l'indemnisation des veuves des patriotes résistant à l'Occupation, les PRO, une augmentation des subventions à l'ONAC en faveur des veuves ou la revalorisation annoncée de la pension des grands invalides.
Ces mesures nouvelles ne peuvent cependant nous satisfaire totalement.
D'abord, elles sont soit ponctuelles, soit très partielles.
Ainsi, l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant ne permet pas de prendre en compte la situation particulière des rappelés. J'insiste sur ce point, auquel les associations sont particulièrement attachées.
De même, la revalorisation des plafonds majorables est bien timide. Vous avez choisi l'indice 105. L'indice 110 nous aurait semblé préférable pour que soit atteint à terme, comme promis, l'objectif de l'indice 130.
Surtout, la revalorisation de la pension des grands invalides, qui fut gelée entre 1991 et 1995, n'est que de 1,5 %. Or, l'écart moyen né du gel des pensions atteint environ 7 %. Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre audition par la commission, à aboutir à une compensation intégrale dans le prochain budget. Je ne peux que solennellement vous inviter à faire un geste supplémentaire dès ce budget.
Mais, au-delà de ces mesures partielles, force est de constater que de nombreuses attentes du monde combattant sont toujours en suspens.
J'en citerai cinq pour lesquelles la commission souhaiterait qu'une solution soit très rapidement trouvée.
La première concerne la décristallisation.
En dépit de vos déclarations lors du dernier débat budgétaire, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation n'a pas évolué. La commission en tire les conséquences et elle vous proposera tout à l'heure de faire un premier pas dans le sens de la décristallisation en adoptant l'amendement qu'elle vous présentera.
La situation des veuves d'anciens combattants est également très préoccupante. On constate notamment un accroissement sensible des demandes d'aide individuelle déposées auprès de l'ONAC.
La commission considère toutefois qu'il faut aller plus loin qu'une simple augmentation des crédits sociaux de l'ONAC. Il serait notamment nécessaire soit de revaloriser les pensions les plus modestes, soit d'assouplir les conditions de réversion. Cela peut se faire. Vous nous avez annoncé votre intention de revoir l'ensemble du dispositif d'aide aux veuves au début de l'année prochaine. Nous vous donnons donc rendez-vous sur ce point très important.
Il importe également de clore au plus vite la douloureuse question de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, RAD et KHD. Alors qu'un accord est intervenu en juin 1998 au sein de l'Entente franco-allemande sur ce point, l'instruction des quelque 10 000 dossiers déposés traîne en longueur et retarde d'autant l'inscription des crédits budgétaires correspondants.
Cette situation est difficilement acceptable. C'est pourquoi nous vous demandons solennellement d'inscrire, dès à présent, au moins une partie des crédits nécessaires. Deux millions de francs constitueraient déjà un geste tangible, pour un coût budgétaire très raisonnable.
L'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant impose une réflexion sur le Titre de reconnaissance de la nation. Il faudrait notamment étudier les conditions de son extension aux anciens d'Afrique du Nord ayant séjourné en Algérie entre 1962 et 1964. Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, à remettre à plat le dispositif dès janvier. Là encore, rendez-vous est pris.
Enfin, la demande de l'abaissement de soixante-cinq à soixante ans de l'âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite du combattant devra être étudiée, en l'absence de toute retraite anticipée. Toutefois, le coût d'une telle mesure - 1,4 milliard de francs, selon les services du secrétariat d'Etat - incite à une certaine prudence.
Au total, ce budget se contente d'être un simple budget de reconduction. Il n'intègre que de rares mesures nouvelles et passe sous silence les préoccupations les plus vives du monde combattant. Il semble donc difficilement acceptable en l'état.
La commission des affaires sociales a, dans ces conditions, décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée quant à l'adoption des crédits des anciens combattants. Elle a toutefois émis un avis favorable sur les articles 65, 66 et 66 bis rattachés à ce budget.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en baisse de 2 % par rapport à 1999, le budget des anciens combattants, même s'il présente quelques notables avancées, n'en demeure pas moins décevant au regard des attentes du monde combattant.
Il convient, à mon sens, de saluer deux ensembles de mesures positives.
D'une part, on peut noter la hausse de 19,6 % des crédits consacrés à la mémoire et à l'information historique, qui passent ainsi de 28,36 millions à 33,91 millions de francs.
Outre l'importance de la rénovation des sépultures pour nos anciens combattants - vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, la volonté réelle des collectivités locales de participer financièrement à la création de lieux ou de structures de mémoire, notamment en Alsace - il me semble primordial d'accroître nos efforts de diffusion de la mémoire auprès des jeunes générations.
En effet, les jeunes, j'ai encore eu récemment l'occasion de le déplorer lors de célébrations commémoratives du 11 novembre, ont tendance à ne plus mesurer l'importance des événements du passé. Ces cérémonies relèvent, pour certains d'entre eux, plus de l'amusement que du recueillement et du souvenir. Cela est d'autant plus regrettable que nous assistons à la disparition progressive des derniers anciens combattants de la Première Guerre mondiale.
D'autre part, je tiens à saluer les mesures qui s'inscrivent dans la démarche de reconnaissance de la guerre d'Algérie, engagée en octobre dernier, et dont je suis heureux d'être l'un des initiateurs. Il est important, en effet, que cette reconnaissance symbolique soit suivie de l'attribution d'avantages et de droits concrets.
Ainsi l'abaissement de quinze à douze mois de la durée de service en Afrique du Nord pour obtenir la carte du combattant me semble aller dans le bon sens. Cette carte constitue, pour nos anciens combattants, un sésame pour l'obtention de droits légitimes tels que la rente mutualiste, la retraite du combattant à partir de soixante-cinq ans, ainsi que le bénéfice du fonds de solidarité.
Malheureusement, en dehors de ces deux avancées, ce projet de budget se révèle bien décevant. Il est dommage que vous n'ayez pu profiter des marges de manoeuvre dégagées par la forte baisse des crédits d'assistance et de solidarité pour faire progresser certains chantiers en suspens, monsieur le secrétaire d'Etat.
Les chiffres sont pourtant éloquents : baisse de 28,8 % pour les remboursements à diverses compagnies de transport, de 14,01 % pour les soins médicaux gratuits et de 28,5 % pour les crédits du fonds de solidarité AFN.
La seule baisse mécanique des crédits de ce fonds vous permettrait de poursuivre le travail de reconnaissance des conflits d'Afrique du Nord, pour lequel beaucoup reste à faire.
Tout d'abord, si l'abaissement de la durée de service pour l'obtention de la carte du combattant constitue une bonne mesure, elle se situe bien en deçà des revendications visant à obtenir l'aplication de l'accord intervenu le 22 octobre 1996 avec le cabinet du ministre d'alors. Il était convenu d'attribuer 15 points pour le Titre de reconnaissance de la nation, 7 points pour la médaille commémorative, 4 points par trimestre en AFN dans le calcul des 30 points exigés pour l'octroi de la carte du combattant. Cette mesure mettrait un terme aux injustices qui subsistent malgré les mesures décidées ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les rappelés.
Quand pourrez-vous donner satisfaction aux organisations de combattants sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Par ailleurs, les dispositions prévues dans ce projet en matière de retraite sont loin d'apporter une réponse satisfaisante aux diverses attentes des combattants.
Premièrement, les associations souhaiteraient un rattrapage à 130 points d'ici à la fin de la législature. Elles n'ont pas été entendues.
Deuxièmement, une partie des crédits inutilisés par le fonds de solidarité pourrait être affectée aux anciens d'AFN qui perçoivent une retraite professionnelle sensiblement inférieure, du fait d'une carrière écourtée par le chômage, au niveau de ressources assuré jusqu'à présent par l'allocation différentielle du fonds de solidarité ou de l'allocation de préparation à la retraite. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais connaître votre position sur cette question.
Autre dossier en attente : la retraite à soixante ans et la revalorisation de son montant en compensation des engagements non tenus en matière de retraite professionnelle anticipée. En effet, 40 millions de francs sont affectés, mais non consommés, au financement de l'ARPE.
C'est une mesure inapplicable, car beaucoup trop défavorable aux entreprises. Comme le souligne notre collègue Jacques Baudot dans son excellent rapport, ce dispositif risque de se retourner contre les salariés anciens combattants dans la mesure où certains employeurs refuseraient de les embaucher pour éviter de se voir imposer une décision unilatérale de préretraite, alors que seulement 170 personnes sont susceptibles d'en bénéficier. Ce dossier semble cependant en voie de règlement.
Dernier point du douloureux dossier des retraites : les maisons de retraite gérées par l'ONAC.
Les fermetures successives sont préoccupantes. Qu'en est-il, par conséquent, des démarches visant à offrir un nombre de lits en nette augmentation et mieux répartis géographiquement, au moyen de conventions avec des établissements appropriés ?
La troisième avancée qu'il aurait été souhaitable d'adopter en faveur des anciens d'AFN a trait au Titre de reconnaissance de la nation.
Les personnes ayant servi entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 souhaitent être décorées de la médaille commémorative, compte tenu de son attribution jusqu'au 1er juillet 1964 et de la nature des risques encourus, comparables à ceux qu'ont impliqués des missions extérieures postérieures à la guerre d'Algérie, pour lesquelles le Titre de reconnaissance de la nation a été décerné.
Pourriez-vous, là encore, nous éclairer sur l'état d'avancement du dossier ?
Pour en terminer sur l'AFN, permettez-moi d'évoquer le problème posé par la cristallisation des pensions servies aux combattants ressortissants des Etats anciennement sous souveraineté française.
Ne conviendrait-il pas de procéder à une harmonisation progressive - j'insiste sur ce point - des pensions, en commençant par les combattants les plus défavorisés, c'est-à-dire ceux de Tunisie et du Maroc ? Cela éviterait à notre pays de se faire remarquer en traitant de façon indigne des personnes qui l'ont servi, comme ce fut le cas récemment à Bordeaux. Il est urgent de leur permettre de percevoir une pension décente tout en restant dans leur pays.
Enfin, l'élu alsacien que je suis ne peut s'empêcher d'évoquer l'épineux dossier de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes.
Le recensement étant achevé depuis le mois de mars et la fondation Entente franco-allemande s'étant engagée sur sa participation, il est infiniment regrettable qu'aucune ligne budgétaire retraçant la participation de l'Etat ne soit inscrite dans le présent budget. Cela est d'autant plus inacceptable que vous pourriez disposer cette année de marges de manoeuvre financières largement suffisantes.
Il est urgent de tourner cette page douloureuse de notre histoire et d'accorder la considération qu'ils méritent à ces incorporés.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, reçu les parlementaires concernés, mais, à ma connaissance, la situation est toujours bloquée. Je n'ose mettre en parallèle le coût des 35 heures - des dizaines de milliards de francs ! - et cette mesure aux conséquences financières tout de même très limitées.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup reste à accomplir pour accorder toute la reconnaissance qu'ils méritent à nos anciens combattants. Il est, par conséquent, regrettable que vous n'ayez pas su profiter des crédits supplémentaires dont vous bénéficiez - et ce, une fois n'est pas coutume, sans même avoir à négocier âprement avec Bercy - pour faire avancer quelques-uns de ces dossiers.
A défaut, j'espère que vous apporterez des réponses à certaines de mes interrogations.
Je reconnais volontiers vos efforts, mais vous comprendrez que mon groupe et moi-même, au vu de ce bilan bien maigre, ne puissions voter les crédits que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me crois revenu un an en arrière, à cette même tribune, en regrettant qu'une fois encore le budget des anciens combattants soit en régression, et l'argument de la baisse démographique que l'on nous oppose régulièrement ne me convainc pas plus que l'an dernier.
En effet, n'aurait-on pas pu profiter de la reprise économique et de la décroissance de la dette de l'Etat pour résoudre enfin, en maintenant le budget des anciens combattants au même niveau que l'an dernier, une partie des contentieux ? Peut-on véritablement se réjouir d'un budget en « moindre baisse », comme vous le dites pudiquement, que les années précédentes ?
A quelques mois du cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, urgente autant que symbolique est la nécessité d'un règlement définitif des contentieux, même s'il est raisonnablement progressif.
Face à cette nécessité, accrue par l'âge des ressortissants de la dernière génération du feu, je me dois de déplorer une nouvelle fois le fait que nous soit proposé un budget a minima, auquel on ajoute quelques avancées au cours de la discussion budgétaire. Nous aurons à juger de celles qui nous seront proposées ce matin.
Cependant, il me semble important de relever que vous avez tenu votre promesse, monsieur le secrétaire d'Etat, en nous présentant ce premier budget des anciens combattants rattaché à la défense dans le respect de sa spécificité, avec une réelle volonté de préserver l'imprescriptibilité du droit à réparation, de développer l'action de mémoire, et avec des services modernisés.
Par ce budget, vous proposez l'attribution de la carte du combattant à partir d'une durée minimale de douze mois de service en Algérie au lieu de quinze. Cela permettra l'attribution de 6 000 cartes supplémentaires, mais ne résoudra en rien le problème des rappelés.
Vous proposez aussi la revalorisation du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant. L'indice de référence du plafond majorable passe donc de 100 à 105 points. Ce rythme est encore trop lent et ne permettra pas d'atteindre l'indice 130 d'ici à 2002. Il sera proposé par voie d'amendement, de le porter à 110 points dès l'an 2000.
Par ailleurs, à la suite du débat à l'Assemblée nationale, quelques autres avancées ont été reprises, ou devraient l'être, par le Gouvernement. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, il reste encore du chemin à faire, et je souhaiterais que, sans attendre, nous en fassions un bout ensemble aujourd'hui.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ce que le Gouvernement soit décidé à régler, du moins en partie, l'épineux problème de la mise en oeuvre de l'allocation de remplacement pour l'emploi. En effet, l'article 121 de la loi de finances pour 1999 n'est toujours pas entré en vigueur, suscitant la légitime émotion du monde combattant, et vous savez que ce point est capital en raison du nombre de personnes concernées.
J'ai bien noté les 30,48 millions de francs qui devraient permettre, notamment, une amorce du dégel des pensions des plus grands invalides de guerre. Cependant, cette proposition de rattrapage de 15 millions de francs par étapes ne peut me satisfaire. Il faut mettre un terme à cette injustice une fois pour toutes. C'est pourquoi je demanderai tout à l'heure l'abrogation de l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité.
S'agissant du problème lancinant de la cristallisation des pensions, c'est solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, que je réclame un effort de la nation. Il n'est en effet plus possible de perpétuer l'injustice criante dont sont victimes les ressortissants des pays de l'ex-Union française qui ont combattu sous notre drapeau.
L'abondement des crédits de l'action sociale de l'ONAC est également une bonne mesure. Cela devrait notamment permettre la liquidation des dossiers des veuves de patriote résistant à l'Occupation. Toutefois, j'attends de votre part la confirmation d'un geste significatif - il est indispensable - en faveur des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes et de leurs veuves.
Par ailleurs, entendez-vous abonder les crédits destinés aux maisons de retraites ?
Vous avez également décidé d'attribuer des crédits supplémentaires aux initiatives citoyennes et au devoir de mémoire ; si l'on tient compte des crédits figurant au budget de la défense, l'effort semble satisfaisant.
Pourtant, je m'interroge sur l'utilisation de ces crédits. Au nom des associations concernées, je souhaiterais que soit dressé un bilan des actions liées à la mémoire et à la citoyenneté qui ont été réellement mises en oeuvre localement grâce aux emplois-mémoire.
Je m'interroge, en outre, sur le coût réel de la nouvelle mesure dite « tourisme de mémoire ». Si son coût était surestimé, ne serait-il pas possible d'affecter une partie de ces crédits au dossier de l'historial consacré au système concentrationnaire nazi du Struthof, au projet de mémorial de l'internement sur le site de l'ancien camp de Royallieu à Compiègne, ou encore au mémorial national de la guerre d'Algérie, qui devrait être inauguré à Paris en 2002 ?
Je suis également favorable à un renforcement de l'aide aux associations, qui, comme vous le savez, s'investissent énormément dans les actions pédagogiques.
Je souhaite aussi vous entendre sur les crédits consacrés au cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, de la libération des camps de concentration et de la création de l'organisation des Nations unies.
Je souhaite encore savoir à quel point d'avancement en sont les travaux du groupe de travail que vous avez constitué sur les psychotraumatismes de guerre.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite, pour une fois, vous faire une demande qui ne coûte rien. (M. le secrétaire d'Etat s'exclame.) Il s'agit de donner force législative à la circulaire DSPRS 98-014XR/AL du 27 janvier 1998 par laquelle vous supprimiez toute forclusion dans l'attribution de la carte du combattant volontaire de la Résistance. Cette circulaire mettait un terme à un contentieux de longue date.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Je conclus, monsieur le président.
Puisque, nous l'avons vu, les conditions économiques sont aujourd'hui favorables et que la pratique annuelle de l'annulation de crédits permet une marge de manoeuvre, nous pourrions rendre le plus bel hommage aux combattants de ce siècle finissant en abondant significativement ce budget.
Le groupe communiste républicain et citoyen déterminera son vote selon la teneur de vos réponses, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous ne pouvons, en effet, approuver votre projet de budget en son état actuel, et croyez bien que notre position très critique frôle le vote contre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, finalement, ce n'est pas nous qui attendons un geste de votre part ; ce sont, comme le disait André Malraux dans une oraison funèbre, les hommes et les femmes qui ont le souvenir d'avoir « tenu dans leurs mains une parcelle du refus de la France, du destin de la France ». (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de budget des anciens combattants constitue un moment privilégié qui, au-delà des chiffres, nous rappelle à cet indispensable devoir de mémoire à l'égard de ceux qui ont consenti de lourds sacrifices dans les circonstances douloureuses et tragiques qui ont jalonné ce siècle.
Tout d'abord, je dois reconnaître que le passage du portefeuille des anciens combattants sous la houlette du ministre de la défense s'est mieux déroulé que prévu. Ainsi le budget autonome du secrétariat d'Etat est-il cohérent, même s'il est insuffisant. En effet, comme cela a été dit, il accuse une diminution de 2 % par rapport à 1999 et s'élève à 25 milliards de francs. Pour autant, le monde combattant représente encore près de quatre millions d'ayants droit ou d'ayants cause, pour lesquels de nombreux problèmes persistent.
La baisse sensible du nombre de titulaires d'une pension militaire d'invalidité devrait permettre, à budget constant, de solder le contentieux.
Il est ainsi dommageable, pour l'honneur de notre pays, que nos camarades originaires de pays devenus indépendants et qui ont servi à nos côtés lors de la guerre d'Algérie ou dans d'autres conflits ne puissent pas faire valoir leurs droits d'ancien combattant et que leur pension soit cristallisée.
Le cas du tirailleur Kosseyo est significatif. Cet homme a rejoint le général de Gaulle le 29 août 1940 ; dernier des quinze Africains compagnons de la Libération, il est décédé en 1993. La France lui allouait alors une pension d'ancien combattant de 2,26 francs par jour. Comment peut-on qualifier cette aumône !
La décristallisation des pensions des ressortissants de nos anciennes colonies me paraît donc indispensable, afin que les soldats de l'ex-empire puissent vivre dignement dans leur pays et ne soient pas obligés, comme c'est trop souvent le cas, de demander, chez nous, le RMI.
S'agissant maintenant des pensions des grands invalides de guerre, je trouve inacceptable que celles-ci ne soient pas identiques à taux de pension égal. Le rattrapage, d'un coût de 70 millions de francs, à comparer aux 600 millions de francs économisés par ailleurs, doit se faire en une seule fois par l'abrogation pure et simple de l'article L. 114 bis du code des pensions, et non par étapes, comme le prévoit l'amendement voté à l'Assemblée nationale le 3 novembre dernier. En effet, il est inadmissible que cet article organise, depuis maintenant neuf ans, le gel de ces pensions.
Il faut avoir présent à l'esprit ce que cette classification recouvre d'héroïsme, de sacrifices, de mutilations, de vies sinon brisées du moins bouleversées.
Si le Gouvernement avait consenti à maintenir ce budget au même niveau que l'année dernière, il aurait été possible de régler le réalignement des pensions des grands invalides de guerre.
En ce qui concerne le Titre de reconnaissance de la nation, nous souhaitons que son attribution soit étendue à tous les militaires ayant séjourné en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964. Cette mesure est justifiée par le fait que la médaille commémorative des opérations dites « de sécurité et de maintien de l'ordre » a été décernée jusqu'à cette date.
S'agissant de l'attribution de la carte du combattant, le projet de loi de finances ramène de quinze à douze mois la durée de la présence exigée. Malheureusement, cette mesure ne règle pas le cas des rappelés. C'est la raison pour laquelle il est urgent de trouver une réponse adaptée à cette question.
Par ailleurs, je rappellerai que la mesure ARPE, qui permet à un ancien combattant d'Afrique du Nord âgé de moins de cinquante-huit ans, titulaire de la carte et comptant quarante annuités de cotisations de partir à la retraite à la condition d'être remplacé par un jeune en recherche d'emploi, n'est toujours pas appliquée. Cette disposition a pourtant été votée par le Parlement en 1998, dans l'article 121 de la loi de finances de 1999.
Je regrette également que le Gouvernement n'ait toujours pas ratifié l'avenant signé par l'UNEDIC le 12 mai dernier. Je crois savoir qu'il est actuellement en cours d'agrément par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Qu'en est-il exactement, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Au surplus, je souhaite attirer votre attention sur la situation des veuves d'anciens combattants. Elles se débattent bien souvent dans des situations difficiles et le niveau de leur pension reste particulièrement faible au regard des épreuves qu'elles ont dû surmonter Je pense donc qu'un effort particulier doit être accompli en leur faveur.
Enfin, je tiens à saluer l'action indispensable et positive de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre et de ses directions départementales en matière sociale à l'égard des victimes des actions de terrorisme. On ne peut que louer le dévouement des assistantes sociales à l'égard de ces victimes souffrant de lourds traumatismes, et l'oeuvre utile de l'association SOS-Attentats que dirige Françoise Rudetzki.
En conclusion, j'ajouterai un mot sur les psychotraumatismes de guerre. Un groupe de travail a été récemment mis en place à ce sujet, et j'espère sincèrement que, très vite, une nouvelle circulaire d'application du décret du 10 janvier 1992 sera rédigée.
La cohérence m'oblige, monsieur le secrétaire d'Etat, à renoncer à adopter votre budget, car le devoir de mémoire passe obligatoirement par des réparations immédiates. Certaines générations du feu ne sont plus en capacité physique d'attendre. Il en est qui ne connaîtront pas la loi de finances pour 2001.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis très heureuse, cette année encore, de défendre le budget des anciens combattants, au nom du groupe socialiste.
Depuis plus de deux ans, monsieur le secrétaire d'Etat, vous faites preuve d'un intérêt considérable à l'égard du monde combattant. Cet intérêt se manifeste notamment par les liens que vous entretenez avec les associations représentatives, par l'écoute des problèmes qui leur sont propres et par les efforts que vous entreprenez pour intégrer les différentes catégories de victimes dans le dispositif de reconnaissance et de réparation.
Votre intérêt et votre respect à l'égard du monde combattant se manifestent également par une volonté sans précédent d'être sur le terrain, aux côtés de celles et ceux qui se sont engagés dans les moments difficiles que la nation a pu connaître.
Ce budget reflète tout à fait votre action, monsieur le secrétaire d'Etat, même si nous sommes déçus, tout comme vous, qu'il n'ait pu rester au même niveau que pour la précédente loi de finances.
Il s'agit essentiellement d'un budget d'intervention, dont les grandes masses sont les suivantes : plus de 18 milliards de francs sont affectés à la réparation du préjudice de l'invalidité, soit 72 % du budget, dont 40 % concernent les ayants cause, notamment les veuves ; près de 6 milliards de francs sont consacrés à la mémoire, à la reconnaissance et à la solidarité ; enfin, plus de 1 milliard de francs ont trait au fonctionnement courant, soit 5 % du budget.
En 1999, le nombre d'invalides a diminué de 14,8 %, mais, compte tenu de la stabilité des concessions nouvelles des veuves, la diminution globale est ramenée à 10,08 %. Cette diminution, qui devrait vraisemblablement s'accélérer en 2000, n'est pas sans conséquence sur l'activité des services. Si elle conforte le choix de l'insertion du secrétariat d'Etat dans le ministère de la défense, elle conduit à réfléchir au devenir des structures déconcentrées des directions départementales.
La réorganisation administrative, qui a été conduite grâce à la confiance et au soutien du monde combattant, se traduit par la fusion des deux services chargés de l'administration générale et par la création d'une grande direction de la mémoire et du patrimoine, ce qui devrait permettre des synergies plus fortes.
La présentation du projet de loi de finances pour 2000 intègre cette réorganisation. Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, conserve, conformément aux engagements pris, l'ensemble des lignes liées au droit à réparation, à la reconnaissance et à la solidarité.
Cependant, comme je l'ai dit en introduction, le facteur démographique engendre une baisse des crédits liés aux pensions, ainsi qu'une baisse des crédits inscrits au fonds de solidarité par suite de l'arrivée des anciens d'Afrique du Nord à l'âge légal de la retraite. Il me semble toutefois important de préciser qu'en contrepartie l'évolution du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant induit une augmentation des crédits inscrits.
En fait, les mesures nouvelles, qui traduisent la volonté du Gouvernement de répondre aux attentes du monde combattant, représentent 112 millions de francs. Bien évidemment, nous aurions aimé davantage.
Certaines de ces mesures nouvelles permettent le renforcement de l'action sociale de proximité de l'ONAC, qui constitue un volet privilégié du nouvel élan donné à cet établissement public.
Le secrétariat d'Etat des anciens combattants soutient aussi la dynamisation de la politique de mémoire à vocation pédagogique et civique.
Nous sommes également satisfaits de la prise en compte de trois revendications fortes : le relèvement du plafond de la rente mutualiste de 100 à 105 points ; l'assoupplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant pour les anciens d'Algérie, la durée de services nécessaire passant à douze mois ; le début du règlement du contentieux relatif aux plus grands invalides.
A ces mesures généralistes s'ajoutent : premièrement, le règlement du dossier concernant les prisonniers du FLN ; deuxièmement, les crédits d'études pour le mémorial des anciens d'Afrique du Nord ; troisièmement, la réalisation d'un historial à proximité du camp du Struthof ; enfin, quatrièmement, l'indemnisation des veuves des patriotes résistant à l'Occupation, les PRO, d'Alsace-Moselle.
Ces bonnes nouvelles ne doivent cependant pas occulter les problèmes que nous aurions aimé voir résoudre en tout ou partie.
Nous savons que vous ne pouvez pas répondre favorablement à toutes les demandes et nous saluons les efforts que vous accomplissez et l'esprit qui vous anime. Nous connaissons la part que vous avez prise dans la reconnaissance de la guerre d'Algérie et votre engagement pour développer le devoir de mémoire, que vous organisez toujours, à juste titre, autour du thème des valeurs de la République.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Toutefois, nous attendons des avancées sur des questions que nous jugeons majeures.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'ARPE, les dispositions votées l'an passé seront-elles enfin appliquées ?
Pourquoi ne pas avoir réglé le contentieux relatif aux plus grands invalides en une seule fois ? Nous aurions aimé que l'on aille au-delà de la mesure dont nous avons parlé tout à l'heure.
S'agissant de la décristrallisation des pensions, que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour répondre aux aspirations des combattants de nos anciennes colonies, dont le montant des prestations n'est pas à la hauteur du devoir moral de la France à leur endroit ?
Par ailleurs, nous espérions vivement un geste du Gouvernement pour que le Titre de reconnaissance de la nation soit attribué aux soldats affectés en Algérie après le 2 juillet 1962.
Nous attendons aussi des mesures positives pour rendre plus lisible le rapport constant et pour mieux prendre en compte la situation des veuves et des orphelins de guerre.
En outre, monsieur le secrétaire d'Etat, il reste à travailler sur les questions touchant aux psychotraumatismes de guerre, à la campagne double, ainsi qu'à l'attribution de la carte du combattant pour les rappelés de la guerre d'Algérie.
Enfin, il est un dossier qui me tient particulièrement à coeur en tant que Mosellane, celui des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les KHD-RAD. J'ai déposé un amendement en faveur de ces nombreux jeunes hommes et jeunes femmes qui ont été contraints de servir et qui ont subi un entraînement militaire sévère, casernés, traités dans des organisations nazies tels des esclaves. Certains en gardent des séquelles encore visibles aujourd'hui.
La fondation « Entente franco-allemande » est prête à financer en grande partie leur indemnisation, sous réserve que le Gouvernement s'engage, lui aussi, à ce financement ; j'y reviendrai tout à l'heure de façon plus précise.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous connaissons les efforts que vous accomplissez au service du monde combattant et nous vous soutenons. C'est pourquoi nous voterons votre projet de budget. Mais nous sommes aussi les représentants de la nation et nous veillons scrupuleusement au devoir de l'Etat envers ses anciens combattants. Nous sommes exigeants, mais nous attendons vos réponses avec confiance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des anciens combattants et victimes de guerre pour 2000 a été élaboré dans un contexte exceptionnel de croissance. Dès lors, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même ne pouvons que déplorer la baisse de 1,97 % dont il est l'objet, alors que le budget de 1999 était déjà lui-même en diminution de 2 %.
Toutes les associations d'anciens combattants demandent unanimement que le budget des anciens combattants ne soit pas en baisse, chaque année, au nom de la diminution des parties prenantes.
Comme le faisaient très justement remarquer mes collègues Jacques Baudot et Marcel Lesbros, l'examen des crédits budgétaires relatifs aux anciens combattants intervient, cette année, dans un contexte particulier puisque le Parlement vient d'adopter, à l'unanimité, la proposition de loi visant à reconnaître - enfin ! - la réalité de l'état de guerre en Algérie, ainsi que les combats du Maroc et de la Tunisie.
Il est désormais souhaitable que les anciens combattants d'Afrique du Nord soient traités dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs. A ce sujet, nous souhaitons tous que le mémorial national de la guerre d'Algérie soit érigé à Paris, sur un site prestigieux, au plus tard en 2002, année du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons constaté avec regret que l'amputation du budget des anciens combattants pour 2000 maintenait le préjudice subi par les anciens combattants et victimes de guerre d'outre-mer, du fait de la loi de cristallisation, - article 71 de la loi de finances de 1959 - notamment en ce qui concerne les combattants marocains, algériens et tunisiens par rapport aux combattants des autres pays d'Afrique et de Madagascar.
Nous regrettons qu'aucune évolution ne soit intervenue en dépit de vos engagements, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera l'amendement présenté par notre collègue Marcel Lesbros, rapporteur pour avis du budget des anciens combattants, au nom de la commission des affaires sociales, et permettant d'avancer sur deux points : d'une part, la levée temporaire, en 2000, de la forclusion pesant sur les demandes nouvelles et, d'autre part, la revalorisation des pensions militaires d'invalidité et des retraites du combattant de 20 % au Maghreb et dans l'ex-Indochine, ces pays ayant accumulé le plus de retard. Cet amendement constituera un signe de reconnaissance envers les anciens combattants d'outre-mer pour les sacrifices qu'ils ont consentis.
Il faut rappeler que les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant versées aux anciens combattants des pays anciennement sous souveraineté française ont été cristallisées à la valeur atteinte lors de l'indépendance, même si des revalorisations ponctuelles ont pu intervenir. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous étiez engagé à débattre de la décristallisation lors de l'examen du projet de la loi de finances pour 1999. Or, à ce jour, me semble-t-il, aucune mesure concrète ne nous a été présentée. C'est la raison pour laquelle cet amendement a été déposé. Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même souhaitons très vivement qu'il soit adopté par notre assemblée.
En outre, nous insistons pour que le groupe de travail, maintes fois évoqué par le Gouvernement, soit enfin constitué, avec, notamment, des représentants des associations d'anciens combattants de la métropole, afin que toute ambiguïté sur la politique du Gouvernement soit levée et que, rapidement, l'égalité de comportement de la France à l'égard des citoyens des différents pays qui se sont sacrifiés pour elle, dans les moments difficiles qu'elle connaissait, soit réalisée, conformément aux recommandations de la commission des droits de l'homme des Nations unies et au traité de New York, auquel elle a pleinement adhéré.
J'en viens à la situation des harkis. Ces combattants n'ont pas obtenu jadis, de la part de la communauté nationale, la reconnaissance qu'ils méritaient. C'est la raison pour laquelle leur rôle et leur sacrifice pour la France ne doivent pas être oubliés. Comme nous l'avons rappelé le 5 octobre dernier, dans cette assemblée, nous avons un devoir de mémoire, de respect et de reconnaissance.
Vous avez présenté, monsieur le secrétaire d'Etat, des propositions à la communauté française musulmane pour qu'une juste traduction de ce respect et de cette reconnaissance soit effectuée par l'exercice du devoir de mémoire. Néanmoins, ce n'est pas suffisant.
Vous me répondrez que les solutions ne relèvent pas de votre département ministériel. Pourtant, les harkis sont bien des anciens combattants, au même titre que les anciens combattants d'Afrique du Nord !
Le 5 octobre dernier, mon collègue Jean Faure était tout spécialement intervenu sur la situation des harkis rapatriés qui ont choisi l'option de la France sans pour autant bénéficier de conditions décentes de vie et d'intégration de la part de leur mère patrie, ce qui malheureusement, mais logiquement, a eu des répercussions sur les deuxième et troisième générations. Il vous avait demandé d'être notre porte-parole auprès de votre collègue du Gouvernement, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour que, dans ce projet de budget pour 2000, des mesures significatives puissent être prises en faveur des harkis rapatriés, d'une part, et de leurs enfants, d'autre part.
La France s'honorerait en faisant un geste significatif qui démontrerait sa reconnaissance à l'égard d'anciens frères d'armes qui ont été les grands sacrifiés de la guerre d'Algérie.
Je vous renvoie donc à l'excellente intervention de mon collègue Jean Faure, qui a su, avec beaucoup d'émotion, souvenons-nous en, défendre la cause des harkis rapatriés.
Le 27 octobre 1998, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, Mme Aubry avait précisé que « le Gouvernement est très sensible à la question de la réparation de l'injustice causée par l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 et qu'il travaille à sa révision ». Or, nous constatons qu'à ce jour le dossier n'a pas eu de suite, laissant les personnes concernées dans un sentiment d'attente et de déception.
Nous vous demandons donc instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, d'intercéder auprès de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité pour que cette question soit réglée au plus vite.
De même, nous vous demandons d'insister auprès d'elle pour qu'elle accepte de ratifier l'avenant signé par l'UNEDIC le 12 mai dernier. Je veux, bien sûr, parler de la mesure visant à étendre le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi, qui avait fait l'objet de l'article 121 de la loi de finances pour 1999 et qui n'est toujours pas entrée en application. Cette mesure, dont la portée est extrêmement modeste, aurait pu être financée par le fonds de solidarité.
Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et, s'agissant de la mise en oeuvre de l'ARPE, d'un engagement pris devant tous les Français, il n'est pas normal qu'une mesure adoptée par la représentation nationale soit toujours bloquée, un an après.
S'agissant des conditions d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord, le projet de budget prévoit d'abaisser de quinze à douze mois la durée minimale de service en Afrique du Nord pour bénéficier de la carte du combattant et de la retraite. A ce sujet, je me permets de réitérer la demande du front uni des organisations nationales représentatives des anciens combattants, visant à obtenir l'application de l'accord intervenu le 22 octobre 1996 en matière d'attribution de la carte du combattant. Il était en effet convenu d'attribuer quinze points pour le Titre de reconnaissance de la nation, sept points pour la médaille commémorative et quatre points par trimestre de présence en Afrique du Nord dans le calcul des trente points exigés pour l'octroi de la carte. Cette disposition réglerait les injustices qui subsistent, malgré les mesures décidées ces dernières années, notamment en ce qui concerne les rappelés, parmi lesquels je figurais. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle suite envisagez-vous de réserver à cette demande ?
A l'évidence, l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant impose une nouvelle réflexion sur le Titre de reconnaissance de la nation. Comptez-vous étudier l'opportunité de son extension aux anciens combattants d'Afrique du Nord qui ont séjourné en Algérie en 1962 et 1964 ?
Reconnaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, que, malgré les mesures décidées ces dernières années, les attentes majeures des anciens combattants d'Afrique du Nord ne sont toujours pas entièrement satisfaites.
La revendication relative à la retraite anticipée ne semble plus d'actualité, compte tenu du faible nombre de bénéficiaires. Toutefois, et à titre de compensation, le monde combattant souhaite bénéficier de la retraite du combattant à partir de soixante ans, par analogie avec la retraite professionnelle. Certes, le coût de cette mesure est important, mais la mise en oeuvre de celle-ci ne pourrait-elle être prévue par paliers, sur deux exercices ? Ne pourrait-on pas prévoir, dans le cadre du projet de budget pour 2000, d'accorder la retraite du combattant à partir de soixante-trois ans, par exemple ?
S'agissant de la campagne double, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même vous demandons si vous comptez, enfin, prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme à cette inégalité devant la loi qui frappe les générations du feu qui ont combattu, en vertu du strict respect de l'égalité des droits.
Vous avez proposé de constituer un groupe de travail sur cette question, et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire connaître les récentes avancées de ces travaux. Avez-vous réellement la volonté de régler ce dossier et de convoquer une commission tripartite chargée de l'étude et du règlement de ce problème récurrent ?
Je me permettrai d'évoquer également, au nom de mes collègues, la question de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD.
En effet, malgré l'accord intervenu en juin 1998 au sein de l'Entente franco-allemande, l'instruction des quelque 10 000 dossiers déposés traînait en longueur et retardait d'autant l'inscription des crédits budgétaires correspondants. Cette situation est difficilement acceptable, et c'est la raison pour laquelle je me permets d'appeler votre attention tout particulièrement pour que l'indemnisation des jeunes d'Alsace et de Moselle incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes se mette en place de façon effective.
Cette indemnisation n'est possible que si les deux partenaires, à savoir la fondation Entente franco-allemande et l'Etat français, en assurent réellement et simultanément le financement. Le droit à réparation des anciens incorporés de force a été reconnu par l'Entente franco-allemande. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaiterions connaître vos intentions à cet égard.
Enfin, mes collègues et moi-même nous réjouissons de l'adoption par l'Assemblée nationale, le 3 novembre dernier, d'un amendement tendant à revaloriser de 1,5 % au 1er janvier 2000 les pensions des plus grands invalides de guerre, pensions dont l'évolution avait été gelée entre 1991 et 1995.
Nous nous sommes donc félicités d'une telle décision. Cependant, il est bon de rappeler que l'écart né du gel de ces pensions est de l'ordre de 7 %. C'est pourquoi nous souhaitons vivement que l'effort soit poursuivi, pour que la revalorisation soit totale dès l'an prochain.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l'Union centriste n'est pas très enclin à voter le budget des anciens combattants. Toutefois, mes collègues et moi-même nous en remettrons à l'avis de nos deux excellents rapporteurs, MM. Jacques Baudot et Marcel Lesbros, également membres du même groupe. Notre vote dépendra notamment de l'adoption de l'amendement présenté par notre collègue M. Lesbros, au nom de la commission des affaires sociales, et ayant pour objet d'apporter une première réponse à la question de la décristallisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma dernière question a trait au rapport Mingasson. Où en sommes-nous ? Vous êtes, je le sais, très attaché à l'effort de mémoire. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.) A cet égard, entendez-vous mettre en application les excellentes idées qui avaient été les vôtres, notamment dans les régions les plus touchées de l'Est de la France.
Je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu me porter et, par avance, des réponses que vous ne manquerez pas de donner à notre Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme dans le conte, je pourrais dire, lorsque j'examine ce projet de budget : « Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
M. Raymond Courrière. Vous étiez plus conciliant avec M. Juppé, à l'époque ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Pelchat. Je n'ai pas changé de discours, monsieur Courrière. Vous pouvez reprendre le texte des interventions que j'ai prononcées, y compris à cette époque !
M. Jean Chérioux. Toujours le sectarisme !
M. Raymond Courrière. Ce sont des constatations !
M. Michel Pelchat. Non, me répondrait soeur Anne, je ne vois rien venir, si ce n'est, comme par le passé, la diminution des crédits du budget des anciens combattants, notamment de ceux qui sont consacrés aux anciens combattants des territoires d'outre-mer, ces tirailleurs sénégalais, marocains, algériens, malgaches, ces Vietnamiens, ces harkis, et j'en oublie, qui se sont battus sous la bannière française et qui ont autant de droits sur la France que les anciens combattants « français » que nous sommes.
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, ces centaines de milliers de soldats ont donné leur vie pour la France, non seulement durant la Première et la Seconde Guerre mondiales, mais aussi au cours des aventures extérieures où la France a été engagée, comme en Indochine, ainsi que durant la guerre d'Algérie, que nous venons d'ailleurs enfin de reconnaître comme telle. Ces anciens combattants sont de moins en moins nombreux, mais ils demeurent les éternels oubliés de la reconnaissance française.
On parle pudiquement, depuis des années, de cristallisation des pensions de retraite et d'invalidité et de forclusion, alors que l'on devrait plutôt parler d'obstination dans le mépris. Le sang versé hier pour la France a pourtant la même valeur, que l'on soit ou non Français.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez promis, lors de l'examen du précédent projet de budget et à plusieurs reprises au cours de l'année écoulée, notamment à moi-même, que la forclusion et la décristallisation des pensions feraient l'objet de toute l'attention de votre secrétariat d'Etat et que des mesures allaient être annoncées, notamment en faveur de la décristallisation des pensions des anciens combattants marocains et tunisiens. Voilà quelques semaines encore, lors de la discussion de votre projet de budget à l'Assemblée nationale, vous indiquiez que des mesures seraient annoncées par le Premier ministre à l'occasion de son déplacement au Maroc. Malheureusement, si le voyage a bien eu lieu, le Premier ministre n'a rien annoncé.
S'il est bien de faire défiler la garde présidentielle marocaine à l'occasion du 14 juillet, cela n'est certainement pas suffisant pour honorer ses anciens ; s'il est juste de décorer de la Légion d'honneur d'anciens tirailleurs sénégalais, cela ne saurait en aucun cas les aider matériellement à vivre, surtout lorsque cela intervient quatre-vingts ans après leurs faits d'armes. Les anciens combattants ressortissants des pays antérieurement placés sous la souveraineté française ont pourtant des droits sur la France, droits qui ne devraient faire l'objet d'aucun marchandage !
Alors que vous évoquez, monsieur le secrétaire d'Etat, des projets de construction d'un mémorial de l'annexion de fait de l'Alsace-Lorraine et le lancement d'une étude de faisabilité pour l'érection d'un mémorial du système concentrationnaire nazi dans le camp du Struthof, j'ose espérer que votre secrétariat d'Etat prendra, au cours des mois prochains, des mesures concrètes à l'intention de nos anciens combattants des territoires d'outre-mer, notamment des harkis, ces laissés-pour-compte qui, depuis trente-sept ans, souffrent au plus profond de leur être de ce mépris de la France, ce pays pour lequel ils ont choisi de se battre parce que c'était le leur !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez choisi, cette année encore, de réduire le montant de vos crédits de 2 % par rapport à l'an passé. Or, je note que si, les années précédentes, la baisse du budget des anciens combattants résultait de la seule diminution de la dette viagère, cette année, c'est la réduction des crédits consacrés au fonds de solidarité qui en est la cause.
Cette baisse de 450 millions de francs s'explique par la sortie progressive du dispositif des anciens combattants d'Afrique du Nord, dès lors qu'ils font valoir leurs droits à une pension de vieillesse à taux plein ou qu'ils atteignent leur soixante-cinquième année. Que n'avez-vous utilisé ces 450 millions de francs au bénéfice des anciens combattants de la France d'outre-mer ! C'eût enfin été, à leur égard, une marque de reconnaissance comme ils n'en ont jamais reçu.
Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget, comme le précédent et comme tous ceux de vos prédécesseurs, est un budget indigne. Alors que le Gouvernement nous a annoncé une bonne rentrée fiscale, je dirai même que votre budget est indécent vis-à-vis de ces soldats qui ont risqué ou donné leur vie pour la France, et à l'égard de leurs enfants et petits-enfants qui ont, eux aussi, choisi la patrie dite « des droits de l'homme. »
A ce propos, je vous invite, les uns et les autres, à vous référer à une émission diffusée par France Info le 11 novembre dernier. Certains des jeunes des banlieues qui étaient interrogés étaient les enfants de ressortissants de ces anciens territoires d'outre-mer. Vous prendrez conscience de ce qu'ils pensent de la reconnaissance que nous avons su témoigner à leurs parents et à leurs grands-parents. Une véritable reconnaissance pourrait peut-être, à l'heure où l'on parle tant d'intégration, aider à mener celle-ci à bien.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, les membres du groupe des Républicains et Indépendants, notamment Jean-Claude Carle, René Garrec et moi-même, ne voteront pas votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits consacrés aux anciens combattants pour l'année 2000 sont en baisse de 2 % par rapport à 1999. On doit le regretter, car, s'il est bien certain que le nombre des anciens combattants est actuellement inférieur à 500 000, de nouvelles obligations morales doivent être prises en compte.
Je me réfère essentiellement ici au devoir de mémoire collective. En effet, les récentes générations n'ont pas connu la dernière guerre mondiale, et ceux qui y ont participé sont de moins en moins nombreux pour en témoigner.
Il convient également d'encourager ce que vous avez appelé, monsieur le secrétaire d'Etat, le tourisme de mémoire, par une concertation entre l'Etat, les régions et les départements, pour le développer dans le Nord, la Marne, la Champagne, l'Alsace et autres régions de batailles, sur des sites où se sont déroulés des événements mémorables. La mémoire constitue en effet le meilleur hommage qui puisse être rendu à tous ceux qui ont accepté de se sacrifier pour la cause commune de notre pays. Ainsi, les héritiers de ceux qui ont combattu préserveront les valeurs de la République et les légueront aux futures générations.
Je vous félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la création de la nouvelle direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, que vous venez de doter d'un crédit de 9 millions de francs. De plus, une sous-direction de la mémoire est destinée à mettre en oeuvre le partenariat avec le monde associatif.
Dans la politique que suivra cette direction, de nombreux axes me paraissent devoir être encouragés.
D'abord et avant tout, une action pédagogique coordonnée doit être menée avec le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie pour que le corps enseignant et les manuels scolaires relatent fidèlement les événements militaires passés et en tirent toutes les leçons. La présence d'élèves aux grandes cérémonies commémoratives de notre histoire, celles du 11 novembre en particulier, est tout à fait souhaitable, tant devant les monuments aux morts que dans les cimetières militaires.
Je souhaiterais, ensuite, évoquer l'aide aux anciens combattants nécessiteux. La meilleure formule me paraît être d'accroître le crédit social, qui, cette année, sera doté de 5 millions de francs supplémentaires.
Les contraintes budgétaires ne permettent de disposer que de moyens relativement limités. Aussi, plutôt que de procéder à un saupoudrage peu significatif pour certains bénéficiaires qui n'ont pas un réel besoin de cette mesure, qui correspond à une légère augmentation de la pension actuelle, à hauteur de 2 800 francs par an, serait-il à mon sens préférable de réserver les montants disponibles au traitement des cas sociaux les plus difficiles. Les structures départementales de l'office national des anciens combattants sont tout à fait aptes à s'occuper de la répartition de ces aides d'urgence, en plein accord avec les conseils généraux, gestionnaires de l'aide sociale, qui seront déchargés du financement des aides maladie départementales grâce à la mise en oeuvre de la nouvelle couverture maladie universelle. Une telle décentralisation paraît tout à fait souhaitable.
Je me réjouis, par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, de la modification, adoptée à l'unanimité par les deux chambres du Parlement, relative au remplacement de l'appellation « opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord » par celle de « guerre d'Algérie », qui correspond tout à fait à la réalité. Il convient maintenant que le mémorial national de cette guerre soit érigé dès que possible à Paris pour être inauguré en 2002, de préférence le 19 mars, date du quarantième anniversaire de la fin des hostilités.
M. Rémi Herment. Mais non !
M. Hubert Durand-Chastel. J'en arrive maintenant aux voeux émis par la commission des anciens combattants du Conseil supérieur des français de l'étranger, le CSFE, et approuvés lors de la dernière session plénière de celui-ci. Le droit d'accès à la nationalité française au titre du « sang versé » a été reconnu aux légionnaires par l'Assemblée nationale, et devrait l'être aussi par le Sénat dans quelques jours.
Le CSFE a également demandé une importante réévaluation des pensions pour les anciens combattants de l'armée française originaires de l'ex-Indochine. Cette pension est actuellement de 103,62 francs par an. Je dis bien 103,62 francs par an ! Nous sommes loin des 2 800 francs annuels accordés en France.
Enfin, le CSFE a souhaité que le versement des pensions et retraites aux anciens combattants algériens puisse être fait en France, sur leur demande, au taux appliqué en métropole. Je conclurai en vous demandant, monsieur le secrétaire d'Etat, d'accélérer la revalorisation des pensions des grands invalides de guerre, lesquelles avaient été gelées précédemment.
Pour toutes ces raisons et eu égard à l'insuffisance des mesures proposées, je ne voterai donc pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget des anciens combattants pour 2000, qui ne soutient pas assez ceux qui ont défendu la patrie. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous sommes tous félicités du vote unanime de la loi requalifiant les événements en Afrique du Nord, et, à cette occasion, j'avais précisé que la reconnaissance morale allait bien évidemment de pair avec une reconnaissance matérielle.
C'est donc avec une certaine impatience que nous attendions l'examen de ce projet de budget, lequel, hélas ! affiche une fois encore, et je dirai même une fois de trop, une baisse de 2 %.
Je connais les arguments pouvant expliquer cette diminution. Toutefois, ils ne sont pas acceptables, car fonder cette diminution sur la baisse du nombre des anciens combattants me semble quelque peu indécent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne doutons pas de votre volonté d'aller de l'avant, mais les mesures que vous proposez en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord sont nettement insuffisantes, et ce uniquement par manque de moyens.
Ainsi, les crédits alloués aux fonds de pension destinés aux anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs de longue durée et âgés de plus de cinquante-sept ans sont en baisse de 28 %. Cette diminution s'explique par la sortie progressive du dispositif des ayants droit.
Aujourd'hui, certains anciens combattants d'Afrique du Nord sont dans une situation financière dramatique. Il eût été plus que légitime, monsieur le secrétaire d'Etat, que les 1,5 milliard de francs qui disparaissent de votre budget soient redéployés en leur faveur.
En effet, certains d'entre eux perçoivent une retraite professionnelle extrêmement modeste, du fait d'une carrière bien souvent écourtée par le chômage, hélas !
Aujourd'hui, il est inacceptable de laisser ces crédits disparaître. Je demande, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom des associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord, que ces crédits soient redéployés dès cette année en faveur de ceux-ci, notamment quand le montant de leur retraite est insuffisant.
De plus - et vous le comprendrez - je m'associe aux revendications de ces associations s'agissant de l'attribution de la carte du combattant. Le projet de loi de finances ramène de quinze mois à douze mois la durée de présence exigée, mais cela ne règle pas le cas des rappelés. Il est par conséquent impératif d'appliquer l'accord du 22 octobre 1996. Cette mesure mettrait enfin un terme aux injustices qui subsistent, en particulier en ce qui concerne les rappelés.
J'ai été surprise par les propos que vous avez tenus, lors des débats à l'Assemblée nationale, relatifs à votre projet de budget, s'agissant de l'attribution du Titre de reconnaissance de la nation jusqu'au 1er mars 1963.
Je vous rappelle que bon nombre d'associations demandent que ce titre soit accordé aux militaires qui ont servi en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964, puisque la médaille commémorative des opérations dites de « sécurité et de maintien de l'ordre » a été décernée jusqu'à cette date.
A l'Assemblée nationale, vous avez repoussé l'amendement qui tendait à délivrer le Titre de reconnaissance de la nation jusqu'au 1er mars 1963 ; c'est dommage ! Vous avez, en revanche, précisé que vous envisagiez cette possibilité. Vous l'envisagez seulement, monsieur le secrétaire d'Etat ? Alors, à quand la décision !
Vous voulez remettre à plat l'ensemble du dispositif et vous vous êtes engagé à le faire dès janvier. Le Gouvernement a décidément, hélas ! la fâcheuse habitude d'annoncer, particulièrement cette année, de nombreuses mesures pour l'année suivante sans que, évidemment, elles apparaissent dans le budget. Nous ne sommes plus à un mois près, monsieur le secrétaire d'Etat ! Pourquoi, dans ces conditions, n'avoir pas inclus dans ce budget vos projets quant au Titre de reconnaissance de la nation ? Comme je l'ai dit récemment au ministre délégué à la ville, à quoi sert-il de voter des crédits sans en connaître les véritables objectifs ?
Vous n'êtes pas favorable au versement de la retraite du combattant dès l'âge de soixante ans. Pourtant, ce serait une bien modeste compensation au regard du refus de la retraite anticipée.
Vous avez néanmoins pris l'engagement que les dossiers en suspens seraient réglés, et nous vous savons attaché au respect de votre parole. Je tiens à préciser que nous serons tous très vigilants quant au respect de ces engagements, dans la mesure où aucun d'entre eux n'apparaît ici de façon concrète.
Je voudrais m'arrêter quelques instants sur la situation des anciens combattants originaires de pays devenus indépendants, qui ont combattu pour la France et dont les pensions sont « cristallisées », comme l'ont rappelé nombre de nos collègues. Le Premier ministre devait annoncer des décisions à ce sujet lors de son récent voyage au Maroc ; il n'en a, hélas ! rien été.
Ces anciens combattants ne perçoivent parfois que 350 francs par mois pour vivre et, à condition toutefois de résider sur le territoire français, ils peuvent prétendre au RMI, au minimum vieillesse et à l'allocation logement.
Le transfert du tribunal des pensions de Bordeaux à Caen ne change rien au fond du problème, et notre reconnaissance ne pourra se manifester qu'en leur permettant de toucher une pension décente tout en restant vivre dans leur pays, auprès de leur famille.
Vous avez, là encore, proposé d'engager une réflexion à ce sujet, ce dont je vous félicite. Mais il est regrettable que vous vous arrêtiez au seul problème du coût budgétaire pour répondre à cette question.
Comme beaucoup avant moi l'ont souligné, la revalorisation des pensions pourrait se faire progressivement, et nous ne pouvons que regretter qu'aucune mesure ne soit prévue dans le projet de budget à ce sujet. Donner aux anciens combattants métropolitains les moyens d'une vie décente ne me semble vraiment pas être un sacrifice énorme.
Je voudrais également dire quelques mots sur la situation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes. La fondation Entente franco-allemande a accordé une indemnité d'un montant de 9 100 francs aux incorporés de force dans l'armée allemande. Le certificat d'incorporé de force dans les formations paramilitaires allemandes ne procure aucun avantage financier. Aujourd'hui, le recensement des personnes concernées est clos, et nous attendons tous que des crédits soient débloqués dès que sera connu le nombre de personnes pouvant prétendre à cette indemnité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne saurais vous dire combien je déplore que les crédits alloués à votre secrétariat d'Etat pour 1999 ne soient pas reconduits pour 2000. Il est fort dommage que les excédents de la croissance ne profitent pas, en tout cas, à cette noble cause. Il est donc urgent d'améliorer les droits des anciens combattants pour répondre à leurs légitimes revendications.
La France ne saurait continuer à les traiter de la sorte : ils ont des droits, des droits légitimes, car ils ont fait face, eux, à leurs devoirs.
Par conséquent, le projet de budget étant loin de répondre aux attentes des associations d'anciens combattants, attentes qui sont également les nôtres : il nous sera impossible de voter pour un budget si peu ambitieux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention se situera dans le prolongement de celle de notre collègue Gisèle Printz.
Je considère, comme elle, que le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, va dans le bon sens et qu'il permettra de poursuivre et de renforcer l'action que vous avez engagée depuis 1997 en faveur des anciens combattants. Il constitue une nouvelle étape et comporte de nouvelles avancées.
Pour bien l'apprécier, il faut déjà bien mesurer les changements qui sont intervenus. Il y a eu ainsi un changement majeur depuis l'année dernière. Nous avions tous exprimé, à cette tribune, nos préoccupations, nos inquiétudes même ; en effet, la diminution naturelle du nombre des ressortissants faisait craindre que la pérennité de votre département ministériel et de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre ne soit pas assurée. Dans un contexte délicat, vous avez su conduire une grande réforme « grace à la confiance et au soutien du monde combattant », ainsi que vous le dites.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. De fait, votre département ministériel est maintenant adossé au ministère de la défense. Le secrétariat d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, possède ainsi son propre budget ; il assure et garantit la gestion des intérêts moraux et matériels des anciens combattants et pérennise l'ONAC.
Nous sommes rassurés et satisfaits que le monde combattant ait un interlocuteur gouvernemental privilégié et que vous soyez, monsieur le secrétaire d'Etat, cet interlocuteur.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Dans votre projet de budget, une nouvelle impulsion, un « nouvel élan », pour reprendre vos propres termes, est donné à l'ONAC, qui disposera de 36 millions de francs supplémentaires pour développer des actions sociales individualisées et venir ainsi en aide aux ressortissants les plus démunis : veuves, anciens combattants sortant du fonds de solidarité, ressortissants les plus âgés. Il faut apprécier aussi que des travaux de mise en conformité et d'amélioration du cadre de vie des maisons de retraite puissent être effectués rapidement. Les besoins dans ce secteur sont, nous le savons bien, considérables.
Un autre changement majeur est intervenu depuis l'année dernière : trente-sept ans après la fin du conflit, la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc ont été, enfin, officiellement reconnus. Le vote du Sénat, le 5 octobre dernier, a été unanime, comme l'avait été celui de l'Assemblée nationale. Le texte était, certes, d'origine parlementaire, mais nous savons bien la part que vous avez prise, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que, finalement, il soit voté.
Bien sûr, cette loi a une portée symbolique, morale et éthique dont nous mesurons tous l'importance, mais elle ne pouvait pas se traduire en termes budgétaires, pour ne pas réduire sa portée historique.
Cette loi étant votée et la guerre d'Algérie reconnue sans l'ombre d'une restriction, on peut maintenant se demander si les anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc sont bien reconnus dans la plénitude de leurs droits.
En fait, un certain nombre de questions demeurent, par exemple, au sujet de la carte du combattant. Vous le savez bien, puisque vous abaissez de quinze à douze mois la durée minimale de service en Afrique du Nord pour pouvoir en bénéficier. C'est une nouvelle avancée qui est accueillie très favorablement par les anciens d'AFN.
Reste toutefois à régler le problème des rappelés. Les rappelés de 1956 n'ont effectué que six mois. Ils n'étaient pas tous dans des unités combattantes, mais ils ont pu participer, d'une manière ou d'une autre, à des opérations et, de toute façon, c'était la guerre, une guerre omniprésente, même là où l'on ne s'en méfiait pas. Il faudrait sans doute, pour ces rappelés, instituer un système de points.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux. Se pose aussi le problème du Titre de reconnaissance de la nation, qui n'est attribué que jusqu'au 2 juillet 1962, alors que la médaille commémorative a été décernée jusqu'au 1er juillet 1964. Or, chacun le sait, des soldats ont été blessés ou tués bien au-delà du 2 juillet 1962 et la mission de ceux qui sont restés était bien le maintien de la paix, et ce, comme pour d'autres missions qui se sont déroulées par la suite.
Au regard de cette réalité historique et de cette dimension humaine, ne peut-on envisager l'extension du titre de reconnaissance de la nation jusqu'au 1er mars 1963, date à laquelle le service historique de l'armée de terre a recensé le dernier soldat tombé au combat ? Le coût de cette mesure est faible - un million de francs - mais elle aurait un effet psychologique très important.
L'année dernière, le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté une autre mesure à caractère largement symbolique, l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE. Ce dispositif devait permettre aux anciens d'Afrique du Nord de quitter l'entreprise dès cinquante-huit ans s'ils remplissaient certaines conditions, et ce même en cas de refus de l'employeur.
C'était une mesure très importante sur le plan du principe. C'était aussi une forme de solidarité et de justice. Je regrette et déplore, pour ma part, que ce dispositif n'ait pas pu s'appliquer du fait de l'attitude inacceptable du MEDEF, le Mouvement des entreprises de France, qui n'a pas voulu y participer.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Oh !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Toujours au sujet de la guerre d'Algérie, permettez-moi d'évoquer le projet de construction à Paris d'un mémorial national, qui aurait aussi une valeur symbolique forte. Ce projet n'avance qu'avec beaucoup de lenteur et de difficultés. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, où en est ce dossier ? Pouvez-vous préciser son calendrier ? Pouvez-vous confirmer que l'inauguration aura lieu en 2002 ?
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit notre collègue Gisèle Printz sur le problème difficile de la cristallisation des pensions des anciens combattants originaires des anciennes colonies ou protectorats. Il faut trouver une avancée, sans doute en termes de pouvoir d'achat, et envisager une mesure équitable pour ces anciens combattants qui ont combattu pour la France, particulièrement pour ceux du Maghreb et des anciens pays de l'Indochine, qui comptent actuellement parmi les plus défavorisés.
Je voudrais insister, comme ceux qui m'ont précédé à cette tribune, sur la situation des grands et très grands invalides, dont la pension a été gelée depuis 1991. Il y a là quelque chose de profondément choquant et il est impératif de procéder à un rattrapage moral et matériel. C'est le dernier acte de justice qu'ils attendent !
L'augmentation de leurs pensions, que vous prévoyez, est un premier pas, mais il ne suffit pas. S'il n'est pas possible d'effectuer ce rattrapage en une seule année, il faudrait qu'il puisse être achevé d'ici à 2001. Cette mesure concerne mille personnes à peine, certaines d'entre elles ne pouvant survivre sans l'aide de deux auxiliaires.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux saluer l'action que vous menez pour la mémoire et la citoyenneté.
La création d'une grande direction de la mémoire, du patrimoine et des archives s'inscrit dans la perspective d'un « grand ministère de la mémoire » contribuant, conformément aux nouvelles attributions du secrétariat d'Etat, à l'enseignement de l'esprit de défense et à l'indispensable sensibilisation des jeunes générations à l'Histoire.
Le dispositif « emplois-jeunes mémoire » que vous avez créé commence à donner des résultats. Votre projet de budget permettra de le renforcer ; il comporte, de plus, des mesures nouvelle en faveur des actions de mémoire et d'information historique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans l'esprit de beaucoup, l'année 2000 est la première année d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire. Le xxe siècle a été atroce : deux guerres mondiales, des génocides, des abominations auxquelles ont conduit le racisme, le fascisme, des discriminations basées sur la nationalité, la religion, l'origine ethnique !
L'assemblée générale des Nations unies a proclamé l'an 2000 « Année internationale de la culture de la paix ». Il faut que des initiatives fortes soient prises, à l'échelle nationale et mondiale, pour transformer enfin la culture de la guerre et de la violence en une culture de la paix et de la non-violence.
Je suis persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre département ministériel participera très activement aux initiatives qui seront prises pour promouvoir cette culture de la paix en direction de la jeunesse, qui, comme vous le dites, « doit se sentir l'héritière de ceux qui ont combattu pour préserver les valeurs de la République ».
En tout cas, le groupe socialiste vous apportera tout son soutien pour mener à bien votre tâche. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget pour 2000, dernier budget d'un siècle marqué par trop de guerres, se doit de répondre au devoir de solidarité et de mémoire. Il doit refléter l'effort fait par la nation pour rendre l'hommage mérité aux anciens combattants, d'autant que la conjoncture plutôt favorable s'y prête.
En francs constants et à périmètre constant, le budget a baissé de 2 % par rapport au budget précédent, qui enregistrait déjà la même évolution.
Vous nous direz, monsieur le secrétaire d'Etat, que la baisse des crédits reste inférieure à celle du nombre de ressortissants - elle devrait atteindre 4 % en l'an 2000 - et même légèrement inférieure aux baisses constatées les années précédentes. C'est exact. Marquées chaque année par la triste mais inéluctable diminution des parties prenantes, les évolutions du budget doivent beaucoup au poids du facteur démographique : ce sont en effet entre 700 millions et 900 millions de francs de crédits qui disparaissent par le seul effet de la baisse du nombre d'allocataires.
Je ne saurais, par ailleurs, critiquer une diminution budgétaire liée à la baisse des effectifs du secrétariat d'Etat, bien au contraire. Je n'ai jamais considéré qu'une bonne gestion ministérielle soit appréciée en fonction et au prorata des augmentations de crédits obtenues chaque année dans les arbitrages.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Marcel-Pierre Cléach. Mais, une fois encore, ce budget semble jouer avec le temps, comptant sur ce dernier pour satisfaire les revendications en rendant sans objet le droit à réparation. Ni le monde ancien combattant ni la représentation nationale ne peuvent entériner une telle stratégie. C'est pourquoi il nous faut aussi réfléchir sur la régulation budgétaire à mettre en oeuvre. En effet, si la diminution du nombre des anciens combattants doit logiquement donner lieu à une baisse des crédits, elle doit aussi se traduire par un redéploiement qualitatif. Nous avons beaucoup de propositions à vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il faut ausi améliorer la consommation des crédits, même si ce problème récurrent tend à prendre une moindre ampleur, afin d'utiliser toutes les marges de manoeuvre existantes pour satisfaire, si ce n'est de façon définitive, au moins de manière appréciable, les principales revendications du monde ancien combattant.
Pour porter une appréciation globale sur votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai qu'il apporte des améliorations partielles tout en laissant en suspens de nombreuses demandes du monde combattant.
J'aborderai, d'abord, les points positifs et les mesures nouvelles.
Comme beaucoup de mes collègues, monsieur le secrétaire d'Etat, je salue l'élan que vous avez su donner à la politique de la mémoire. Les crédits budgétaires qui y sont affectés, désormais inscrits dans le budget du ministère de la défense, augmentent de 18 % pour atteindre 74 millions de francs, à quoi il convient d'ajouter 9 millions de francs dans le cadre des contrats de plan Etat-région, je note avec satisfaction la volonté d'affecter des moyens supplémentaires à l'entretien des sépultures, car, trop souvent, cette charge est laissée au seul budget des communes.
L'ONAC m'apparaît plutôt bien traité puisque ses crédits de fonctionnement augmentent ; il retrouve ainsi les moyens qui lui avaient été retirés dans un passé récent, et sa subvention pour l'action sociale est augmentée de 5 millions de francs, afin de permettre un renforcement de son action sociale de proximité.
Mais se pose avec acuité le problème des maisons de retraite, dont plusieurs ont d'ores et déjà cessé leur activité ou doivent fermer. Il est à craindre que le crédit de 8 millions de francs destiné à leur mise aux normes ne soit insuffisant.
Votre budget comporte aussi deux mesures nouvelles qui répondent en partie aux attentes des anciens combattants.
Première avancée, l'attribution de la carte du combattant pour douze mois de présence au lieu de quinze mois. Ainsi, 15 millions de francs ont été crédités au titre de l'article 15. Mais cet assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant ne règle pas la situation des rappelés en Tunisie, en Algérie et au Maroc, qui n'ont pas effectué ces douze mois. Ce point a été souligné également par la plupart de mes collègues, notamment par mon prédécesseur à cette tribune. Peut-être conviendrait-il, pour résoudre ce problème, de reprendre la proposition ministérielle du 22 octobre 1996 faite par votre prédécesseur.
Le deuxième point positif est à la revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste. L'article 66 permet le relèvement de la rente mutualiste de 100 à 105 points, faisant ainsi passer son plafond de 7 993 francs à 8 553 francs, soit une progression annuelle de 560 francs. Je vous donne acte, monsieur le secrétaire d'Etat, du fait que le plafond a été régulièrement augmenté. Néanmoins, ce relèvement reste insuffisant pour parvenir aux 130 points, niveau unanimement souhaité par les associations d'anciens combattants, avant la fin de la législature.
A ces dispositions, il convient d'ajouter les 30 millions de francs de crédits supplémentaires alloués lors de l'examen du budget en première lecture devant l'Assemblée nationale, qui ont permis un saupoudrage, souvent insuffisant, de subventions sur différents postes budgétaires.
En revanche, il nous faut revenir, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le gel inadmissible des pensions des grands invalides de guerre. Cette disposition entache l'esprit de tout budget des anciens combattants, qui se doit de faire du droit imprescriptible à une juste réparation sa philosophie.
Alors que l'écart lié au gel intervenu entre 1992 et 1995 est de l'ordre de 7 %, l'amendement adopté avec votre avis favorable par l'Assemblée nationale revalorise uniquement de 1,5 %, à compter du 1er janvier 2000, les pensions des plus grands invalides.
Nous jugeons cette amorce de revalorisation très insuffisante. C'est pourquoi j'ai présenté un amendement visant à compenser intégralement, dès 2000, les conséquences de ce gel.
C'est un amendement de principe, je dirai même un amendement d'éthique, tant il est vrai que nous devons établir une hiérarchie dans le traitement des problèmes qui restent en suspens, et que notre devoir commun, au titre de la réparation, au titre de la mémoire, est de contribuer sérieusement à l'amélioration du sort de nos grands invalides. C'est véritablement, monsieur le secrétaire d'Etat, une question d'éthique, un problème moral. Faisons-le, faites-le, monsieur le secrétaire d'Etat, avant qu'il ne soit trop tard !
Par ailleurs, chaque année nous attirons l'attention du Gouvernement sur la situation des veuves, veuves d'invalides, veuves de guerre et veuves d'anciens combattants. Cette année encore, le Parlement a dû attendre les aménagements de dernière minute pour remédier aux difficultés les plus criantes : la rallonge budgétaire accordée lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale va enfin permettre l'indemnisation des quelque cent cinquante veuves des patriotes résistant à l'Occupation, ainsi qu'une augmentation de 5 millions de francs des crédits de l'ONAC en faveur des veuves. C'est un geste, mais il reste insuffisant au regard de cette situation très préoccupante. Vous vous êtes engagé à remettre à plat le régime légal existant, et je sais que c'est difficile. J'espère que cette réforme pourra être financée l'an prochain par un redéploiement important des crédits.
Malgré ces dispositions nouvelles et cette rallonge budgétaire, de nombreuses difficultés subsistent sans connaître de début de solution.
Au premier rang de ces difficultés, je relèverai le problème de la cristallisation des pensions servies aux anciens ressortissants des pays antérieurement placés sous la souveraineté française. En effet, en dépit de vos engagements et de votre déclaration du 14 juillet dernier, le dossier n'a guère avancé : nous avons seulement l'annonce de la création d'un groupe d'étude et de réflexion !
La France - l'ensemble des orateurs l'ont souligné - a contracté une dette morale à l'égard de ces combattants, il convient de ne pas l'oublier. Or, les anciens combattants de ces pays ne peuvent bénéficier ni de l'évolution des taux ni de la réversion aux ayants droit, comme les pensionnés français.
Pour traiter ce problème, je pense comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut raisonner en termes de pouvoir d'achat. A ce titre, la priorité doit être donnée aux pays du Maghreb et au Vietnam, où le pouvoir d'achat des pensions cristallisées est significativement inférieur au pouvoir d'achat des pensions françaises. Vous ne pouvez vous contenter de nous répondre en nous renvoyant à l'attitude adoptée par le Royaume-Uni, la grandeur de notre pays résidant aussi dans la pérennisation du lien avec ceux qui l'ont soutenu à des moments difficiles de son histoire. C'est dire si nous attendons avec impatience vos propositions sur ce point.
L'allocation de remplacement pour l'emploi, dispositif de préretraite volontaire, n'a pas été mise en application dès 1999, alors qu'elle avait été votée lors du précédent budget. Il n'est pas admissible qu'une mesure adoptée par la représentation nationale soit toujours bloquée un an au plus tard et que les crédits correspondants soient reportés, Mme Aubry n'ayant toujours pas délivré l'agrément nécessaire à l'application de l'avenant signé par les partenaires sociaux le 12 mai dernier, alors qu'il existe de nombreuses demandes en instance.
Le fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et d'Indochine est en régression en raison de la sortie du dispositif de nombreux allocataires. Il y a donc là matière à un redéploiement de crédits vers de nouvelles actions de solidarité.
Il est également nécessaire de rendre plus lisible le rapport constant, afin que les intéressés puissent avoir une connaissance précise de leurs droits et de leur évolution. Nous espérons que les réflexions menées sur ce point en concertation avec les associations d'anciens combattants déboucheront rapidement sur un projet de loi.
Il vous est, par ailleurs, souvent demandé d'augmenter la retraite des anciens combattants. J'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que la situation des grands invalides, que j'évoquais tout à l'heure, m'apparaît beaucoup plus prioritaire et que, s'il y a lieu de procéder à un redéploiement des crédits, cette priorité me semble devoir être respectée, les anciens combattants eux-mêmes devant faire preuve d'une solidarité absolue à l'égard de ceux d'entre eux qui sont dans cette situation difficile.
La promesse de mettre en place la retraite anticipée, souvent faite à droite comme à gauche, n'a jamais été tenue pour des raisons financières. Du fait de l'évolution démographique, cette revendication a perdu de son acuité puisqu'aujourd'hui le nombre de bénéficiaires serait inférieur à 5 %. Pour compenser cet engagement non tenu des gouvernements successifs, les anciens combattants demandent l'attribution de la retraite du combattant dès soixante ans au lieu de soixante-cinq ans actuellement. Il serait nécessaire, si ce n'est déjà fait, d'étudier le coût de cette disposition pour voir si, raisonnablement, satisfaction peut leur être donnée.
Autre point d'inquiétude pour les anciens combattants, la fragilité de la situation financière de l'Institution nationale des invalides. En effet, la faible augmentation des crédits de fonctionnement ne permettra probablement pas de couvrir l'augmentation des frais due à la diminution des effectifs médicaux liée à la fin du service national obligatoire. Vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, cette faiblesse de votre budget, mais sans proposer de remède.
Concernant la carte de combattant volontaire de la résistance, vous avez déclaré qu'« aucun dossier de carte de CVR ne serait plus classé sans suite en raison de la non-conformité des témoignages », aucune homologation des services par l'autorité militaire n'étant plus exigée. Nous espérons donc voir les dossiers trop longtemps restés en suspens rapidement réglés.
Enfin, comme Mme Printz, j'évoquerai l'indemnisation des anciens du RAD-KHD, qui constitue l'un des derniers contentieux de la Seconde Guerre mondiale à n'être toujours pas réglé. Pourtant, la fondation Entente franco-allemande est prête à verser une indemnisation correcte et le Gouvernement, par votre voix, s'était engagé à y participer. Vous nous avez déclaré, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, que vous n'aviez pas été en mesure de dégager des crédits budgétaires suffisants. Cette situation ne saurait perdurer. Il conviendrait d'inscrire dès cette année des crédits pour régler au plus vite la question de l'indemnisation des quelque 10 000 dossiers de personnes incorporées de force dans des formations paramilitaires allemandes, dont l'instruction traîne en longueur, alors qu'un accord est intervenu en juin 1998.
Enfin, comme l'an dernier, et comme nombre de mes collègues, je me dois d'attirer votre attention sur le problème des troubles psychotraumatiques d'apparition différée. Il reste indispensable que soit modifiée la circulaire d'application du décret du 10 janvier 1992, qui trahit la lettre et l'esprit de ce décret. Allez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, modifier cette circulaire ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Je vais même l'annuler !
M. Marcel-Pierre Cléach. Enfin, rappelons que 1999 est une année importante pour le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, puisque ce dernier, né en 1920, a été rattaché, cette année, au ministère de la défense. Cette réforme des structures ministérielles s'est traduite par une intégration des services du secrétariat d'Etat chargé des anciens combattants au sein du ministère de la défense. Elle a entraîné une modification de la nomenclature budgétaire, rendant un peu plus opaque la lecture du budget. Mais, par ailleurs, la concertation menée par les associations d'anciens combattants a permis une mise en place satisfaisante de la réforme.
Il n'en reste pas moins, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que la représentation nationale et l'ensemble des associations d'anciens combattants resteront vigilantes quant au maintien d'un interlocuteur de rang gouvernemental et d'un budget autonome individualisé, ainsi qu'à la pérennisation de l'INI et de l'ONAC, afin que les services de proximité existant dans les départements puissent poursuivre leur action.
Pour conclure, je voudrais rappeler que cette session a été ouverte avec l'adoption, à l'unanimité, de la loi portant reconnaissance de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce geste unanime, qui honore le Parlement, et nous féliciter des mesures récemment annoncées pour les harkis.
Mais reste en suspens la question de la date de commémoration du souvenir de la guerre d'Algérie, date sur laquelle les différentes parties continuent à s'opposer, malheureusement violemment.
Avec mon collègue Lucien Neuwirth et la quasi-totalité des sénateurs membres du groupe d'étude des sénateurs anciens combattants, nous avons proposé de retenir comme date de commémoration le 18 octobre, date de la promulgation de la loi reconnaissant la guerre d'Algérie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. Nous ne sommes pas d'accord !
M. Marcel-Pierre Cléach. J'espère vivement que cette proposition sera de nature à rallier le plus grand nombre d'anciens combattants, malheureusement engagés dans une contestation fratricide à cet égard.
Pour en revenir au budget, et m'exprimant à titre personnel, je tiendrai compte de vos réponses aux questions posées par mes collègues et par moi-même pour me déterminer, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues : « Notre siècle s'achève. Un siècle d'épreuves pour la France combattante, qui a su défendre et faire prévaloir ses valeurs. Rendre hommage aujourd'hui à toutes celles et à tous ceux qui ont accepté que leur destin individuel s'efface devant le destin collectif de la France, c'est donner en exemple leur histoire, qui est notre histoire. »
Telle est la teneur de votre message, monsieur le secrétaire d'Etat, lors des cérémonies du 11 novembre dernier, message que je fais mien, aujourd'hui, à l'occasion de la discussion des crédits de votre département ministériel.
Cet hommage passe par le renforcement de la solidarité de notre nation avec ses anciens combattants, par la reconnaissance de la France envers ceux qui lui ont tout donné, par une politique de la mémoire tournée vers la jeunesse, politique toujours plus ambitieuse et permettant d'affirmer les valeurs de la République, et par un soutien accru aux actions de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Un siècle s'achève en instituant un secrétariat d'Etat à la défense chargé des anciens combattants et en rassurant le monde combattant que leur mémoire sera préservée, en reconnaissant l'état de guerre en Algérie, en somme en donnant le nom de guerre à une guerre sans nom.
Ce projet de budget se caractérise par des avancées importantes, bien qu'il puisse ête perfectible sur un certain nombre de points.
Ce projet renforce les actions de proximité de l'ONAC. Les conditions d'attribution de la carte du combattant ont été de nouveau assouplies, le budget prévoit l'abaissement de quinze à douze mois de la durée minimale de service en Afrique du Nord afin de bénéficier de la carte du combattant. Cette mesure est la poursuite d'un processus déjà engagé. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'avoir proposée.
Il faut également souligner la revalorisation de 2 % de la retraite du combattant et le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste, porté de 100 à 105 points.
Je me réjouis de voir également 31,8 millions de francs de mesures nouvelles destinées à améliorer l'accueil dans les services départementaux, le renforcement de l'action sociale pour les anciens combattants les plus défavorisés, l'amélioration de la qualité de l'hébergement dans certaines maisons de retraite.
Au-delà de ces mesures significatives, il reste encore, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques contentieux. Chacun ici, connaît bien les revendications que portent avec un courage et une grande pugnacité qui les honorent les associations représentatives du monde combattant.
Parmi ces revendications, je souhaite insister sur l'extension du Titre de reconnaissance de la nation au 1er mars 1963, date à laquelle le service historique de l'armée de terre a recensé le dernier soldat tombé au combat. Le coût de cette mesure a été chiffré à 1 million de francs.
Je voudrais également insister sur la décristallisation des pensions des anciens combattants de notre ancien empire colonial. A cet égard, je rappelle à certains que cette cristallisation remonte à une époque où la gauche n'était pas au pouvoir. Il est urgent que la République mette un terme à une situation d'injustice insupportable. De même, il est urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, de trouver une solution à la mesure concernant l'ARPE que nous avions votée, ici, l'année passée, et qui aujourd'hui reste inapplicable.
Enfin, prolongeant l'intervention de ma collègue Gisèle Printz, que je salue, je dirai que l'indemnisation des anciennes et des anciens incorporés de force dans le RAD et le KHD reste un dossier sensible qui doit trouver une solution rapide.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je connais votre attachement à ces dossiers, et nous avons pu apprécier le travail effectué depuis trois ans. D'ailleurs, s'agissant d'un ancien sénateur, comment n'en serait-il pas ainsi ? (Sourires.)
Je sais que les remarques faites sur votre budget tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat ont retenu toute votre attention. Il en va du respect de ceux qui ont combattu, quel que soit le combat, pour sauver notre pays ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais répondre maintenant aux questions que vous avez posées ; mais cela ne signifie pas, naturellement, que je donnerai satisfaction à chacun d'entre vous ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Je le regrette bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. S'agissant des appréciations générales portées sur le projet de budget pour 2000, les mesures nouvelles s'élèvent à 121 millions de francs compte tenu d'une déclaration que je ferai ultérieurement, à quoi il faut ajouter les crédits qui figureront dans les contrats de plan Etat-région - c'est vrai, ils se développeront sur une certaine période - et qui concerneront principalement le devoir de mémoire, le tourisme de mémoire et le rappel des valeurs de la République, organisé autour de l'histoire combattante du xxe siècle.
S'agissant de la gestion des crédits, monsieur Cléach, je crois qu'elle s'améliore, puisque le taux de consommation tourne autour de 99 %. On peut donc parler d'une certaine rigueur de la gestion, pour ne pas dire davantage.
Quels sont les points forts de ce budget et de la politique qui est menée depuis deux ans et demi ?
Le premier est le pan consacré à l'intégration, à l'insertion, non pas du département ministériel, mais du droit des anciens combattants d'Afrique du Nord dans le dispositif général, notamment avec la reconnaissance de la guerre d'Algérie.
Le deuxième concerne la retraite mutualiste, qui évolue dorénavant chaque année.
Le troisième est le rappel du rôle joué par l'office national des anciens combattants, et surtout notre volonté de lui donner un nouvel élan.
Enfin, quatrièmement, c'est la politique de mémoire, dotée des crédits budgétaires adéquats et organisée de façon structurelle sur les emplois-jeunes, et la contractualisation non seulement avec les départements, les régions et les villes, mais également avec les fondations dont c'est la mission.
J'ai bien noté les griefs à mon encontre, et je comprends cette démarche, qui est légitime. Mais quand on est responsable d'un département ministériel, on doit à la fois gérer le quotidien en résolvant des questions immédiates et organiser l'avenir.
C'est ainsi que j'ai été amené à ouvrir un certain nombre de dossiers, qui ne sont traités ni immédiatement, ni complètement ! Mon département ministériel doit maintenant concentrer ses efforts sur leur règlement avant d'en ouvrir de nouveaux. C'est, en quelque sorte, une mécanique intellectuelle, qui est, à mon avis, nécessaire.
Avant de répondre dans l'ordre à vos différentes interventions, je voudrais d'abord remercier vos deux rapporteurs, MM. Baudot et Lesbros, de leur travail, ainsi que les différents intervenants, qui ont précisé, voire amplifié, ce que les rapporteurs avaient eux-mêmes noté.
S'agissant de l'ONAC, il est clair que notre volonté politique est bien de renforcer son rôle et ses moyens dans chacun des départements français et de concrétiser ce nouvel élan grâce aux mesures budgétaires qui figurent dans le projet de budget pour 2000.
Comme je vous l'annoncerai tout à l'heure, ses crédits seront majorés de 4 millions de francs. Sur le plan de la technique budgétaire, je ne déposerai pas d'amendement sur ce point, parce que cette augmentation résulte de démarches que j'ai effectuées encore ce matin. Mais elle sera concrétisée, ou alors j'irai faire autre chose ! En tout cas, elle se fera par des redéploiements au sein du budget général de l'Etat. Ces crédits supplémentaires seront donc effectivement attribués pour permettre d'améliorer le fonctionnement de proximité, d'organiser ce nouvel élan sur le plan matériel.
Un million de francs de crédits seront consacrés au Bleuet de France, pour confier à un groupe professionnel une étude sur les moyens non seulement de développer le symbole du Bleuet comme politique du souvenir, mais également d'orienter cette politique du Bleuet vers les entreprises privées, afin d'impliquer les collectivités territoriales et l'ensemble de la nation dans ce projet de communication. C'est probablement le moyen que nous aurons de trouver des crédits sociaux supplémentaires, qui seront versés à l'ONAC et qui soutiendront les efforts que nous faisons déjà ensemble.
J'en viens à la politique de mémoire, qui est au coeur de mon action.
Des crédits d'étude figurent dans le projet de budget pour 2000 pour le mémorial de la guerre d'Algérie. La Ville de Paris est d'accord pour participer à la recherche d'un site approprié. Les propositions faites pour l'instant n'ont pas reçu l'agrément du monde combattant.
Le président de la commission, M. Jean Lanzi, m'a fait passer, cette semaine, une note pour me dire qu'il souhaite qu'une nouvelle rencontre ait lieu entre la Ville de Paris, le monde combattant et le Gouvernement, afin que nous trouvions enfin un lieu. Je souscris tout à fait à cette démarche. Nous disposons des crédits d'étude.
Quant au financement, évoqué par M. le rapporteur spécial, il est clair que l'Etat participera à la réalisation de ce mémorial. Il est aussi question de lever une souscription nationale et, le cas échéant, de solliciter un certain nombre d'aides de collectivités territoriales qui le souhaiteraient.
En tout cas, ce mémorial sera réalisé et la question budgétaire ne constituera pas un handicap. Je souhaite qu'il soit inauguré au cours de l'année 2002 - c'est un projet, et je ne peux être plus précis sur la date. Je dirai très pratiquement et très prosaïquement qu'elle se situera entre le 19 mars et le 16 octobre, moyen terme qui ne fâchera ni les uns ni les autres !
Les crédits consacrés à la politique de la mémoire dans le budget pour 2000 seront majorés de tous les crédits figurant dans les contrats de plan Etat-région. Je précise à M. Herment que le rapport de M. Paul Mingasson aura une traduction concrète : environ 45 millions de francs pour des réalisations avec les collectivités territoriales, précisément le conseil régional de Lorraine et le département de la Meuse, mais également d'autres collectivités de Lorraine, de Champagne, d'Argonne.
Seront réalisés le mémorial du Struthof et celui de l'annexion de fait, en partenariat, pour ce dernier, avec le conseil régional d'Alsace et le département du Bas-Rhin, principalement, sur le site de Schirmeck.
Un million de francs pour d'autres actions viendront, par voie d'amendement, abonder le budget pour 2000 et permettront de prendre en compte d'autres initiatives avec d'autres départements ou d'autres collectivités territoriales. Enfin, quatre millions de francs iront aux fondations qui gèrent la mémoire combattante du xxe siècle, y compris peut-être la mémoire de l'Entente franco-allemande, qui a un rôle particulier à jouer, certains l'ont souligné.
Monsieur le rapporteur spécial, je ne suis pas opposé à l'existence d'une ligne budgétaire spéciale « sépultures-nécropoles », mais cela relève des négociations que je dois mener avec les techniciens du budget. Pour ma part, je suis tout à fait partisan de lignes budgétaires simples, qui permettent de savoir immédiatement à quoi sont affectés les crédits.
Vous avez ensuite évoqué la question de l'appareillage. Avec les associations concernées par le handicap, nous examinons la possibilité de nous insérer dans les pôles de « gestion handicap » qui vont être constitués dans chaque département. Des expériences ont déjà été menées dans quatre départements. Elles vont se poursuivre dans le courant de l'an 2000 et au cours des années suivantes et seront étendues à quinze départements.
Les associations et les fonctionnaires concernés ont le souci de ne pas être exclus de ce dispositif, de façon que notre capacité et le savoir-faire que nous avons accumulés au cours de l'histoire trouvent leur pleine expression et soient intégrés dans la politique du handicap. Voilà encore un dossier qu'il nous faudra traiter rapidement !
S'agissant des crédits de solidarité, chacun s'est plu à considérer qu'il fallait peut-être réfléchir à une autre affectation compte tenu de l'avancée en âge d'un certain nombre de ressortissants. J'ai noté avec intérêt que ce que j'ai suggéré depuis quelques mois a fait son chemin. Je suis tout à fait d'accord pour que nous examinions, ensemble, le meilleur moyen de récupérer les sommes qui seront ainsi dégagées pour les affecter à une autre destination de solidarité.
Lorsque je dis que je suis favorable à toute étude et à tout examen, cela ne signifie pas que la mesure interviendra, car il y a toujours une différence entre ce que l'on souhaite et ce qui peut être réalisé : c'est l'objet des abritrages budgétaires d'opérer des choix dans l'intérêt général !
Quant à la décristallisation, c'est un échec personnel que j'enregistre. Je ne peux pas en dire plus. Je me suis bagarré tout au long de l'année pour faire avancer ce dossier, sans résultat.
J'avais cru comprendre que le déplacement de M. le Premier ministre au Maroc permettrait que cette question soit abordée. Or, elle n'a pas été inscrite sue la liste des sujets qui devaient faire l'objet de discussions. Aucune des deux parties n'a souhaité l'évoquer. Nous en restons donc au même point.
Je pensais présenter, ce matin, une proposition au Sénat. Je ne le ferai pas, parce que, finalement, le ministre de la défense et moi-même avons décidé d'examiner le dossier ensemble.
Cette affaire de décristallisation comporte, en effet, deux volets : l'un concerne les anciens militaires professionnels et l'autre les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité ou de la retraite du combattant. M. Alain Richard et moi-même sommes donc convenus de présenter une proposition globale qui, bien entendu, aura des incidences financières.
M. Michel Pelchat. Il convient aussi de prendre en considération les ressortissants de nos anciens comptoirs qui sont nés français.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Tout à fait ! A cet égard, la France a une obligation morale, qui s'apprécie cependant, comme je l'ai dit maintes fois, au regard d'une comparaison de pouvoir d'achat.
Une avancée importante a été faite en faveur des grands invalides. Je m'étais engagé à ce qu'elle intervienne dans le projet de budget pour 2000. J'enregistre que, pour nombre d'entre vous, cette avancée est trop faible. J'admets tout à fait cet argument. J'aurais préféré moi-même aller plus loin, mais l'important était d'initier le règlement de ce contentieux dans le projet de budget pour 2000. La suite viendra très naturellement dans le prochain, voire les deux prochains projets de budget ; l'objectif est d'avancer le plus vite possible.
Il a été largement question de l'ARPE. Les décisions que vous avez votées l'an dernier n'ont pas été exécutées, essentiellement pour deux raisons. D'une part, nous avons légiféré dans un domaine contractuel et hors de la compétence du Parlement ; à cet égard, je donne acte à M. Jacques Baudot. D'autre part, est intervenue, en cours d'année, une modification du règlement de l'ARPE visant à faire supporter à l'employeur une charge de 20 %, alors que, dans le système précédent, aucune charge financière n'était prévue. S'est alors posé un véritable problème financier.
Mais tout est arrangé maintenant. La mesure va s'appliquer pour 2000. Tout le monde a signé : M. Sautter, le président de l'UNEDIC, son secrétaire, le directeur général, le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants...
Je vous présenterai donc un amendement visant à fermer le dossier puisque l'on ne sait pas si l'ARPE sera reconduite l'an prochain, même si c'est vraisemblable, ni dans quelles conditions financières. Nous appliquerons ainsi la mesure votée pour 1999, en évitant de nous enfermer dans un dispositif dont nous n'avions pas la maîtrise. En cas de besoin, en fonction de ce qui sera contractualisé, nous aviserons.
J'en viens au Titre de reconnaissance de la nation. Nombre d'entre vous souhaitent que le droit à l'obtention de ce titre remonte jusqu'au 2 juillet 1964. Je pensais, dans un premier temps, remonter jusqu'au mois de février. Puis, M. Rochebloine, député, qui suit l'évolution du monde combattant à l'Assemblée nationale, m'a fait remarquer qu'il connaissait quelqu'un qui avait été blessé au-delà de cette date, ce qui a un peu déstabilisé mon argumentation. J'ai pris la décision d'ouvrir une étude sur ce dossier de façon à déterminer comment nous pourrions avancer. J'aurai les résultats de cette étude en janvier 2000.
MM. Chabroux et Courrière, entre autres, ont avancé que la mesure envisagée ne coûtait pas cher.
En fait, mesdames, messieurs les sénateurs, mes services et moi-même nous sommes trompés dans nos calculs. Cette mesure recouvre deux aspects, et l'un d'eux nous a échappé.
D'un côté, l'attribution du Titre de reconnaissance de la nation ouvre droit à la retraite mutualiste, avec les bonifications qui en découlent concernant la déduction fiscale, et ce n'est pas le plus cher.
D'un autre côté, le Titre de reconnaissance de la nation ouvre droit au fonds de solidarité et aux diverses mesures sociales qui sont attachées à cette qualité. Là, on franchit le seuil de 100 millions de francs, ce qui rend effectivement plus complexe la mise en oeuvre de la mesure.
Nous avons donc des excuses à vous présenter sur ce point. Mais nous sommes des hommes et des femmes comme les autres, il nous arrive de nous tromper, de ne pas être suffisamment précis ou rigoureux.
J'en arrive à l'attribution de la retraite du combattant avant l'âge de soixante-cinq ans, qui constitue un sujet de préoccupation tant pour votre assemblée que pour les associations du monde combattant, qui en font d'ailleurs un axe central de leurs revendications.
Selon nos calculs, que j'espère justes, cette fois, satisfaire à la demande entraînerait un surcoût de 2,675 milliards de francs.
Si l'on abaissait brutalement l'âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite de soixante-cinq à soixante ans, le surcoût - je parle de surcoût car, de toute façon, ces sommes seront dues un jour puisque les bénéficiaires arriveront forcément à l'âge de soixante-cinq ans...
M. Michel Pelchat. Attendez cinq ans pour prendre la mesure, cela coûtera moins cher !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Il ne faut pas penser ainsi ! Cette mesure coûtera 2,675 milliards de francs de plus, c'est tout. Ou bien on trouve cette somme ou bien on ne la trouve pas, c'est aussi simple que cela, monsieur Pelchat.
Vous comme moi sommes confrontés à des situations d'arbitrage. L'ancienne majorité en sait quelque chose, notamment dans le domaine du monde combattant !
Pour ma part, comme je l'ai fait savoir à l'Assemblée nationale et aux représentants du monde combattant, je ne suis pas opposé à l'adoption de mesures partielles concernant les anciens combattants qui se trouveraient le plus en difficulté sur le plan social.
Pour certains d'entre eux, il ne serait pas absurde d'envisager une anticipation du versement de la retraite du combattant.
En tout cas, je tiens une étude sur le sujet à la disposition des parlementaires, comme à celle du monde combattant. Si l'on s'est trompé, on le saura rapidement ; mais je ne pense pas que ce soit le cas.
J'en viens à la carte du combattant. Le fameux accord de 1996, monsieur Ostermann, a sans doute été débattu devant les représentants du monde combattant, mais le ministre de l'époque, dans une lettre que j'ai montrée lors d'un autre débat - je ne critique d'ailleurs pas du tout la position de mon prédécesseur - s'est opposé à la mise en oeuvre de ce que ses représentants avaient pu mettre au point avec les représentants du monde combattant.
Ce serait donc me faire un mauvais procès que de me reprocher de ne pas appliquer un prétendu accord qui, objectivement, n'a pas eu lieu.
En tout cas, il n'a pas été mené à son terme par les autorités politiques compétentes de l'époque et, pour ma part, je ne me sens absolument pas lié par lui, d'autant que je considère que la carte d'ancien combattant ne doit pas être délivrée pour une durée inférieure à douze mois de présence en Afrique du Nord. Telle est ma position. Je la maintiendrai tant que j'occuperai la responsabilité qui m'a été confiée.
En revanche, la question des rappelés me pose un problème, je l'ai dit. Si l'on imagine ensemble un système de points, je serai alors d'accord pour examiner une mesure qui donnerait satisfaction sans porter atteinte au principe d'exposition aux risques d'une durée de douze mois. En effet, si la mesure afférente aux rappelés amène une revendication générale en faveur de l'abaissement du seuil de douze mois, j'aurai alors le sentiment d'avoir été trompé sur ce dossier. Si vous avez des propositions à faire, je les recevrai avec plaisir.
J'ai bien entendu les différentes interventions sur les psychotraumatismes. Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous critiquez tous la circulaire de 1992, qui serait restrictive, je vous propose de supprimer cette dernière et d'en revenir au décret. Voilà qui devrait vous satisfaire !
Le dossier des veuves est un de ceux que je souhaite mettre à plat l'an prochain, avec ceux du TRN et de la gestion des sommes libérées par l'évolution démographique au regard du fonds de solidarité.
Y aura-t-il des concrétisations budgétaires en 2001 ? Aujourd'hui, je n'en sais rien ! Et l'expérience dans le poste m'appelle à beaucoup de prudence à cet égard.
M. Guy Fischer. Des concrétisations, il en faudra !
M. Raymond Courrière. Il en faudrait !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Oui.
Le dossier du Reichsarbeitsdienst et du Kriegshilfdienst constitue le deuxième échec, pour l'instant, que j'enregistre.
Quand je fais le bilan entre la colonne des échecs et la colonne des succès, aujourd'hui les succès dépassent à peine les échecs. Lorsque la colonne des échecs sera légèrement plus long que la colonne des succès, je tirerai ma révérence pour aller faire autre chose, cela va de soi, car je n'ai pas de temps à perdre dans ce genre de situation où, personnellement, je ne me retrouve pas.
Il n'y a donc pas, pour l'instant, de mesure concernant le RAD. Mais, en vérité, j'enregistre tout de même une part de succès.
Tout le monde s'est plu à reconnaître que l'Entente franco-allemande avait décidé de... Mais si l'Entente franco-allemande a décidé de..., c'est bien parce que je l'ai contrainte à décider ainsi, en changeant de président et en obligeant la parité administrative à voter comme je le souhaitais.
M. André Maman. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. C'est tout de même une première étape. Il faut maintenant en franchir une seconde, consistant à obtenir quelques crédits afin d'amorcer concrètement la pompe.
Cela étant, l'échec, je suis le premier à le regretter, d'autant plus que la quasi-totalité des intéressés résident dans ma région, en Alsace-Moselle. Vous voyez dans quelle situation personnelle je peux me trouver par rapport à cette question !
Des propositions ont été formulées sur le rapport constant. Nous allons organiser une réunion sur cette question. Je crois que nous pouvons aboutir à une meilleure lisibilité du rapport constant. En effet, la critique formulée porte sur la lisibilité des mécanismes statistiques qui permettent de revaloriser le rapport constant. J'ai donc fait une proposition, qui est à prendre ou à laisser : ou bien on maintient le système actuel, ou bien on adopte ma proposition. Mais il n'y aura pas de situation intermédiaire. Ce n'est pas la peine de compliquer un système que l'on veut, par ailleurs, rendre plus simple !
S'agissant de la carte de combattant volontaire de la Résistance, les choses se présentent plutôt bien puisqu'il n'y a plus de forclusion. Tous les dossiers remontent à la commission nationale, qui est composée de gens particulièrement compétents en la matière. Cela nécessite des études, des discussions, des réflexions, des échanges, mais tous les dossiers sont soumis à cette commission.
La question des harkis ne se pose pas en termes de reconnaissance matérielle puisqu'ils bénéficient exactement des mêmes droits que les soldats : ils relèvent pareillement du code des pensions militaires d'invalidité.
La question des harkis, elle se pose aujourd'hui sous deux aspects : la mémoire, d'une part, et le sort de leurs enfants et petits-enfants, d'autre part.
Ce dernier aspect relève d'une politique générale de la nation et des collectivités territoriales. Le secrétaire d'Etat à la défense n'a pas les moyens de répondre à ces questions d'intégration sociale, d'insertion dans le travail ou de protection sociale.
S'agissant de la mémoire, j'ai fait une proposition, qui a d'ailleurs été reprise par Mme Aubry dans une réponse qu'elle a faite récemment à une question d'actualité à l'Assemblée nationale. Je l'ai exposée aux différentes associations. Il est évident que le mémorial national AFN intégrera d'abord les harkis ; c'est la moindre des choses ! J'ai suggéré que des plaques reprenant l'article 1er de la loi de 1994 soient apposées sur des sites qui restent à définir avec les personnes concernées et les représentants du monde des harkis. Cela peut être fait en l'an 2000 ; cela ne soulève aucune difficulté de principe.
Chacun connaît ma position au sujet de la campagne double. Prochainement, se tiendra une réunion de travail avec les représentants des fonctionnaires. Je soumettrai ensuite les résultats de cette discussion aux représentants des fonctionnaires concernés. Je souhaite d'ailleurs associer les rapporteurs du budget des anciens combattants de l'Assemblée nationale et du Sénat à cette concertation. Nous verrons s'il est nécessaire de faire une autre proposition.
En tout cas, contrairement à ce qu'on dit ici et là, les fonctionnaires anciens combattants de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale n'ont pas tous bénéficié de la campagne double. Le code des pensions détermine les cas où ils peuvent en bénéficier. Cela signifie que certains anciens combattants fonctionnaires bénéficient de la campagne double et d'autres non.
J'ajoute, pour ma part, un argument qui est un peu particulier, je veux bien le reconnaître : le fonctionnaire qui a dix-huit mois de présence en AFN est comptabilisé pour trente-six mois, alors que le soldat qui relève du secteur privé ne se voit valider que dix-huit mois pour dix-huit mois. En vertu de cet argument, je ne suis pas particulièrement enclin à changer de position, mais je suis prêt à dialoguer avec les personnes concernées. Peut-être me convaincront-elles que mes arguments ne sont pas pertinents.
La date commémorative de la fin de la guerre d'Algérie a été évoquée. Une proposition qui émane du Sénat tend à retenir le 18 octobre, date de promulgation de la loi reconnaissant l'état de guerre en Algérie.
Je ne suis pas sûr que ce choix soit très heureux.
Un débat existe : certains veulent le 19 mars, d'autres le 16 octobre. En matière de commémoration, une date qui ne fait pas l'unanimité ne peut pas être retenue. On ne peut pas diviser les Français sur un tel sujet. Or, le 18 octobre est évidemment proche du 16 octobre. Je crains que le choix de cette date n'entraîne une confusion et n'engendre plus de difficultés qu'il n'en résoudra.
Il nous faudra, selon moi, beaucoup de patience. Vous ne serez plus au Sénat - et moi non plus ! - quand cette question sera tranchée ! (Sourires.) Elle le sera par d'autres que nous.
Mais cela ne nous empêche pas d'accomplir ce devoir de mémoire et de le faire le 19 mars, le 16 octobre, le 18 octobre, ou en toute autre occasion qu'il plaira au monde combattant de saisir, dans nos départements, dans nos communes, pour bien marquer qu'il s'agit de notre histoire, que la guerre d'Algérie a bien eu lieu et que les soldats qui l'ont faite étaient, comme tous les autres, des soldats de la France, qu'ils ont simplement répondu à l'appel de la nation. Le travail de mémoire, ce n'est rien d'autre que cela !
Vous avez pu noter que bien des revendications n'étaient pas satisfaites dans le budget pour 2000. Je le reconnais. Mais je crois que, les uns et les autres, nous n'avons pas à rougir de ce qu'a fait notre pays en direction du monde combattant, et cela depuis des années.
Bien sûr, des contentieux restent ouverts, et il est probable que certains le demeureront. Mais, globalement, la France a su témoigner une reconnaissance matérielle et morale à ses anciens combattants.
En cette fin de siècle, nous avons une réelle obligation au regard du travail de mémoire autour de l'histoire combattante de la France, afin que les jeunes générations n'oublient pas, qu'elles aient des repères de valeurs consacrées par l'engagement au service de la nation. Cela constitue aussi pour nous une obligation, qui dépasse l'obligation matérielle, même si celle-ci ne doit pas être mise de côté, même si elle doit être respectée et honorée chaque fois que c'est possible.
Il reste que, vis-à-vis des futurs citoyens, le devoir de mémoire, une mémoire centrée sur la mise en oeuvre des valeurs fondamentales de la République, constitue, pour chacune et chacun d'entre nous, une exigence dans l'exercice de nos responsabilités nationales. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant à l'état B.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 921 463 573 francs. »

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurspécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous dites que vous allez nous donner 10 millions de francs de plus, mais ce n'est qu'une déclaration d'intention. Vous l'avez reconnu vous-même, cela ne se traduit pas par un amendement en bonne et due forme. Dès lors, nous ne pouvons pas modifier notre avis.
Nous ne pouvons que vous faire confiance, d'autant que, si j'ai bien compris, vous donneriez votre démission si cet engagement ne recevait pas sa concrétisation.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. J'en ai pris bonne note.
Vous nous avez indiqué de quelle manière ces 10 millions de francs allaient être répartis. Mais je considère que cette affectation potentielle ne répond pas aux critiques qui ont été formulées tout à l'heure. Nous vous avons posé beaucoup de questions, en particulier sur le dégel des pensions et sur la décristallisation. Or, vous n'y répondez pas.
En tout état de cause, qu'est-ce que 10 millions de francs dans un budget de 25 milliards de francs ? C'est 0,04 % ! C'est un petit cadeau ! Bien sûr, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, mais, je vous le dis sans ambages, ce n'est pas de nature à satisfaire vraiment le Sénat.
Nous avons eu un bon débat, mais je dois avouer que, dans ce débat, il y a eu une politisation qui ne m'a pas beaucoup plu. En effet, deux de nos collègues, M. Chabroux et M. Courrière, ont dit que la cristallisation s'était produite à un moment où la gauche n'était pas au pouvoir.
MM. Gilbert Chabroux et Raymond Courrière. Parce que c'est vrai !
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Par ailleurs, je considère comme inadmissible qu'on parle du MEDEF à propos de l'ARPE !
J'aurais pu, moi - mais je ne l'ai pas fait - souligner que c'est à cause du retard pris par Mme Aubry pour apposer sa signature que nous avons dû attendre près d'une année ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il est vain de faire de la politique sur le dos du monde combattant, parce que celui-ci est aussi bien de droite que de gauche. Renonçons donc à ce genre d'arguments ! Pour ma part, je n'y ai pas recouru et je ne le ferai pas. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Monsieur Baudot, je ne pense pas que le Sénat récuse la proposition que j'ai faite ce matin, portant sur 10 millions de francs de crédits supplémentaires sur déploiement du budget général. Sinon, je repars avec mes 10 millions !
M. Gilbert Chabroux. Nous avons un bon secrétaire d'Etat, qu'il reste !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Comment seront affectés ces 10 millions de francs ?
Il y a d'abord 4 millions de francs pour renforcer les travaux de proximité nécessaires au nouvel élan de l'ONAC. Ce n'est qu'une petite fraction de ce qui sera mis en oeuvre dans les deux ou trois ans à venir.
Il y a ensuite un million de francs, qui sera versé au Bleuet de France. Nous disposons là d'un outil de mémoire qu'il nous faut valoriser vis-à-vis de toutes les composantes de la nation.
Par ailleurs, 4 millions de francs seront affectés aux fondations qui ont un travail de mémoire à mener au moment du passage au xxie siècle.
Enfin, un million de francs sont destinés à soutenir les initiatives des collectivités territoriales, dont je ressens, presque chaque semaine, la volonté de s'engager dans une politique de mémoire sous deux aspects : d'une part, la mémoire en tant qu'instrument pédagogique de transmission de valeurs, d'autre part, la mémoire en tant que vecteur d'activités touristiques générant du chiffre d'affaires. J'essaie donc de dégager des crédits supplémentaires pour aider toute initiative de ce type.
Quant à la décristallisation, elle relève en effet de la responsabilité du pays dans son ensemble. Cela dit, honnêtement, monsieur Baudot, les dernières mesures de forclusion datent de 1995. Ce qui ne veut d'ailleurs pas dire que nous puissions, les uns ou les autres, nous exonérer de toute responsabilité. Il reste que telle est bien la vérité historique.
M. Raymond Courrière. La vérité fâche, parfois ! Elle fâche monsieur Baudot !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 365 020 280 francs. »

La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cette année, le budget des anciens combattants pour 2000 intervient dans un contexte particulier : l'unanime reconnaissance par le Parlement de la réalité de l'état de guerre en Algérie, hommage rendu, enfin, à la dernière génération du feu.
Que le principe en soit noble, nous en sommes tous d'accord - et je veux, une fois encore, remercier M. le secrétaire d'Etat de sa contribution irremplaçable à cette reconnaissance - mais ne devrait-il pas être assorti des mesures qui semblent en découler logiquement ?
Au terme du débat parlementaire, nous enregistrons 121 millions de francs de mesures nouvelles, dont dix millions de francs annoncés ce jour.
Les promesses du Gouvernement, suivies de cet hommage rendu à la vérité de l'histoire, font que l'attente n'a jamais été aussi forte.
Que dire de l'ensemble du projet de budget, notamment de ce titre IV ? Qu'il est trop timide, malgré des efforts qu'il convient de saluer, et, surtout, qu'il reste sourd à des demandes anciennes autant que légitimes.
Je souhaite, en l'instant, m'exprimer tout particulièrement en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord. Certes, il faut reconnaître, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez répondu, même si ce n'est que partiellement, à certaines de leurs demandes.
Ainsi, nous nous félicitons que la durée minimale de service en Afrique du Nord soit abaissée de quinze à douze mois pour l'obtention de la carte du combattant.
Par ailleurs, à la suite des discussions à l'Assemblée nationale, il semblerait que le Gouvernement soit favorable, d'une part, à l'extension aux anciens prisonniers français du FLN des conditions d'indemnisation des maladies ou infirmités résultant d'une captivité prolongée dans un camp à régime sévère et, d'autre part, à la réalisation d'une étude, d'un montant de 300 000 francs, en vue de la construction du mémorial de la guerre d'Algérie.
Cela étant, de nombreux contentieux demeurent encore une fois en suspens. Afin d'abréger mon propos, je ne citerai ici que les plus douloureux.
S'agissant de la carte du combattant, l'abaissement de quinze à douze mois de la durée de présence en Algérie est loin de régler le contentieux. En effet, si le Gouvernement reprenait à son compte l'accord survenu le 22 octobre 1996, tendant à attribuer quinze points pour le Titre de reconnaissance de la nation, sept points pour la médaille commémorative et quatre points par trimestre de présence en AFN, le problème de l'attribution de la carte du combattant aux rappelés et à ceux qui prirent part aux combats du Maroc et de la Tunisie serait définitivement réglé.
Ne conviendrait-il pas également de prolonger jusqu'au 1er mars 1963, voire jusqu'au 1er juillet 1964, la date des services ouvrant droit au Titre de reconnaissance de la nation ?
Vous venez de faire référence à la campagne double, monsieur le secrétaire d'Etat. Connaissant votre réticence, voire votre franche opposition, en ce qui concerne cette mesure en faveur des anciens combattants fonctionnaires ou assimilés, je me félicite que vous ayez tout de même consenti à la mise en place d'une commission ad hoc. Je vous réaffirme combien la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie vient donner corps à cette revendication, au nom de l'égalité des droits entre générations du feu.
Je profite de ma présence à cette tribune pour évoquer un problème particulier qui a fait couler beaucoup d'encre.
Comme vous le savez, une revendication ancienne porte sur le reclassement indiciaire des fonctionnaires ayant servi en Afrique du Nord. En effet, le gouvernement de M. Balladur a modifié la composition des commissions de reclassement, en écartant les représentants du monde combattant, ce qui a abouti à des rejets de plus en plus nombreux.
Le 27 avril dernier, j'en avais appelé à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, soulignant combien la France s'honorerait à abroger le décret n° 94-993 du 16 novembre 1994. Malgré une fin de non-recevoir, je persiste à penser qu'il est désolant de laisser des septuagénaires s'épuiser en recours devant les tribunaux administratifs, d'autant que, la plupart du temps, ceux-ci donnent raison aux anciens fonctionnaires qui ont porté leur affaire devant eux.
Enfin, tout en sachant que je fais ici un voeu pieux, je rappelle la revendication du monde combattant de voir versée une retraite du combattant dûment revalorisée aux titulaires de la carte du combattant à l'âge de soixante ans, et non plus de soixante-cinq ans. A ce jour, seules six classes d'âge seraient encore susceptibles d'en bénéficier. Il est donc urgent de mener une réflexion dans ce sens.
Vous voudrez bien m'excuser, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'avoir été un peu long. Cependant, la meilleure des transparences n'a-t-elle pas parfois un prix ? Et puis, j'ai moins de scrupules en songeant que, l'an dernier, à pareille époque, nous discutions ce budget fort tard dans la nuit.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite vraiment que tous ces débats puissent déboucher sur une solution cette année.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Fischer. A l'exception de Mme Beaudeau, qui vote contre, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 65, 66, 66 bis et 66 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits des anciens combattants, ainsi que, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-1, II-72, II-60, II-84 et II-69, qui tendent à insérer des articles additionnels après l'article 66.

Article 65



M. le président.
« Art. 65. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les mots : "quinze mois" sont remplacés par les mots : "douze mois". »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 65.

(L'article 65 est adopté.)

Article 66



M. le président.
« Art. 66. - Au dernier alinéa de l'article L. 321-9 du code de la mutualité, l'indice "100" est remplacé par l'indice "105". »
Par amendement n° II-70, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - A la fin de cet article, de remplacer l'indice « 105 » par l'indice « 110 ».
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de ressources résultant de l'accroissement au-delà de 105 de l'indice de majoration par l'Etat des rentes mutualistes est compensée par le relèvement à due concurrence des droits perçus en application des articles 575 A et 575 B du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. J'enfonce le clou, comme je l'avais fait, l'an passé, par une série d'amendements.
Je dirai simplement que le rattrapage de la retraite mutualiste s'effectue à un rythme encore trop lent pour permettre d'atteindre l'indice 130 d'ici à 2002. Nous attendons donc un geste significatif du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de me prononcer. Si le Gouvernement émet un avis favorable, naturellement, j'émettrai avec grand plaisir un avis identique.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Malheureusement, on connaît ma réponse : elle est négative. Je ne vais pas reprendre toutes les explications que je fournis sur ce sujet depuis pas mal de semaines.
S'agissant de la rente mutualiste, le dispositif a été amélioré à partir de 1997. C'est un mécanisme qui est apprécié, aujourd'hui.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Il évolue comme le rapport constant et nous l'améliorons encore au travers des décisions budgétaires que nous prenons. L'indice de référence s'élève à 105 points dans le projet de loi de finances pour 2000, alors que, l'an dernier, on nous avait dit qu'il ne dépasserait jamais 100 points. L'an prochain, il devrait atteindre 110 points.
Cela étant dit, j'invoque l'article 40 de la Constitution, monsieur le président, comme je l'invoquerai d'ailleurs à l'encontre de tous les amendements, à l'exception, bien évidemment, de l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-70 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 66.

(L'article 66 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 66



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-1, M. Lesbros, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Par dérogation aux paragraphes précédents, sont recevables les demandes d'attribution, de révision et de réversion de pension d'invalidité ou d'ayant cause et les demandes de retraite du combattant déposées en 2000 au titre du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre. »
« II. - L'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VI. - Par dérogation aux paragraphes précédents, sont recevables les demandes d'attribution, de révision et de réversion de pension d'invalidité ou d'ayant cause et les demandes de retraite du combattant déposées en 2000 au titre du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre. »
« III. - La valeur du point d'indice "cristallisé" applicable à la pension d'invalidité et à la retraite du combattant est réévaluée de 20 % en Algérie, au Maroc, en Tunisie, au Cambodge, au Laos et au Vietnam. »
Par amendement n° II-72, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La valeur du point d'indice "cristallisé" applicable à la pension d'invalidité et à la retraite du combattant est réévaluée de 20 % en Algérie, en Tunisie, au Maroc, au Cambodge, au Laos et au Viêtnam.
« II. - Les droits perçus en application des articles 575 A et 575 B du code général des impôts sont relevés à due concurrence des pertes et des recettes résultant du I ci-dessus. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-1.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne le problème de la cristallisation des pensions militaires d'invalidité et des retraites du combattant, dont on a parlé toute la matinée. Tout le monde s'accorde en effet à reconnaître qu'il convient de régler ce problème.
Je ne souhaite pas que l'on invoque brutalement l'article 40 à l'encontre de cet amendement, qui prévoit, je le rappelle, les dispositions suivantes : « La valeur du point d'indice "cristallisé" applicable à la pension d'invalidité et à la retraite du combattant est réévaluée de 20 % en Algérie, au Maroc, en Tunisie, au Cambodge, au Laos et au Viêtnam. »
Il s'agit uniquement d'« amorcer la pompe » et de faire en sort que vous fassiez mieux l'année prochaine, monsieur le secrétaire d'Etat comme vous le ferez chaque année.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-72.
M. Guy Fischer. A la lecture de cet amendement, vous aurez compris que, comme pour le précédent, il s'agit d'un amendement d'appel.
Nous avons déjà eu la réponse de M. le secrétaire d'Etat, elle ne nous surprendra donc pas.
Nous souhaitons, nous aussi, qu'au cours des prochains exercices budgétaires des réponses puissent être apportées à cet égard, tout en sachant que le ministère de la défense est également concerné.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Sans aucune brutalité, je vais indiquer les raisons pour lesquelles, comme je l'ai dit, j'invoque l'article 40.
Tout d'abord, sur le fond, chacun s'accorde, ici et dans le monde combattant, à dire combien il serait utile que la France examine cette question sous l'angle de ses responsabilités morales, de son devoir moral. Chacun soucrit à cette idée.
Mon devoir est donc maintenant de faire des propositions qui soient compatibles avec les réalités budgétaires.
L'approche en termes de pouvoir d'achat me paraît mériter l'attention, car la réparation s'exprime aussi en ces termes. Toutefois, comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure à la tribune, il faut essayer de conduire une politique globale. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas annoncé à votre Haute Assemblée, comme j'en avais exprimé l'intention à un moment donné, la levée de la mesure de forclusion concernant la retraite du combattant, qui est en vigueur depuis 1995.
A la suite de discussions très légitimes au sein du Gouvernement, il est apparu qu'il fallait plutôt avoir une approche globale de ce dossier.
Par conséquent, ne disposant pas aujourd'hui des moyens budgétaires me permettant de répondre, même partiellement, aux demandes de MM. Lesbros et Fischer, monsieur le président, j'invoque également l'article 40 de la Constitution sur ces deux amendements.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je souhaitais entendre les explications du Gouvernement. C'est chose faite !
L'article 40 est applicable, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, les amendements n°s II-1 et II-72 ne sont pas recevables.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° II-60, est présenté par Mme Printz, MM. Hesling, Estier, Chabroux, Courrière et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Le second, n° II-84, est déposé par MM. Hoeffel, Richert, Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'Etat s'engage à indemniser les Alsaciens-Mosellans incorporés de force dans les organisations para-militaires du régime nazi.
« II. - La taxe sur les tabacs est augmentée à due concurrence. »
La parole est à Mme Printz, pour défendre l'amendement n° II-60.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement concerne l'indemnisation des Alsaciens et des Mosellans incorporés de force dans les organisations paramilitaires du régime nazi.
M. le secrétaire d'Etat nous a fait savoir qu'il ne serait pas possible d'obtenir une indemnisation, ce que je regrette vivement. Je sais bien que cette décision n'est pas de son fait puisque les crédits font défaut. Mais j'aimerais bien que cette question soit réexaminée l'année prochaine.
J'attends donc que M. le secrétaire d'Etat me donne des explications complémentaires.
M. le président. La parole est à M. Herment, pour défendre l'amendement n° II-84.
M. Rémi Herment. Il s'agit de la même demande, monsieur le président.
Mes collègues signataires de cet amendement préconisaient, pour leur part, l'instauration d'une taxe sur les tabacs pour régler le problème de l'article 40 invoqué par M. le secrétaire d'Etat. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je comprends bien le sentiment qui anime les élus d'Alsace et de Moselle s'agissant de cette question qui les concerne très directement. Mais, actuellement, je ne dispose pas des moyens budgétaires nécessaires.
Il me reste à faire preuve de beaucoup de pugnacité dans les semaines ou les mois à venir pour savoir comment il est possible, malgré tout, d'engager la procédure d'indemnisation des personnes incorporées de force dans le Reichsarbeitsdienst et le Kriegshilfsdienst, notamment de ces jeunes femmes qui ont été contraintes de porter un uniforme, parfois la croix gammée, et donc de connaître les difficultés que l'on peut imaginer et dont la presse se fait l'écho encore aujourd'hui. Ainsi, Madame Printz, le dernier numéro de Marie-Claire, celui du mois de décembre, consacre plusieurs pages à la situation de ces femmes pendant cette période.
Je regrette vivement de ne pouvoir vous donner satisfaction. Je vous exonère de toute responsabilité au regard du Journal officiel s'agissant de cette question. Chacun a fait le maximum, et tous les élus, tous les parlementaires, tous les groupes se sont engagés sur cette question. Pour moi, je le répète, c'est un échec. Ou bien je baisse les bras ou bien j'essaie encore d'avancer : je vais m'efforcer encore d'avancer.
Toutefois, n'ayant pas les moyens budgétaires d'engager la mise en oeuvre d'une bonne réponse, j'invoque l'article 40 sur ces deux amendements.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, les amendements n°s II-60 et II-84 ne sont pas recevables.
Par amendement n° II-69, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le quatrième alinéa du I de l'article 2 de la loi n° 96-126 du 21 février 1996 portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, après les mots : "postérieurement au 1er janvier 1999" sont ajoutés les mots : "et avant le 1er janvier 2000". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Au-delà des sensibilités politiques qui s'expriment dans cet hémicycle, je souhaite que cet amendement soit adopté, car il conditionne l'application de la disposition que vous avez acceptée l'an dernier et qui permet d'accorder le bénéfice de l'ARPE aux anciens combattants qui se sont vu refuser l'application de cette mesure en 1999.
Je vous demande, sans engagement idéologique ou politique, tout simplement sous l'angle pratique, de nous permettre de donner satisfaction à un certain nombre de demandes. Aussi, je souhaite que cet amendement soit adopté à l'unanimité par le Sénat.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne reviendrai pas sur les critiques que j'ai formulées l'année dernière à l'encontre de vos services, qui avaient sans doute quelque peu confondu vitesse et précipitation, ce qui explique que nous soyons dans une telle situation cette année.
Cela étant dit, je ne peux qu'émettre un avis favorable sur cet amendement, car on ne peut faire autrement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-69, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 66.

Article 66 bis



M. le président.
« Art. 66 bis. - L'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est complété par un alinéa ainsi rédigé :
Le 1er janvier 2000, les pensions d'invalidité visées au premier alinéa du présent article sont revalorisées de 1,5 % dans la limite des émoluments qui résultent de l'application de la valeur du point de l'ensemble des autres pensions militaires d'invalidité. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-71 rectifié, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est abrogé.
« II. - La valeur du point d'indice des pensions auxquelles ont été appliquées les dispositions de l'article 120 II de la loi de finances n° 90-1168 du 29 décembre 1990 est rétablie au niveau auquel elle aurait été fixée en l'absence de ces dispositions.
« III. - Les droits perçus en application des articles 575 A et 575 B du code général des impôts sont relevés à due concurrence des pertes et des recettes résultant des I et II ci-dessus. »
Par amendement n° II-36, M. Cléach propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 66 bis pour compléter l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre :
« Le 1er janvier 2000, les pensions d'invalidité visées au premier alinéa du présent article sont revalorisées dans la limite des émoluments qui résultent de l'application de la valeur du point de l'ensemble des autres pensions d'invalidité, de manière à compenser intégralement l'absence de revalorisation intervenue entre le 1er janvier 1991 et le 31 décembre 1994 en application du premier alinéa. »
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-71 rectifié.
M. Guy Fischer. Il s'agit, là encore, d'un amendement d'appel. Le dossier des grands invalides de guerre est très douloureux. Il est vivement défendu par l'ensemble des associations d'anciens combattants.
Dans un premier temps, monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez envisagé de résoudre le problème en trois années, voire quatre. Tout à l'heure, vous avez évoqué la possibilité de le résoudre définitivement entre 2001 et 2002.
En l'occurrence, nous lançons un appel pour que ce dossier soit définitivement réglé dans le projet de loi de finances pour 2001.
M. le président. La parole est à M. Cléach, pour défendre l'amendement n° II-36.
M. Marcel-Pierre Cléach. Puisque M. le secrétaire d'Etat a indiqué tout à l'heure, comme je l'avais pressenti, qu'il invoquerait l'article 40, je ne développerai pas plus avant cet amendement, qui va exactement dans le sens des propos que vient de tenir M. Fischer et de ce que j'ai dit tout à l'heure sur la revalorisation des pensions des grands invalides à la suite du « gel ».
Il s'agit d'un problème essentiel, d'un problème moral ; le Gouvernement doit s'attacher à le résoudre très rapidement.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. J'ai rappelé tout à l'heure l'engagement que j'avais pris l'an dernier, à savoir faire en sorte que ce dossier, sinon prioritaire, en tout cas très important, fasse l'objet du débat sur le projet de loi de finances pour 2000.
Nous n'avançons peut-être pas aussi vite que vous le souhaiteriez, et probablement pas aussi rapidement que le souhaitent les invalides eux-mêmes. Je le comprends bien. L'important, c'est qu'une avancée ait été réalisée dans le budget pour 2000, avancée qui nécessairement prolongée dès 2001.
Franchement, si cette question peut être définitivement réglée, l'an prochain d'un bloc, je le proposerai lors des arbitrages budgétaires du Gouvernement. Ce matin, je ne peux aller au-delà de ce qui a été voté par l'Assemblée nationale dans le projet de loi de finances.
Par conséquent, comme je l'ai annoncé, j'invoque l'article 40 sur ces deux amendements.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. En l'occurrence, le Gouvernement ne confond pas vitesse et précipitation. J'espère que cette question sera résolue l'année prochaine. Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été proposé par M. le secrétaire d'Etat.
Cela étant dit, s'agissant de ces deux amendements, l'article 40 est applicable.
M. le président. En conséquence, les amendements n°s II-71 rectifié et II-36 ne sont pas recevables.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 66 bis.

(L'article 66 bis est adopté.)

Article 66 ter



M. le président.
« Art. 66 ter. - Les pensions des sous-lieutenants admis à la retraite avant le 1er janvier 1976 peuvent être révisées sur la base des émoluments du grade de major en tenant compte de l'ancienneté de service détenue par les intéressés à la date de la radiation des cadres.
« La pension des intéressés et celle de leurs ayants cause sont révisées avec effet au 1er janvier 2000. » - (Adopté.)
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les anciens combattants.
Mes chers collègues, je veux tous vous remercier de la haute tenue de ce débat. Je remercie également le Gouvernement de son apport à ce débat toujours douloureux et si important pour la cohésion de la nation.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 83 de la loi de finances pour 1995, le rapport décrivant les opérations bénéficiant de la garantie de l'Etat au titre des exercices 1997-1999.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.

Culture



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de la culture pour 2000 paraît, à première vue, flatteur.
En termes de dépenses ordinaires et de crédits de paiement afférents aux autorisations de programme, il croît en effet deux fois plus vite que celui de l'Etat, soit de 2,09 %, contre 0,9 %.
Avec 329 millions de francs supplémentaires, il atteint 16,039 milliards de francs : nous voilà donc tout près, avec 0,98 % du budget de l'Etat, contre 0,95 % en 1998 et 0,97 % en 1999, de ce mythique « 1 % de la culture ».
Français, encore un effort, si vous voulez être républicains,... donc cultivés, pourrait-on dire en prolongeant la formule célèbre d'un écrivain maudit passé de l'enfer de la Bibliothèque nationale au paradis de celle de la Pléiade. (Sourires.)
Les autorisations de programme, en peu d'années, augmentent, pour leur part, de 4,64 % pour atteindre 3,702 milliards de francs. Cette évolution correspond à un léger tassement des crédits de paiement, qui diminuent de 0,08 % pour s'établir à 3,556 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000, contre 3,559 milliards de francs l'an dernier.
Notons aussi la volatilité des autorisations de programme : elles ont augmenté de 20 % en 1998, diminué de 4,91 % en 1999 et elles progresseront de nouveau de 4,64 % en 2000. Mais ne chipotons pas. La majorité sénatoriale n'a pas la religion de la dépense budgétaire.
Elle a cru néanmoins pouvoir se réjouir, s'agissant de la culture, qui ne saurait la laisser indifférente, du fait que la marche en avant ait repris et que, en 1999, ce budget n'ait pas eu à subir, en cours d'année, de régulation, contrairement à ce qui s'était passé en 1997 et en 1998.
Hélas ! au moment même où j'écrivais ces lignes, j'ai eu la surprise, madame la ministre, de découvrir que l'arrêté annexé au projet de loi de finances rectificative annule pratiquement 70 millions de francs de crédits.
Certes, les ouvertures nettes s'élèvent à près de 323 millions de francs, mais elles correspondent aux dépenses relatives à la célébration de l'an 2000 - qui sont, par nature, interministérielles - et à la rénovation, qui était urgente, des bibliothèques municipales.
Pour autant fallait-il gager ces dépenses à raison d'annulations de crédits de 21 millions de francs sur le chapitre 43-92 relatif aux achats d'oeuvres d'art et de 48,43 millions de francs sur le chapitre 56-20 concernant le patrimoine monumental ?
J'aimerais, madame la ministre, que vous puissiez justifier ces annulations, qui portent sur des secteurs sensibles auxquels le Sénat attache une importance toute particulière.
Les priorités affichées n'appellent pas non plus de critiques de principe, même si le patrimoine, qui avait été bien traité en 1998 et en 1999, n'apparaît pas au premier plan.
Ces priorités sont au nombre de trois.
La première va aux dépenses d'intervention du titre IV, qui bénéficient de 172 millions de francs sur les 369 millions de francs supplémentaires prévus, avec deux mesures phares : la poursuite de l'effort en faveur du spectacle vivant - les 80 millions de francs de cette année s'ajoutent aux 110 millions de francs de mesures nouvelles qui marquent le budget de 1999 - et la démocratisation culturelle, avec notamment l'extension de la gratuité d'accès pour les jeunes dans les monuments historiques et sa généralisation le premier dimanche de chaque mois dans tous les musées.
La deuxième priorité, qui ne peut que recueillir l'approbation de la Haute Assemblée, porte sur le rééquilibrage entre Paris et les régions. Les subventions à la réalisation d'équipements culturels locaux passent ainsi, en autorisations de programme, de 379 millions de francs à 490 millions de francs. Ce budget prévoit donc, pour les équipements culturels en régions, 540 millions de francs, soit un montant du même ordre de grandeur que celui qui est prévu pour Paris, à savoir 563 millions de francs. Cette évolution est favorisée, comme nous allons le voir, par l'achèvement des grands chantiers de l'ère post-mitterrandienne.
La troisième priorité concerne les créations d'emplois, qui sont, cette année, au nombre de deux cent quatre-vingt-quinze, contre deux en 1999 et vingt-sept en 1998. Sur ce total, deux cent soixante-trois sont consacrées à la résorption de ces fameux emplois précaires qui ont été à l'origine des grèves dans les monuments historiques et les musées l'été dernier, au grand dam des touristes et des finances de la RMN, la Réunion des musées nationaux, qui a perdu 16 millions de francs, dont la moitié pour le seul Louvre. Il est aussi prévu deux cent six postes pour la surveillance dans les musées et à la Bibliothèque nationale de France.
Tout va-t-il désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes culturels ? Le budget du ministère de la culture permettra-t-il, à l'avenir, de faire face aux charges nées des grandes opérations lancées dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix et de continuer à aider la création vivante ? Ce serait évidemment miraculeux.
Aussi accepterez-vous sans doute, madame la ministre, que je formule maintenant quelques observations critiques, ou dubitatives, qui font partie de la mission d'un rapporteur spécial.
Dans cet exposé introductif, je me contenterai de traiter trois points, chacun d'eux étant relatif à l'une de vos trois priorités. Ceux de nos collègues qui auront eu la curiosité de parcourir le rapport écrit en auront trouvé quelques autres qui ne sont pas moins dignes d'intérêt et qui feront l'objet d'investigations approfondies l'année prochaine ou la suivante.
J'attendrai de même les débats sur les textes à venir sur les fouilles archéologiques ou la protection des trésors nationaux, depuis longtemps annoncés et dont nous réclamons impatiemment le dépôt, pour vous faire part des observations de la commission des finances si, comme je l'espère, celle-ci se saisit pour avis.
En ce débat budgétaire, je me contenterai donc de formuler trois observations.
Ma première observation a trait à la priorité donnée aux spectacles vivants, donc aux subventions correspondantes. Il faudrait, à mon sens, mettre en place des outils plus performants de suivi de la dépense, sans quoi, on risque de tomber dans un travers bien connu, c'est-à-dire la persistance d'une prospère clientèle d'abonnés aux subventions publiques, semblables à ces colonies de procaryotes qui prolifèrent auprès des sources de chaleur, au fond des mers.
On attend toujours le décret harmonisant la présentation des comptes des théâtres nationaux et créant des conseils d'administration délibérants. On souhaiterait des tableaux de bord homogènes pour suivre l'exécution budgétaire. Certes, des progrès ont été accomplis, et votre direction unifiée de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles s'y emploie. Néanmoins, dans les grands établissements culturels, dont les dépenses de fonctionnement, je le rappelle, s'échelonnent de 90 millions de francs pour le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris à 871 millions de francs pour l'Opéra, on tarde encore à mettre en place une comptabilité analytique digne de ce nom.
La déconcentration des crédits est souhaitable, et elle s'accélère. En 1999, elle a porté sur près de 45 % de la dépense, hors charges en personnel, dotations décentralisées et dotations des établissements publics, contre 30 % en 1997. Encore faudrait-il pouvoir suivre l'utilisation de ces crédits, et la refonte de vos logiciels « Ensemble » en régions et « SIAD » à l'administration centrale en un nouvel outil appelé « Quadrille » ne sera pas terminée en 2000.
Ma deuxième observation concerne le processus de résorption de l'emploi précaire, qui porte sur 450 agents cette année. D'ici à cinq ans, c'est la situation de 2 000 salariés qui devra être régularisée. Gigantesque effort, pour un ministère grand par la pensée, modeste par les moyens ! Mais c'est ce décalage entre celle-là et ceux-ci qui crée une menace perpétuelle de débordements. Est-on sûr que l'on ne recrutera pas subrepticement, pour répondre à l'urgence, par commodité décentralisée, de nouveaux vacataires ? Votre directeur de l'administration générale, dont je ne mets pas en doute la compétence et l'obstination, affirme s'y employer. Sera-t-il suivi ? Il y a encore trop d'emplois précaires dans vos services et dans vos établissements, ce qui nuit au moral des personnels, comme j'ai pu le constater lors de la récente réunion du conseil d'orientation du Centre Georges-Pompidou - très habilement présidé par notre collègue M. Vidal - dont je salue au passage la magnifique rénovation en voie d'achèvement.
Au-delà même des problèmes statutaires, c'est le décalage entre les ambitions monumentales et la pauvreté fonctionnelle qui est la plaie de votre ministère. Certes, ces ambitions ne sont pas le fait du seul ministre de la culture, chacun le sait. Mais à quoi bon multiplier les opérations de prestige si l'intendance ne suit pas ? Le Grand Louvre est redevenu le premier musée du monde, dont la splendeur fait honneur à la France. Hélas ! faute de gardiens, il faut fermer des salles par rotation, ce qui n'empêche pas les vols, et vous en serez réduite, par manque de caisses ou de moyens d'accès, à créer six emplois d'animateur ou animatrice de files d'attente en l'an 2000. Surréaliste et charmante dénomination !
J'en viens à ma troisième observation, qui confirme sur le plan des investissements ce qui vient d'être dit sur le plan du fonctionnement.
Le rééquilibrage entre Paris et la province, qui nous réjouit, est dû pour une grande part, l'enveloppe des grands équipements étant constante, à l'achèvement des opérations parisiennes - musée Guimet, théâtre de l'Odéon, Centre Georges-Pompidou, Grand Louvre - mais aussi à des retards de programmation, voire à des bavures, comme celle du Grand Palais. La baisse des crédits affectés à cette opération casse-tête, qui vise sans doute à se donner le temps de la réflexion, a permis de donner une impulsion à certains projets régionaux. La dimension de ceux-ci est au surplus modeste, sauf dans le cas du Cargo de Grenoble et du centre fantôme de la mémoire contemporaine à Reims. Au fait, madame la ministre, ce fantôme rémois s'évanouira-t-il définitivement ?
A tant faire, vous auriez pu profiter de l'occasion pour vous montrer plus généreuse pour le patrimoine rural non protégé, dont les crédits restent fixés à 35 millions de francs, ou pour l'entretien du patrimoine monumental, dont le budget, en stagnation pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat, n'augmente, pour ceux qui relèvent de celui-ci, que de 3 millions de francs pour 150 millions de francs de dépenses : une fois encore, on préfère investir plutôt qu'entretenir, guérir plutôt que prévenir. Nous imitons ces Persans du xviie siècle, dont le voyageur Jean-Baptiste Tavernier écrivait qu'ils « aiment mieux faire un bâtiment nouveau que d'en relever un vieux qu'ils laissent tomber en ruine faute de quelques réparations de peu d'importance ».
Et s'il ne s'agissait que d'entretien défaillant ! J'ai visité récemment certains chantiers avec M. Scanvic, directeur de l'administration générale, et M. Moreno, directeur de l'EPMOTC, l'établissement public chargé de la maîtrise d'ouvrage des travaux culturels. Instructive visite !
Première étape, l'immeuble dit des Bons-Enfants, qui doit accueillir les services de votre ministère, actuellement dispersés sur dix-neuf sites, qui coûtent à l'Etat 30 millions de francs de loyers par an.
Cet ancien entrepôt des grands magasins du Louvre a été abandonné en 1989 par le ministère des finances, qui y a dépensé 160 millions de francs en pure perte. De 1989 à 1994, rien ne s'est passé, sinon une mise aux enchères publiques infructueuse. En février 1994, il est affecté au ministère de la culture, et le choix de l'architecte intervient en 1995. Le chantier est confié à l'EPMOTC en janvier 1998. Douze ascenseurs dorment dans des caisses depuis des années, l'édifice n'est habité que par les pigeons, et 350 millions de francs en autorisations de programme ont été affectés à cette opération.
Il est peu probable, compte tenu des délais de passation des marchés, que les travaux commencent avant 2002. Quant à l'emménagement du ministère, il est prévu pour 2003. Bien entendu, deux départements ministériels et plusieurs gouvernements ont participé à ce gâchis : voilà 18 000 mètres carrés au coeur de Paris laissés à l'abandon depuis près d'une décennie !
Deuxième étape de cette tournée, le Grand Palais, fermé depuis la chute d'un boulon en 1994. Il tend en effet à « piquer du nez » vers la Seine et à se disloquer.
En autorisations de programme, le financement de la première phase de consolidation de la nef et de l'aile sud est inscrit dans les documents budgétaires pour 400 millions de francs. Le coût de la réalisation de la seconde phase est évalué à 384 millions de francs, et une nouvelle autorisation de programme de 30 millions de francs a été prévue dans ce projet de loi de finances.
Le coût de cette opération lourde a de grandes chances de déraper, en raison notamment de certains contentieux qui ont donné lieu à la nomination d'un médiateur. Mais, surtout, rien n'est prévu quant à l'utilisation future de cet équipement, que presque tous ses occupants ont déserté. Voilà 140 000 mètres carrés culturels, dont 18 000 pour la seule nef, auxquels il faudrait ajouter les 17 000 mètres carrés du Palais de la découverte, situés dans un endroit combien prestigieux, et dont l'avenir n'est pas déterminé ! La Foire internationale de l'art contemporain se tient désormais porte de Versailles et s'y trouve bien. Même les galeries nationales du Grand Palais, qui fonctionnent encore dans l'aile nord, pourraient déménager.
Poursuivant ma tournée, je me suis rendu au Palais de Tokyo, inauguré pour l'exposition de 1937 par Léon Blum et qui a abrité le Musée national d'art moderne jusqu'en 1976. Ce palais aurait dû accueillir le musée et l'école du cinéma, mais vous avez décidé leur transfert à Bercy, dans l'immeuble de l'American Center. Ainsi, 30 millions de francs de crédits d'études pour la création du Musée du cinéma ont donc été dépensés en pure perte.
Actuellement, vous songez à affecter un plateau de 3 000 mètres carrés à la réalisation d'un centre d'exposition de la jeune création française, ou plutôt de la jeune création en France. Un tel lieu manque cruellement à Paris, comme en témoigne le rapport n° 330 de la commission des finances du Sénat sur le marché de l'art. Vous avez prévu 17 millions de francs d'autorisations de programme et 2 millions de francs de crédits de paiement à cet effet.
Restent donc sans affectation prévisible 30 000 mètres carrés au Palais de Tokyo, dont 20 000 seraient pourtant facilement utilisables.
On pourrait continuer l'énumération : quid du MAAO, le Musée des arts africains et océaniens, qui va être vidé de ses collections au profit du futur Musée des arts et civilisations voulu par le Président de la République et qui sera situé quai Branly ? Ce magnifique souvenir de l'exposition coloniale de 1931 et du maréchal Lyautey, qu'en ferez-vous ? Ce sont donc des centaines de mètres carrés qui vont encore se trouver à l'abandon.
Au total, plus de 100 000 mètres carrés de lieux culturels font actuellement l'objet de travaux engagés par l'EPMOTC. Il faudrait y ajouter les quelque 140 000 mètres carrés du Grand Palais, et ce sans tenir compte des surfaces à réaménager du MAAO et du Musée de l'homme.
Cette tendance à ouvrir sans cesse des lieux nouveaux et à délaisser les anciens n'est pas propre aux arts plastiques. La musique aussi aime à se disperser. Pour m'en tenir à la capitale, et sans revenir sur la multiplicité des salles lyriques, je dirai que la musique symphonique succombe à son tour à ce vertige : nous avons un orchestre sans toit, l'Orchestre de Paris, depuis la vente de la salle Pleyel, et plusieurs projets concurrents de salles de concert, sans garantie quant au taux de remplissage.
Je ne voudrais pas terminer cet exposé introductif à notre débat sans ajouter à mes trois points un codicille, que je ne développerai pas, car tout le monde sait bien de quoi il s'agit.
Madame la ministre, où en est-on avec la Bibliothèque nationale de France ? Cet établissement, le dernier des grands travaux du président Mitterrand, va-t-il enfin, et dans quel délai, répondre aux espoirs ? La « galère informatique » va-t-elle bientôt se terminer ? Pouvez-vous, au surplus, nous expliquer dans quelles conditions la société Cap Gemini a quitté cette galère, et si elle a été pénalisée ?
En conclusion, le rapporteur que je suis porte sur ce projet de budget un jugement nuancé. Au cours des entretiens et des visites que j'ai pu faire, j'ai cru déceler chez les responsables du ministère et des organismes qui en dépendent une volonté affirmée de rompre avec la tentation de la facilité et du spectaculaire. Nous devons aussi tenir compte des rigidités structurelles et psychologiques auxquelles vous devez faire face. La commission des finances, sur mon rapport, a donc donné un avis favorable à l'adoption de ce budget... au bénéfice du doute ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers colègues, le projet de budget du ministère de la culture peut s'apprécier de deux manières, selon que l'on examine son évolution globale ou la manière dont il répond aux missions qui lui sont dévolues depuis l'origine, en France. J'examinerai donc tour à tour ces deux aspects - l'évolution globale, d'une part, la démocratisation de la culture à travers votre budget, d'autre part - afin d'apporter à notre assemblée l'éclairage le plus complet possible sur ce projet de budget.
S'agissant tout d'abord de l'évolution globale, le budget de la culture s'élèvera, pour l'an 2000, à 16,39 milliards de francs, soit une hausse de 2,1 % par rapport à la loi de finances de 1999.
Globalement, le chiffre est satisfaisant puisque le budget de l'Etat n'augmente lui-même que de 0,9 %. Une ombre, un soupçon d'inquiétude apparaissent néanmoins, madame la ministre, dans la mesure où, si j'ose dire, vous avez trop bien fait les années précédentes pour que nous ne soyons pas sensibles, cette année, à la décélération de la progression de vos crédits : 2,1 %, contre 3,8 % en 1998 et 3,5 % en 1999. Il faut souhaiter, eu égard à l'importance que revêt pour la Haute Assemblée la culture dans notre pays, que cette décélération ne se poursuivra pas l'année prochaine.
J'ai noté que cette évolution se fait à structure budgétaire constante, ce qui est une excellente chose : c'est un point que j'avais d'ailleurs déjà souligné l'an dernier. Les compétences de votre ministère sont désormais stabilisées et, de surcroît, les grands travaux sont pour l'essentiel achevés en investissements - naturellement, nous reviendrons tout à l'heure sur leur coût de fontionnement - ce qui vous confère une marge de manoeuvre accrue, d'autant que vous avez su préserver des convoitises d'autres administrations l'enveloppe budgétaire qui vous est dévolue. Il convient de souligner l'exploit d'un ministère qui parvient à conserver son budget alors même que les aléas de ses fonctions ont beaucoup évolué.
Il importe de noter également le caractère satisfaisant des conditions d'exécution de la loi de finances : les reports de crédits ont été modestes et les annulations symboliques, avec 67 millions de francs seulement.
Nous avions souligné à plusieurs reprises devant la Haute Assemblée à quel point les opérations consistant, en cours d'année, à faire de ce budget une variable d'ajustement enlevaient toute efficacité au contrôle parlementaire exercé lors du vote de la loi de finances. Il n'en a rien été en 1999, comme d'ailleurs - je tiens à le rappeler - l'année précédente.
En résumé, ce budget représentera 0,98 % du budget de l'Etat, contre 0,97 % l'année dernière. Je ne suis pas de ceux qui cèdent au fétichisme du 1 % culturel, seuil symbolique réclamé voilà plus de trente ans par Jean Vilar. En effet, d'une part, l'Etat affecte hors ce budget, à peu près la même somme à l'action culturelle à travers d'autres ministères et, d'autre part - il convient ici plus qu'ailleurs de le souligner avec force - les collectivités locales consacrent chaque année, pour autant qu'on puisse le savoir, à peu près autant de crédits que l'Etat à travers l'ensemble de ses ministères pour soutenir la diffusion culturelle en France, soit 37 milliards de francs. Il était, à mes yeux, important de le dire ici au Sénat, et je reviendrai tout à l'heure sur ce point, notamment à propos du patrimoine.
Si l'on détaille l'évolution des différents chapitres, on constate que la progression du budget pour l'an 2000 profitera plus aux dépenses ordinaires qu'aux dépenses en capital, alors que, l'année dernière, la progression était à peu près équivalente pour les unes et les autres.
Les dépenses ordinaires augmentent de 2,73 % ; il s'agit, je le rappelle, du titre III - « Moyens des services » - et du titre IV - « Dépenses d'intervention publique » - qui s'élèveront à 12,482 milliards de francs. Les dépenses en capital, en revanche, restent quasiment identiques, avec 3,556 milliards de francs ; contre 3,559 milliards de francs.
L'évolution des dépenses ordinaires reflète, en fait, une double action du ministère qui ne peut que recueillir l'accord de la Haute Assemblée.
Il s'agit, tout d'abord, de la résorption de l'emploi précaire, que le titre III et les crédits importants qu'il prévoit vont permettre, à la fois par la création et la transformation de postes. Le nombre excessif d'emplois précaires, notamment dans les musées et à la Bibliothèque nationale de France, avait eu de graves conséquences sur le fonctionnement de ces institutions, comme nous l'avions constaté l'année dernière. Il était donc essentiel, en termes à la fois de progrès social et d'efficacité dans l'accueil du public, que cette politique soit enfin dotée des moyens qu'elle méritait. C'est le cas dans le budget de cette année, ce qui explique la hausse des dépenses du titre III.
Par ailleurs, les subventions de fonctionnement aux établissements publics, figurant au titre IV, progressent de 2,1 % si l'on enlève de l'augmentation les crédits nécessaires à la résorption des emplois précaires. Un effort significatif est consenti en faveur du spectacle vivant - plus 4,3 % - et de la création artistique, avec une augmentation de 5 % en faveur du Centre national des arts plastiques, ce qui est symbolique et important tout à la fois.
Une inquiétude se fait jour néanmoins pour l'avenir, avec la montée en puissance du coût des grandes institutions. Je ne citerai à cet égard que le seul exemple de la Bibliothèque nationale de France, que j'ai particulièrement développé dans mon rapport écrit, à la suite de la visite effectuée dans cette institution par la commission des affaires culturelles et de la longue et fructueuse discussion que les membres de cette dernière ont eue avec le président et la direction.
La subvention versée par le ministère de la culture à la Bibliothèque nationale de France s'élève à 620 millions de francs, en progression de 3 %, somme à laquelle il convient d'ajouter 300 millions de francs qui, destinés aux dépenses de personnel, sont imputés sur votre budget et sur celui de l'éducation nationale ; le total s'élève donc à 920 millions de francs, sans compter l'investissement ; c'est évidemment une somme tout à fait considérable qui, année après année, va peser sur l'évolution du ministère.
En ce qui concerne le titre IV, les crédits d'intervention sont importants, car ils reflètent les orientations de votre politique culturelle. Ils progressent de 2,58 %. Un certain nombre de mesures nouvelles permettent d'apprécier les priorités que vous avez données à votre budget et qui ont recueilli l'assentiment de la commission des affaires culturelles : le spectacle vivant, un plan social pour les bourses accordées aux élèves des écoles d'architecture, la diffusion du patrimoine à travers la gratuité, et les enseignements artistiques.
Les dépenses en capital, en revanche, reflètent un double mouvement.
Tout d'abord, leur progression est quasiment inexistante, compte tenu de leur stagnation d'une année sur l'autre, bien qu'il faille opérer une distinction entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. Globalement, ces crédits n'augmentent pas, mais, comme je l'ai expliqué, c'est au profit des dépenses ordinaires, ce qui, en soi, n'est pas critiquable.
Par ailleurs, une évolution plus positive, du moins pour la majorité de notre assemblée, concerne la poursuite du rééquilibrage en faveur de la province. Très schématiquement, 51 % des crédits sont destinés à Paris et 49 % à la province. Cela signifie qu'un certain nombre de grands équipements de province pourront être aidés. L'arrêt des grands travaux parisiens a facilité cette évolution. Elle permettra néanmoins de financer les équipements culturels en province et d'augmenter les subventions aux monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. L'augmentation de plus de 25 % est tout à fait appréciable.
La finalité de votre projet de budget, madame la ministre, est la démocratisation de la culture. Ce souhait a rencontré, depuis quelques années, l'assentiment de la Haute Assemblée.
Les décisions prises à travers ce projet de budget permettent tout d'abord de renforcer l'accès de tous à la culture, qui, depuis Malraux, est le critère, la pierre de touche de ce budget : « Rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français », disait-il.
Jusqu'à présent, le spectacle vivant était privilégié. Pour 2000, trois autres domaines font l'objet d'un effort soutenu, mais à certains égards insuffisant : le patrimoine, les musées et les enseignements artistiques.
L'élargissement de l'accès au patrimoine est évidemment l'un des axes d'une politique de démocratisation.
Le succès des journées du patrimoine a montré combien nos concitoyens étaient attachés à la visite du patrimoine de leur ville, de leur province, de leur pays. Ce projet de budget prévoit l'extension de la gratuité d'accès aux monuments gérés par la Caisse nationale des monuments historiques, dont le coût - c'est assez rare pour être souligné - sera compensé intégralement. L'Etat n'essaie pas de faire de la trésorerie sur le coût de ses institutions, ce qui est méritoire. Une somme de 15 millions de francs a été affectée à cette opération tout à fait intéressante.
En revanche, l'effort de conservation du patrimoine semble se relâcher. Si, comme je l'ai indiqué à l'instant, les dotations pour le patrimoine historique n'appartenant pas à l'Etat augmentent dans des proportions tout à fait substantielles - 24,9 % - une faiblesse importante se fait cependant jour dans ce projet de budget, avec l'insuffisance criante des crédits affectés au patrimoine rural non protégé.
La France possède un patrimoine tout à fait exceptionnel que nos concitoyens aiment visiter et à la remise en valeur duquel les communes et les départements consacrent, année après année, des crédits croissants. Malheureusement, la somme prévue au projet de budget pour 2000 n'est que de 34,5 milliards de francs, soit, en moyenne, 1,5 million de francs par région. Ce n'est pas même le coût de la rénovation d'une église ! Il serait par conséquent essentiel, madame la ministre, que, année après année - on ne peut bien évidemment pas rattraper le retard sur un seul exercice - les crédits affectés au patrimoine rural non protégé puissent être soutenus par l'Etat comme ils le sont par les départements et par les régions.
J'en viens au deuxième axe en matière de démocratisation, à savoir le renforcement de la diffusion culturelle qu'assurent les musées ; la fréquentation de ces derniers a augmenté considérablement, progressant, de 1997 à 1998, de 7,1 % dans les musées nationaux, de 11 % au musée d'Orsay et de 10,7 % au Louvre.
En 1998, les entrées gratuites dans les musées nationaux ont représenté un peu plus de quatre millions de visiteurs supplémentaires. C'est essentiel.
De même, madame la ministre, vous avez prévu un rééquilibrage important des crédits en faveur des musées de province, ce dont il convient de se féliciter. Les collectivités locales font, là encore, un effort qui méritait d'être soutenu.
C'est d'autant plus important que nous connaissons les limites financières et juridiques de la politique d'enrichissement des collections. Compte tenu du marché de l'art aujourd'hui, ce n'est pas le budget de l'Etat qui permettra de mener une politique d'acquisition ambitieuse. Peut-être faudra-t-il - mais ce sera sans doute l'objet d'un prochain rapport - étudier d'autres manières de financer les acquisitions dans les musées français.
Le troisième et dernier axe essentiel en matière de démocratisation est le développement des enseignements artistiques : ce budget prévoit une progression globale de 6,7 % des crédits qui y sont affectés, avec des opérations tout à fait intéressantes telles que le programme de musique à l'école ou le programme de généralisation des ateliers d'expression artistique dans les lycées.
La commission des affaires culturelles a estimé que, malgré les retards accumulés depuis de nombreuses années et les insuffisances, un effort tout à fait soutenu existait sur les trois axes que constituent l'élargissement de l'accès au patrimoine, le renforcement du rôle de diffusion culturelle des musées et le développement des enseignements artistiques.
C'est donc en raison tant de l'évolution globale du budget de la culture que des axes que je viens de détailler en matière de démocratisation que la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la culture pour 2000. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, avant d'aborder l'analyse comptable des crédits du cinéma, j'évoquerai en quelques mots la situation économique de ce secteur, situation qu'il faut qualifier de contrastée. En effet, en dépit de certaines évolutions très positives, des signes de faiblesse demeurent.
Avec 170 millions d'entrées en 1998, soit 14 % de plus que l'année précédente, le redressement de la fréquentation est confirmé. Les salles multiplexes ont joué un rôle déterminant dans cette évolution ; elles représentent 12 % seulement de l'offre cinématographique, mais 22 % de la fréquentation. On a assisté, cette année, à une intensification du développement de ce nouveau type de salles. Faut-il s'inquiéter de ce phénomène ? Les conclusions du rapport que vous avez confié au conseiller d'Etat M. Francis Delon seront sans doute éclairantes, madame la ministre. Après les appréciations que j'ai pu recueillir à l'occasion des auditions auxquelles j'ai procédé à l'occasion de la préparation de mon rapport, il m'apparaît désormais que les salles multiplexes sont devenues un « mal nécessaire ».
Cependant, il apparaît également - et cela rejoint ma conviction - que la transposition des règles de l'urbanisme commercial à l'exploitation cinématographique constitue une solution peu adaptée.
Des améliorations devront sans doute être apportées au dispositif adopté en 1996. En dépit de la circulaire que vous avez adressée aux préfets, madame la ministre, les préoccupations d'aménagement du territoire sont insuffisamment prises en compte par les commissions départementales d'équipement cinématographique, les CDEC. Ne pourrait-on pas envisager de délivrer les autorisations sous réserve, pour les exploitants, de respecter un cahier des charges ? Il me semblerait souhaitable d'envisager de substituer aux commissions départementales des commissions au niveau régional. Enfin, pour mieux tenir compte de la spécificité de ces équipements, il serait, à mon avis, opportun de renforcer en leur sein la représentation des professionnels du cinéma, mais aussi des services déconcentrés du ministère de la culture. En tout état de cause, compte tenu du rythme de dépôt des dossiers en CDEC, les modifications législatives doivent intervenir très rapidement.
La production cinématographique, quant à elle, enregistre des évolutions encourageantes, avec 183 films produits en 1998 ; de tels chiffres n'avaient pas été atteints depuis 1980.
Je noterai également l'important renouvellement de la création nationale, qui constitue une assurance de sa diversité.
Toutefois, le recul des parts de marché du cinéma français jette une ombre sur le dynamisme de la production nationale : 24 % en 1998, contre 34 % en 1997. Ce chiffre ne peut pas laisser indifférent. C'est en effet l'efficacité même du soutien public qui risque d'être mise en cause si cette évolution se poursuit.
Les aides versées à l'industrie cinématographique ont pour objet de garantir le pluralisme de la création, mais aussi l'existence d'une production dynamique.
Ces deux objectifs sont, en pratique, étroitement liés. En effet, faute d'oeuvres nationales appréciées du public, il y a fort à craindre que les quotas et les obligations de financement imposés aux chaînes de télévision soient, à terme, remis en cause.
L'analyse des causes du recul du cinéma français est engagée. Elle ne manquera pas de susciter des polémiques, mais elle apparaît nécessaire, alors que le Gouvernement s'est engagé dans la défense de la diversité culturelle.
Si nous avons réussi à faire admettre à nos partenaires de l'Union européenne, dans le cadre de la préparation de la conférence de Seattle, le maintien du principe de l'exception culturelle, nous devrons rester vigilants dans les années à venir.
Nous devrons notamment être vigilants à l'égard des Etats-Unis, car, en dépit d'une absence d'accord lors de la conférence de Seattle, des négociations commerciales multilatérales reprendront, et alors les Américains n'hésiteront pas à contourner les positions européennes, notamment sur la question du commerce électronique.
Le devoir de vigilance s'imposera également à l'égard des Etats européens, que nous devons continuer à convaincre du bien-fondé d'une intervention publique en faveur de l'industrie audiovisuelle et, plus largement, de la création.
Les termes du mandat donné à la Commission par le Conseil le 26 octobre dernier constituent un acquis incontestable. Cependant, il faut, je crois, aller plus loin.
A cet égard, les débats auxquels donneront lieu l'élaboration du plan Média III ou la révision de la directive Télévision sans frontière seront autant d'occasions pour faire prévaloir notre conception de la diversité culturelle.
J'en viens maintenant aux données comptables.
Le budget du cinéma s'établit, en 2000, à 1 686,2 millions de francs, en augmentation de 2,7 % par rapport à 1999.
Cette progression provient essentiellement de l'augmentation de 4,1 % des crédits de la section « cinéma » du compte de soutien - 1 400 millions de francs - tandis que les dotations budgétaires du ministère de la culture - 287,1 millions de francs - enregistrent, pour leur part, une très légère diminution.
L'augmentation des crédits de la section « cinéma » du compte de soutien permet de renforcer l'aide automatique au secteur de la distribution, notamment aux entreprises indépendantes.
L'objectif est d'assurer une meilleure diffusion des films français. Cet effort financier devra, pour porter ses fruits, être accompagné de mesures complémentaires destinées à limiter les effets de la concentration qui affecte ce secteur.
En ce qui concerne les crédits du CNC, le Centre national de la cinématographie, les crédits d'intervention augmentent de 4,8 %, pour s'établir à 219 millions de francs.
Les interventions financées sur ces crédits sont essentielles. Je rappelle qu'elles constituent le coeur de la politique de soutien au cinéma conduite par le ministère, dans la mesure où les crédits du compte de soutien s'apparentent à un mécanisme de redistribution des résultats financiers dégagés par ce secteur.
Elles passent par le soutien accordé par le CNC aux associations. J'évoquerai ainsi la contribution de l'association française du festival international du film au rayonnement international du cinéma français, ou encore, dans un autre domaine, l'aide apportée par l'association pour le développement régional du cinéma à l'équipement cinématographique des villes moyennes et des bourgs-centres.
Les crédits consacrés aux actions conduites en partenariat avec les collectivités locales apparaissent indispensables pour renforcer l'action culturelle, notamment à l'égard des jeunes, mais aussi pour accroître le soutien à l'industrie du cinéma et accroître son implantation en région.
Je ne puis qu'inciter le Gouvernement à intensifier sa politique en ce domaine.
Les collectivités locales accordent au cinéma une place croissante dans leur politique culturelle et sont très attentives aux évolutions qui affectent ce secteur, comme en témoigne, par exemple, l'activité de l'association Ville et cinéma, dont notre ancien collègue, Jacques Carat, alors sénateur-maire de Cachan, a été l'un des piliers.
Des modifications législatives sont sans doute à envisager pour lever les contraintes juridiques qui limitent les initiatives locales. Cependant, toutes les régions ne fournissent pas encore un effort comparable et un engagement plus net de l'Etat permettrait sans doute de créer un effet d'entraînement.
En ce qui concerne les crédits d'investissement, nous nous félicitons de la réalisation - longtemps repoussée - du projet de Maison du cinéma : 102 millions de francs d'autorisations de programme sont inscrits à ce titre dans le projet de budget. Permettez-moi de vous interroger sur le coût de fonctionnement estimé de cette nouvelle institution et sur son statut juridique.
J'en viens maintenant aux crédits du théâtre.
En 2000, l'augmentation de 4,33 % des crédits consacrés au spectacle vivant profitera, pour une part, à la politique du théâtre et permettra de poursuivre la nécessaire remise à niveau des aides de l'Etat aux structures théâtrales qui avait été engagée en 1999. L'ensemble des structures du théâtre public devraient en bénéficier.
Les subventions de fonctionnement versées aux théâtres nationaux progressent de 6,4 % afin, notamment, de compenser la perte de recettes qui résulte de l'instauration d'un tarif unique le jeudi.
Le réseau de la décentralisation dramatique voit ses moyens renforcés. En ce domaine, l'effort budgétaire s'accompagne d'une volonté de clarifier les modalités d'intervention de l'Etat afin de tirer les conséquences de la déconcentration. L'objectif est louable, mais il y a incontestablement des progrès à accomplir.
Les dépenses d'investissement consacrées au théâtre passent, en 2000, de 153 millions de francs à 193 millions de francs. Cette progression, conjuguée à l'achèvement du centre de costumes de scène à Moulins, permet de conforter la politique d'équipement conduite par les collectivités territoriales. Ce rééquilibrage territorial me paraît être le gage d'une politique bien comprise de démocratisation des pratiques culturelles.
Cependant, la progression des crédits du théâtre ne lève pas toutes les incertitudes qui pèsent sur l'équilibre financier des structures théâtrales, notamment celles qui sont liées à l'application du nouveau statut fiscal des associations.
En dépit des assouplissements bienvenus apportés par le projet de loi de finances, un alourdissement des charges pesant sur les associations théâtrales qui, pour l'essentiel, seront considérées comme des associations à but lucratif, n'est pas à exclure. Les conséquences de ces nouvelles règles sont encore mal appréciées, essentiellement faute d'une connaissance statistique de la « géographie » de ce secteur.
Il serait sans doute utile, à terme, de remédier à cette lacune, dans le souci d'assurer un meilleur suivi des dépenses déconcentrées.
En conclusion, je soulignerai que la progression des dépenses prévue par le projet de budget s'accompagne incontestablement de la volonté d'accroître l'efficacité du soutien public au cinéma et au théâtre dramatique. Compte tenu de ce constat, les membres de la commission des affaires culturelles ont décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique. (Applaudissements.)
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Voici le troisième budget que vous nous présentez, madame la ministre, et notre rôle essentiel est d'en analyser les aspects quantitatif et qualitatif. Je vais donc le faire à partir du document budgétaire et de mon expérience de la vie culturelle.
D'emblée, les circonstances me dictent cependant de parler surtout de la culture et de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, au travers de la réunion de Seattle, où j'étais - vous aussi, madame la ministre, et je le souligne pour vous en féliciter : vous étiez le seul ministre de la culture présent parmi les 135 pays participants, et vous n'y étiez pas en spectatrice.
Je dirai, tout d'abord, quelques mots sur votre budget.
Il progresse plus, par rapport à l'an passé, que la majorité des autres budgets ; il commence à régler la question si vive des personnels de votre administration, encore jeune et confrontée à la précarisation ; il équilibre Paris et la province ; il continue concrètement de travailler à la rencontre de la culture avec le plus grand nombre - l'expérience du théâtre du peuple de Bussang est une source de pensée pour ce faire - et il ne néglige pas la grande tâche de l'Etat, qui consiste à faire toujours mieux pour soutenir l'audace de la création dans son pluralisme, ce qui implique, premièrement, aide à la production - je crois qu'il faut faire plus, notamment pour ce qui naît - deuxièmement, maîtrise de la diffusion - il faut imaginer plus, sinon, l'homogénéisation des programmes avance inexorablement et l'Europe, pour faire un saut de frontière, continuera à cohabiter plus qu'à échanger - et, troisièmement, travail dans le monde - il faut consacrer plus vers le Sud, vers l'Est, sans oublier les Etats-Unis, le pays le plus ultralibéralement autoprotégé.
Je veux aussi me questionner tout haut.
Qu'en est-il de l'intermittence ? Il avait été question que l'Etat favorise la reprise des négociations à ce propos. Pouvez-vous nous dire où en est le dossier ?
Qu'en est-il des établissements publics culturels ? Le projet dont mon collègue M. Ivan Renar est le promoteur a obtenu votre aval. Pourtant, cela ne débouche pas.
Qu'en est-il de la régulation des multiplexes, qui prolifèrent grâce à des décisions commerçantes et tièdes où le cinéma nouveau a, dans le meilleur des cas, une niche bloquant son saisissement ?
Qu'en est-il de la librairie théâtrale de la rue Bonaparte, où un privé met en cause sa pérennité de foyer d'histoire et de culture théâtrale ? Nous faisons actuellement la quête, mais c'est insuffisant.
Qu'en est-il de la grande salle de musique jumelée à la cité du même nom à Paris ?
Qu'en est-il des contrats de plan Etat-région ? Vous avez apporté, avec le Gouvernement, 2,539 milliards de francs, soit un milliard de plus que dans le budget précédent. Quelles indications avez-vous données ?
Qu'en est-il de l'enseignement artistique à l'école ? Un pas est fait dans ce budget avec une complicité nouvelle de l'éducation nationale. Mais le « lire-écrire-compter » de l'école du xixe siècle n'est pas encore enrichi au niveau souhaitable. Tous les enfants, à égalité de dignité, doivent pouvoir rencontrer les artistes. Et, si je parle cinéma, le nouveau « lire-écrire-compter » doit surtout éveiller les regards.
Qu'en est-il des droits de la propriété intellectuelle des artistes interprètes de la musique et de la danse ? Lundi 13 décembre, un colloque de la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse, la SPEDIDAM, va combattre l'offensive contre le droit à rémunération équitable par l'industrie du disque, qui, sur le plan européen, réclame le libéralisme sans rivage.
Qu'en est-il, enfin, de cette convention collective de l'audiovisuel, voulue par le ministère du travail et qui, si elle a pour but de protéger les nouveaux arrivants, notamment dans les petites chaînes câblées, met en cause les acquis des techniciens intermittents de la fiction audiovisuelle ?
Je ne souhaite pas aller au-delà de ce questionnement responsable et d'avenir que je sais recevable par vous, madame la ministre, vous qui connaissez le terrain et êtes acharnée, quand une idée vous prend la main, à la faire aboutir.
Précisément, j'en arrive à l'OMC, qui, à Seattle, n'a pas connu un échec, comme il est trop souvent dit, mais s'est trouvée confrontée à une obligation de conversion. Sans doute, parmi les négociateurs officiels, y avait-il suffisamment de contradictions lourdes, notamment la contradiction Nord-Sud, pour que la ville américaine de Boeing et de Microsoft ne soit pas l'Eden d'un enlacement du monde par les seuls grands intérêts financiers. Mais, précisément, il y avait, pour la première fois dans l'histoire moderne, un négociateur extérieur qui réclamait autre chose, autrement, et respectueux de l'autre.
J'ai vécu Seattle avec plusieurs collègues de toutes sensibilités de notre assemblée, qu'avait invités si justement le Gouvernement.
La mondialisation incontournable a commencé à conquérir là sa dimension populaire. Au passage du siècle s'est produit un hiatus constructif dans l'histoire. La rue a dit à l'enceinte : « Vous ne pouvez rien de bien sans nous. » Après Seattle, rien n'est plus tout à fait comme avant, à condition de continuer d'être des « je » actifs, soucieux du pluriel.
C'est dans ces conditions que vous êtes venue avec ces deux expressions jumelées qui vous sont chères : « diversité culturelle, c'est l'objectif ; exception culturelle, c'est le moyen. »
Vous nous l'avez répété à nous, parlementaires, vous l'avez redit au conseil général de l'OMC, vous l'avez expliqué dans une conférence de presse fort suivie internationalement.
Il était convenu que la culture était hors débat, mais plusieurs délégations, par souci respectable mais dangereux, voulaient une mention relative à la culture. Eh bien ! votre rigueur et l'accompagnement courageusement calme de François Huwart ont tenu l'engagement : la culture est restée hors ce débat avorté du round du Millénaire.
Satisfaction, assurément, et, pourtant, chacun le sait, cela ne fait pas le compte. Nous l'avons confirmé hier, mais ce souvenir de l'avenir implique de construire demain ; et des initiatives sont à prendre par la France, qui a de l'influence à condition qu'elle s'en serve.
Je pense que l'Europe balbutie encore sur la culture. Elle est en deçà d'un SMIC face aux défis.
Pour me limiter au programme « Média », même qualifié « Média plus », c'est un perpétuel « Média moins ». Un tournant radical est à prendre, que l'Agenda 2000 n'autorise pas.
Dans six mois, la France va présider l'Europe. Je sais que vous vous y préparez. Je vous propose de le faire avec d'autres : organisez, madame la ministre, un colloque sur le thème : « Voilà ce que propose la France pour la culture en Europe », et faites-le dès ce printemps 2000.
L'Europe, culturellement, n'a qu'un budget de 0,05 %. Face à cela, osez, entourée de beaucoup de complicités dynamiques, appuyer la revendication de 1 % du PIB. La culture pluraliste et créative en Europe, n'ignorant pas les nouvelles technologies, n'aura de réponse valable qu'une fois ce seuil atteint.
Les Américains, à la fin des guerres de 1914 et de 1945, ont délibéré gouvernementalement, par exemple, sur le cinéma. L'Europe doit cesser d'être traînante, ruminante, inaboutie, insignifiante, à l'arrêt, dans le domaine de l'esprit et de la création. Elle doit agir sans oublier - les accords de Lomé devraient y contribuer - le Sud.
Mais il n'y a pas que l'Europe, il y a le monde et, au moment de Seattle, du Pacifique nous est parvenu de Mme Tjibaou et de M. Paul Vergès l'appel de Nouméa qui dit au monde que l'Océanie plurielle ne veut pas mourir.
Ensemble sauvons, mieux, déplissons notre pluralité, notre mêlée.
Je vous prie, madame la ministre, d'être mon « passeur » auprès de M. Lionel Jospin de ce que j'ai évoqué ici même le 23 novembre : il y a eu un « Rio de l'environnement ».
Eh bien je rêve d'un « Paris de la culture et des arts » qui serait un élancement, s'il se tenait fin 2000 début 2001, sans modèle, mais avec un coeur capable d'accueillir toutes les tendresses. La France serait à la hauteur de son histoire et de son possible avenir, qui a pour partenaire d'abord les femmes et les hommes et, parmi eux, les artistes, ensuite les dernières technologies. Il y a beaucoup à réfléchir sur leur rôle dans le nouage entre la création et les êtres du quotidien.
Des artistes déjà loin de notre aujourd'hui, je pense à Valéry et à Péguy, des essayistes aussi loin, je pense à Walter Benjamin, ont lancé des pistes. A nous de continuer ce travail de skieurs au fond du puits.
Vous avez d'ailleurs des atouts. Je vous ai vu animer, après l'avoir construite, la rencontre à l'UNESCO de cinquante-huit ministres de la culture qui ont ratifié la diversité culturelle. Il faut maintenant que l'UNESCO fasse un plan de travail traitant de l'alphabet des questions culturelles qui, un jour, auront à être articulées avec l'OMC.
Madame la ministre, votre ministère a quarante ans. Des livres d'essayistes sont publiés à ce propos : le Cinquième Pouvoir de Claude Mollard ou le Gouvernement de la culture de Maryvonne de Saint-Pulgent ; des livres de Clio aussi, la Politique culturelle, genèse d'une catégorie d'interventions publiques de l'historien-sociologue Vincent Dubois ; une Bibliographie de l'histoire des politiques culturelles de Philippe Poirier.
C'est tout ce matériau qui permet d'avoir - je cite Gracq - « une référence décrochée de la durée qui projette vers l'avant et amalgame au présent les images du passé, au lieu de tirer l'esprit en arrière ».
Vous savez bien que se confrontent aujourd'hui la pensée d'Antonin Artaud, protestant contre « l'idée séparée que l'on se fait de la culture, comme s'il y avait la culture d'un côté et la vie de l'autre » et celle de Flaubert appelant « à cultiver le bourgeois » plutôt qu'à faire du peuple l'ambition des entreprises de prosélytisme culturel.
Ne sommes-nous pas dans une période où tout, de la rue de Seattle à Internet, et sans mythification, travaille à un élan de reconstruction du sujet ? C'est Vito Acconci qui s'interroge : « Pourquoi le musée n'a pas de fenêtre ? » ; c'est Patrick Cahuzac qui crée aux « Métafort d'Aubervilliers » une revue littéraire sur Internet « Inventaires-inventions », qui se donne pour but d'être « un lien de recensement et de création, un lien de questionnement où l'écriture, loin d'être fermée sur elle-même, apparaîtra comme une voie d'accès au corps de notre monde ». Tout cela nous concerne beaucoup.
A l'inverse, beaucoup trop de spécialistes doublés de comptables de la culture voudraient nous enfermer dans des célébrations, ces friponneries idéales où viennent se costumer les « identités vacantes ». Allons, nous ne sommes pas des touristes sillonnant en car un site protégé ! Nous sommes avec ces artistes qui ont nom Vertov, Bunuel, Germaine Dulac, Fernand Léger, Stan Brakghage, Jean-Luc Godard, Orson Welles, Mikaël Snow, Paul Sharits, Chantal Ackerman, Jonas Mekas, Guy Debord, Jean Eustache, Ingmar Bergman, Vito Acconci, Jacques Tati, Marguerite Duras, Chris Marker, Robert Bresson, Johan Van der Keuken, Eija-Lïïsa Ahtila ou encore Sadie Benning. J'emprunte cette liste que je fais mienne à un livre « roboratif » de Jean-Charles Masséra, Amour, gloire et CAC 40. Ces artistes ont, à un moment donné, abandonné les figures imposées - héritées - pour se tourner vers la constitution de sujets en phase avec l'histoire en cours.
Madame la ministre, je ferai tenir à la présidence du Sénat mon souhait que se constitue un intergroupe parlementaire associant le Sénat et l'Assemblée nationale ainsi que l'assemblée européenne sur l'OMC, mais vous pouvez vous préfigurer tout cela dans le domaine dont vous avez la responsabilité.
L'exception culturelle, outil de diversité culturelle, que d'aucuns identifient avec archaïsme, protection Maginot, et que j'approche moi - mais je pense que nous nous rejoignons - comme la naissance conquise de la directive Télé sans frontière à Seattle, en passant par le GATT, l'AMI, NTM et l'anticonvergence de Birmingham, comme la naissance conquise d'un nouvel espace public de dimension internationale où la liberté de penser n'est pas limitée par la liberté du commerce.
Le concept d'agriculture multifonctionnelle va dans le même sens, comme la construction d'un espace sportif libéré de la tutelle autoritaire de l'argent, comme la revendication de l'intégrité du vivant.
Sans doute tout cela doit encore progresser et ne pas être remis en cause par la discussion des services, laquelle continue dans la foulée des accords de Marrakech. Attention au commerce électronique, qui peut servir de contournement !
Fellini disait : « La révolte est toujours féconde. Seule la révolte porte en elle la nécessité organique de l'expression. Au contraire, l'approbation amène l'indifférence. On s'endort. »
A Seattle, artistes et citoyens étaient éveillés, et je sais, madame le ministre, que vous ne dormez pas. (Mme le ministre sourit. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir salué le talent oratoire de l'orateur précédent, je n'aurai pas l'outrecuidance de paraphraser les propos de nos excellents rapporteurs, qui viennent de nous présenter les crédits du ministère de la culture.
Aussi, dans un premier temps, je centrerai mon intervention sur les difficultés du développement culturel dans un département rural, bien loin de Seattle, bien sûr. (Mme le ministre sourit.)
La lecture publique y accuse un retard important, si l'on compare sa situation à la moyenne nationale. Le nombre d'usagers des bibliothèques s'élève en effet à 11,3 % de la population des communes desservies par la BDP, contre 17,1 % sur le plan national.
Certes, l'impact modeste de la BDP peut s'expliquer par l'existence d'un réseau associatif parallèle. Mais la véritable raison est l'insuffisante structuration du réseau rural, qui comprend très peu de vraies bibliothèques. On ne propose à la population que des micro-services médiocrement pourvus, peu ouverts et disposant rarement d'un personnel qualifié.
Seule une solide politique d'aide aux communes pourrait apporter l'impulsion nécessaire à la lecture publique en zone rurale. Les municipalités doivent disposer de réels équipements, attractifs, largement ouverts, et offrir au public l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Or les communes désireuses d'aménager une bibliothèque sont peu soutenues. Ainsi, en 1998, le conseil général a investi 2,90 francs par habitant dans la lecture, ce qui est relativement peu.
La situation en milieu rural est également préoccupante en matière de développement culturel : plusieurs musées n'offrent pas les conditions satisfaisantes d'accueil pour le public ni pour la conservation des collections.
C'est le cas d'un écomusée qui présente d'importantes collections d'objets de la région ayant trait à l'ensemble de la vie rurale et, notamment, à la distillation des eaux-de-vie de fruits. Malheureusement, depuis quelques années, ce musée, installé dans une ancienne distillerie, subit une stagnation de sa fréquentation, principalement en raison du manque de confort et de modernité des infrastructures.
On peut également citer un musée qui présente des collections d'archéologie, de dentelles et des oeuvres de Jules Adler. Depuis le départ du conservateur, en 1988, les collections sont présentées et conservées de manière déplorable.
Quant à un musée consacré à l'exaltation du terroir et présentant les modes de vie dans les villages, il est une mémoire collective vivante. Or, une visite de la direction régionale des affaires culturelles et de l'inspection générale des musées, en 1993, a mis en exergue des problèmes de sécurité, de conservation des objets et des lacunes dans les inventaires et la documentation.
Les départements ruraux possèdent un potentiel et des atouts touristiques indéniables du fait de leur patrimoine archéologique, historique et rural particulièrement abondant. Il est de notre devoir de le sauvegarder, de le promouvoir et de le transmettre.
Je souhaiterais, enfin, signaler le problème de la diffusion du spectacle vivant, qui se trouve handicapée par l'obsolescence des lieux d'acccueil et par l'absence d'équipes professionnelles. Je pense notamment à un théâtre, classé monument historique, mais qui est actuellement fermé pour des raisons de sécurité.
Néanmoins, dans ce domaine, les départements ruraux font preuve d'initiatives intéressantes qui participent largement à la richesse de notre patrimoine.
J'ai en mémoire un théâtre dont la programmation est particulièrement innovante, une compagnie nationale d'art lyrique reconnue au niveau national, ou encore le festival des cinémas d'Asie, dont la qualité professionnelle est appréciée de la profession.
Ces différentes initiatives ne peuvent pas, à elles seules, promouvoir le développement culturel en milieu rural. Depuis bien longtemps, la décentralisation culturelle est effective. Toutefois, je voulais vous convaincre que l'aide de l'Etat reste un des paramètres incontournables. Pourquoi ne pourrait-elle pas prendre la forme de conventions entre l'Etat et les départements ?
Permettez-moi maintenant, à l'occasion de l'examen de ce budget pour l'an 2000, de faire état de mes vives préoccupations en ce qui concerne la politique de l'architecture. Celles-ci se focalisent sur trois sujets : le premier concerne la mise en oeuvre de la loi de 1997 relative au recours contre les décisions des architectes des Bâtiments de France, les ABF ; la deuxième est relative aux ZPPAUP, les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager, et la dernière à la situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.
Madame la ministre, je souhaiterais connaître les raisons pour lesquelles il a fallu deux ans au Gouvernement auquel vous appartenez pour publier les décrets relatifs à l'application de la loi n° 99-78 du 5 février 1999 concernant la commission régionale du patrimoine et des sites et l'instruction de certaines autorisations de travaux.
Adoptée sur l'initiative du Parlement, cette loi est d'une importance capitale pour les élus, auxquels elle permet de demander l'appel des décisions et des avis émis par les architectes des Bâtiments de France. Vous noterez, au passage, que nous sommes tous convaincus de l'importance du rôle des architectes des Bâtiments de France, mais il était plus qu'urgent d'ouvrir aux communes une voie de recours contre leurs décisions.
A ce propos, je vous rappelle que les services départementaux de l'architecture et du patrimoine se sont engagés depuis trois semaines dans un mouvement de revendication lié à la faiblesse de leurs moyens de fonctionnement et aux difficultés qu'ils rencontrent dans l'accomplissement quotidien de leurs missions. Ce mouvement a pris la forme d'un renvoi des dossiers de permis de construire et de permis de démolir au ministère ; aujourd'hui la moitié des services suivent cette action.
Une telle pratique pénalise fortement les pétitionnaires privés ou publics et risque, à court terme, de leur poser d'importants problèmes liés à l'allongement des délais d'instruction.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour permettre à ces services un fonctionnement décent et pour ne pas pénaliser les autorisations d'urbanisme à un moment de reprise économique ? Les architectes des Bâtiments de France sont des hommes et des femmes responsables. Il ne s'agit en aucun cas d'un mouvement d'humeur.
Pourquoi, madame la ministre, n'avez-vous pas prévu d'accroître le nombre des représentants des collectivités locales dans les commissions régionales du patrimoine et des sites chargées de proposer une décision au préfet saisi de l'appel d'un avis de l'architecte des Bâtiments de France ?
J'observe que ces commissions, qui se substituent aux commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique, les COREPHAE, ont néanmoins une composition très voisine de celle de leurs devancières. Que n'avez-vous, madame la ministre, saisi l'occasion qui vous était offerte de renforcer le nombre des élus locaux dans ces commissions !
J'en viens à la question des ZPPAUP. Celles-ci sont destinées à définir des périmètres de protection de façon souple et adaptée. La création de ces zones est, de l'avis unanime, préférable à l'application de la loi sur le périmètre de visibilité applicable aux abords des édifices classés.
Le Gouvernement auquel vous appartenez s'emploie à introduire de la durabilité, si je puis reprendre à mon compte ce néologisme, dans tous les aspects de l'action publique. Hélas ! que ne consacrez-vous plus de crédits à la réalisation de ZPPAUP !
J'observe que l'accroissement des crédits consacrés à la qualité architecturale et aux études urbaines, qui passent de près de 17 millions de francs en 1999 à un peu plus de 20 millions de francs, pour l'ensemble du territoire, demeure largement insuffisant pour faire face aux besoins ressentis par les collectivités locales !
Mais ces préoccupations ne sont rien à côté de celles qui sont ressenties par tous les élus qui apprécient l'action que mènent les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAVE.
Depuis trois ans, plusieurs de mes collègues sénateurs et moi-même, de toutes convictions politiques, intervenons régulièrement pour souligner les problèmes rencontrés par ces associations dont l'action, en matière d'architecture, d'urbanisme et de conseil aux collectivités locales, est irremplaçable. Aucune des questions que nous vous avons soumises, à d'innombrables reprises, n'a trouvé de réponse.
En matière financière, tout d'abord, je vous ai, madame la ministre, écrit la lettre que voici (l'Orateur montre une lettre au ministre), par laquelle je vous demandais les mesures que vous entendiez prendre pour le CAUE de mon département. Elle est restée sans réponse depuis le 26 août dernier ! Ma préoccupation ne se limite d'ailleurs nullement à ce département.
Ainsi, j'ai vainement cherché, dans le document budgétaire établi par vos services, le montant de la subvention destinée à la rétribution des vacations effectuées par les architectes consultants. Ceux-ci délivrent un conseil de façon gratuite et sont consultés de plus en plus souvent par les personnes ou les petites communes désireuses d'obtenir une aide en amont de tout permis de construire ou de toute déclaration de travaux.
J'observe, en outre, que la question de la légalité des conventions conclues par certaines collectivités locales avec les CAUE, à titre onéreux, est enfin tranchée depuis huit jours. Il subsistait une divergence d'interprétation de la notion de gratuité, qui figure dans la loi sur l'architecture de 1977 fixant le régime applicable aux CAUE.
En la matière, l'Etat semble en contradiction avec lui-même, puisque les trésoriers-payeurs généraux appliquaient la loi précitée selon leur bon plaisir.
Une autre question non résolue tient à l'évolution du mode de financement des CAUE. Ceux-ci attendent la convention type agréée par le ministère des finances pour signer éventuellement des contrats avec les collectivités locales.
De l'avis général, le montant de la taxe prélevée par les départements reste insuffisant pour satisfaire les besoins des CAUE. En outre, dans certains départements, le montant recouvré ne correspond pas au montant liquidé, faute de procédures de mise en recouvrement efficaces. Toutes ces questions restent, pour nous, sans réponse.
Or, voilà un an, vos services nous avaient assurés que ces questions seraient résolues par le vote de la loi relative à l'architecture actuellement en préparation. Où en est ce texte ? Quand nous sera-t-il soumis ?
Madame la ministre, le transfert de l'architecture au ministère de la culture avait, voilà quatre ans, suscité de grands espoirs. Aujourd'hui, il nous faut constater, non sans amertume, qu'aux grandes espérances ont succédé les ambitions anéanties, les illusions perdues et les promesses non tenues.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. « Un jour viendra où le laboureur pourra être aussi un artiste, sinon pour exprimer, du moins pour sentir le beau », écrivait George Sand.
Depuis votre arrivée rue de Valois, madame la ministre, vous avez fait de la démocratisation de l'accès à la culture votre préoccupation majeure. Votre budget pour 2000 traduit pleinement « votre ambition politique d'une culture mieux partagée, dans la pluralité de ses expressions, par l'ensemble de nos concitoyens », selon vos propres termes.
Après quatre ans d'immobilisme et de régression, entre 1993 et 1997, où le ministère de la culture avait été amputé de 20 % de ses financements, votre budget, madame la ministre, est en augmentation pour la troisième année consécutive. Il progresse de 2,1 % par rapport à l'an dernier, soit deux fois plus que la hausse des dépenses de l'Etat prévue pour l'an 2000. La culture est bien l'une des priorités de ce gouvernement, qu'il s'agisse de préserver notre héritage culturel, de soutenir nos créateurs et, surtout, d'élargir le cercle des publics.
Cela ne date pas d'hier, les pratiques culturelles sont loin d'être accessibles au plus grand nombre. Depuis plus de vingt-cinq ans, toutes les analyses du département des études et de la prospective du ministère de la culture convergent dans le même sens. Elles révèlent que la composition sociologique du public n'évolue quasiment pas, même si la fréquentation des lieux culturels est en légère augmentation.
Alors que seulement un Français sur trois est entré au moins une fois dans un musée en 1997, contre un sur quatre en 1973, le profil des visiteurs reste peu diversifié. Ainsi, 33 % des ouvriers, 21 % des employés, 25 % des « laboureurs » (Sourires), n'ont jamais visité un musée au cours de leur vie. Quant au public du théâtre, il est composé à 65 % de cadres supérieurs et d'étudiants. En fait, il apparaît que ceux qui vont déjà au théâtre et au musée y sont allés un peu plus dans les dernières années, sans que les publics s'élargissent vraiment.
Les freins à la démocratisation de la culture sont bien connus. Les grandes orientations de ce budget y apportent des solutions.
Premier frein : l'accès aux oeuvres de l'esprit requiert un solide bagage éducatif et culturel. Pour celui qui se sent dépourvu de connaissances ou de références, le théâtre, le musée ou le monument historique est considéré, au mieux, comme une « institution éducative », au pire, comme le lieu d'une « culture élitiste », qui se dérobe nécessairement à lui.
L'accès véritable à l'oeuvre d'art, source de tous les plaisirs, nécessite une formation de la sensibilité dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
Vous l'avez bien compris, madame la ministre, et nous ne pouvons que saluer les 17 millions de francs supplémentaires émanant de la délégation au développement et à l'aménagement du territoire qui seront consacrés à l'enseignement artistique à l'école, en étroite collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que seulement 3 % des publics scolaires bénéficient actuellement d'un enseignement artistique ! Néanmoins, si nous souhaitons inscrire une telle action dans la durée, je crois qu'il faudra renforcer, à l'avenir, les crédits d'investissement de cette délégation, qui sont en baisse de 33 % cette année !
Pourrez-vous par ailleurs, madame la ministre, nous préciser les mesures que vous comptez prendre pour soutenir les pratiques amateurs ? Il n'est pas normal que, dans une ville comme Paris, de jeunes compagnies non professionnelles ou des ateliers de théâtre aient autant de difficultés pour trouver des lieux de répétition et des salles où se produire.
Le deuxième frein est économique.
Il est certain que le coût élevé des places ou des droits d'entrées ne facilite pas l'accès des familles les plus modestes à la culture. C'est pourquoi nous ne pouvons que saluer la politique tarifaire que vous engagez cette année.
L'entrée sera libre pour tous dans les cent monuments nationaux et dans les trente-trois musées nationaux le premier dimanche de chaque mois. Les moins de dix-huit ans bénéficieront en plus d'une entrée gratuite tous les jours de l'année dans les cent monuments nationaux. Chaque jeudi, la place de théâtre sera fixée à 50 francs dans les cinq théâtres nationaux : la Comédie-Française, l'Odéon, la Colline, Chaillot et le Théâtre national de Strasbourg.
A ceux qui douteraient de l'opportunité d'une telle politique, j'opposerai l'expérience réussie du premier dimanche gratuit au Louvre. Les enquêtes ont montré que la fréquentation a augmenté de 70 % et que les ouvriers, les employés, les cadres moyens sont trois fois mieux représentés ce jour-là. Par ailleurs, 44 % des visiteurs nationaux ont déclaré qu'ils ne seraient pas venus sans la gratuité.
Le dernier frein est la distance géographique.
Il faut rapprocher la culture de tous les citoyens ! Jean Vilar le constatait dès 1970 : « La culture, ce n'est pas seulement le Louvre et l'Opéra, le Panthéon ou la Bibliothèque nationale, l'architecture ou la direction des lettres. C'est d'abord, le long, le délicat, le studieux recensement des besoins culturels de chacun et aussi bien celui du paysan des villages perdus que celui de l'ouvrier des villes. »
Plus un établissement est éloigné du lieu d'habitation, moins un public peu coutumier des sorties culturelles fera l'effort de s'y rendre.
Les pionniers de la décentralisation culturelle considéraient que, puisque les citoyens ne vont pas d'eux-mêmes à l'art, c'est à l'art d'aller à leur rencontre. Jean Vilar, Louis Jouvet, Jacques Copeau, Jean Dasté, et bien d'autres parcouraient les routes de France en direction de tous les publics.
Une nouvelle étape sera donc franchie en l'an 2000 dans le rééquilibrage des activités culturelles entre Paris et la province. C'est ainsi que 563 millions de francs seront consacrés à la sauvegarde et à la construction des lieux culturels de la capitale, contre 540 millions de francs à la province.
Par ailleurs, les subventions en région augmenteront de 25 %, notamment pour la restauration des monuments historiques appartenant, pour l'essentiel, aux collectivités locales. Tout cela est nécessaire. Néanmoins, en tant que sénatrice de Paris, je ne peux pas oublier les chantiers parisiens, pour lesquels l'Etat devra d'autant plus intervenir que la Ville de Paris s'en désintéresse.
Cette année, les budgets que les collectivités locales consacreront à la culture dépasseront nettement ce que l'Etat investit. Cette saine émulation ne trouve malheureusement pas d'écho dans la plus grande ville de France !
Les travaux Garnier, au Palais de Chaillot et au Grand Palais sont en bonne voie d'achèvement, mais des incertitudes - c'est un euphémisme ! - pèsent sur la destination de ce dernier bâtiment.
Par ailleurs, la situation est particulièrement alarmante pour l'Orchestre de Paris, qui ne dispose toujours pas d'un lieu à la mesure de son talent. Certes, la salle Pleyel sera bientôt classée, mais les mélomanes savent bien que son acoustique n'est pas des meilleures. Aucune ligne budgétaire n'est prévue pour la réalisation d'un auditorium de 2 000 places à la Cité de la musique. Quand verra-t-on, madame la ministre, la construction d'une véritable salle de concert à Paris ?
Quant à la Gaîté lyrique, il n'est pas certain que la mairie de Paris saura faire le meilleur usage de cette somptueuse salle, laissée à l'abandon depuis dix ans. Peut-on envisager la création d'un lieu multiculturel, une sorte de Maison de la culture du troisième millénaire ? J'ai reçu des comédiens qui seraient prêts à se lancer dans cette aventure. Vous nous direz peut-être, madame la ministre, si vous êtes prête à étudier ces propositions.
Je ne peux clore ce chapitre sans évoquer la multiplication des salles multiplexes. Sur les 206 nouvelles salles ouvertes en 1998, 124, c'est-à-dire 60 % sont des multiplexes. Ce phénomène menace la survie des salles indépendantes, des cinémas d'art et d'essai, qui savent encore prendre des risques ; surtout, il amplifie la domination du cinéma américain en salle.
Il me semble, à l'unisson de M. le rapporteur, Marcel Vidal, que les commissions départementales ne sont pas forcément le bon échelon de décision pour assurer le meilleur équipement culturel du territoire. Par ailleurs, on pourrait peut-être envisager d'imposer des obligations de programmation d'oeuvres françaises et européennes lors de la délivrance des autorisations. Vous venez, madame la ministre, de confier une mission sur ce sujet. Peut-être pourrez-vous nous préciser ce que vous en attendez.
Au-delà des équipements, madame la ministre, votre ambition de démocratisation de la culture s'appuie sur une gestion plus saine et plus transparente du service public. Un certain nombre de problèmes, en suspens depuis plusieurs années, sont en bonne voie d'être résolus. Vous avez obtenu la création de 295 postes, en l'an 2000, pour résorber l'emploi précaire contre seulement deux postes en 1999. Ils permettront sans doute d'améliorer l'accueil dans les musées et à la Bibliothèque nationale de France.
Votre charte des missions de service public pour le spectacle vivant est en application cette année. Elle permettra à l'Etat de mieux contrôler les institutions et les compagnies qui reçoivent des subventions publiques. En effet, leur responsabilité n'est pas seulement artistique et citoyenne, elle est aussi financière.
J'ai toujours défendu le projet artistique de Stanislas Nordey au théâtre Gérard-Philipe : des places de spectacle à 50 francs, une programmation très riche en oeuvres contemporaines, un festival de compagnies tout au long de l'année. Je reste convaincue que son théâtre citoyen et populaire est emblématique d'une politique de démocratisation de la culture.
En revanche, je ne crois pas que l'Etat puisse cautionner un déficit de près de 10 millions de francs en l'espace de seulement deux ans ! Je ne crois pas non plus qu'il faille en déduire que le ministère de la culture sous-estime totalement les moyens de sa politique et que la démocratisation n'est qu'un idéal hors de portée !
Je pense, au contraire, qu'il faut définitivement mettre un terme à ces pratiques qui consistent à dépasser systématiquement le budget établi en concertation avec l'Etat et les collectivités territoriales. On en connaît trop les effets : les acteurs publics se retrouvent, quelques mois plus tard, pris en otage ! Oui, l'art est inestimable et les artistes « se situent rarement du côté raisonnable et comptable de l'Etat », comme l'a déclaré récemment Jean-Pierre Vincent. Mais n'oublions pas que ce qui est accordé à l'un est toujours retiré à l'autre !
Il est très important d'augmenter régulièrement les crédits d'intervention comme vous le faites ; ils sont le coeur même de l'action du ministère en faveur des artistes et des créateurs. Entre 1998 et 2000, ils auront progressé de 13,1 % et les deux tiers de ces crédits seront déconcentrés.
Comme l'an dernier, le spectacle vivant bénéficie d'une priorité, avec 80 millions de francs de mesures nouvelles. Je souhaite vivement que cette manne soit répartie le plus équitablement possible.
L'action engagée en faveur des arts de la rue, du cirque ou des musiques actuelles sera poursuivie, avec 20 millions de francs de mesures nouvelles.
La danse, discipline longtemps négligée par rapport au théâtre et à la musique, sera mieux prise en compte cette année.
Il faut aussi veiller à donner une chance à toutes les formes d'initiatives dans notre pays. Je salue, au passage votre réforme du financement des compagnies dramatiques. La généralisation de l'aide au projet permettra sans doute de soutenir un plus grand nombre de créations. En 1999, 1500 compagnies de théâtre se sont déclarées professionnelles et 624 ont été soutenues par le ministère.
Leur situation, vous le savez, est souvent difficile. La plupart doivent faire appel à de nombreux coproducteurs pour réunir l'argent nécessaire à une création. Dans les années soixante-dix, des directeurs de compagnie comme Jean-Pierre Vincent ou Georges Lavaudant savaient qu'ils auraient à terme des moyens accrus et la possibilité d'entrer dans l'institution. Il semble que cela ne soit plus le cas actuellement.
Si nous voulons toujours créer des oeuvres d'aujourd'hui destinées à un public d'aujourd'hui, il est certainement nécessaire d'augmenter durablement les crédits d'intervention, mais également de favoriser le renouvellement des talents à la tête des institutions. Vous avez peut-être commencé à explorer quelques pistes, madame la ministre.
Ce budget va permettre d'inscrire durablement dans le paysage culturel français de nouvelles pratiques.
Des solutions concrètes sont mises en oeuvre pour toucher cette frange de Français désignée souvent comme le « non-public » et qui demeure totalement démunie par rapport à toutes les formes d'art.
Enfin le ministère de la culture se dote de règles écrites qui permettront de clarifier les relations entre l'Etat et tous les acteurs culturels afin de mieux soutenir la création sous toutes ses formes et de se tenir à l'écoute des aspirations en perpétuelle mutation de nos publics.
La culture est redevenue une priorité de l'action gouvernementale.
Le groupe socialiste, madame la ministre, votera avec plaisir ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2000, le budget du ministère de la culture, que le Sénat est appelé à examiner aujourd'hui, s'élèvera à 16,39 milliards de francs. Il augmente donc, par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 1999, de 329 millions de francs, soit de 2,1 %, hors réserve parlementaire, et de 369 millions de francs, soit de 2,4 %, si l'on tient compte de celle-ci. Nos excellents rapporteurs l'ont déjà mentionné, mais je tenais à le rappeler.
Cette progression est supérieure à l'évolution générale du budget de l'Etat, même si l'objectif de 1 % annoncé par le Premier ministre dans son discours d'investiture n'est toujours pas atteint. Il nous faut tout de même reconnaître que l'évolution des crédits de 1997 à 2000 est assez substantielle puisque, avec un peu plus de 1,5 milliard de francs, elle représente environ 10,5 %.
Le budget met l'accent sur les crédits d'intervention, tout en prévoyant un accroissement sensible des crédits de fonctionnement afin de résoudre le problème des emplois précaires.
Le projet de budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer est assez contrasté. En effet, s'il comporte indéniablement un certain nombre de points positifs, il reste néanmoins marqué par un certain nombre de zones d'ombre qui auraient pu être évitées.
Au titre de l'investissement, j'estime que les efforts sont louables. Je souscris à vos choix de priorités, madame la ministre. En effet, la démocratisation culturelle est importante, voire vitale.
Mais, à mon sens, tout commence à l'école. Si les laboureurs ou les ouvriers ne fréquentent pas les musées, c'est parce qu'ils n'y ont pas été invités quand ils étaient jeunes. C'est à ce niveau que le travail n'est pas assez bien fait. On veut mettre la charrue avant les boeufs.
Il est nécessaire - j'y reviens - d'élargir les lieux d'accès de la culture. Les mesures prises répondent à cet objectif.
Par ailleurs, sur le plan de la déconcentration, vous faites, là encore, oeuvre utile. Les interventions déconcentrées du titre IV progressent de 5,7 %. Au total, les crédits relatifs à la réalisation d'équipements culturels dans les régions feront désormais jeu égal avec ceux qui sont consacrés aux équipements culturels nationaux. J'espère que cette tendance se confirmera dans les années à venir, car certaines grandes métropoles régionales demeurent encore sous-équipées, et les petites et moyennes villes ont trop longtemps été négligées.
Quant au monde rural, il faut souligner qu'il est totalement ignoré,...
M. Louis de Broissia. C'est vrai !
M. André Maman. ... alors qu'il souhaiterait de plus en plus bénéficier d'une véritable politique culturelle.
J'espère, madame la ministre, que vous n'oublierez pas, en concertation avec M. le ministre des affaires étrangères, les nombreuses associations culturelles françaises de l'étranger, qui effectuent, dans des circonstances souvent difficiles, un travail remarquable de défense et de promotion de la culture française.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. André Maman. Ce sont les meilleurs agents de la francophonie, les sénateurs des Français établis hors de France ne cessent de le rappeler. Au total, 1 800 000 de Français sont installés à l'étranger. C'est l'arme la plus utile dont nous disposions. A Seattle, dans cet enfer de Dante, vit une magnifique communauté française, avec deux petites écoles françaises et une représentation de l'Alliance française. Si l'on pensait à eux de temps en temps, nous en serions très satisfaits.
En ce qui concerne la gestion des personnels, votre projet de budget, madame la ministre, témoigne de votre volonté de traiter du problème des emplois précaires. Ces derniers représentent près de 10 % des personnels du ministère. Il faut dire que la situation n'était plus tenable. Les fermetures des musées nationaux pour cause de grève ont largement porté atteinte à l'image de la France auprès des touristes étrangers. La direction des musées de France a estimé à 16 millions de francs le coût de ces grèves.
Au rang des satisfactions, je soulignerai encore que le projet de budget pour 2000 prévoit une création nette de cent emplois et assure le transfert de cent quatre-vingt-quinze emplois de personnels non titulaires du budget du ministère sur celui des établissements publics dans lesquels ils étaient effectivement employés. Au total, ce sont deux cent quatre-vingt-quinze emplois nouveaux qui seront dégagés pour les effectifs propres du ministère, alors que les établissements publics bénéficieront, eux, de soixante-dix-neuf créations de postes. Il s'agit là d'une orientation favorable qui demandera à être consolidée dans les prochains budgets puisqu'en 2000 seuls 20 % des emplois précaires bénéficieront d'une consolidation. La résorption sera bien longue !
J'en termine avec les satisfecit. Vous avez pris conscience du retard de notre pays dans le domaine de l'enseignement artistique.
Vous augmentez donc de 53 millions de francs les crédits d'intervention du titre IV consacrés à ces enseignements. Ces crédits supplémentaires doivent permettre d'améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants, de renforcer la qualité des enseignements spécialisés, l'architecture notamment, sans oublier les étudiants français résidant à l'étranger.
Car c'est toujours le même problème : on a tendance à oublier, au-delà des départements et des territoires d'outre-mer, le troisième cercle que représentent les Français à l'étranger. Ce prolongement des actions devrait être naturel, et je compte sur vous, madame la ministre, pour que cette prise de conscience ne se limite pas au seul exercice budgétaire de cette année ! Il vous faudra pérenniser cet effort.
J'attire maintenant votre attention sur les ombres et les regrettables impasses de votre budget.
Les crédits destinés au patrimoine évoluent dans des proportions bien modestes. Je regrette aussi que la Fondation du patrimoine, mise en place par votre prédécesseur, ne soit pas prolongée. Elle permettrait pourtant de valoriser des monuments souvent tenus à l'écart du budget de l'Etat.
Là encore, il ne faudrait pas oublier les monuments français qui se trouvent dans les pays étrangers où se sont installées des communautés françaises et dans les pays où la France a été longtemps présente. Je pense, par exemple, parmi les comptoirs français de l'Inde, à Pondichéry ; aux établissements et aux installations vinicoles des huguenots en Afrique du Sud, près du Cap ; au magnifique ensemble du fort de Louisbourg, en Nouvelle-Ecosse, au Canada ; aux établissements alsaciens et lorrains en Algérie, avec les cigognes, les toits alsaciens qui sont si touchants ; aux comptoirs établis par les explorateurs au Canada et dans le Midwest jusqu'à la Louisiane, en passant par l'Ohio et le Mississippi ; je pense, enfin, à l'île Maurice.
Par ailleurs, les crédits d'entretien des monuments classés ne bénéficient que de maigres augmentations. Je vous rappelle que les estimations font état d'un besoin de 20 millions à 30 millions de francs supplémentaires pour assurer le maintien en l'état des bâtiments. Votre budget, madame la ministre, en prévoit dix fois moins.
Sans doute, le budget pharaonique de la Bibliothèque nationale de France, dont on a déjà parlé, trois fois supérieur à celui du Louvre, pour des résultats que l'on peut vraiment juger comme ubuesques, vous a empêchée d'abonder ces crédits indispensables à toute politique culturelle digne de ce nom. Nous le regrettons d'autant plus que le fonctionnement de la BNF ne semble toujours pas satisfaisant, malgré les efforts consentis.
Une autre de mes inquiétudes concerne les crédits d'acquisition. Comme en 1999, ils sont vraiment sacrifiés en 2000. La plupart des directions voient les crédits qui leur ont été alloués maintenus au niveau de 1999, voire de 1998. La dotation de la délégation aux arts plastiques est même réduite de plus d'un million de francs. Celle de la direction des Musées de France demeure insuffisante, même si elle a été accrue de près de 8 millions de francs ces trois dernières années. Mais comment pourra-t-elle faire face aux besoins d'enrichissement des collections déjà existantes et à la nécessité de constituer celles du nouveau musée des arts et civilisations et celles de la Maison du cinéma ?
Au total, le budget de la direction des Musées de France diminue de 7,52 %, les dépenses ordinaires baissent de 2,19 % et les autorisations de programme s'effondrent de 17,72 %. L'explication de cette chute réside naturellement dans la diminution des dépenses liées aux grands travaux. Mais n'aurait-t-on pas pu affecter ces sommes à d'autres opérations de la direction des Musées de France ?
A propos de l'art lyrique, j'évoquerai la grave crise que traverse l'Opéra-Comique. Privée de budget artistique, sans orchestre permanent, sans atelier de décors et de costumes, la salle Favart se heurte à une réalité économique, qui est de produire de l'opéra sans subventions, et à une réalité artistique, puisque son répertoire est présenté dans quatre autres salles parisiennes. La subvention allouée par le ministère de la culture est largement insuffisante pour maintenir l'Opéra-Comique en état de marche. Comment la prochaine saison pourra-t-elle débuter dans ce contexte, alors que la salle nécessite d'importants travaux de sécurité ?
Votre responsabilité, madame la ministre, est engagée dans ce dossier. Il vous faudrait débloquer 12 millions de francs pour apurer le déficit, faire passer la subvention de 28 millions à 43 millions de francs, et procéder à 100 millions de francs de travaux. Voilà une facture bien lourde ! Mais la question est bien simple : voulez-vous, oui ou non, sauver la salle Favart ?
Permettez-moi aussi de vous faire part d'autres inquiétudes. Le Grand Palais est fermé depuis six ans. Sa restauration n'a toujours pas dépassé le stade des études. Espérons que les 30 millions de francs en autorisations de programme prévus dans le budget pour 2000 seront correctement utilisés !
Ensuite, le Palais de Tokyo, qui devait accueillir le musée et l'école du cinéma, verra s'installer un centre de la jeune création française. Les tergiversations sur ce dossier ont déjà coûté 30 millions de francs !
Madame la ministre, j'attends que vous nous apportiez des précisions sur vos intentions.
Malgré ces critiques, auxquelles je vous sais très attentive, j'estime que votre budget témoigne d'un effort de rigueur. C'est pourquoi mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même le voterons.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Madame la ministre, vous présentez au Parlement un budget que vous qualifiez de prioritaire dans l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000. Nous sommes, je crois, tous, convaincus de l'importance des crédits alloués à la culture.
Ainsi, comme l'ont dit mes collègues avant moi, en particulier MM. les rapporteurs, ce budget représentera, pour 2000, 0,98 % des charges nettes de l'Etat, contre 0,967 % en 1999. Je n'ai pas le fétichisme du 1 %. Il atteindra 16 milliards de francs, avec une progression de 369 millions de francs, c'est-à-dire qu'il connaîtra une hausse non négligeable de 2,1 % par rapport à l'année dernière.
Reconnaissons-le objectivement : ces chiffres sont satisfaisants et les axes directeurs de votre budget permettront, pour une part, la démocratisation de la culture. Permettez-moi donc de me réjouir, dans un premier temps, de certaines de ces orientations qui vont dans le bon sens, c'est-à-dire dans le sens de l'élargissement, que nous souhaitons tous, et de l'amélioration de l'accès à la culture, notamment pour les jeunes.
Certains oublis ne manquent pas de m'inquiéter et, avec moi, bon nombre de mes collègues. J'en parlerai dans un second temps.
J'aborderai, tout d'abord, les mesures globalement positives de ce budget.
Je voudrais, après d'autres, souligner l'extension de la gratuité du dimanche à l'ensemble des musées nationaux, la gratuité pour les monuments historiques pour les jeunes de douze à dix-huit ans, la mise en place d'un tarif unique, le jeudi, de cinquante francs dans les cinq théâtres nationaux, l'alignement du régime des bourses des étudiants des écoles d'art et des écoles d'architecture sur celui de l'éducation nationale, etc.
De même, vous développez - c'est un point qui me semble positif sur le plan budgétaire - les enseignements artistiques. Vous mettez l'accent sur le soutien à la création et vous accordez 80 millions de francs supplémentaires au spectacle vivant.
Néanmoins, nous nous interrogeons, madame la ministre : si le passage à la société de l'information - et la culture, l'art, passera, passe, par la société de l'information, par le multimédia - si ce passage, disais-je, reste encore extrêmement décevant, la poursuite, en 2000, du programme d'accès à Internet, avec les 130 centres culture-multimédia, ne peut être que saluée, mais le maintien de ce programme était un minimum.
On peut constater que les subventions d'investissement à des maîtres d'ouvrage locaux pour la rénovation ou la construction d'équipements culturels locaux seront augmentées, avec une priorité, que je salue, accordée aux archives départementales et municipales, aux musées classés et contrôlés, aux équipements de spectacle.
Voilà donc bien des points positifs. Mais les efforts affichés par votre budget sont-ils tous aussi satisfaisants qu'ils le paraissent ? J'en doute.
Votre budget mérite également d'être abordé sous l'angle des interrogations ; c'est le rôle de la majorité sénatoriale, c'est le rôle d'un élu représentant l'opposition nationale.
L'enthousiasme me fait donc un peu défaut ; vous allez comprendre pourquoi.
L'an dernier, lors de l'examen des crédits consacrés à la culture, je vous avais interrogé, madame la ministre - je n'étais pas le seul - sur le problème de la précarité des emplois relevant de votre ministère. Nous avions reçu, à l'époque, les représentants des personnels, qui nous avaient fait part avec vivacité du malaise existant : résorption insuffisante des vacations, sous-effectif chronique, bref, lâchage du Gouvernement ; il avait bien fallu défendre l'intérêt national.
Depuis, des grèves sont intervenues - il faut le rappeler - en fin d'année 1998, au printemps 1999. Ces manifestations se sont terminées - espérons-le, définitivement - avec l'adoption d'un protocole qui inscrit la solution du conflit dans un plan pluriannuel. Comme l'a dit en substance l'excellent rapporteur M. Gaillard, d'ici à cinq ans, la situation de près de 2 000 salariés sera régularisée, tandis que 500 vacataires au contrat de travail de moins de dix mois verront ces contrats renouvelés.
Mme la ministre - ce chiffre a déjà été évoqué par d'autres - si votre budget prévoit la création de 295 emplois et si vous dites vouloir lutter contre la précarité, nous souhaiterions cependant avoir des garanties. Quant à la résorption effective de ces postes précaires, nous attendons que des mesures soient prises et que vous nous en précisiez la teneur. Un encadrement rigoureux de l'embauche des vacataires doit être mis en place. Permettez-moi de dire que la presse le souligne aujourd'hui : « Emplois précaires, l'Etat négrier ! ». Je l'ai lu dans le train en venant de chez moi. Telle est ma première interrogation.
Ma deuxième interrogation porte sur l'importance que revêtent les crédits consacrés au patrimoine. A cet égard, je ne serai pas non plus le premier à vous interroger, mais je me permettrai d'insister et d'enfoncer le clou.
La diminution des crédits d'investissement du patrimoine consacrés aux opérations sur les palais nationaux, l'achèvement de certains grands travaux, en particulier parisiens, vont permettre le soutien à la réalisation d'équipements culturels dans les régions et ce que vous appelez le renforcement du maillage du territoire et des zones urbaines en équipements de qualité.
Sur ce sujet, permettez-moi de vous interroger sur l'affectation de ces crédits et sur leur durée.
Permettez-moi également de mettre en évidence la très faible part des crédits consacrés à la restauration du patrimoine, même si la diminution des sommes allouées aux monuments appartenant à l'Etat va permettre, heureusement, le renforcement des concours à l'investissement pour la restauration des nombreux monuments appartenant à des collectivités locales.
La volonté officiellement marquée - mais quel est le ministre qui ne l'a pas revendiquée ? Et j'en ai connu quelques-uns ! - d'engager un certain rééquilibrage Paris-province et le caractère volontariste que vous prétendez insuffler à cet effort ne sont pas tout à fait crédibles.
En effet, ce qui peut sembler être un effort accru de votre part - ce rééquilibrage tant attendu - n'est dû, en fait, qu'à ce que M. le rapporteur Gaillard appelle, fort justement, « un jeu de bascule ».
Cet effort de votre ministère est avant tout permis par un mécanisme, sûrement astucieux, de vases communicants qui arrange la lecture du budget.
Mais jusqu'à quand ? Pour combien de temps ? Permettez-moi de vous poser ces questions.
De même, le renforcement des concours à l'investissement pour la restauration des monuments n'appartenant pas à l'Etat sera-t-il durable ?
Vous le savez, madame la ministre, la charge des coûts que représentent pour les collectivités locales la préservation, la restauration, la protection du patrimoine local est considérable.
Nous sommes tous ici attachés, comme nos concitoyens, bien sûr, aux cathédrales, mais aussi aux églises, aux lavoirs, aux édifices historiques qui s'élèvent dans nos régions, nos départements, nos communes.
Les collectivités locales, dont le Sénat assure en tout premier lieu la représentation, ont souvent du mal à budgétiser ces dépenses. Je le répète, mais d'autres l'ont dit avant moi, notamment M. Maman, votre budget en ce qui concerne le patrimoine rural est insatisfaisant.
Enfin, ma troisième et dernière question porte sur la question des fouilles archéologiques préventives.
Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur cette question, notamment lors de votre audition par la commission des affaires culturelles. Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que vos réponses ne m'ont pas encore totalement convaincu. Je ne demande pourtant qu'à l'être.
Les fouilles préventives qui doivent être effectuées avant certains travaux d'urbanisme engendrent, par l'ampleur du chantier mis en place, des problèmes non seulement en termes de délais mais également, surtout et de plus en plus, en termes de coûts pour les collectivités locales qui en ont la charge.
Il serait intéressant de connaître précisément et la part consacrée à ces chantiers par les collectivités et la part engagée par l'Etat. Cette dernière est, nous devons en convenir, beaucoup trop modeste. Comptez-vous y remédier ?
Je m'interroge d'ailleurs - et je l'ai dit en commission - sur l'absence de consultation publique qui prévaut dans le cadre des marchés publics en ce qui concerne les fouilles archéologiques préventives. J'espère que vous m'éclairerez sur cet aspect des fouilles.
Pour conclure, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai que le groupe du RPR du Sénat manifeste son attachement à une véritable politique nationale culturelle. Mais une politique nationale concerne 60 millions de Français et non pas 1 million ou 10 millions, je dis bien 60 millions, c'est-à-dire les habitants des 36 000 communes, des 102 départements et assimilés et des 22 régions.
Puisse la discussion budgétaire qui est engagée nous convaincre d'adopter votre budget madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Madame la ministre, le budget que vous présentez devant le Sénat traduit un engagement essentiel en faveur de la culture, avec la claire ambition qu'elle soit mieux partagée par l'ensemble des citoyens, mais également mieux répartie sur l'ensemble du territoire national.
L'augmentation de 2,1 % par rapport à la loi de finances pour 1999, soit deux fois plus que la progression moyenne des dépenses de l'Etat, lui confère un « label » de budget prioritaire.
Ainsi, vous proposez d'atteindre, d'ici à la fin de cette législature, l'objectif de 1 % posé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
Nous nous en félicitons, en gardant à l'esprit les mesures fortes qui accompagnent l'exposé de votre budget, notamment la politique tarifaire visant à favoriser l'accès aux théâtres, musées et monuments, ainsi que l'effort constructif que vous poursuivez en matière de déconcentration des crédits dans les régions.
Madame la ministre, j'appellerai votre attention sur trois sujets d'actualité dans nos collectivités locales : la valorisation du patrimoine, la restauration des oeuvres d'art et, enfin, le développement de la musique et de la facture d'orgue.
Avec 11,5 millions de visiteurs en 1999 comme en 1998, le succès d'affluence que connaissent les Journées du patrimoine témoigne de l'intérêt accru du grand public pour les sites et les monuments historiques, pour ces lieux de mémoire qui sont le reflet de nos identités régionales et nationales, comme notre collègue Philippe Nachbar l'a dit dans son excellent rapport.
Ces manifestations conduisent à se familiariser davantage avec l'architecture, avec l'histoire de l'art et, surtout, avec l'histoire de sa région.
A plus long terme, la question posée aux collectivités territoriales est très simple : comment faire pour que les richesses dont disposent nos villes, nos communes puissent avoir un effet multiplicateur sur le plan économique ?
Une première réponse est de consolider la connaissance de ce patrimoine, grâce au travail préalable et indispensable de l'inventaire, réalisé en concertation avec les services des DRAC, directions régionales des affaires culturelles, dont il faut accroître les effectifs et améliorer les moyens d'intervention.
La seconde réponse consiste à engager des crédits pour la restauration de plus nombreux bâtiments, qu'ils soient déjà classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire ou encore non protégés.
Enfin, la mise en place d'itinéraires de découvertes, de cycles de conférences et d'animations est un moyen intelligent pour réhausser le niveau des prestations offertes au public en matière de confort, d'accueil et de visite.
Un exceptionnel héritage patrimonial constitue, pour la France, un atout considérable sur la carte du tourisme en Europe.
Je citerai un chiffre extrait d'une étude publiée en 1998 par votre ministère : sur les 65 millions de touristes ayant visité notre pays, il est significatif que 20 % déclarent s'intéresser en priorité pendant leur séjour à l'éventail extraordinaire de nos richesses patrimoniales.
Ce débat budgétaire doit nous donner l'occasion, madame la ministre, de rappeler les dispositions prises en faveur de l'entretien et de la valorisation du patrimoine.
La baisse des crédits pour les « grandes opérations » permettra, en effet, d'augmenter l'enveloppe destinée aux restaurations de monuments historiques appartenant notamment aux collectivités locales.
Cette enveloppe enregistre une hausse de 59,6 millions de francs, soit une progression de 24 % par rapport à l'exercice précédent.
En outre, 11 millions de francs de mesures nouvelles en autorisations de programme bénéficieront à la relance des procédures concertées avec les collectivités locales, telles que la mise en oeuvre des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, la détermination des secteurs sauvegardés et la réalisation d'études pour la mise en valeur des espaces publics.
A cet égard, les conservateurs du patrimoine sont aujourd'hui unanimes pour demander l'intégration des données du bâti ancien dans les politiques d'urbanisme.
A ce titre, on ne peut que souligner le rôle positif joué par les CAUE ; cela a été dit, qui sont un relais territorial majeur pour engager des réflexions innovantes, tout particulièrement en milieu rural.
J'observe cependant, madame la ministre, que les architectes des Bâtiments de France sont encore en nombre insuffisant pour suivre avec toute l'attention nécessaire les campagnes de réhabilitation engagées ici et là.
Pour l'essentiel, une nouvelle étape devrait être franchie et susciter progressivement chez les acteurs locaux une véritable culture patrimoniale si la pratique des conventions passées entre villes et départements s'étendait, demain, de façon significative à l'échelon des communautés de communes, les districts étant appelés à disparaître compte tenu de l'évolution de la loi en la matière.
Nous sommes convaincus que le volet culturel est une chance unique pour les projets de pays qui seront constitués dans le cadre de la future loi d'aménagement du territoire.
Madame la ministre, vous avez, de même, entrepris la réforme, très intéressante, de la gestion des subventions et de la programmation des restaurations, dont les directions régionales des affaires culturelles auront désormais la responsabilité.
Autre innovation : la création des fonds régionaux d'aide à la restauration, les FRAR, qui s'ajouteront aux crédits déconcentrés et seront financés à parité par l'Etat et les collectivités.
Là encore, évitons les saupoudrages et encourageons le développement des pôles d'excellence en mesure d'irriguer les bassins d'emplois locaux.
Dans cette perspective, la direction du patrimoine estime que, pour un million de francs investis dans une campagne de restauration, trois emplois sont créés.
Avant de conclure, j'indiquerai que la facture d'orgue mérite également d'être soutenue, dans le respect de ses compétences artisanales et dans la recherche de débouchés au-delà même de nos frontières.
Cette profession, qui relève de l'aménagement « musical » du territoire, notamment dans nos régions et nos départements, mérite notre total soutien. Cette démarche est aussi importante sur le plan culturel que sur le plan économique.
Nous nous félicitons du renforcement des crédits dégagés par votre ministère en direction des écoles nationales et des conservatoires régionaux de musique, en émettant le souhait que la musique d'orgue ne soit pas oubliée, mais bien au contraire encouragée et mise à l'honneur dans l'année où nous célébrons le centenaire du grand facteur d'orgue du xixe siècle Cavaillé-Coll.
Cette actualité n'est pas celle d'une élite citadine, car nombreux sont les concerts et festivals d'orgue qui se déroulent dans les arrière-pays.
Un effort en faveur des orgues s'impose vraiment. Je signale, par exemple, que plusieurs villes importantes n'ont pas d'orgue dans leur cathédrale : c'est le cas, entre autres villes, de Grenoble et Saint-Dié. Quant à l'orgue de la cathédrale de Lyon, sa qualité n'est pas à la hauteur de cette capitale des nations européennes.
Il reste donc encore beaucoup à faire pour dynamiser et entretenir la pratique de cet art. Nous y reviendrons ultérieurement, non seulement en commission des affaires culturelles, mais aussi au sein du groupe de travail relatif aux métiers d'art.
En définitive, madame la ministre, votre budget définit une approche à la fois généreuse et cohérente de la politique culturelle. Nous le voterons avec autant de fermeté que d'enthousiasme. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord exprimer mes remerciements aux rapporteurs, qui ont analysé avec vigilance et exigence, à la lumière des exercices précédents, les propositions que je leur ai soumises.
Ils ont noté la cohérence de l'ensemble et relevé les progrès réalisés par rapport aux années passées ; leurs conclusions m'ont paru tout à fait encourageantes.
En effet, le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui permet de déceler ce qui a été entrepris depuis mon arrivée dans ce ministère, c'est-à-dire depuis le milieu de l'année 1997, à savoir le redressement des finances, la clarification du budget, la réalisation de certains transferts qui permettent de faire une priorité du rééquilibrage entre Paris et les régions, la majoration des budgets les plus faibles, le soutien au spectacle vivant, la mise en oeuvre d'options fondamentales comme la démocratisation et le développement de l'éducation artistique, de façon à toucher le plus grand nombre de Français.
Ce projet de budget pour 2000, après les budgets de 1998 et de 1999, permet de situer l'étape à laquelle nous sommes parvenus et de constater que ce que j'avais annoncé est aujourd'hui concrètement engagé.
Cette année encore, conformément à l'engagement pris par M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale d'un budget de la culture destiné à représenter 1 % du budget de l'Etat, un caractère prioritaire a été reconnu au budget de la culture.
C'est ainsi que, dans le présent projet de loi de finances, le budget de la culture augmente de 329 millions de francs, soit une progression de 2,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999, ce qui correspond à un rythme plus de deux fois supérieur à la prévision d'évolution des prix à la consommation, qui constitue la norme de progression des dépenses de l'Etat pour 2000, à savoir 0,9 %.
De projet de loi de finances à projet de loi de finances, comparaison qui donne une mesure plus exacte de l'évolution des moyens dont est doté mon département ministériel, le budget de la culture augmente de 369 millions de francs, soit 2,4 %, par rapport à 1999.
En 2000, le budget de la culture représentera ainsi 0,968 % des charges nettes de l'Etat, ou encore 0,98 % de ces mêmes charges selon la structure de 1998 du budget général de l'Etat. Il atteindra 1 % au cours de cette législature, comme cela a été annoncé.
Mais, au-delà de ces chiffres globaux, c'est sur la traduction budgétaire de la politique culturelle que je conduis que je souhaite m'exprimer devant vous, tout en répondant à vos interrogations.
Le projet de budget de la culture pour 2000 comporte trois avancées majeures : un soutien mieux affirmé à la création artistique sous toutes ses formes ; une meilleure distribution de l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire ; un élargissement de l'accès aux lieux de culture.
Il va tout d'abord permettre la mise en oeuvre des mesures tarifaires destinées à élargir l'accès aux lieux de culture, mesures que j'ai annoncées en juin dernier lors d'une communication en conseil des ministres sur la démocratisation des pratiques culturelles.
Il s'agit de l'extension à l'ensemble des musées nationaux de la gratuité d'accès le premier dimanche de chaque mois - elle était jusque-là limitée au seul musée du Louvre - de l'extension aux jeunes de douze à dix-huit ans de la gratuité d'accès aux monuments nationaux, de l'application aux monuments nationaux, depuis le 1er octobre dernier, de la gratuité d'accès le premier dimanche de chaque mois, d'octobre à avril compris, et enfin du tarif unique à 50 francs le jeudi dans les cinq théâtres nationaux.
Je n'ai certes pas la naïveté de croire que ces mesures tarifaires se suffisent à elles-mêmes. Pour être pleinement efficaces, elles devront s'accompagner d'actions de sollicitation des publics, tout particulièrement des publics de proximité, qui ont trop souvent été négligés alors qu'ils constituent une cible prioritaire de la démocratisation culturelle, et cela en application de la charte des missions de service public. Les établissements publics du ministère de la culture et de la communication doivent faire preuve de volontarisme à cet égard. Il devront se montrer plus actifs, et j'y veillerai.
La question tarifaire méritait d'être posée. D'ores et déjà, j'observe que les premiers dimanches gratuits dans les monuments nationaux ont conduit à des résultats très favorables.
Le projet de budget de la culture pour 2000 va, par ailleurs, permettre un renforcement de l'action du ministère de la culture et de la communication dans le domaine des enseignements, qu'il s'agisse des enseignements à vocation professionnelle - je pense ici à ce qui est prévu pour les écoles d'architecture, en particulier, mais aussi pour nos écoles d'art, conservatoires, etc. - ou des enseignements destinés à favoriser une ouverture culturelle, notamment de la part des jeunes.
Comment pourrait-on oublier que le développement des pratiques artistiques est le fondement de toute politique de démocratisation des pratiques culturelles ?
Ainsi, en 2000, des mesures fortes seront mises en oeuvre dans le domaine des enseignements.
J'évoquerai, en premier lieu, l'alignement du régime des bourses des étudiants des écoles d'art et des écoles d'architecture sur celui de l'éducation nationale. Il me paraît indispensable qu'il n'y ait pas de différence entre les étudiants des universités et les étudiants de nos écoles qui forment à des diplômes supérieurs.
Je mentionnerai, en deuxième lieu, la mise en place d'ateliers de pratiques artistiques dans les lycées, en partenariat avec l'éducation nationale, en ayant pour objectif une généralisation en 2001.
Enfin, en troisième lieu, je rappellerai qu'il est procédé à un renforcement sélectif des concours de l'Etat aux écoles nationales et municipales d'arts plastiques et aux écoles nationales et conservatoires régionaux de musique, en fonction de leurs projets pédagogiques.
Au total, les crédits d'intervention consacrés aux enseignements sont en augmentation de 6,9 %, soit 53 millions de francs.
C'est une étape importante. Nous souhaitons que cet effort porte ses fruits, et nous tenons à voir notre partenariat avec l'éducation nationale se développer de façon solide. Dans cette perspective, il importe que nous tirions les conséquences des premières initiatives qui ont été lancées, par exemple le programme « Musique à l'école ».
J'ai également souhaité que puissent être organisées, dans nos écoles comme dans l'éducation nationale, des formations permettant de favoriser l'intervention de professionnels de la culture. En effet, cela suppose que les enseignants soient formés et puissent vraiment tirer parti de cet enseignement artistique dans le cursus scolaire de leurs élèves. D'un autre côté, il s'agit aussi de former les professionnels de la culture à intervenir en classe. Ayant interrogé un grand nombre de personnes qui ont fait le choix de consacrer une partie de leur temps à l'enseignement artistique à l'école, j'ai pu mesurer combien il était important, pour ces personnes, de disposer d'un certain nombre d'éléments pédagogiques, car il n'est pas toujours facile de se retrouver devant une classe.
Nous en sommes donc, dans ce domaine, à une étape déterminante, celle de la fondation. Le budget pour 2001 et les budgets suivants nous permettront de généraliser progressivement ce dispositif, de manière qu'il puisse toucher toute la population jeune.
Outre les bourses, les moyens consacrés à l'enseignement de l'architecture seront de nouveau accrus en 2000. Les subventions de fonctionnement aux écoles d'architecture bénéficient d'une mesure nouvelle. L'augmentation de la dotation consacrée aux investissements dans les écoles d'architecture, portée de 55 millions de francs en 1999 à 120 millions de francs en 2000, permettra d'engager les travaux nécessaires à la mise en oeuvre de la nouvelle carte de l'enseignement de l'architecture en Ile-de-France, ainsi que la réalisation d'opérations importantes dans les régions.
La priorité donnée au titre IV dans l'élaboration du projet de loi de finances pour 2000, qui se traduit par 172 mesures nouvelles, conduit, comme en 1999, à reconnaître un caractère prioritaire au spectacle vivant, qui se verra attribuer 80 millions de francs de mesures nouvelles, enseignements compris, après 110 millions de francs en 1999.
L'augmentation des moyens consacrés au spectacle vivant permettra notamment d'accompagner la réforme de l'aide aux compagnies dramatiques, de mieux soutenir les compagnies chorégraphiques et de favoriser l'essor des esthétiques nouvelles - musiques actuelles, cirque, arts de la rue - toujours dans le souci de prendre en compte l'intégralité des disciplines du spectacle vivant.
En 2000, un haut niveau d'exigence sera maintenu à l'égard des structures subventionnées.
Je précise, à l'intention de M. le rapporteur spécial, que le suivi des crédits du titre IV, notamment les crédits déconcentrés, est opéré par un logiciel dénommé « Ensemble » ; en 2001, un nouvel outil, qui va s'appeler « Quadrille », dont j'ai décidé le principe dès mon arrivée, sera opérationnel. Il permettra d'aller plus loin dans l'analyse des situations financières des structures subventionnées et de poursuivre l'amélioration de l'information du Parlement quant à l'utilisation des crédits.
A mes yeux, il est indispensable que l'Etat soit à la fois respectueux de sa parole et juste dans l'attribution des moyens. Je remercie d'ailleurs Mme Pourtaud d'avoir si remarquablement dit combien il est important de gérer l'argent public à la fois correctement et de façon équitable.
Les outils que je viens d'évoquer nous permettront d'agir très efficacement.
Je voudrais maintenant aborder la question des droits des artistes interprètes, qu'a soulevée M. Ralite.
Mon cabinet et mes services seront présents au colloque de la SPEDIDAM qu'il a évoqué.
Je ne saurais envisager de remettre en cause les droits des musiciens. Je crois seulement utile de poser clairement le problème de la limite entre la radiodiffusion et la distribution. Vous conviendrez que, dans l'univers numérique, cette frontière est fluctuante et qu'il vaut mieux en parler et savoir résoudre les questions qui nous ont été posées. C'est pourquoi, depuis plusieurs mois, nous nous consacrons à des rencontres et à l'examen des dispositions qui peuvent être prises.
Mon souci est bien de rester guidée par la volonté ferme de protéger les filières musicale et cinématographique.
En ce qui concerne un point d'actualité sensible pour les professionnels de la culture, à savoir celui du régime des intermittents du spectacle, le Gouvernement est attaché à préserver la pérennité d'un dispositif d'assurance chômage spécifique au spectacle vivant et enregistré au sein du régime de solidarité interprofessionnelle géré par l'UNEDIC. Il est aussi soucieux de respecter la liberté de négociation des confédérations professionnelles et syndicales.
Les modalités d'application du régime conventionnel d'assurance chômage sont précisées par des accords conclus pour une durée déterminée - trois ans - sur le plan national et interprofessionnel. C'est dans ce cadre juridique que les partenaires sociaux ont signé le 20 janvier dernier un accord relatif à la reconduction jusqu'au 31 décembre des annexes 8 et 10 propres aux intermittents du spectacle.
Pour la première fois, ces annexes reprennent certaines dispositions qui ont été négociées par les partenaires sociaux des secteurs professionnels du spectacle vivant et enregistré, en ce qui concerne le champ d'application et le mode de calcul de l'allocation journalière des ouvriers, techniciens et réalisateurs du cinéma et de l'audiovisuel relevant de l'annexe 8.
Je reste, évidemment, très vigilante sur ce dossier sensible et particulièrement attentive aux négociations en cours. C'est un point que nous avons évoqué cette semaine même avec le conseil national des professionnels du spectacle.
Nous en sommes bien conscients, la reconduction du régime d'assurance chômage est nécessaire pour permettre la permanence de l'activité d'un certain nombre de professionnels et de structures. Le Gouvernement souhaite en tout cas que les discussions en cours aboutissent positivement.
Dans ce dialogue, la position du MEDEF reste celle qui présente, en quelque sorte, le plus de risque. Je n'ai pas perçu, chez les autres partenaires, des réserves quant à la volonté de poursuivre le dialogue. Par ailleurs, il n'existe pas de changement dans l'attention que nous portons, ma collègue Martine Aubry et moi-même, à ce dossier et dans notre désir de le voir aboutir.
Si le domaine du spectacle vivant est fortement soutenu dans le projet de budget pour 2000, les autres secteurs d'intervention du ministère de la culture et de la communication, notamment patrimoniaux, ne sont pas négligés.
C'est ainsi que les grandes expositions en régions et la restauration des oeuvres appartenant aux musées classés et contrôlés seront mieux soutenues. La réorientation des interventions du fonds du patrimoine vers un soutien accru aux acquisitions des musées classés et contrôlés sera poursuivie.
Un soutien spécifique, sur crédits déconcentrés notamment, sera mis en oeuvre pour les actions de conservation et de diffusion des langues régionales et minoritaires, qui constituent un élément important de notre patrimoine culturel. La transformation de la délégation générale à la langue française en délégation générale des langues de France marquera, je l'espère, symboliquement et matériellement cette reconnaissance.
Chaque fois que cela sera possible, le champ des conventions de villes et pays d'art et d'histoire sera étendu au patrimoine du xxe siècle.
Enfin, les conventions ville-lecture seront développées afin de favoriser un usage accru du livre par les publics qui en sont éloignés.
Le projet de budget de la culture pour 2000 marque également une priorité affirmée en faveur d'un renforcement du soutien apporté par l'Etat à la réalisation d'équipements culturels dans les régions.
Ainsi, il comporte une nouvelle augmentation des concours de l'Etat à la réalisation d'équipements culturels locaux - il s'agit du chapitre 66-91 - dont la dotation atteindra 490 millions de francs, contre 397 millions de francs cette année, soit une progression de 23,4 %.
Cet effort profitera notamment aux archives, aux équipements du spectacle vivant, aux musées classés et contrôlés, et aux équipements culturels de proximité. Il intervient dans un contexte parfaitement sain : les retards de mandatement de subventions d'investissement aux collectivités locales dont j'avais hérités, à savoir 300 millions de francs, sont aujourd'hui totalement comblés.
Depuis mon entrée en fonctions rue de Valois, le montant des subventions d'investissement à la réalisation d'équipements culturels locaux a doublé : 490 millions de francs figurent dans le projet de loi de finances pour 2000, contre 234 millions de francs dans la loi de finances initiale de 1997.
La progression continue des subventions d'investissement à la réalisation d'équipements culturels dans les régions et la maîtrise du nombre et du coût unitaire des nouveaux équipements culturels nationaux à Paris vont conduire, en 2000, à une véritable rupture dans la destination des investissements du ministère de la culture et de la communication.
En 2000, les crédits destinés à la réalisation d'équipements culturels dans les régions feront jeu égal - ou quasiment, à 1 % près - avec ceux qui sont consacrés aux équipements culturels nationaux à Paris. En 1997, ce rapport était de trois à un en faveur de Paris.
Ce nouvel équilibre, qui concourt à une meilleure distribution de l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire, n'a pas un caractère conjoncturel. Si la possibilité m'en est donnée, je souhaite le faire évoluer dans un sens encore plus favorable aux équipements culturels décentralisés.
Par ailleurs, M. le Premier ministre a accédé à ma demande d'une ouverture exceptionnelle de 96 millions de francs de crédits dans le projet de loi de finances rectificative pour 1999, afin de mieux soutenir les investissements des communes dans le domaine des bibliothèques municipales, au-delà, bien évidemment, de la dotation prévue, en 2000, au titre de la dotation générale de décentralisation.
Je tiens à préciser à l'intention de M. Gaillard, rapporteur spécial, qui m'a interrogée sur ce sujet, que les crédits destinés aux opérations de l'an 2000, c'est-à-dire 185,7 millions de francs, représentent une ouverture nette au titre de l'annuité 2000 consacrée aux manifestations qui seront organisées. Même si certaines d'entre elles concernent, bien sûr, le ministère de la culture, il n'y a pas eu de ponction sur les dépenses courantes de notre département ministériel.
Certes, nous avons la responsabilité du suivi de ces opérations au nom de l'ensemble des ministères, mais les crédits de notre ministère n'en pâtissent pas, ainsi que M. le Premier ministre l'avait décidé.
Les 96 millions de francs auxquels j'ai fait allusion précédemment constituent donc bien une ouverture brute en autorisations de programme et en crédits de paiement au titre de l'investissement dans les bibliothèques municipales.
Les 50 millions de francs, figurant au titre IV, gelés par le ministère de l'économie et des finances dans le cadre du contrat de gestion sur l'exécution budgétaire de 1999 étaient condamnés. De fait, ils ont été préservés et redéployés pour cet investissement jugé prioritaire dans les bibliothèques municipales. Par ailleurs, 46 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement ont été prélevés sur les crédits prévus pour les grandes opérations, mais les moyens de droit commun de la direction de l'architecture et du patrimoine ne sont pas touchés. En réalité, toutes ces sommes ont été prises sur les ouvertures de crédits au titre des grandes opérations, lesquelles avaient pris de l'avance par rapport au calendrier des travaux.
Gouverner, c'est faire des choix ! J'ai préféré que les sommes non mobilisées dans l'exercice 2000 soient affectées en priorité à la lecture publique. J'ai donc proposé ce redéploiement. Puisque des crédits étaient gelés, plutôt que de les supprimer, nous les avons utilisés.
Par conséquent, nous nous en sommes bien sortis et, pour la première fois depuis 1997, le budget de la culture ne contribue pas au financement des dépenses interministérielles en cours d'exécution budgétaire. Nous avons trouvé là une nouvelle façon de manifester cette priorité accordée à la culture.
Je reviendrai maintenant sur les interventions concernant l'effort à accomplir pour la restauration et l'entretien du patrimoine.
Si, prise globalement, l'enveloppe « patrimoine », c'est-à-dire les titres V et VI, augmente dans une proportion limitée - 11 millions de francs, soit 0,7 % - les crédits hors opérations portant sur des palais nationaux - le Grand Palais, Versailles, le Palais de Chaillot et le Palais Garnier - enregistrent une forte progression : 108 millions de francs, soit 7,7 %.
Je ne peux m'empêcher d'observer que cette progression est très supérieure à celle à laquelle aurait conduit l'application du coefficient d'actualisation prévu par la loi de programme de 1994, qui se serait élevé à 2,9 %.
On a évoqué l'érosion de ces crédits. Je rappellerai que les lois de finances initiales de 1996 et de 1997, avec, respectivement, 1,663 milliard de francs et 1,174 milliard de francs, avaient enregistré une baisse, par rapport aux objectifs, de 29,3 %. Les crédits de 1998 s'élevaient à 1,646 milliard de francs. Dans le projet de loi de finances initiale pour 2000, ils s'établissent à 1,701 milliard de francs. Les crédits augmentent donc, de 1997 à 1998, de 40,2 % et nous nous situons largement au-delà de la loi de finances initiale de 1996.
Au vu de ces chiffres, les critiques qui ont été exprimées ici ne sont donc pas fondées. En effet, je crois pouvoir montrer qu'il y a non seulement une restauration de ces crédits, mais aussi une forte mobilisation qui permet de répondre à un rythme plus soutenu aux décisions qui sont prises en matière d'entretien et de restauration du patrimoine.
L'augmentation des crédits du patrimoine, hors opérations portant sur des palais nationaux, profitera tout particulièrement aux secteurs sauvegardés et aux espaces protégés : plus 11 millions de francs, soit 31,4 %. La ville est notre premier bien culturel. Je souhaite affirmer la responsabilité particulière de mon département ministériel dans l'amélioration de la qualité du patrimoine urbain.
Cette augmentation concernera aussi les subventions d'investissement pour la restauration de monuments historiques - plus 59,6 millions de francs, soit 24,9 % - pour lesquelles s'est manifestée une forte demande de la part de nos partenaires locaux.
Ce faisant, je n'oublie pas les travaux indispensables à mener sur certains grands édifices publics. Les crédits ouverts dans les deux précédentes lois de finances pour la restauration du Grand Palais vont commencer à être employés en 2000, les difficultés d'application du contrat de maîtrise d'oeuvre étant aujourd'hui entièrement surmontées.
En outre, nous amorçons, dans le projet de loi de finances pour 2000, un changement de dimension de l'effort consacré par l'Etat à la réhabilitation de Versailles. Beaucoup reste à faire pour améliorer les conditions de sécurité des personnes - je pense à celles qui y travaillent et aux visiteurs - et des biens, pour moderniser les réseaux et pour prévoir des conditions d'accueil des visiteurs dignes de ce lieu prestigieux. J'aurai prochainement l'occasion de m'exprimer sur ce sujet dans une communication au conseil des ministres.
En ce qui concerne le Grand Palais, les crédits se sont élevés à 150 millions de francs en 1998, 217 millions de francs en 1999 et 30 millions de francs en 2000, soit près de 400 millions de francs au total. Les travaux de consolidation des fondations et des structures du Grand Palais ont donc été financés au travers de ces crédits.
Je précise, par ailleurs, qu'il n'y a pas de contentieux, et ce grâce à l'intervention d'un médiateur : l'avenant n° 2 du marché de maîtrise d'oeuvre a été signé. C'est la raison pour laquelle nous sommes maintenant, en quelque sorte, sortis des ennuis. J'annoncerai la future destination du Grand Palais d'ici à la fin du premier semestre 2000.
S'agissant des autres points concernant les grands bâtiments, pour les « Bons-Enfants », depuis la prise de fonctions du Gouvernement, ce dossier est de nouveau à l'ordre du jour. Il était plus ou moins enlisé, voire enterré, et j'ai eu beaucoup de peine à le ressortir.
La décision favorable à mon ministère a été prise au printemps 1998. Le marché de maîtrise d'oeuvre a été signé en octobre dernier. Le retard provenait du fait que le concours avait été lancé par mon prédécesseur, sans accord interministériel, d'où les discussions difficiles qui ont eu lieu.
Le maître d'oeuvre est maintenant au travail ; le permis de construire sera demandé au mois de mars prochain ; les travaux commenceront à la moitié de l'année 2001. Le déménagement des services du ministère pourrait donc avoir lieu dix-huit mois plus tard, s'il n'y a pas de retard dans les travaux, soit au début de l'année 2003.
Ainsi, en cessant d'avoir un bâtiment inemployé et dont il faut assurer la sécurité chaque année avec des moyens relativement élevés, nous aurons également pris en compte le souci d'une bonne gestion de la dépense publique.
En ce qui concerne l'auditorium, je mène de front deux actions.
La première consiste à aider les orchestres accueillis salle Pleyel - je fais allusion non seulement à l'Orchestre de Paris, mais aussi à l'orchestre de Radio France, à Colonne et à Padeloup - à travailler dans de bonnes conditions, malgré une nouvelle direction qui a parfois des réactions imprévisibles.
La seconde action vise à poser les jalons d'une nouvelle salle symphonique légitimement implantée à La Villette et attendue de longue date.
Deux rapports devront m'être remis au printemps 2000 : l'un sur le coût et la faisabilité technique du projet, qui approfondira les conclusions rendues par une première mission ; l'autre sur les montages financiers envisagés. Je prendrai donc ma décision en connaissance de cause.
Je suis soucieuse, en effet, de ne pas dégrader de nouveau la répartition des crédits du ministère entre Paris et les régions, sachant que je suis conduite à intégrer, dans les crédits du ministère, le financement du projet de musée des arts premiers, que l'on appelle aujourd'hui le musée des arts et des civilisations.
J'ai également été interrogée sur l'Opéra-Comique. Je m'emploie, en liaison avec l'actuelle et la future direction, à réduire l'important déficit enregistré. Il s'élève encore à plus de 5 millions de francs à la fin de cette année. Cela peut impliquer une activité ralentie au premier semestre de 2000, afin de permettre un nouveau départ sous la responsabilité de Jérôme Savary dès octobre 2000. Quant aux travaux indispensables, ils seront lancés au cours de l'été 2001.
S'agissant de la salle Pleyel, un travail a été engagé pour que des décisions soient prises en ce qui concerne les mesures de protection.
Pour ce qui est du bâtiment de la Gaîté lyrique, pour l'instant, je n'ai pas de projet qui en permettrait l'usage au niveau de l'Etat. Toutefois, comme vous l'avez souligné, madame Pourtaud, la Ville de Paris doit aussi prendre en charge les équipements qui lui reviennent. Il convient d'agir dans les plus brefs délais, qu'il s'agisse de la transformation du Palais de Chaillot ou de la réouverture du Palais de Tokyo. Le bâtiment est fermé depuis des années ! Même s'il n'est pas entièrement occupé, du moins sera-t-il chauffé et gardé si nous l'ouvrons au public. Cela permettra de soutenir les jeunes créateurs. Mais que l'on ne demande pas à l'Etat de se substituer de manière systématique à la Ville de Paris, alors que cette pratique n'a pas cours dans les régions, qui font face, plus ou moins bien, à leurs responsabilités.
Il faut une règle, et cette règle doit valoir pour tous, y compris pour l'Etat, qui doit faire face à ses propres responsabilités et être irréprochable envers ses partenaires, les collectivités locales. Malheureusement, il ne peut pas répondre à toutes les sollicitations. Néanmoins, le devenir du bâtiment nous intéresse forcément.
M. Joly m'a interrogée sur les services départementaux de l'architecture et du patrimoine.
Le précédent gouvernement, celui de M. Juppé, a transféré les services départementaux de l'architecture au ministère de la culture. Toutefois, cette opération n'a pas été accompagnée du transfert des moyens correspondants, ni en effectifs, ni en crédits de fonctionnement, ce qui a posé quelques problèmes.
Depuis mon arrivée rue de Valois, les moyens de fonctionnement des SDAP ont augmenté de 28,6 %. Les moyens informatiques ont été triplés. Les moyens en personnels, avec 750 agents au début de 1999, ont crû de 5 % sur la seule année 1999, car j'ai considéré que ces services départementaux étaient prioritaires. Et tout cela alors que, par ailleurs, les moyens de fonctionnement, vous le savez bien, n'augmentent pas vraiment dans nos administrations. Il s'agit donc bien de décisions qui sont lourdes de conséquences.
En ce qui concerne les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, le dispositif prévu par la loi du 3 janvier 1977 - je le dis ici tout à fait solennellement - a démontré son efficacité. Ce dispositif obligatoire n'est cependant pas homogène sur notre territoire, puisque treize départements ne l'ont pas mis en place. Cependant, la loi ne prévoit pas les conséquences d'une telle abstention.
C'est dans le cadre de la réflexion sur la profession d'architecte que la mission d'assistance architecturale et de conseil aux collectivités des CAUE est actuellement analysée. A l'occasion de la refonte générale de la loi de 1977, on envisagera une révision de la section relative aux CAUE.
D'ores et déjà, j'ai mis en place un partenariat avec la fédération des CAUE au plan national et au plan local, par le biais des DRAC, pour conforter le rôle de médiation et de conseil complémentaire, rôle distinct de la maîtrise d'oeuvre assurée par ces structures.
Grâce à l'augmentation des subventions d'investissement pour la réalisation d'équipements culturels en région et pour la restauration de monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, le département ministériel de la culture sera, je crois, mieux à même de répondre aux demandes de ses partenaires, notamment dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région.
Je tiens à rappeler les chiffres : avec une enveloppe de 2,5 milliards de francs, en hausse de 73 % par rapport à la précédente génération, la culture s'est vu, là aussi, reconnaître le caractère d'un domaine privilégié d'intervention de l'Etat sur le territoire, en partenariat avec les régions.
Evidemment, on peut considérer que les sommes consacrées au patrimoine rural non protégé, soit 35 millions de francs, ne sont pas encore suffisantes. Mais je rappelle que, pour ce qui concerne toute une partie du patrimoine, j'ai débloqué les crédits pour la création de la Fondation du patrimoine, fondation de droit privé qui doit précisément prendre en charge une nouvelle forme de financement. Cette fondation s'est mise en place telle que prévue.
Nous avons aussi réglé la question de l'agrément fiscal pour les travaux labellisés par la fondation. Il reste à convaincre les partenaires privés. Or, ce qui, pour nous, semblait pouvoir aboutir assez facilement dans la perspective de cette fondation, s'avère beaucoup plus difficile que prévu.
J'en viens à la situation de l'archéologie préventive. La faiblesse de sa base légale a entraîné une crise. J'avais décidé de régler définitivement la question. Sur la base du rapport qui m'a été remis en juin 1998, j'ai présenté au conseil des ministres du 5 mai 1999 un projet de loi qui se fonde sur certains principes. Ainsi, l'archéologie est une science composante à part entière de la recherche archéologique ; elle doit intervenir au moindre coût, le plus rapidement possible et de façon égale sur tout le territoire.
J'ai donc proposé la création d'un établissement public administratif, qui fonctionnera grâce au produit d'une redevance acquittée par les aménageurs, en associant le plus largement possible les scientifiques - universités, Centre national de la recherche scientifique, archéologues des collectivités - et les partenaires associatifs, bien évidemment. Les modalités seront précisées dans les décrets d'application actuellement à l'étude et soumis à la concertation.
M. Vidal a évoqué la Maison du cinéma. La réalisation du bâtiment de Franck O. Gehry, pour un montant de 154 millions de francs, permettra une répartition nouvelle des espaces en réunissant la cinémathèque, le musée et la bibliothèque du film, la BIFI, dans des espaces publics d'accueil et de convivialité. Les travaux devraient commencer en 2000 et s'achever dans le courant de 2001. Les services du ministère sont en train de déterminer le coût de fonctionnement de cette future Maison du cinéma mais, bien évidemment, par rapport au Palais de Tokyo, l'ordre de grandeur est nettement inférieur.
Enfin, s'agissant des multiplexes, autres équipements culturels, j'attends les conclusions de M. Delon pour envisager les modifications de la procédure actuelle d'autorisation des équipements. Les pistes qui ont été évoquées à cette tribune sont intéressantes, et nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la remise du rapport de M. Delon, à la fin du mois de janvier. Parallèlement, le CNC soumet les grands circuits à des engagements précis de programmation. Nous sommes en train d'en discuter avec les responsables de la distribution. Il est donc possible au CNC de peser sur l'offre cinématographique mise à la disposition du public.
Le projet de budget de la culture pour 2000 comporte également des avancées très sensibles dans le domaine de l'emploi. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez bien voulu le souligner.
Les 295 créations d'emplois - 100 par création nette et 195 par transfert d'agents contractuels de l'Etat affectés dans des établissements publics vers ces établissements - constituent une avancée sans commune mesure avec l'année en cours. En outre, 79 emplois vont être créés dans le budget des établissements publics.
Les créations d'emplois obtenues en 2000 vont permettre d'engager une étape décisive dans la résorption de l'emploi précaire au ministère et dans ses établissements.
L'emploi précaire, qui est occupé par ceux que l'on désigne communément sous le terme, souvent impropre, de « vacataires », s'est généralisé pour pallier l'insuffisance en emplois statutaires de l'Etat. Ce besoin a été évidemment accru par la création et l'ouverture de nouveaux établissements. Certes, les efforts de financement avaient été prévus en investissement, mais le ministère n'avait pas été doté en postes, et ce pour des raisons que l'on connaît.
J'estime avoir aujourd'hui réuni les deux conditions nécessaires à une réduction déterminée de l'emploi précaire.
La résorption de l'emploi précaire n'intervient pas à nombre d'emplois budgétaires constant, sur des emplois budgétaires vacants ; elle repose sur des créations d'emplois au budget du ministère et de ses établissements publics. La titularisation de vacataires n'entraînera donc pas une réduction du volume global des moyens humains disponibles, ce qui ne manquerait pas d'affecter l'étendue et les amplitudes horaires des services ouverts au public, préoccupation que vous avez exprimée.
J'ai la ferme volonté de réduire l'emploi précaire de manière définitive et de prévenir sa reconstitution.
C'est l'objet de la circulaire que j'ai signée le 15 octobre dernier, qui interdit le recours à de nouveaux vacataires pour couvrir les besoins permanents à temps complet du service public de la culture. Cet engagement était au coeur du protocole d'accord de fin de grève négocié avec les organisations syndicales.
En outre, ainsi que le prévoit le projet de loi de finances pour 2000, les budgets de vacation du ministère et de ses établissements publics diminueront, afin de prendre en compte les titularisations qui interviendront sur les emplois nouvellement créés.
Ainsi, la remise en ordre de marche du ministère de la culture et de la communication permet, aujourd'hui, l'affirmation d'une nouvelle dynamique vers l'extérieur, qui s'exprime dans plusieurs directions.
Il s'agit, tout d'abord, d'une démarche d'offre culturelle en direction des publics. Les lieux de culture - musées et monuments historiques - doivent regagner le public qui les a délaissés et en gagner de nouveaux.
Il s'agit, ensuite, d'une offre de partenariat en direction des autres collectivités publiques et des acteurs culturels, qui s'exprime notamment à travers la charte du spectacle vivant, les chartes des enseignements des disciplines du spectacle vivant et des arts plastiques, en cours de préparation, ou le cofinancement d'investissements structurants au plan régional ou local.
Je signale l'installation récente, auprès de mes services, du conseil des collectivités territoriales, représentant donc tous nos élus, avec lequel nous allons travailler en étroite collaboration.
Il s'agit, encore, d'une présence affirmée sur de grands enjeux collectifs de notre temps, avec la préservation des sites naturels - je pense à la mise en valeur de la baie du Mont Saint-Michel - la requalification d'espaces urbains ou de sites anciens, la recherche d'un équilibre sur le territoire entre les sites intéressants ou l'extension du Mémorial du martyr juif.
Il s'agit, enfin, de la recherche systématique de décloisonnements entre les disciplines artistiques, les champs de recherche et de savoir, oppositions souvent stériles. Qu'il s'agisse du centre de la jeune création ou de la cité de l'architecture et du patrimoine, pour ne citer que quelques projets qui vont rassembler chercheurs et conservateurs publics, le dialogue sera donc permanent.
Je remercie le Sénat d'avoir souligné l'intérêt de l'ouverture des espaces cultures multimédias. Ces développements sont extrêmement intéressants. Au-delà, et dans le cadre de la mise en place de la société de l'information, nous avons lancé la numérisation de l'ensemble du patrimoine des collections, qu'il s'agisse de livres ou d'oeuvres de toutes sortes, y compris relevant du patrimoine audiovisuel.
En ce qui concerne la BNF, qui joue un rôle majeur dans le paysage des établissements publics de l'Etat, tout le monde a en mémoire les difficultés rencontrées à l'occasion de l'ouverture des salles de lecture, en particulier pour la communication des documents.
Le système informatique fourni par Cap Gemini ne donnait pas satisfaction. Lorsqu'il a été demandé à Cap Gemini d'apporter toutes les corrections nécessaires, nos interlocuteurs n'ont cessé de repousser le calendrier, pour des interventions qui étaient pourtant indispensables. De plus, l'entreprise n'a pas hésité à faire une demande de complément financier important pour terminer son travail. Malgré une mise en demeure qui a été adressée par la BNF en mai 1999, aucune amélioration n'a été constatée ; il a donc été décidé de résilier le contrat, avec mon accord et celui de Dominique Strauss-Kahn, le 22 juillet dernier.
Actuellement, c'est le service informatique de la BNF qui assure la maintenance de l'informatique et améliore les fonctionnalités du système. J'ajoute que l'établissement fonctionne désormais dans de biens meilleures conditions, aussi bien pour les usagers que pour le personnel.
Dans ce ministère, mon rôle est de rassembler. La culture est un bien commun dont les différentes expressions et composantes méritent d'être soutenues et encouragées plutôt que d'être opposées.
La politique culturelle ne saurait se résumer à l'alternative, que je crois fausse et stérile, entre soutien à la création et conservation du patrimoine.
Gardons-nous d'un patrimoine qui se résumerait à une suite de lieux qui ne parleraient pas à nos contemporains ! Attention à une création dépourvue de public !
M. Ralite a évoqué la conférence de Seattle. Ce fut pour moi l'occasion de rencontrer la représentation parlementaire nationale dans ses différentes composantes ; j'en ai tiré un très grand bénéfice.
Je voudrais dire ici combien je me réjouis de préparer la présidence française de l'Union. Notre action pourra se développer selon deux orientations.
Il s'agira, d'abord, de maintenir notre objectif pour que soit reconnu comme un droit universel le droit de chacun des citoyens du monde à s'exprimer dans sa culture.
Nous devons prouver que notre vision européenne vaut aussi pour les pays en voie de développement. Aussi me suis-je engagée à ce que nous préparions, avec le Maroc et d'autres pays en voie de développement, le débat sur le commerce électronique, afin que le commerce ne se substitue pas à la liberté d'expression et de création même si, bien sûr, le commerce est un échange et permet aussi de faire circuler l'information.
Il s'agira, ensuite, pour nous, de garder, sur cette nouvelle planète qu'est Internet, la possibilité de défendre aussi une exception culturelle. Invitée l'année dernière à Genève par l' Internet Society , j'ai indiqué qu'au fond, si l'on voulait qu'Internet reste fidèle à lui-même, il fallait aussi qu'on le considère comme une exception culturelle, car c'est d'abord un enjeu et un moyen de communication entre les hommes.
Voilà ce que nous continuerons de défendre en défendant aussi nos propres positions, notamment notre industrie du cinéma et nos exportations de programmes audiovisuels.
Mais nous pouvons lier les deux, et c'est d'ailleurs ce qui me paraît constituer la force de la position française. Je crois que c'est le sentiment de tous ici. C'est du moins ainsi que j'interprète les appréciations que vous avez portées sur ce budget : vous vouliez me donner de la force en montrant que le Parlement tenait à s'exprimer uni. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. André Maman applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 173 840 935 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 169 595 432 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 2 024 100 000 francs ;
« Crédits de paiement : 515 633 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 681 470 000 francs ;
« Crédits de paiement : 900 645 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

Communication



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, voilà un instant, je voyais un ministre de la culture heureux, avec un budget voté par tout le monde, avec des frontières bien délimitées. La culture est un sujet qui, manifestement, ne pose pas de problème, même si, bien loin d'ici, sur la côte ouest des Etats-Unis, on en discute. En l'occurrence, faire savoir ce qui est français n'est pas trop compliqué.
Il en est de même de la presse. Depuis que je suis chargé de rapporter ce budget, j'ai rencontré les responsables de la presse. Tous m'ont dit : certes, il s'agit d'une usine à gaz très compliquée, car, au fil du temps, chacun a apporté sa pierre et personne n'a rien retiré, mais, surtout, n'y touchez pas ! (Sourires.) Alors, respectons l'histoire et les dispositifs très complexes. D'ailleurs, cela ne porte pas sur des sommes considérables.
Permettez-moi cependant de formuler quelques observations.
D'abord, la loi de finances de 1998 a instauré un fonds de modernisation de la presse, qui, en deux ans, a rapporté 300 millions de francs. C'est beaucoup moins que ce qu'on attendait, mais ces 300 millions de francs ne s'en « entassent » pas moins ; ils ne sont pas dépensés, car on ne sait pas exactement ce qu'il faut en faire ! En effet, un désaccord oppose les responsables de presse et les techniciens qui sont sous votre autorité, madame le ministre. Nous avons le sentiment que la situation ne se débloque guère.
Dans ces conditions, de deux choses l'une : ou bien on trouve une solution qui a l'accord de toutes les parties et qui constitue une véritable modernisation - c'est-à-dire une solution qui n'impose pas des solutions techniques déjà dépassées - ou bien on supprime cette taxation qui, pour l'instant, n'a d'autre effet que d'assurer un meilleur état de ses finances à la nation, ou tout au moins à sa trésorerie.
Pendant longtemps, en France - il faudra bien résoudre cette question, qui est une des scories de l'histoire - on a vécu en faisant travailler les services publics et les entreprises publiques. Ainsi, la SNCF et la poste transportaient la presse. Or, le statut de ces entreprises a changé. Elles ont maintenant une obligation d'équilibre de leurs comptes, mais on ne transfère jamais les sommes nécessaires pour assurer une juste rémunération du service.
Cette année, vous avez trouvé une solution. En effet, vous transférez une partie de la charge au SERNAM, le Service national des messageries. Or, vous le savez, ce service est en si mauvaise posture qu'il faudra le recapitaliser et changer complètement son statut vraisemblablement d'ici à très peu de temps. C'est d'ailleurs ce que m'a dit M. Gallois voilà quelques jours. La situation actuelle ne peut perdurer. Alors, de grâce, n'aggravez pas une situation qui est déjà désastreuse.
Enfin, il est un problème qui me semble très important, c'est celui de l'Agence France-presse.
Vous avez désigné un nouveau responsable. Il a l'ambition de changer la façon dont se porte le regard de la France sur le monde, car c'est cela l'Agence France-presse ! Il s'agit en effet d'informer en temps réel l'ensemble des médias, des moyens de connaissance du monde entier. Sur le plan de la technicité, c'est une superbe entreprise. Mais elle n'a cessé de perdre des parts de marché au fil des ans. Voilà vingt ans, l'Agence France-presse jouait dans la même cour que Reuter Associated Press. Or, aujourd'hui, son chiffre d'affaires représente vingt fois moins que celui de ses concurrents.
Si l'on n'y prend garde, l'Agence France-presse disparaîtra purement et simplement - ce serait bien dommage ! - car elle n'aura plus la crédibilité ni les moyens d'informer convenablement dans tous les domaines, y compris dans le domaine économique. Aussi, madame le ministre, il faut traiter ce dossier très rapidement, car le temps presse.
D'ailleurs, sans vouloir gêner le moins du monde l'entreprise, j'ai l'intention d'aller faire, comme les textes m'y autorisent, un contrôle sur pièces et sur place afin de comprendre pourquoi un plan de modernisation qui me semblait intéressant n'a pas suscité plus d'enthousiasme. Les personnels doivent se rendre compte qu'il en va de l'existence même de l'entreprise.
J'en viens à l'audiovisuel. Malheureux audiovisuel, car c'est un domaine où les frontières ne sont plus celles de l'Hexagone. Dans de nombreux lieux, en Europe la plus proche, là où la culture de la France est la plus présente, en particulier dans l'Europe du Sud, la voix de la France s'est tue. Il est impossible de capter les radios françaises. On m'explique qu'il y a à cela des raisons techniques. Aujourd'hui, on émet effectivement de plus en plus en modulation de fréquence, les autres modes d'émission ayant disparu ou étant résiduels.
On ne peut donc plus capter les radios françaises. Lorsqu'on le dit aux responsables, ils répondent qu'il suffit de se connecter à leur site sur Internet, comme si les Français qui vont en Espagne ou en Italie emmenaient ce qu'il faut pour se connecter à Internet ! C'est une certaine façon d'être à l'avant-garde, mais c'est aussi être en dehors du monde réel.
Radio France internationale, qui a ses zones d'action, fait un très bon travail, mais avec très peu de moyens.
S'agissant de la télévision, la situation est inquiétante. En effet, c'est la première fois dans l'histoire de l'image que l'on assiste simultanément à tant d'évolutions technologiques. C'est désormais sur la place publique. Aujourd'hui, tous les grands journaux consacrent de nombreuses pages à l'évolution des médias. Ils ont raison, parce que cela intéresse le public, parce que nous sommes concernés et qu'informer est leur métier. Dans les médias, cela bouge tous les jours. Or, on constate que l'initiative n'appartient plus au secteur public.
Depuis six mois, j'ai l'honneur de présider un groupe de travail de la commission des finances. Nous avons procédé à de très nombreuses auditions et voulu voir ce qui se passait ici et dans le reste du monde. Certes, nous ne sommes pas allés partout, mais nous avons tout de même voyagé un peu. Nous l'avons constaté, il y a aujourd'hui un certain nombre de certitudes. Je vous l'accorde, le monde bouge très vite.
Ainsi, les archives de tous ceux qui étudiaient l'évolution de la télévision en 1995 et 1996 révèlent que, à l'époque, le doute subsistait encore sur l'avènement du numérique. Or, aujourd'hui, il est partout, sauf précisément à la télévision et à la radio publiques.
Dans ce groupe de travail, j'ai eu le sentiment - c'est une bonne chose, car il s'agit d'un sujet qui peut nous rassembler - que nous étions porteurs d'une des grandes civilisations du monde, d'une civilisation qui s'est toujours illustrée dans la création artistique, et vous le savez bien, madame le ministre, compte tenu des responsabilités qui sont les vôtres.
Nous souhaitons un audiovisuel public fort, parce qu'il ne faut pas laisser le marché arbitrer. Dans les conclusions que nous rendrons bientôt, ce sera précisément un des points majeurs, peut-être le plus important, le reste étant de l'intendance.
Nous refusons, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, d'être soumis au jeu de personnes qui nous manipulent, nous informent, nous désinforment, nous montrent ce qu'elles ont envie de nous montrer parce que cela leur rapporte le plus d'argent possible. Ce n'est pas l'objectif que cherche à atteindre le Sénat. Les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont le sens de l'intérêt national. Or, celui-ci nous commande d'avoir un audiovisuel public fort.
Cela signifie que la révolution numérique doit être vécue. Le président de Radio France, Jean-Marie Cavada, m'a dit qu'il n'avait pas les moyens financiers pour renouveler son parc de machines et que l'on ne retrouve plus de pièces détachées. Or tous ses collègues des radios privées disposent, eux, des moyens pour travailler autrement. De même, les journalistes de France 3 couvrent parfois les événements locaux avec des caméras lourdes, très chères et anciennes. Or, au Québec, la télévision locale de Baie-Saint-Paul émet deux heures par jour avec un budget annuel de 1,3 million de francs, somme dérisoire compte tenu de l'enjeu. Elle est équipée d'une caméra numérique japonaise coûtant 8 000 francs. Voilà la réalité !
Qu'on le veuille ou non, le numérique va s'imposer partout et il faut donc s'adapter.
A ce propos, nous pourrions parler sans fin du problème des « tuyaux ». Pour vous éclairer sur ce sujet, madame le ministre, vous avez demandé l'élaboration de rapports, qui sont d'ailleurs de qualité.
Aujourd'hui, la diffusion hertzienne est partout battue en brèche. Deux événements importants sont à noter à cet égard.
Tout d'abord, l'an dernier, à peu près à la même date, je vous avais indiqué que 1,5 million de personnes en France recevaient des « bouquets » de télévisions par satellite ; au moment où nous parlons, ce chiffre a pratiquement doublé.
En outre, on constate une nouvelle jeunesse du câble. Voilà un an, le câble était un peu considéré comme le « La Villette » de l'audiovisuel. Or, aujourd'hui, on s'aperçoit que les câblo-opérateurs, essentiellement américains - et le CSA a attiré votre attention sur ce point - sont en train d'acheter au prix de l'or ce qui, hier, ne valait pratiquement rien.
En effet, l'enjeu est fantastique, puisqu'il s'agit de la propriété de la « boucle » locale, alors que l'on sait que la convergence se met en place. Ainsi, de grandes sociétés mondiales préparent le raccordement, sur le même téléviseur et par l'intermédiaire d'un même câble, au réseau téléphonique, à Internet et aux chaînes de télévision. La convergence est donc bien en voie de réalisation, non pas pour le quatrième millénaire, mais pour les premiers mois du troisième millénaire, et l'on sait que celui qui est maître des « tuyaux » est maître du jeu.
En Amérique, aujourd'hui, les câblo-opérateurs se font payer pour diffuser les images. Ce n'est donc pas un organisme public qui fixera les prix. Quand on voudra être diffusé par tel câble ou par tel satellite, il faudra payer sa place. Tel est le système qui se mettra en place, d'où la bataille qui fait rage entre les câblo-opérateurs. Les réseaux qui se payaient 1 000 francs la prise il y a un an s'achètent désormais au prix de 6 500 francs par foyer raccordé.
En un an, le monde a été bouleversé. L'accélération fait sentir ses effets depuis un an, depuis que je me suis adressé à vous ici même au Sénat, voilà quelques mois seulement. L'évolution est très rapide, et l'on sait qu'elle va s'accentuer.
A ce propos, je ne suis pas de ceux qui croient que l'avenir de la France se joue à la corbeille, mais on est bien obligé d'observer ce qui s'y passe : l'accroissement fabuleux de la capitalisation boursière du secteur de l'audiovisuel depuis un an - on sait que la Bourse anticipe toujours les évolutions - signifie que les marchés financiers ont confiance dans l'avenir de ces nouveaux « tuyaux », dans leur succès et dans leur rentabilité futurs.
C'est une affaire que vous vous contentez d'observer, madame le ministre, parce que vous n'avez pas les moyens de faire grand-chose d'autre. Vous disposez d'une certaine marge de manoeuvre, notamment par le biais du Conseil supérieur de l'audiovisuel - et c'est tant mieux - mais le délit de réception n'existe pas en droit français. C'est ainsi, et il faut être conscient des réalités.
Les sociétés françaises sont bien présentes dans la diffusion satellitaire, mais le câble est en train de nous échapper ; or, celui qui en aura la maîtrise l'utilisera comme il l'entend, pour diffuser images et sons. Je ne suis pas technicien, la physique n'est pas mon fort, mais je lis et j'écoute ceux qui savent, et ceux-ci affirment que la compression numérique progressera encore, permettant d'intensifier le flux des données transitant par le câble.
En outre, les seuls satellites actuels, par exemple Astra et Eutelstat, peuvent transmettre 2 000 chaînes simultanément. Cette capacité de diffusion sans cesse croissante impose la mise en place d'une offre nouvelle de programmes, et la télévision publique ne sera plus qu'une télévision résiduelle, ce qui est, madame le ministre, inacceptable.
Actuellement, la majorité de nos compatriotes se contentent encore de la télévision hertzienne analogique et de ses six canaux, mais ce n'est plus la situation qui prévaut dans la plupart des grands pays du monde. Préparons-nous donc à des changements rapides, car les hommes d'affaires sont dynamiques et disposent de moyens importants. Très vite, les câblo-opérateurs se constitueront une véritable clientèle, et vous n'y pourrez rien, madame le ministre. Ils auront le droit d'émettre, et vous aurez beau invoquer les quotas, il faudra bien alimenter en programmes des centaines de chaînes.
En fait, le problème des « tuyaux » est aujourd'hui en voie de se résoudre de lui-même. Nous en viendrons au numérique hertzien, même si le « switch off », c'est-à-dire l'arrêt de la diffusion analogique en France, n'est pas programmé, ce qui affaiblit notre industrie de la télévision, car ses responsables ignorent ce qui se passera dans les années à venir. Cependant, il faudra bien que l'on produise en grande quantité des images de qualité pour alimenter tous les « tuyaux ».
Tels sont les enjeux actuels.
Vous me rétorquerez que, pour faire face à cette situation, il faut des moyens, et que vous n'en avez pas. Pourtant, la redevance audiovisuelle est une recette « dynamique », grâce à l'adoption, voilà quatre ans, d'un amendement sénatorial qui prévoyait le croisement des fichiers de la taxe d'habitation et de ceux de la redevance. Cette mesure a permis de dynamiser la recette, qui s'élève cette année à 13 milliards de francs, contre 12 milliards de francs l'année dernière.
Mais ce succès a attiré l'attention des fonctionnaires de Bercy. Pour avoir été ici même pendant neuf ans rapporteur du budget des charges communes, je connais leur mode de raisonnement : ils récupèrent les surcroîts de recettes de l'année précédente ! Vous ne devez pas l'accepter, madame le ministre ! Certes, il est ardu de résister à l'administration de Bercy, mais il faut que vous obteniez qu'une recette affectée soit utilisée comme elle doit l'être, et sans attendre l'exercice budgétaire n + 1, n + 2 ou n + 10. C'est important, et un amendement sera examiné tout à l'heure, visant à vous aider dans ce combat.
Par ailleurs, vous avez décidé de réduire le temps alloué à la publicité sur les chaînes publiques.
C'est un choix, mais, outre qu'il entraîne une baisse des recettes correspondantes, j'observe autour de moi que les jeunes aiment bien la publicité, alors que ma mère l'apprécie moins ; je ne suis donc pas certain que vous vous situiez à l'avant-garde !
Cela étant, vous connaissez la vérité : les recettes publicitaires baissaient de toute façon, et de manière significative, tout simplement parce que l'audimat indiquait un recul de l'audience des chaînes publiques. C'est ce que me disent les responsables de la régie de publicité, dont je suis l'un des clients en tant que responsable d'une collectivité locale, et même un partenaire pour la réalisation, dans mon département, de l'émission de jeux télévisés Fort Boyard .
Cela ne me fait pas plaisir, mais vous êtes obligé de compenser ce manque à gagner par des crédits venant du budget général. Vous avez ainsi obtenu un peu mieux que la compensation pour la redevance non perçue ; il est vrai, madame le ministre, que cela représente 1,5 milliard de francs, soit beaucoup plus qu'auparavant - je ne le nie pas - mais, en regard, l'enjeu est immense.
Parallèlement, le passage aux 35 heures - je ne discuterai pas aujourd'hui de son opportunité, tel n'est pas le sujet - aura un coût, qu'il faudra également financer. Votre budget se trouve dans la même situation que la mer à La Rochelle, qui est bue par le sable et dont le niveau ne monte pas ! (Sourires.) Nous devons traiter cette question en profondeur, avec de vrais moyens !
Face à ce constat, la redevance a le mérite d'exister. Puisque nous nous trouvons aujourd'hui devant un enjeu national majeur - les Français sont capables de le comprendre, et je suis sûr que le Sénat en est tout à fait conscient - pourquoi ne pas faire comme les Anglais ? En Grande-Bretagne, la redevance est beaucoup plus élevée. Il n'est certes pas très populaire d'augmenter le prix du tabac ou le montant de la redevance, mais au diable l'impopularité ! Les peuples forts et les gouvernements responsables osent une telle mesure ! Pour ma part, je défendrai cette proposition, tellement je suis convaincu de l'importance du sujet.
Il faudra y venir un jour, sinon d'autres arbitreront. Sur TPS, sur Canalsat et ailleurs, la télévision française aura alors simplement la même place que toutes les autres télévisions du monde, que l'on nous propose déjà gratuitement ! Personnellement, je ne souhaite pas du tout une telle évolution, madame le ministre, et le Sénat non plus.
Dès lors, s'il y a une révolution culturelle à faire, eh bien essayons d'y réfléchir ensemble, si vous le voulez bien. Pour l'instant, nous avons le sentiment que vous nous présentez un budget de reconduction, comme ce fut le cas en 1938 : la loi de finances de 1939 avait alors été votée en reconduction de la loi de finances de 1937. Mais certains événements sont survenus...
Il s'agit là d'un enjeu national majeur, je le répète. Je ne dirai pas que la patrie est en danger, mais la culture française l'est à coup sûr, au moins sa diffusion dans le monde. Adopter ma suggestion est le seul moyen de changer complètement de « braquet », pour faire en sorte que les Français soient un peuple fort, fort de ce qu'il est capable de produire, fort de son esprit de rébellion qui s'est manifesté en certaines heures de notre histoire.
C'est aussi un problème existentiel. Dans l'ensemble des problèmes qui se posent aujourd'hui à notre pays, il est sans doute l'un des plus importants. Je me suis permis d'attirer votre attention sur lui, mais vous saviez déjà, bien sûr, tout ce que je viens de dire ! Vous ne pouvez que le savoir, au poste qui est le vôtre, et cela ne doit pas être drôle de ne pas avoir de prise sur les événements !
M. le président. Monsieur le rapporteur, votre temps de parole est épuisé. Je suis contraint de vous demander de conclure.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. J'y viens, monsieur le président, veuillez m'excuser.
J'indiquerai simplement que, si la commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 51 et de l'article 55 sous réserve de l'amendement qu'elle propose, elle n'a pas cru pouvoir préconiser, contrairement à l'année dernière, l'adoption du budget de la communication audiovisuelle, parce qu'il n'offre pas au secteur public les moyens adaptés à la gravité de la situation actuelle. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a deux façons complémentaires d'aborder l'examen du projet de budget de l'audiovisuel public pour 2000 : considérer les chiffres bruts, ou bien - M. le rapporteur spécial l'a fait de façon très opportune - les mettre en perspective.
En commentant les chiffres bruts devant la commission des affaires culturelles, vous nous aviez invités en quelque sorte, madame la ministre, à ne pas négliger la mise en perspective. L'exercice budgétaire 2000 serait, nous disiez-vous, « la première étape de la mise en oeuvre des engagements pris par le Gouvernement en vue de redonner au secteur public de l'audiovisuel toute sa légitimité et d'assurer son développement ».
Ayant trouvé dans les chiffres du projet de budget des motifs de satisfaction, j'ai suivi votre conseil, mais la mise en perspective m'a apporté quelques raisons d'inquiétude.
Il y a, dans votre projet de budget, des choses très positives en ce qui concerne tant l'évolution globale des ressources que l'évolution de la structure de financement des organismes.
Ainsi, les crédits de l'audiovisuel public augmenteront globalement de 9,8 % en 2000 par rapport à la loi de finances initiale de 1999. Cette augmentation, la plus forte enregistrée depuis 1996, traduit le caractère effectivement prioritaire de l'audiovisuel public dans un projet de budget général dont la croissance est alignée sur la hausse prévisionnelle de 0,9 % des prix à la consommation.
Les dotations de France 2 et de France 3 progressent, quant à elles, de façon accentuée : 7,6 % pour France 2 et 5,8 % pour France 3, contre 3,7 % pour la Sept-Arte et 3,1 % pour La Cinquième, ce qui confirme le rôle prééminent déjà reconnu, en 1999, aux chaînes généralistes du secteur public.
Pour autant, soyons clairs, la Sept-Arte et La Cinquième ne sont pas sacrifiées, puisque le taux de progression de leurs dotations est assez nettement supérieur à celui de 1999.
Bien entendu, tous les organismes publics ne sont pas logés à l'enseigne du « bonus » budgétaire. L'INA, l'Institut national de l'audiovisuel, voit ainsi sa dotation gelée au niveau de 1999, RFO, la société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer, voit la sienne augmenter de 3 % et, enfin, le budget de Radio France progressera, en 2000, de 2,2 %, pour atteindre 2,877 milliards de francs.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000 engage la mutation de la structure de financement de l'audiovisuel public. Les ressources publiques représenteront, en 2000, 74 % du total des recettes, contre 69,4 % en 1999, les ressources de publicité et de parrainage passant, quant à elles, de 26 % à 21,9 %.
Cette évolution est rendue possible par l'augmentation sensible du produit de la redevance et par la très importante augmentation des crédits budgétaires de remboursement des exonérations de redevance.
En ce qui concerne la redevance, le taux d'augmentation du tarif sera, comme en 1999, égal à celui de l'inflation prévisionnelle, soit 0,9 %.
Quant aux crédits budgétaires, ils sont en très large augmentation et seront désormais affectés, afin de les mettre à l'abri de la régulation budgétaire, au compte d'emploi de la redevance audiovisuelle. J'approuve tout à fait cette intention.
Il faut aussi retenir que l'augmentation de 1,499 milliard de francs des ressources publiques du secteur audiovisuel est supérieure à la baisse des ressources propres des organismes, qui est estimée à 616 millions de francs, dont 572,7 millions de francs de baisse des recettes publicitaires de France 2 et de France 3.
Je note enfin, sans m'y attarder, que ces évolutions se retrouvent dans les projets de budget de France 2 et de France 3.
Tout cela est globalement satisfaisant, bien que fragile, certes, puisque l'avenir ne confirmera pas forcément le pari sous-jacent que vous faites, madame la ministre, sur la pérennité des recettes budgétaires. Mais nous n'allons pas juger le projet de budget d'après les choix des futurs gouvernements. Notons simplement aujourd'hui que le Gouvernement a réalisé pour l'audiovisuel public un effort estimable, et passons, comme je l'indiquais, à la mise en perspective.
La mise en perspective ne nécessite pas la construction d'hypothèses sur les choix politiques et financiers de l'avenir. Je me contenterai de tirer les leçons du proche passé.
Que faut-il constater à cet égard ? Tout simplement que les prévisions du projet de budget pour 2000 sont largement bâties sur le sable, celui des déficits cumulés des exercices passés, celui de la crise des ressources publicitaires, celui de l'inquiétante crise de l'audience : tout ce qui pèse et pèsera sur le financement de l'indispensable entrée de l'audiovisuel public dans l'ère numérique et dans la société de l'information.
Je ne donnerai qu'un seul chiffre pour illustrer la crise des ressources publicitaires du secteur public : au premier semestre 1999, la part d'audience des écrans publicitaires diffusés par France Télévision a diminué de 11 % à 12 % par rapport aux six premiers mois de l'année précédente ; par rapport à 1996, la chute est de 24 % sur France 2 et de 17 % sur France 3.
Cette situation, qui prolonge celle de 1998, provoque peut-être la satisfaction des partisans les plus virulents de la diminution à marche forcée des ressources propres des chaînes publiques. Manifestement, le marché précède leurs désirs. J'y vois plutôt, avec regret, la conséquence d'une fragilité d'image et d'une fragilité financière qui m'inquiètent.
La situation financière globale des chaînes publiques est, en fait, assez profondément dégradée. Selon certaines informations, France Télévision pourrait enregistrer, en 1999, un déficit budgétaire avoisinant 200 millions de francs.
Toutes les informations dont nous disposons sur la situation budgétaire de France 2 et de France 3 conduisent à un diagnostic de précarité : un cycle de déficits semble se profiler, cycle que l'infléchissement autoritaire de la structure des ressources prévu par votre projet de loi accentuera nécessairement si les ministres de la culture n'obtiennent pas, année après année, auprès du Premier ministre et du ministre des finances, les crédits budgétaires nécessaires à l'apurement des comptes et au financement de la diversification.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 n'ouvre guère de véritables perspectives en matière de mesures nouvelles et ne peut donc être présenté comme le point de départ de l'ère nouvelle que vous nous promettez, madame la ministre, de manière optimiste.
Reprenons le raisonnement où je l'avais interrompu. Lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, vous avez parlé de traiter le problème du déficit budgétaire de France 2 et de France 3 en 1999 dans le cadre de la loi de finances rectificative afin, disiez-vous, « de ne pas empiéter sur les marges de financement supplémentaires que le budget de 2000 accorde aux chaînes ». Vous estimiez par ailleurs cette marge de développement à quelque 300 millions de francs.
Si le déficit s'élève à plus de 200 millions de francs, comme on le dit, si la loi de finances rectificative répond imparfaitement à vos espoirs - j'ai bien noté l'énergie que le Gouvernement a été obligé de déployer à ce sujet à l'Assemblée nationale, et tout n'est pas encore dit - ou même si la loi de finances rectificative répond à vos espoirs, le reliquat disponible sera bien modeste et le développement des chaînes durement oblitéré à un moment crucial de leur devenir.
« Voilà qui est joliment dit, mais que proposez-vous, vous-même ? », m'ont demandé quelques collègues de la commission, quand j'ai présenté mon projet d'avis budgétaire.
Il ne m'appartient naturellement pas de refaire les budgets de l'audiovisuel public, mon collègue Claude Belot et la commission des finances étant mieux placés que moi à cet égard et y travaillant avec beaucoup d'ardeur. Mais la commission des affaires culturelles a bien voulu me nommer rapporteur du projet de loi sur la communication audiovisuelle, et, dans le cadre de cette mission, je tente de dessiner des perspectives d'avenir pour l'audiovisuel public, j'élabore des propositions, que je soumettrai à la commission à la fin de ce mois. Je pense, en particulier, au numérique terrestre, qui constitue, pour les chaînes publiques, la meilleure - peut-être l'unique - voie d'accès au monde du multimédia et à la société de l'information. C'est dire l'importance de cet enjeu pour le service public. Nous aurons l'occasion d'en débattre très prochainement dans cette enceinte, madame la ministre, comme nous discuterons de stratégies de développement, de principes de financement et de perspectives de croissance.
La commission des affaires culturelles du Sénat a la volonté de favoriser le développement du service public de l'audiovisuel, comme vous-même, bien entendu, madame la ministre. Mais nous n'avons trouvé dans le projet de budget qu'une amorce incertaine de ce que nous souhaitons, vous et nous, pour l'audiovisuel public. Alors, pour manifester un engagement fort en faveur de son développement, au moment de rendez-vous économiques et législatifs cruciaux, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption ou le rejet des crédits de la communication audiovisuelle pour 2000. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite. Monsieur le président, madame la ministre, dans mon rapport de l'année dernière, je décrivais le projet de budget des aides à la presse écrite comme une « honnête reconstitution ». Les crédits augmentaient en effet, à cette époque, de 2,6 %, après avoir baissé de 1 % l'année précédente. A partir de cette constatation, je préconisais une consolidation pour l'an 2000.
Je crois pouvoir constater cette consolidation dans le projet de budget pour 2000. Celui-ci vise en effet à une augmentation de 3,2 % des aides directes, alors que les dépenses de l'Etat progresseront globalement au rythme de l'inflation prévisionnelle, c'est-à-dire de 0,9 %. Le montant total des aides directes s'établira donc, en 2000, à 260,8 millions de francs.
Les aides à la presse revêtent un caractère prioritaire, ce dont nous nous réjouissons. Je ne note, par ailleurs, rien de nouveau dans l'évolution relative des différents fonds. Tout cela s'inscrit dans une logique globale de recentrage des aides au profit de la presse d'information générale, que la commission des affaires culturelles a approuvée à plusieurs reprises.
Il faut dorénavant ajouter aux aides directes traditionnelles le compte d'affectation spéciale du fonds de modernisation des quotidiens et assimilés, dont je voudrais dire quelques mots.
Ce fonds a été créé par la loi de finances de 1998. Il a été mis en place en 1999 avec un crédit de 150 millions de francs, non consommé l'année dernière. Les recettes sont estimées, en l'an 2000, à 200 millions de francs, auxquels s'ajoutera le report des 150 millions de francs non consommés en 1999.
Ces montants - c'est un sujet important pour nous - restent très éloignés des estimations de recettes avancées lorsque la taxe sur la publicité hors médias fut créée pour financer le fonds de modernisation. Le chiffre de 300 millions de francs avait alors été évoqué.
Cet écart est d'autant plus criant que le taux de la taxe est de 1 % et que le chiffre d'affaires estimé de la publicité hors médias a été de plus de 50 milliards de francs en 1998.
J'ai interrogé le service juridique et technique de l'information sur les raisons de cette situation. Il m'a été répondu que la base taxable théorique pouvait se situer autour de 35 milliards de francs à 40 milliards de francs, qu'il fallait, en outre, opérer des déductions, dont le montant est difficile à identifier, pour évaluer la base effectivement taxable. Il m'a aussi été indiqué, madame la ministre, que vous aviez demandé au ministre chargé du budget d'analyser les conditions de la perception de la taxe en 1999 et d'envisager les améliorations souhaitables. Tout cela suggère une certaine difficulté des comptables d'entreprise, et aussi certainement des services fiscaux - ils ont considéré qu'ils avaient d'autres priorités que la perception de cette taxe - à identifier les dépenses susceptibles d'entrer dans l'assiette de la taxe. Mais nous sommes là pour vérifier l'exécution du budget !
Il est certain, en revanche, que la presse a, de son côté, préparé ses demandes de subventions avec espoir et sans doute beaucoup d'illusions. Je ne dispose pas du montant des demandes. On sait simplement que le niveau des concours proposés par le comité de gestion du fonds a été revu à la baisse afin de laisser à chacun sa chance. On entre donc manifestement dans une logique de saupoudrage. C'est regrettable, car tel n'était pas le souhait des parlementaires qui ont voté en faveur de ce fonds. J'espère avoir votre démenti sur cette perspective, madame la ministre.
Je ne rappellerai pas dans le détail l'évolution des différents fonds. J'indique seulement, pour illustrer le sens des nécessaires recentrages en cours, que l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires augmentera de 33 % en 2000, après avoir progressé de 5,3 % en 1999, pour s'établir à 26,6 millions de francs, ce qui représente quelque 10 % du montant total des aides directes.
Je précise aussi que l'aide au portage des quotidiens augmentera de 2 %, après avoir progressé de 10 % en 1999, et atteindra un montant de 50,5 millions de francs en 2000.
Madame la ministre, le développement de cette dotation traduit la priorité que le Gouvernement accorde à juste titre à cette forme de distribution. Cette priorité, qui remonte à l'adoption du plan de réforme des aides à la presse d'avril 1995 - un autre gouvernement était alors au pouvoir - répond à la conviction, partagée par les éditeurs, que le portage constitue un des axes principaux des stratégies de développement de la presse. En d'autres termes, l'écrit papier doit être disponible à domicile comme l'écran.
L'allusion au plan de 1995 m'incite à un retour très sommaire sur l'évolution récente des aides à la presse. Ce plan m'apparaît en effet rétrospectivement comme le point de départ d'une redistribution des cartes que chaque nouvel exercice budgétaire confirme depuis, et dans la logique duquel il me semble que vous inscrivez vous-même votre action, madame la ministre. Je tiens à l'indiquer, car vous aimez vous situer par rapport au proche passé et vous y faites parfois allusion. Mais il faut se réjouir de la continuité de l'action gouvernementale.
Je voudrais faire un très bref rappel de cette évolution. S'agissant des aides indirectes, les accords Galmot de 1996 et de 1997 entre l'Etat, la presse et La Poste ont apporté des modifications très significatives à la fois en matière de tarifs postaux et de réglementation du transport des publications par La Poste.
S'agissant des aides directes, la politique conduite depuis quelques années met l'accent sur l'aide à la modernisation des entreprises de presse, sur l'aide à leur développement par la réduction de certains de leurs coûts, ainsi que sur la nécessité d'aider particulièrement la presse quotidienne et assimilée.
Les onze fonds d'aide directe existants ont été soit créés depuis moins de cinq ans - c'est le cas pour six d'entre eux - soit, dans le même délai, fortement modifiés dans leurs conditions de fonctionnement.
Quelles conclusions tirer de l'analyse de nos interventions en matière d'aides directes et d'aides indirectes ? J'en vois deux.
On ne peut reprocher à l'Etat une abstention coupable. Il agit, il va globalement dans le bon sens et il souhaite rectifier le sens de son action.
Mais les initiatives qu'il a prises suscitent souvent des réserves, qui sont parfois plus que de détail. Je voudrais en citer une à cet égard.
Le fonds d'aide à l'investissement dans le multimédia, créé en 1997, qui répondait à la nécessité de voir la presse écrite investir dans le multimédia, a permis de modifier les fonds d'aide à la transmission par fac-similé.
A cet égard, la presse quotidienne régionale, pour laquelle l'allégement des charges téléphoniques constituait un sérieux appoint, ne perçoit plus rien. Pourtant, elle utilise beaucoup les transmissions numériques, cette numérisation que nous évoquons chaque année lors de l'examen du budget de la communication. Ce procédé représente une part importante des charges d'exploitation et je crois qu'il faudrait réfléchir à la possibilité d'alléger ces coûts.
Sans entrer dans le détail de l'évolution des aides, je m'interroge néanmoins sur leur bilan. La presse s'est-elle améliorée de façon significative ? C'est peut-être le cas globalement, mais cette amélioration est due plus à ses recettes publiques qu'à son lectorat. En effet, le principal problème de la presse, madame la ministre, mes chers collègues, est, en dernière analyse, celui du vieillissement et de la raréfaction de son lectorat. Dans ces conditions - et je souhaite vivement que nous revenions sur ce point demain, à l'occasion de l'examen du budget de l'éducation nationale - il faut éduquer la jeunesse scolaire à la lecture en général, et à celle de la presse en particulier.
Il existe déjà des initiatives et des efforts ont été faits, dans ce sens, mais sans doute faudrait-il mieux les coordonner. On peut penser, ainsi, à un mécanisme du type fonds de concours, mais il nous faudra y réfléchir. Il s'agit en tout cas d'un chantier que j'ai proposé à la commission des affaires culturelles et je souhaite que le ministère de l'éducation nationale nous relaie sur ce point.
J'avais également proposé, l'an dernier, une réorientation budgétaire allant dans le sens de la pluriannualité, car cela me paraît nécessaire pour sécuriser les efforts de modernisation qu'engage la presse avec l'aide de l'Etat.
M. le rapporteur spécial a beaucoup insisté sur ces perspectives. Au moment où le Gouvernement reconnaît au profit de l'audiovisuel public la nécessité pour l'entreprise moderne de communication de disposer de repères pluriannuels sur l'engagement financier de l'Etat, il serait nécessaire de réfléchir à l'élaboration d'instruments juridiques permettant à la presse de planifier les concours qu'elle peut attendre de la puissance publique en moyenne période.
Madame la ministre, je terminerai en disant un mot de l'Agence France-Presse, ce qui ne vous surprendra sans doute pas.
J'ai été sensible à ce qu'a dit M. le rapporteur spécial à ce sujet. Toutefois, entre le moment où nous nous sommes rencontrés à la commission des affaires culturelles et le dépôt du plan qui porte le nom du président de l'entreprise, il s'est produit une évolution qui nous inquiète : il y a eu une initiative dynamique et, selon toute apparence, pertinente et féconde, pour adapter ce bel et unique instrument aux besoins nouveaux. Or, cette initiative semble à présent enterrée. Chacun sait pourtant que, dans la communication, ne pas avancer, cela signifie aujourd'hui nécessairement régresser.
A trop reporter la décision de rassembler les moyens financiers lourds nécessaires au développement de la seule agence de presse dont la France dispose, sa situation se fragilisera vite.
Il est clair que le surplace ne peut être payant dans un monde devenu « une grande tribu médiatique » où des initiatives concurrentes de l'AFP peuvent être prises chaque jour en Amérique, en Asie et en Europe.
Vous vous attendiez sans doute, madame la ministre, à être interrogée au Sénat sur la position et sur les intentions de l'Etat propriétaire et de l'Etat garant de l'intérêt général, du pluralisme des sources d'information et du rayonnement de la francophonie. J'attends votre réponse avec d'autant plus d'intérêt que la presse a récemment fait état de « la stratégie Trautmann » pour l'AFP. (Mme la ministre sourit.) J'espère que nous serons éclairés, ce soir, sur cette stratégie.
Au terme de ce survol - sans doute un peu trop long - il me reste à indiquer au Sénat que la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur les crédits consacrés à l'aide à la presse pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la communication n'est pas la perversion de la démocratie, elle en est plutôt la condition de fonctionnement ». Je partage profondément cette affirmation de Dominique Wolton, mais j'y ajouterai un adjectif essentiel : la communication « pluraliste », et c'est bien cela que doit garantir l'Etat.
Préserver le pluralisme de la presse et renforcer le service public de l'audiovisuel dans un univers de plus en plus concurrentiel sont, me semble-t-il, les lignes directrices de votre budget.
S'agissant du budget des chaînes publiques, je dirai, madame la ministre, à l'inverse du slogan publicitaire bien connu : « Nous l'avons rêvé, vous l'avez fait ! ».
Depuis des années, les parlementaires socialistes s'inquiétaient de la part grandissante des recettes publicitaires à la télévision et, parallèlement, du désengagement de l'Etat. Après deux années de restauration du secteur public, en 1998 et en 1999, vous avez qualifié à juste titre le présent budget d'« excellent ». C'est, en fait, un véritable budget de rupture puisqu'il anticipe la réforme du financement du secteur public, que nous examinerons à partir du 18 janvier prochain au Sénat.
Au coeur de cette réforme, vous avez inscrit la volonté de restaurer le secteur public dans sa légitimité et dans ses moyens. Cela passe par une moins grande dépendance des chaînes publiques à l'égard des recettes publicitaires, mais aussi par un accroissement global des moyens des chaînes publiques.
Dès 2000, le volume horaire de publicité sur les chaînes publiques passera de 12 minutes à 10 minutes, puis de 10 minutes à 8 minutes en 2001.
Les crédits des entreprises de l'audiovisuel public connaîtront une progression sans précédent de 883 millions de francs, contre déjà 473,2 millions de francs supplémentaires en 1999, soit une hausse de 4,8 %. Ils atteindront ainsi, pour la première fois, 19,3 milliards de francs. Mais, surtout, les ressources publiques représenteront 74 % des moyens, contre 69,4 % en 1999.
Pour la télévision, qui en est la principale bénéficiaire, il s'agit presque d'une révolution : pour France 2, la publicité et le parrainage sont ramenés à 40,1 % des ressources de la chaîne, alors qu'ils représentaient 51 % dans le budget de 1997, dernier budget présenté par le gouvernement que soutenait la majorité de cette assemblée ; pour France 3, cette part est de 27,8 %, contre 32 % en 1997.
Il est clair que, si nous défendons la baisse des recettes publicitaires, ce n'est pas par idéologie ou publiphobie, mais parce qu'il s'agit fondamentalement de la nature même du service public.
Les téléspectateurs ne supportent plus les tunnels publicitaires. Or, la durée de la publicité sur France 2 et France 3 entre dix-neuf heures et vingt-deux heures, tranche horaire qui assure plus de 60 % des recettes publicitaires de France Télévision, a augmenté de plus de 65 % en cinq ans. Sur France 3, en particulier, ce sont 95 % des recettes publicitaires qui sont réalisées dans la tranche dix-huit heures trente - Soir 3.
Mais, surtout, comme je l'avais largement démontré l'année dernière, la publicité pèse beaucoup trop sur l'élaboration des grilles de programmes. Votre réforme, madame la ministre, permettra donc de libérer les chaînes publiques de l'emprise grandissante des annonceurs. Cela devrait permettre à France Télévision de prendre davantage de risques, de programmer plus de fictions françaises ou européennes, d'émissions culturelles et d'information ou de documentaires à des heures de grande écoute.
J'ajoute que, pour cette première année de mise en oeuvre anticipée de cette loi tant attendue, vous avez tenu vos promesses : faire progresser les ressources des chaînes publiques au-delà de la simple compensation des baisses de recettes publicitaires. Cette mesure est assurée par le remboursement des exonérations de redevance, qui rapportent cette année 881,5 millions de francs, contre 122,5 millions de francs en 1999. Des moyens supplémentaires seront ainsi octroyés aux chaînes publiques. Les chiffres sont éloquents : plus 404,7 millions de francs pour France 2 et plus 307,2 millions de francs pour France 3. Ces moyens devraient être utilisés pour enrichir les programmes, et principalement augmenter les investissements dans la fiction et les programmes pour les jeunes.
Les deux chaînes de France Télévision sont, en effet, confrontées à une érosion de leur audience préoccupante. France 2 a perdu cinq points en cinq ans, passant de 27,7 % de parts de marché en 1994 à 22,2 % en 1999 ; quant à France 3, après avoir bien progressé jusqu'en 1996, avec 18,1 % de parts de marché, elle est redescendue à 16,2 % en 1999.
S'il est normal et irréversible que les chaînes généralistes voient leur audience s'éroder, il est indispensable pour le groupe public de conquérir de nouveaux publics par le développement de nouvelles offres ; or, ce développement est aujourd'hui en panne.
Par ailleurs, quelques sujets d'inquiétude persistent que vous pourrez peut-être dissiper, madame la ministre.
Première question : les chaînes publiques termineront l'année 1999 avec un déficit, évalué au minimum à 200 millions de francs pour France Télévision. Il me semblerait utile de prévoir, pour ne pas oblitérer l'avenir, de combler au moins partiellement ce déficit par une affectation des excédents de redevance de 1999, dont le montant exact n'est pas encore connu, mais qui, semble-t-il, devrait atteindre 400 millions de francs.
Deuxième question : les budgets de France 2, France 3, la Sept-Arte et La Cinquième progresseront respectivement de 7,6 %, 5,3 %, 3,7 % et 3,1 % en 2000. Mais le chiffre d'affaires de leurs concurrents privés augmentera autant, sinon davantage - la moyenne actuelle est entre 6 % et 10 % - puisque, outre la croissance du marché publicitaire, ces chaînes profiteront de la limitation des espaces publicitaires sur les chaînes publiques.
Vous connaissez, madame la ministre, ma préoccupation - je l'ai souvent exprimée dans cet hémicycle - en matière de rééquilibrage des moyens au sein de notre paysage audiovisuel entre le secteur public et le secteur privé. Il semble que nous n'en prenons malheureusement pas encore le chemin. A titre d'exemple, en 1998, le chiffre d'affaires cumulé des trois chaînes hertziennes privées était de 19 milliards de francs, et celui des trois chaînes publiques de 12,6 milliards de francs.
Nous devrions, me semble-t-il, envisager de donner au secteur public un ballon d'oxygène en amenant progressivement la redevance à un niveau comparable à celui de nos principaux voisins. En Grande-Bretagne, elle atteindra 1 000 francs et, en Allemagne, 1 200 francs, contre 751 francs en France. Cela a une conséquence immédiate sur les budgets des chaînes publiques : par exemple, les ressources des télévisions allemandes publiques étaient, en 1996, de l'ordre du double de celles des télévisions françaises.
Troisième question : dans l'hypothèse où nous adopterions un plan d'ouverture du numérique hertzien en janvier prochain, avez-vous prévu, madame la ministre, de donner au secteur public les moyens de tenir sa place dans ce nouvel univers ?
Quatrième et dernière question : pourriez-vous nous donner quelques précisions sur le plan de passage aux 35 heures à France Télévision et sur les moyens financiers dégagés ?
Je vais clore ce chapitre de mon intervention par une note optimiste : je veux parler de nos exportations de programmes, en croissance de 35 % en 1998, et l'année 1999 ne devrait pas être décevante à cet égard. Avec les coproductions, elles ont représenté 1,8 milliard de francs, et ce sont désormais presque 20 % des ressources du secteur qui proviennent de l'exportation. C'est nouveau, et prometteur !
J'évoquerai tout à l'heure plus en détail les problèmes du budget de Radio France, dans le cadre d'un amendement que j'ai déposé avec le président du groupe socialiste du Sénat, M. Claude Estier.
Certes, les crédits de Radio France pour 2000 enregistrent une progression de 63 millions de francs par rapport à l'an dernier, soit une hausse de 2,2 %. Mais cette entreprise se trouve actuellement dans l'impossibilité de mettre en oeuvre la plan de développement pour lequel son président a été élu.
Je dirai maintenant quelques mots du budget de la presse, qui progresse de 3,2 %.
Dans notre société de plus en plus tournée vers l'image - qui, chacun le sait, cherche à susciter l'émotion - il nous paraît essentiel de continuer à défendre l'écrit, qui permet le recul nécessaire à l'analyse et à la réflexion.
Ce qui caractérise le projet de budget pour 2000 des aides à la presse, c'est un meilleur ciblage. Il s'agit d'abord de mieux soutenir la presse d'information générale, représentative des différentes sensibilités d'opinion dans notre pays. Il s'agit aussi de favoriser la modernisation des entreprises de presse, dont le savoir-faire constitue un potentiel formidable pour la France dans la société de l'information. L'accent est mis, en particulier, sur l'aide au portage et sur le développement des services multimédia.
Des problèmes subsistent dans le secteur de la distribution. Peut-être pourrez-vous nous dire ce que vous entendez faire pour rendre ce secteur plus concurrentiel et plus transparent.
Mais il n'est pas possible de parler des aides à la presse sans parler de la situation de l'Agence France-presse.
Je tiens à dire à quel point la crise traversée par cette entreprise est préoccupante. On pourrait la qualifier de vitale puisqu'il s'agit non seulement de son développement mais sans doute de son existence même. Nous sommes très attachés à cette agence, qui est maintenant la seule agence d'information dans notre pays et la seule grande agence mondiale non anglo-saxonne.
Certes, l'AFP est la troisième agence mondiale, mais son rayonnement est incomparable avec celui de l'agence Reuterr ou celui d'Associated Press.
De plus, elle joue un rôle irremplaçable aussi bien pour la presse française que pour la présence française et francophone dans le monde. Elle est présente dans 165 pays et elle communique en six langues, grâce à 2 000 salariés.
Aujourd'hui, l'AFP doit pouvoir s'adapter à la révolution du numérique ou elle disparaîtra. « Il n'y a pas de futur sans Internet pour un groupe comme le nôtre », disait avant-hier, dans une interview, l'un des dirigeants de Reuter. L'agence française a donc absolument besoin d'un plan de développement qui soit financé. Elle ne pourra le faire seule.
Son nouveau président, M. Eric Giuily, avait élaboré un plan qui nécessitait un investissement de 800 millions de francs. Ce plan impliquait un changement du statut de l'AFP et prévoyait le passage en société avec création d'un capital et ouverture de ce capital à des opérateurs publics et privés. Il a été violemment contesté par le personnel, et il a été retiré.
Le Gouvernement vient d'accepter de donner à l'AFP 90 millions de francs supplémentaires sur deux ans par un abandon de créances. Cela permettra peut-être d'amorcer le développement en 2000. Nous ne pourrons, bien entendu, en rester là.
Je tiens d'ores et déjà à préciser que, pour permettre à l'AFP de devenir une grande agence mondiale multimédia, il nous faudra mettre en oeuvre un vrai plan de développement, et non pas un plan fait avec des « bouts de ficelle ». Le rôle de l'AFP, qui remplit une véritable mission de service public, justifie une forte implication de l'Etat.
Si, néanmoins, l'obstacle de l'annualité budgétaire et l'importance des sommes en jeu nécessitent un changement de statut et le recours à des partenaires extérieurs, il me semble important que quatre conditions soient prises en compte.
Premièrement, la principale richesse de l'AFP, c'està-dire son personnel, doit être au coeur de ce plan.
Deuxièmement, le changement de statut devra être présenté, avant toute mise en oeuvre, au Parlement.
Troisièmement, on doit rechercher plutôt des partenaires publics, comme France Télécom ou la Caisse des dépôts, pour compléter un tour de table dans lequel les entreprises de presse privées garderont, bien entendu, leur place.
Quatrièmement, ce plan de développement doit être élaboré en concertation avec le personnel.
Je souhaite que, dans un avenir proche, nous puissions trouver des solutions. Les parlementaires socialistes sont prêts à y contribuer.
Je conclurai donc en appelant le Sénat à approuver l'augmentation du budget appréciable de l'audiovisuel public et des aides à la presse.
Quant au groupe socialiste, c'est avec enthousiasme, madame la ministre, qu'il votera ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Madame la ministre, votre budget est avant tout un budget d'anticipation de la future réforme du secteur public.
En progression de 4,8 %, il atteint 19,3 milliards de francs. Les ressources publiques, c'est-à-dire la redevance et les dotations budgétaires, augmentent de 11,7 % par rapport à 1999. De cette façon, vous allez théoriquement pouvoir compenser la baisse des ressources publicitaires imposée aux chaînes publiques à partir du 1er janvier prochain.
France Télévision est, cette année, la grande bénéficiaire de la manne publique : les ressources de France 2 augmentent de 7,6 %, celles de France 3 de 5,3 %. Les autres chaînes du secteur public voient leurs dotations augmenter dans des proportions légèrement inférieures.
Ce budget affiche donc des priorités claires : renforcer les moyens du service public et assurer les conditions de la réussite de la réforme.
Cela se traduit par une rupture dans la structure du financement de l'audiovisuel : en 2000, la part du financement public passera à 74 %, contre 69,4 % en 1999.
L'augmentation des crédits publics résulte, pour moitié, de la hausse du rendement de la redevance et, pour moitié, de l'augmentation des crédits budgétaires. Ces derniers passeront de 122 millions de francs en 1999 à 900 millions de francs, pour compenser les exonérations de redevance et les pertes de recettes publicitaires.
En réalité, si votre budget traduit vos engagements et vos promesses, il laisse cependant planer un certain nombre d'incertitudes.
Tout d'abord, le coût de la réforme de l'audiovisuel public n'est pas totalement cerné. Par ailleurs, rien n'apparaît sur le passage aux 35 heures à France Télévision. Rien n'apparaît non plus sur le projet numérique de la chaîne. Pourtant, ces questions auront un coût important et nécessiteront un financement public.
La récente grève dans l'audiovisuel public aura largement profité aux chaînes privées. En effet, les journaux d'information de TF1 ont enregistré des audiences records, avec près de 14 millions de téléspectateurs, contre 5 millions pour ceux de France 2.
Le budget pour 2000 ne permet pas aux entreprises publiques de l'audiovisuel de faire face à la mise en place des 35 heures.
Concernant le numérique hertzien, comment France Télévision pourra-t-elle relever un tel défi sans crédits ? Ce dossier essentiel sera au coeur du projet de loi que nous examinerons au mois de janvier.
Déjà, les marchés financiers anticipent cette révolution dont l'ampleur sera sans commune mesure avec celle de la bande FM dans les années quatre-vingts. Les trois chaînes privées ont vu leur cours en bourse exploser ces derniers jours.
La France est en retard par rapport à ses voisins européens : elle sera le dernier pays à se doter d'un cadre législatif nécessaire pour mettre en oeuvre le numérique terrestre.
Chacun sait cependant que ce mode de diffusion va entraîner d'importants bouleversements économiques, avec le renouvellement, à terme, de 36 millions de terminaux.
On peut également se demander quelles instances géreront le spectre des fréquences et l'attribution des autorisations.
Par ailleurs, comment sera financée cette révolution digitale ? Les sommes à engager sont considérables, comme l'ont indiqué les rapporteurs.
L'exemple britannique est intéressant, à ce titre. La BBC, qui diffuse déjà gratuitement et en numérique la quasi-totalité de ses productions sur ses différents réseaux, se fixe comme objectif de prendre la tête de cette révolution et d'étendre le taux de pénétration du nouveau système, qui est d'environ 10 % actuellement, jusqu'à 90 % ou 95 % de la population d'ici à six ans. Cela lui permettra de revendre aux sociétés de communication intéressées et à l'Etat l'espace analogique ainsi libéré pour la somme de 50 milliards à 60 milliards de francs. Il s'agit d'un montant astronomique dont il nous faut prendre conscience.
Pour relever ce défi, la BBC aura besoin de 2 milliards de francs supplémentaires à partir de l'an prochain, de 5 milliards de francs en 2003 et de 7,3 milliards de francs en 2006. Déjà, les groupes privés, au rang desquels on compte le groupe Murdoch, crient à la concurrence déloyale. Il appartient maintenant au gouvernement de Tony Blair de trancher et d'accorder ou non une rallonge budgétaire à la BBC, rallonge qui pourrait être financée par une redevance sur le numérique.
En France, la situation n'est pas aussi avancée et, aujourd'hui, nous n'avons que quelques certitudes sur vos intentions, madame la ministre.
D'abord, il semble acquis que l'offre sera gratuite. Ensuite, les ressources hertziennes du numérique terrestre ne devraient pas être attribuées par blocs aux opérateurs. Le CSA et le Gouvernement sont plutôt favorables à ce que ces derniers se regroupent par affinités dans des « mini-bouquets ».
Mais, comme l'a indiqué notre excellent rapporteur, M. Claude Belot, le pari numérique de France Télévision n'est pas financé.
De plus, l'explosion du nombre des chaînes engendrera une demande croissante de programmes. Afin d'éviter un déferlement des productions américaines, que nous redoutons tous à juste titre, il est indispensable de développer les aides en faveur des productions françaises et européennes. Les quotas, vous le savez bien, ne sont qu'une protection illusoire et temporaire.
L'exemple canadien démontre que la seule solution est de favoriser l'apparition d'une forte industrie de programmes audiovisuels adaptés aux standards internationaux. Nous en sommes encore loin.
Entre 1996 et 1998, la production de fictions françaises est passée de 700 heures à 550 heures. La fiction nationale ne représente en France que 47 % de la fiction diffusée aux heures de grande écoute, alors que la proportion est de 70 % en Allemagne et de 89 % en Grande-Bretagne.
Il est temps de mettre en oeuvre des mécanismes d'encouragement. Nous attendons, madame la ministre, que vous apportiez des précisions sur vos intentions.
Incontestablement, le dossier du numérique hertzien s'annonce comme l'élément central du prochain débat sur votre projet de loi. A cela viendra s'ajouter le problème de la fusion de La Cinquième et d'Arte, qui pourrait, en raison d'un différend avec l'Allemagne, ne plus faire partie de la future holding.
Enfin, j'évoquerai rapidement la situation de l'audiovisuel extérieur. Je dois dire qu'elle s'améliore très nettement, comme je peux le constater lors de mes nombreux déplacements à l'étranger.
Concernant Radio France internationale, il apparaît que les difficultés financières tiennent, pour une grande part, aux restrictions budgétaires qui lui ont été imposées ces dernières années. Cette année encore, les concours publics ont accusé une diminution. Pourtant, RFI est un vecteur important de la présence de la France dans le monde. Il est dommage de négliger cette radio.
En revanche, je me réjouis que la France ait consenti un effort à l'égard de TV 5. La chaîne pourra ainsi mettre en oeuvre son projet d'entreprise et mettre à niveau sa grille de programmes.
Nous savons tous que TV 5 a enregistré un échec aux Etats-Unis. Son président, M. Jean Stock, a même parlé de fiasco. Nous espérons qu'une solution pourra être trouvée. Il n'y a pas de raison qu'un grand pays comme les Etats-Unis ne soit pas couvert par TV 5.
L'ensemble de ces remarques montrent, madame la ministre, que ce budget comporte beaucoup d'incertitudes : incertitudes sur la pérennité des crédits consacrés à la réforme du secteur public, incertitudes sur le financement des 35 heures, incertitudes enfin, sur le financement du numérique hertzien.
Ce budget comporte aussi des carences, notamment en ce qui concerne les crédits alloués à Radio France.
Dans le domaine de la presse écrite, il néglige la nécessité de ventiler différemment les aides entre presse nationale et presse régionale, et il oublie, alors que c'est indispensable, d'apporter des aides aux nouveaux moyens de transmission.
En somme, ce budget n'est que l'instrument financier de la réforme de l'audiovisuel en cours d'examen par le Parlement, de cette réforme de circonstance qui ne prend pas en compte les mutations du paysage audiovisuel.
Pour toutes ces raisons, mes collègues de l'Union centriste et moi-même ne pourrons pas le voter.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je suis très heureux de monter de nouveau à la tribune pour m'exprimer sur le budget de la communication audiovisuelle, cette fois au nom du groupe du Rassemblement pour la République.
A travers ce budget, madame la ministre, vous essayez de mettre en oeuvre une réforme dont notre assemblée aura à débattre dès la rentrée 2000.
Nous avons été heureux de vous recevoir récemment en commission des affaires culturelles. Nous savons désormais que nous aurons beaucoup à faire sur le texte voté par l'Assemblée nationale.
Le budget de la communication se caractérise par une forte progression des ressources publiques, qui permet de compenser la réduction des recettes publicitaires à la suite de la diminution de la durée de la publicité sur France Télévision, et ce grâce à la hausse du produit de la redevance.
Le secteur public de l'audiovisuel - je passerai rapidement sur les chiffres, car ils ont déjà été cités par mes collègues, quelle que soit la formation politique à laquelle ils appartiennent - connaît une augmentation différenciée.
Si les dotations du secteur public de l'audiovisuel, c'est-à-dire de France 2 et de France 3, de la Sept-Arte et de La Cinquième, connaissent une augmentation assez sensible, la dotation de Radio France ne progresse que de 2,2 %, celle de Radio France internationale est gelée, celle de l'INA est reconduite et celle de RFO augmente de 3 %. L'engagement de l'Etat est donc significatif dans l'audiovisuel public, mais plus encore dans le pôle de l'audiovisuel.
Cependant, et je ne suis pas le premier orateur à le souligner - c'est décidément une ritournelle ce soir, madame le ministre - ce que vous présentez comme un budget d'anticipation et de développement de la première phase de la réforme audiovisuelle m'apparaît davantage comme un budget de soutien et de rattrapage. Nous avons eu l'occasion de le souligner tous ensemble, non seulement les parlementaires, mais aussi les salariés du secteur public, qui se sont interrogés, voilà peu, en faisant une grève qui m'a d'autant plus étonné, madame le ministre, qu'elle n'a frappé personne puisque les téléspectateurs ont pu « zapper ».
Je rejoins tout à fait les conclusions assez alarmistes de M. le rapporteur spécial : on est en train d'installer en France un paysage audiovisuel où il est possible de se passer de la télévision publique, un paysage dont les bouleversements importants - vous le savez bien, mes collègues ont insisté sur ce point avant moi - avantagent aujourd'hui plus le secteur privé que le secteur public. Car, même si vous ne le souhaitez pas, la situation que nous observons est bien celle-là !
Se pose par conséquent - cela a d'ailleurs été relevé à quatre reprises avant moi - la question du décalage de ce budget face aux enjeux et aux changements qui attendent l'audiovisuel, en particulier le développement du numérique. Je me permets d'insister : pour l'audiovisuel public et pour l'audiovisuel français en général, les perspectives du numérique sont extraordinairement importantes.
Il faut, d'abord, développer une offre de chaînes répondant aux attentes et aux demandes des téléspectateurs, avec des programmes devenant du sur-mesure en quelque sorte. Je rejoins ce qu'a dit M. Maman tout à l'heure : le numérique est aujourd'hui une nécessité pour l'ensemble des médias, pour l'audiovisuel en particulier.
Il faut, ensuite, développer une télévision de proximité. Certes, j'enfonce des portes ouvertes en disant cela, mais, à l'heure de la communication mondiale, même si l'on ne parle pas à son voisin, on veut savoir ce qui se passe à sa porte !
Il faut, enfin, développer une télévision de services, c'est-à-dire une télévision interactive. Madame la ministre, votre budget ne permettra pas d'accéder à ce nouveau mode de diffusion.
Je n'insisterai pas sur l'exemple de Radio France, dont la situation est particulièrement délicate.
Les moyens financiers de votre budget seront peut-être corrigés par un amendement que nous proposeront M. Belot et Mme Pourtaud. En tout cas, il va de soi que nous serions heureux de vous entendre à ce sujet.
Le numérique a un coût, un coût énorme ; M. Maman l'a indiqué. Nous pensons très sérieusement que ce ne sont ni quelques amendements ni même un rapport d'étape réalisé par un conseiller d'Etat ou par un conseiller économique et social, aussi sympathique soit-il, qui permettront d'améliorer, au mois de janvier, un budget que nous aurions voté de façon précipitée.
D'autres sujets ont encore retenu l'attention du groupe du Rassemblement pour la République.
Nous nous interrogeons légitimement sur la situation de la Sept-Arte par rapport au holding France Télévision. Il est normal que la Haute Assemblée obtienne des réponses à ce sujet. Nous avons en effet appris par la presse que le projet de loi relatif à l'audiovisuel qui nous sera prochainement soumis et dont nous débattrons, si j'ai bien compris, la semaine prochaine en commission des affaires culturelles ne respecte pas le traité franco-allemand. Pensez-vous que nous puissions concilier cette intégration avec l'obligation de respecter la spécificité de ces chaînes ?
Enfin, rien n'est prévu pour le passage aux 35 heures ; l'audiovisuel public est inquiet. Ma question est simple : les répercussions de l'application de la diminution du temps de travail ont-elles été chiffrées pour chaque organisme du secteur de l'audiovisuel public ? Nous attendons, bien entendu, des réponses.
Les interrogations du groupe du Rassemblement pour la République sont importantes, madame le ministre. Voter votre budget reviendrait, par conséquent, à vous donner carte blanche, ce qui serait, à mon avis, une mauvaise habitude que nous prendrions. Les parlementaires de notre groupe voteront donc contre les crédits de la communication audiovisuelle.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur de la communication est un secteur extrêmement mouvant et qui connaît, depuis quelques années, de nombreuses mutations.
De l'ouverture de l'audiovisuel à la concurrence, déjà bien ancienne, à l'émergence des nouvelles technologies, qui ont multiplié de manière phénoménale les canaux et les réseaux de transmission, la frontière n'est plus si nette aujourd'hui entre communication audiovisuelle, télécommunication et informatique.
Dans ce contexte de profondes transformations ébauché très synthétiquement, nul ne niera que l'audiovisuel public se trouve investi de missions particulières, que le projet de loi sur l'audiovisuel réaffirme.
Quand on regarde le budget de l'audiovisuel public, on voit bien que l'augmentation de 4,8 %, soit 883 millions de francs, va dans le sens des orientations affirmées par le projet de loi sur l'audiovisuel que nous allons examiner très prochainement.
Cette hausse devrait permettre, comme nous le demandons, un rééquilibrage des ressources de nos chaînes publiques. La part des recettes publicitaires dans le budget des chaînes devrait être ramenée à 40 % pour France 2 et à 27 % pour France 3.
Nous nous félicitons également, madame la ministre, du respect des engagements pris en matière de remboursement des exonérations de redevance pour parvenir, à l'horizon 2001, à un remboursement intégral.
Cette progression des crédits de l'audiovisuel dans notre pays ne doit pas nous faire perdre de vue que la part que notre pays consacre à sa télévision reste bien inférieure à la part consacrée à ces mêmes missions par les pays voisins, la Grande-Bretagne et l'Allemagne notamment.
En outre, l'évolution du secteur et la multiplication de l'offre de programmes rendent plus que jamais nécessaire d'anticiper la réflexion sur une éventuelle réforme de notre redevance.
Au-delà des chiffres eux-mêmes, et sans vouloir ouvrir dès maintenant le débat de l'audiovisuel, je pense qu'il y a matière pour notre représentation nationale à participer plus activement à la définition des missions du service public de l'audiovisuel.
Nous ne pensons pas pour notre part, que les missions du CSA soient incompatibles avec une réflexion plus générale du Parlement sur les axes d'une politique nationale de l'audiovisuel.
Nous attendons beaucoup, madame la ministre, des contrats d'objectifs et de moyens, qui permettront, nous l'espérons, un recentrage des orientations des missions des chaînes publiques.
France 2 comme France 3 voient leur audience s'éroder. L'identité de France 2, à trop vouloir ressembler à ses concurrentes, se dilue ; le rôle de France 3 en région est à renforcer et à amplifier.
Des pans entiers des missions de service public ne sont pas satisfaits ; je pense notamment à la sous-représentation de la culture et de la création artistique sur nos chaînes publiques.
La place de la musique, la place du théâtre, celle du cinéma et de la critique cinématographique sont autant d'éléments à reconquérir par nos chaînes généralistes.
A la multiplication des canaux, il convient de répondre par une capacité renforcée de production audiovisuelle.
Certes, notre pays peut s'enorgueillir d'avoir su préserver une bonne part de sa production cinématographique ; on connaît le rôle déterminant de la puissance publique dans cette action, via les différentes modalités de soutien.
Mais la télévision publique ne doit-elle pas montrer l'exemple ?
L'offre de programme se développe aujourd'hui, encore qu'elle n'échappe pas à un certain « formatage », au détriment des droits les plus essentiels de ceux qui la réalisent. Je pense aux techniciens, artistes et créateurs de l'audiovisuel.
L'intermittence du spectacle est devenue un mode de gestion au sein de l'audiovisuel et, dans un contexte où la concurrence est féroce, les salariés en bout de chaîne sont ceux sur lesquels la pression s'exerce le plus fortement.
L'Etat se doit de respecter ses engagements et de tout mettre en oeuvre pour voir appliquer dans les meilleurs délais des garanties collectives pour les salariés de l'audiovisuel. Le quasi non-droit qui règne actuellement est inacceptable et, comme nous le savons, l'audiovisuel public ne montre pas l'exemple.
Le développement de l'industrie des programmes passe par des règles partagées et consenties par tous, des producteurs de programmes aux diffuseurs et aux salariés.
Les aides publiques pour la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ne sont pas versées aux entreprises publiques. Il va sans dire qu'une telle façon de faire met en situation inégale les chaînes publiques et les chaînes concurrentes. Nous pensons qu'il y a lieu de revenir sur de telles dispositions, qui fragilisent le secteur public.
Aux côtés de la télévision, il y a un instrument dont le coût n'est pas comparable, mais qui a tout l'agrément de nos compatriotes ; je pense à la radio.
Le cadre budgétaire fixé par le projet de loi de finances pour 2000 permettra-t-il à Radio France de s'engager dans les chantiers de la modernisation que sont la numérisation de l'entreprise, le réseau des radios locales et le développement de l'Internet, quand les mesures nouvelles suffisent à peine à couvrir l'évolution des dépenses ordinaires, telles que l'augmentation des tarifs de l'AFP ?
Alors que la progression des ressources de l'audiovisuel a été de 124,8 % de 1986 à 1999, la progression des ressources de Radio France s'est située aux alentours de 52 %.
Le développement des radios locales du groupe, qui ne couvrent que 60 % du territoire, est en panne depuis dix ans.
Autant dire que les investissements et la recherche de nouveaux produits nécessaires au développement de Radio France pourraient prendre, cette année encore, du retard.
J'en viens à présent aux questions de la presse et, plus précisément, à celle qui est relative au devenir de l'AFP.
La mobilisation des personnels et la sagesse des uns et des autres auront permis de surseoir au plan proposé par la direction de l'agence. Pour autant, et j'ai longuement insisté sur cette question à l'occasion de chaque saisine de notre commission, on ne peut se satisfaire du statu quo.
L'enjeu de la modernisation de l'Agence France-Presse reste posé, comme reste posée la question d'un éventuel changement de statut de l'agence. Le Parlement doit pouvoir accomplir sa mission dans ce domaine.
Nous pensons, pour notre part, qu'il y va du devenir et de la place de l'entreprise et de ses salariés - salariés qui sont un atout et non un handicap - et, au-delà, de l'outil d'information incomparable que constitue l'AFP.
Peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous apporter quelques éclaircissements sur cette position.
Le budget de la communication réalise un effort important en matière d'aides à la presse. Ainsi, on va vers un doublement des aides à la presse à faibles ressources publicitaires. C'est une bonne chose, mais je ne peux cacher ma grande inquiétude pour l'avenir de la presse écrite dans notre pays.
Celle-ci est traversée, comme l'ensemble du secteur de la communication, par de profondes restructurations. Elu, vous le savez, de la région Nord - Pas-de-Calais, je citerai, vous le comprendrez, le cas du journal Nord-Eclair, menacé par des restructurations, et le rachat par le groupe Hersant de l'autre titre régional, La Voix du Nord.
Nous assistons à de vastes parties de Monopoly qui sacrifient l'emploi - 300 emplois sont menacés à Nord-Eclair - précarisant les journalistes et les salariés de la presse et menaçant les statuts. Mais elles conduisent aussi à un véritable appauvrissement démocratique, à la constitution d'une presse aseptisée, ce qui explique, en partie, la chute du lectorat.
Dans ce contexte de bras de fer entre géants de la communication, quelle place pour la presse d'opinion - si tant est que les journaux des grands groupes soient « sans opinion » ? Prévert disait déjà : « Quand la vérité n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie. »
Aussi, je considère - comme vous, madame la ministre - que la presse écrite n'est pas une simple marchandise, qu'elle est constitutive de notre démocratie et de notre liberté.
Les mesures prises dans ce budget en matière d'aides à la presse vont dans le bon sens, je le disais. Mais cela est-il suffisant face aux enjeux financiers des restructurations, suffisant également face à l'enjeu de l'existence d'une presse libre et démocratique dans le pays ? On voit bien qu'il n'y a pas, derrière tout cela, qu'une question financière.
Le Nord - Pas-de-Calais, fort de 4 millions d'habitants, risque, demain, de ne plus compter qu'un seul quotidien régional d'information. Il y en avait quatre voilà encore quelques années. Cet appauvrissement démocratique ne justifie-t-il pas, madame la ministre, que soit engagée une vaste réflexion sur l'avenir de la presse écrite ? Comme le disait si bien Camus : « La liberté dans le désert n'est pas la liberté ! »
On peut déplorer que la taxe sur le hors-média n'abonde pas à la hauteur du marché publicitaire en plein développement le fonds de modernisation de la presse. Différents correctifs et un effort accru des services en charge de la collecte de ces fonds devraient permettre un meilleur abondement.
Nous savons pouvoir compter sur vous, madame la ministre, pour tenir vos engagements, et nous connaissons votre détermination à développer l'ensemble des services publics de la communication.
Pour autant, et cette opinion est de plus en plus largement partagée, y compris dans notre assemblée, l'audiovisuel appelle de nouvelles formes de financement et un financement renforcé. Il y a là, nous le pensons, un véritable enjeu de civilisation et de culture, et il nous faut faire vite.
Moins que dans la multiplication des chaînes et des services de l'audiovisuel, l'enjeu de développement se situe dans notre capacité à fournir des contenus : contenus nouveaux sur le terrain de l'information - on voit, dès lors, la position essentielle de l'Agence France-Presse -, contenus nouveaux également pour la création, l'Institut national de l'audiovisuel, la Société française de production ou France Télévision, pour ne citer qu'eux, devant tenir un rôle essentiel.
En outre, chacun sait que la création artistique, la création audiovisuelle, l'industrie des programmes sont génératrices d'emplois.
L'heure n'est plus au simple constat du déséquilibre entre les industries de programmes française et européenne et l'industrie d'outre-Atlantique.
Le formatage des oeuvres audiovisuelles, la mercantilisation des idées et de l'imaginaire : voilà les priorités des sociétés de marché, beaucoup plus que le pluralisme, nous le savons bien !
OEuvrer au développement d'une industrie de programmes, donner à l'audiovisuel public les moyens d'un rayonnement qui le place en situation privilégiée au sein du paysage audiovisuel est - mon ami Jack Ralite ne m'en voudra pas de le citer - « un besoin essentiel, un droit universel, le signe d'un rapport social entre une société et son imaginaire ».
Au lieu de quoi, le fonds européen de développement de la communication reste à un niveau ridiculement faible. Loin d'être pilotée par les pouvoirs publics, la télévision est soumise aux diktats des sociétés privées qui, par le jeu de l'audimat et de la loi du marché, imposent leur conception de la création et du pluralisme.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer le développement de l'Internet dans notre pays.
Le développement de l'Internet se fonde, à l'origine, sur l'échange des savoirs et des connaissances. C'est un espace ouvert, libre, interactif, où chacun participe selon ses moyens à l'enrichissement du contenu du réseau.
Dans le même temps, l'Internet rend possible le commerce et son développement sous des formes nouvelles.
Nous pensons, pour notre part, que le commerce ne doit pas prendre le pas sur l'ouverture et l'interactivité de ce support. A cet égard, l'action des pouvoirs publics est déterminante pour établir des règles du jeu qui permettent à chacun une utilisation de ce réseau.
Si des efforts ont été réalisés pour rendre le coût des connexions plus abordable, nous savons que celui-ci reste un frein dans bien des cas.
Quelles sont aujourd'hui les possibilités de développement de cet outil, étant entendu que le ministère de la culture et de la communication a un rôle déterminant à jouer ?
Nous prenons acte, madame la ministre, de votre engagement en faveur de la communication et de l'audiovisuel. Vous avez, dans la limite des possibilités, donné des signes forts de votre volonté de promouvoir et de moderniser notre audiovisuel public, conformément aux engagements de M. le Premier ministre.
Peut-être me suis-je exprimé longuement sur la politique des contenus audiovisuels. Mais ces questions nous paraissent à ce point essentielles que nous souhaiterions les voir aborder très vite avec l'ensemble des acteurs politiques et économiques de notre pays.
Nous soutenons, madame la ministre, le projet de budget qui nous est soumis, en formant le voeu que vous-même et l'ensemble de notre majorité plurielle s'emparent du débat qui vient de s'ébaucher. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. En nous présentant, madame le ministre, un budget de la communication audiovisuelle en progression de 4,8 %, soit 883 millions de francs d'augmentation des crédits, vous tenez les engagements que vous avez pris dans le cadre du projet de loi portant réforme de l'audiovisuel, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Cela ne peut que me réjouir.
Mais, en analysant plus avant ce budget, ma satisfaction première est quelque peu amoindrie.
Vous me permettrez donc, madame le ministre, de vous faire part de mes regrets devant les lacunes de ce budget par rapport à l'essence même de votre projet de loi sur l'audiovisuel.
En effet, alors que vous nous annoncez depuis des mois une nécessaire prise en compte du numérique hertzien, à propos duquel nous attendons un rapport qui doit être remis de manière imminente, votre budget pour l'année 2000 n'aborde pas ce sujet. Les enjeux de la révolution numérique sont pourtant considérables, et le secteur audiovisuel public ne saurait les négliger !
Je disais dans ce même hémicycle, à l'occasion de la discussion des deux précédents budgets de la communication, d'une part, que j'avais pu mesurer l'importance du numérique hertzien, qui touche maintenant l'ensemble des secteurs de transmission, et, d'autre part, combien notre pays était en retard par rapport à ses voisins dans l'exploitation de ce mode de diffusion. Je citais alors le cas du Royaume-Uni, qui se lançait dans la télévision numérique hertzienne avec CTI, filiale de TDF, choisie par la BBC comme diffuseur !
Eh bien, ce retard continue de s'accroître, de mois en mois, de jour en jour, madame le ministre !
Et je ne parle pas du DAB, cette technologie française, également développée par TDF et décidément trop négligée par les pouvoirs publics !
Je vous rappelle que, là aussi, nous en sommes, dans notre pays, encore et toujours, au stade expérimental, en vertu de la loi Fillon de 1996, que j'ai d'ailleurs fait amender en avril dernier afin que les expérimentations puissent être poursuivies.
Quant au système de financement de l'audiovisuel public, je n'ai pas trouvé dans votre projet de budget les modifications importantes que nous aurions pu escompter.
Si je me réjouis de la diminution de la part des recettes publicitaires dans le financement des chaînes publiques et de la compensation que vous opérez par le remboursement de l'exonération, je ne saurais dire qu'elles constituent une révolution financière dans le secteur public de l'audiovisuel, d'autant que la réduction du temps de publicité y est, selon moi, insuffisante.
Certes, le remboursement des exonérations de redevance que vous annoncez est une bonne mesure. Vous savez cependant comme moi qu'elle est sujette aux aléas budgétaires. En la matière, seul le ministère du budget a un pouvoir de décision, et l'annualité budgétaire est un impératif qui s'impose à tous dans notre République.
Qu'avez-vous prévu, madame le ministre, pour que le système de rembourseement des redevances soit pérenne dans les années futures ? Comme vous le savez, et comme je le dis depuis des mois, voire des années, des modifications profondes doivent être décidées pour renforcer et pérenniser le financement propre du secteur public de l'audiovisuel.
Au-delà de la création d'un système pérenne de remboursement des exonérations de redevance, qu'il reste à imaginer et à mettre en place, il convient de prendre acte de la totale obsolescence du système actuel de la redevance.
Ma proposition, vous la connaissez, mais peut-être n'est-il pas totalement inutile que je la formule une nouvelle fois. Elles se fonde sur l'évolution technologique et consiste à simplifier l'assiette de la redevance en retenant comme fait générateur, non plus le binôme « poste de télévision » et « point de réception », mais simplement le « point de réception ». Celui-ci étant un point de communication potentiel - quel que soit le mode de communication - toute personne sera redevable de la redevance, que je propose d'ailleurs de dénommer : « redevance de communication ».
De plus, en vertu du principe : « pas de taxe sur une taxe », je propose que la redevance ne soit plus soumise à la taxe CNC et que soit augmenté, à due concurrence, le taux de cette taxation pour toutes les recettes publicitaires, qu'elles soient publiques ou privées, à l'exclusion des recettes provenant des abonnements, qui ne bénéficieront pas, elles, d'un transfert du fait de la diminution du temps de publicité sur les chaînes publiques.
Vous avez vous-même annoncé à plusieurs reprises, et encore tout récemment, que le système de la redevance devait être réformé. Prenez-vous l'engagement, madame le ministre, que cette réforme verra le jour dans le courant de l'année 2000 ? Sans doute aurons-nous l'occasion d'en débattre lors de la discussion de votre projet de loi sur l'audiovisuel, qui devrait intervenir dans les tout premiers jours de l'année 2000.
J'ajoute que l'avenir, à l'intérieur de l'Hexagone, de notre service public de l'audiovisuel - et même de l'audiovisuel français pris dans sa globalité - ne saurait être abordé hors du contexte de la compétition internationale.
Une étude du CSA a récemment montré que notre secteur public de l'audiovisuel était structurellement sous-financé et que notre redevance était très insuffisante par rapport à ce qu'on observe chez nos voisins. En 1998, par exemple, quand la redevance rapportait 10 milliards de francs en France, elle en rapportait 20 au Royaume-Uni et 30 en Allemagne. Depuis, l'écart s'est encore probablement creusé.
Nous devons notamment prendre en considération la faible santé de notre industrie de programmes. Ainsi, il est inquiétant que la production de fictions nationales connaisse, par rapport à nos concurrents, les mêmes proportions de déséquilibre que la redevance : en 1998, alors que la production de fictions était de 700 heures en France, elle était de 1 000 heures au Royaume-Uni et de 1 700 heures en Allemagne.
Quant à la radio, madame le ministre, elle continue d'être maltraitée, elle aussi. Savez-vous que, depuis dix ans, la part de Radio France dans le financement de l'audiovisuel public n'a cessé de décroître, laissant accréditer l'idée d'un désintérêt pour la radio publique, alors que la radio est le média le plus populaire en France, et de loin, comme à l'étranger d'ailleurs.
C'est pourquoi, dans la perspective de la nécessaire modernisation de Radio France, qui suppose, vous le savez, la numérisation de l'entreprise, le développement des radios locales et le développement d'Internet, je tiens à dire, d'ores et déjà, que je voterai l'excellent amendement déposé par M. le rapporteur spécial et tendant à répartir les excédents de redevance dégagés en 1998 en accordant 60 millions de francs de mesures nouvelles au bénéfice de Radio France.
Pour finir, madame le ministre, je rappellerai simplement que, à l'heure où la télévison privée connaît un essor très important en Europe, en particulier en France, par la diffusion satellitaire, il est primordial d'assurer la présence d' un secteur public de l'audiovisuel uni, fort et phare dans le paysage audiovisuel français, par le maintien d'un financement public affecté, qui est le meilleur garant de sa stabilité et de sa pérennité.
Aussi longtemps que le problème du financement ne sera pas réglé, nous pourrons tout craindre pour l'avenir du secteur public de l'audiovisuel.
Aujourd'hui, celui-ci demeure un vaste chantier : il doit s'adapter à un paysage concurrentiel en profonde mutation, tant en France qu'à l'échelle internationale. La France prend de plus en plus de retard, madame le ministre ! Nous devons le combler, et le combler vite !
Dans les toutes prochaines semaines, la discussion au Sénat de votre projet de loi sur l'audiovisuel nous donnera l'occasion d'essayer de définir clairement la place de l'audiovisuel public. C'est ce que j'attends depuis fort longtemps et j'espère aujourd'hui plus que jamais voir cette attente enfin satisfaite.
Je sais combien l'audiovisuel est un domaine complexe, madame le ministre, et je n'oublie pas que votre budget, en dépit des très nombreuses critiques qu'il suscite, est tout de même encourageant. C'est pourquoi, pour ma part, malgré ses insuffisances, je le voterai.
(M. Gérard Larcher remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre aux rapporteurs ainsi qu'aux différents intervenants, je voudrais d'abord exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui ont pris le temps d'examiner ce budget, d'y apporter des commentaires, tantôt critiques, tantôt encourageants. Cela dit, dans l'ensemble, il m'est apparu que ce budget n'avait pas donné lieu à des jugements trop sévères.
Ce budget marque en effet plusieurs avancées dans la mise en oeuvre des orientations que le Gouvernement a tracées dans ce secteur essentiel pour notre vie démocratique que constituent la presse et l'audiovisuel.
D'une part, il va permettre de mieux soutenir le pluralisme de l'information écrite et la nécessaire modernisation de la diffusion des titres comme de l'outil de production des entreprises de presse.
D'autre part, il engage la réforme du financement du secteur public audiovisuel, en réduisant la dépendance des chaînes publiques de télévision à l'égard de la publicité, en clarifiant l'objet des crédits budgétaires affectés au financement du secteur public audiovisuel et en renforçant les moyens dont sont dotées la télévison et la radio publiques, en matière de programmes notamment.
Les aides directes à la presse continuent de bénéficier d'une priorité au sein du budget de l'Etat. Je remercie M. le rapporteur d'avoir souligné l'effort important de l'Etat en la matière et je partage sa préoccupation quant au devenir de la presse et à la baisse du lectorat.
Avec une progression de 3,2 %, contre 2,6 % en 1999, les aides directes à la presse augmentent plus sensiblement en 2000 que la norme d'évolution des dépenses de l'Etat.
Dans un contexte difficile pour certains titres, le Gouvernement entend favoriser le maintien d'une offre pluraliste en matière de presse d'information générale, tant au niveau local que sur un plan national, représentative des sensibilités d'opinion de notre pays. Il entend, en même temps, soutenir l'indispensable modernisation des entreprises de presse. Ce projet de budget pour 2000 concourt à ces deux objectifs.
Comme ceux des deux précédents exercices dont j'ai assuré la préparation, le présent budget prévoit une augmentation des aides directes aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, aux quotidiens de province à faibles ressources en matière de petites annonces et à la presse hebdomadaire régionale.
En outre, il renforce le soutien accordé à la diffusion de la presse française à l'étranger.
Il n'omet pas d'accroître l'aide au développement du portage, qui, par la conquête de nouveaux lecteurs, constitue une dimension essentielle de la modernisation des entreprises de presse.
Il confirme, par ailleurs, l'inscription au budget général de l'Etat d'une dotation consacrée aux projets des entreprises de presse dans le domaine du multimédia.
L'évolution de la dotation correspondant aux abonnements de l'Etat à l'Agence France-Presse, en hausse de 1,2 %, permettra, quant à elle, de soutenir la réorganisation de l'agence et son adaptation à son nouveau contexte concurrentiel.
Le marché mondial de l'information est aujourd'hui bouleversé par le développement de l'offre multimédia. Forte de son savoir-faire et de son réseau mondial, l'AFP doit, afin de ne pas être distancée, engager une politique ambitieuse de modernisation et d'investissement.
C'est au regard de cet objectif que des partenariats, professionnels et financiers, apparaissent aujourd'hui nécessaires. Le Parlement débattra, le moment venu, des adaptations des statuts de l'agence que pourrait requérir la réalisation de cet objectif.
Mais il est indispensable que soit d'abord élaboré un plan de développement. Aujourd'hui, les conditions du développement de l'AFP me semblent réunies. Il s'agit d'une première étape. En effet, le Gouvernement a décidé de renoncer à une créance de 45 millions de francs correspondant à la moitié du principal d'un prêt participatif qui avait été accordé à l'AFP dans le passé. L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté à cet effet par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative de 1999. Bien entendu, l'autre moitié suivra.
Au-delà de l'augmentation de la dotation de 1,2 % liée aux abonnements de l'Etat à l'AFP, au travers de la proposition gouvernementale et de la décision du Parlement, l'Etat fait une avancée significative : un plan de développement pourra faire l'objet d'une concertation avec les personnels, avec les partenaires de l'agence, avec la presse, qui est représentée au conseil d'administration, et avec l'Etat. Nous exprimons là, en cette fin d'année 1999, un signe de confiance. Les décisions à venir ne pourront pas concerner uniquement les ressources de l'Etat.
L'AFP est, certes, une entreprise d'un type particulier, mais c'est une entreprise de droit privé. Elle exerce cependant des missions importantes de service public et nous devons impérativement lui garantir son indépendance, sa crédibilité et son envergure internationale.
Bien évidemment, ainsi que plusieurs intervenants l'ont dit à cette tribune, il n'est pas question, pour le Gouvernement, d'envisager des modifications en faisant l'impasse sur l'avis du Parlement. Je l'ai d'ailleurs indiqué en répondant à une question à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une cause nationale et nous devons le prendre en compte.
Je me réjouis que cette préoccupation ait été exprimée sur l'ensemble des travées. Pour l'heure, il convient que les grandes lignes directrices du plan de développement de l'AFP fassent l'objet d'une discussion. Nous verrons ensuite quelles conclusions il convient d'en tirer. S'il y a modification du statut, à ce moment-là, le débat devra nécessairement être porté devant le Parlement.
Au sein des aides directes à la presse, l'aide au transport par la SNCF continue de peser d'un poids particulier ; elle suscite aussi une insatisfaction croissante. Nous serons prochainement amenés à ouvrir une réflexion de fond sur l'évolution de ce dispositif, au-delà des adaptations des taux de prise en charge par l'Etat qu'impose, à court terme, la réalité des flux transportés.
La situation du fonds de modernisation de la presse a été évoquée par plusieurs orateurs à cette tribune. Le produit de la taxe sur la publicité affecté au fonds n'est, en effet, pas à la hauteur des espoirs qu'avait suscités sa création. Les causes de cette situation doivent être éclaircies. J'ai saisi en ce sens mon collègue Christian Sautter.
Toutefois, le niveau des recettes du fonds ne doit pas occulter d'autres constats qui, eux, sont positifs.
En premier lieu, le fonds a suscité un intérêt marqué de la part des entreprises de presse, et cela est très encourageant.
En second lieu, les subventions dont l'attribution m'a été proposée par le comité d'orientation du fonds, à l'issue de sa première séance, viennent d'être notifiées à leurs bénéficiaires. Sur l'ensemble de l'année 1999, le comité d'orientation du fonds aura proposé l'attribution de près de 300 millions de francs. Cela représente deux cent cinquante projets concernant aussi bien des quotidiens que des agences.
En dépit de moyens inférieurs à ceux qui étaient attendus, le fonds joue un rôle tout à fait significatif d'effet de levier pour la modernisation des entreprises de presse, et c'est là un acquis positif.
Néanmoins, ce fonds de modernisation de la presse doit conserver son rôle d'aide aux projets. Il n'est pas question qu'il soit transformé en une sorte d'aide proportionnelle banalisée. Il faut absolument que cet effet de levier soit continuellement affirmé et réaffirmé.
Par conséquent, je suis heureuse que nous ayons pu franchir cette première étape et que ce fonds ait été maintenu en l'état. J'espère qu'avec les mesures qui pourront être prises après examen des conditions de collecte des fonds nous aurons également la possibilité d'en augmenter l'enveloppe budgétaire.
J'en viens au budget du secteur public audiovisuel pour 2000. Le budget de la radio et de la télévision publiques pour 2000 que je soumets à votre approbation est un budget qui réaffirme la légitimité du service public et prévoir les moyens nécessaires au développement des missions de l'ensemble de ses composantes.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que ma première tâche avait consisté, dans le cadre du budget de 1998, à réparer les conséquences d'une loi de finances de 1997, que j'avais qualifiée à l'époque, de « télécide » : abattement de près de 600 millions de francs des ressources publiques ; explosion de la durée de la publicité ; stagnation du budget de France 2 impliquant une réduction des moyens consacrés aux programmes ; coupes claires - moins 120 millions de francs - dans les budgets de programme de la Sept-Arte et de La Cinquième, ainsi vouées à pratiquer rediffusion sur rediffusion pour « meubler » l'antenne du cinquième canal.
On ne sort pas si vite, mesdames, messieurs les sénateurs, de telles difficultés. Toutes les chaînes ont été profondément touchées et fragilisées.
Il faut donc procéder par étapes, avec le plus d'ambition et le plus de moyens possible. Mais il faut également agir avec lucidité et exiger que ces entreprises fassent l'objet d'une gestion rigoureuse. En effet, si nous relevons ensemble que des moyens leur sont nécessaires, il nous faut aussi faire en sorte que ces moyens soient correctement employés. En tout cas, nous ne devons pas demander des moyens supplémentaires qui ne seraient pas réellement utiles, notamment à la modernisation et à la transformation de ces entreprises.
Le budget de 1999 comportait une première phase de développement, notamment pour France 3. Mais cette embellie budgétaire n'avait pas permis de remédier au constat d'un relatif sous-financement du secteur public audiovisuel de notre pays par rapport à ses principaux homologues européens.
En prévoyant une augmentation de 883 millions de francs, soit 4,8 %, du budget des entreprises audiovisuelles publiques, le projet de loi de finances pour 2000 traduit la volonté du Gouvernement de procurer au secteur public audiovisuel les moyens de se moderniser, d'améliorer la qualité de ses programmes et de s'adresser à l'ensemble de nos concitoyens. Par son ampleur, cette augmentation du budget du secteur public audiovisuel en 2000 marque une rupture par rapport aux tendances récentes. Cette rupture est particulièrement sensible pour France 2 et France 3, dont les budgets augmentent respectivement de 7,6 % et de 5,3 %.
France 2 est ainsi dotée des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission de grande chaîne de référence du service public tournée vers un public diversifié. France 3, quant à elle, est confortée dans ses missions de chaîne généraliste et de télévision de proximité, segment où une concurrence accrue doit la conduire à se renforcer, à se renouveler et à montrer une plus grande capacité d'innovation.
En ce qui concerne les déficits enregistrés par France 2 et France 3 - je réponds là à M. Belot, rapporteur spécial, et à M. Hugot, rapporteur pour avis -, le collectif budgétaire de 1999 prévoit l'attribution d'un complément de redevance de 95 millions de francs, dont 35 millions de francs pour France 2 et 60 millions de francs pour France 3, au titre des moins-values de recettes publicitaires en 1999. Une incertitude demeure sur la réalisation des recettes publicitaires en fin d'année ; il est possible - nous l'espérons ! - qu'une amélioration se produise au cours du mois de décembre.
Pour une part, les déficits annoncés pour France 2 et France 3 correspondent à des dépassements de charges. Le Gouvernement n'estime pas souhaitable, par principe, d'accompagner le dépassement des budgets annuels par des ressources publiques supplémentaires : ce ne serait pas un comportement tout à fait responsable. En revanche, nous accompagnons ce dépassement, bien sûr, lorsque les difficultés constatées sont liées, je dirais objectivement à une situation problématique.
Les déficits de 1999 n'impliquent pas obligatoirement, je tiens à le dire, des déficits en 2000. Les moins-values de recettes publicitaires en 2000 ont fait l'objet d'une évaluation sérieuse et il est permis d'espérer que l'audience se redressera grâce à un effort d'innovation et à un renouvellement de la programmation.
J'espère, d'ailleurs, que la baisse du temps de publicité - la réduction des « tunnels » - aura un effet attractif et qu'elle favorisera le retour vers les chaînes publiques des téléspectateurs qui ont pu parfois être tentés de les quitter.
Je me refuse donc, à ce stade, à envisager un déficit de France 2 et de France 3 en 2000. En effet, on ne peut pas se contenter de dire que les recettes ne sont pas aussi importantes que ce qui était prévu. Il faut prendre le taureau par les cornes et raisonner en termes de programmes : c'est ce qu'attendent les uns et les autres ; cela a été dit à cette tribune, je n'y reviens pas.
Si France 2 et France 3 voient leurs budgets augmenter fortement, l'évolution du budget du secteur public audiovisuel pour 2000 tient compte du rôle tenu par les autres entreprises de notre paysage audiovisuel. C'est ainsi que les moyens de Radio France augmentent, dans le projet de loi de finances pour 2000, dans une proportion comparable à celle qu'avaient prévue les deux précédents budgets, dont j'ai assuré la préparation.
Le plan de numérisation de l'outil de production bénéficie d'une mesure nouvelle de 63 millions de francs, dans le projet de loi de finances pour 2000. Mais il faut y ajouter le détail de la loi de finances rectificative pour 1999, c'est-à-dire 15 millions de francs, ainsi que les concours supplémentaires de 40 millions de francs adoptés par l'Assemblée nationale, ce qui représente, au total, 55 millions de francs supplémentaires. En définitive, si cela était confirmé, le budget de Radio France connaîtrait une augmentation, en mesures nouvelles, de 118 millions de francs. Cela correspondrait à l'objectif de progression qui a été inscrit dans l'un des amendements soumis à votre approbation. En tout état de cause, en ce qui concerne Radio France, les moyens supplémentaires seront largement suffisants pour la prise en compte des stations locales.
Radio France ne connaît pas une augmentation du coût de ses programmes, comme c'est le cas pour la télévision, s'agissant du sport. L'effort accompli en sa faveur est donc significatif.
En entendant certains pronostics, on a l'impression que nous sommes dans une situation désastreuse en ce qui concerne la numérisation. Or, tel n'est pas le cas. L'équipement numérique est déjà fourni en partie. Les télévisions sont notamment dotées de caméras numériques. Comme je le disais lors du débat précédent sur le budget de la culture, nous avons également engagé la numérisation des archives. Par conséquent, nous avons une démarche très volontariste, dont il convient de mesurer l'ampleur au moment où l'on parle du passage au numérique hertzien.
Nous aurons bientôt l'occasion d'assister à l'inauguration d'un nouveau studio numérique à Radio France. On ne peut pas dire que nous soyons vraiment distancés par nos concurrents européens ; une réflexion a été menée à cet égard. Simplement - et je souhaite que nous continuions d'agir ainsi - nous passons le cap lorsque nous sommes prêts ! Nous cherchons à faire en sorte que les moyens attribués dans ce domaine soient le plus efficace possible.
Le budget de Radio France internationale, RFI, augmentera de 2,8 % en 2000 par rapport aux moyens dont a effectivement été dotée la radio internationale cette année. De nouveaux développements pourront ainsi être engagés afin de renforcer la présence de la France à l'étranger, par une diffusion élargie de ses programmes.
Au-delà de ce projet de loi de finances pour 2000, l'extension du réseau en modulation de fréquence des programmes de RFI, dont la qualité est reconnue, dans de grandes ville européennes et mondiales, devra être poursuivie. A cet égard, là aussi, vos collègues députés ont souhaité qu'un effort supplémentaire soit consenti dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année.
Les ressources publiques consacrées à RFO enregistrent, elles aussi, une augmentation importante, destinée à permettre un indispensable retour à l'équilibre d'exploitation, fortement malmené depuis deux ans.
J'espère que nous y parviendrons prochainement en conjuguant rigueur dans la gestion interne de RFO et maintien d'une offre radiophonique et télévisuelle publique diversifiée dans l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer.
En attribuant, dans la discussion du projet de loi de finances rectificative de fin d'année 1999, un complément de redevance de 10 millions de francs, l'Assemblée nationale a marqué l'attention qu'elle porte au rétablissement financier de RFO. C'est un appui financier supplémentaire.
Je voudrais souligner, par ailleurs, la bonne progression du budget de La Cinquième et d'Arte.
La Cinquième et le groupement européen d'intérêt économique Arte sont ainsi confortés dans l'exercice de leurs missions de chaîne éducative, d'une part, et de chaîne culturelle franco-allemande à ouverture européenne, d'autre part.
Sans exclure toute innovation, il importe que la nature de la programmation de La Cinquième et d'Arte demeure conforme à celle de leurs missions. Je veux dire ici mon attachement au respect de ces missions et à leur pérennité.
Pour ce qui est d'Arte par rapport au projet de la loi sur l'audiovisuel, j'ai proposé au président d'Arte de constituer un groupe de travail afin d'examiner les questions qui ont été posées par nos partenaires allemands. Cependant, je tiens d'ores et déjà à rappeler que, d'une part, le projet de loi de réforme de l'audiovisuel public a été soumis au Conseil d'Etat et que, d'autre part, le Sénat, en adoptant le texte déposé par mon prédécesseur, avait déjà voté la fusion de La Cinquième et d'Arte. S'il y avait eu une contradiction aussi nette avec le traité, cela aurait suscité des questions depuis longtemps.
Certes, nous pouvons répondre de façon plus claire encore aux préoccupations de nos interlocuteurs ; néanmoins, nous devons assurer non seulement le respect du traité mais aussi l'évolution de notre audiovisuel public, ainsi que la pérennité des moyens de La Cinquième et d'Arte, et ce dans les mêmes proportions, aux termes du traité, proportions sur lesquelles le Gouvernement et le Parlement s'engagent.
A partir de là, les questions ne devraient pas être posées dans des termes qui empêchent le projet de loi de garder en quelque sorte son intégrité pour ce qui est de la construction du groupe de télévision publique.
Dans le projet de loi de finances pour 2000, la stabilité du budget de l'Institut national de l'audiovisuel recouvre d'importants redéploiements internes tournés vers la modernisation de ses conditions d'activité. C'est ainsi qu'il est prévu d'accroître la part du budget consacrée à la numérisation de la chaîne d'exploitation des archives. Situé au coeur des missions patrimoniales de l'INA, le plan de sauvegarde et de restauration des archives est donc pris en compte.
Les députés ont souhaité voter des moyens supplémentaires, mais certains ici se plaignent de ce que le budget de l'INA soit constant. A quoi je réponds que l'on ne peut pas en même temps vouloir faire preuve de rigueur dans la gestion et satisfaire à toutes les demandes de mesures nouvelles, qu'au demeurant l'entreprise ne formule même pas !
Je tiens d'ailleurs à saluer les dirigeants de ces entreprises, qui font eux-mêmes, avec leurs équipes de direction et leurs personnels, des efforts de gestion. Si l'on obtient des résultats, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut s'en féliciter. Ce qui sera apporté en plus sera bel et bon. Mais il n'y avait pas de volonté de priver l'INA de ses moyens de fonctionnement, puisque nous nous en sommes tenus strictement à ce qui avait été proposé par l'entreprise elle-même.
Budget de développement du service public, le budget 2000 est également, et de manière indissociable, le premier budget de mise en oeuvre de la réforme audiovisuelle. Je vous présenterai prochainement le texte qui la sous-tend.
Le projet de loi de finances pour 2000 pose les premières fondations de cette réforme. Il engage ainsi une réduction importante de la durée de la publicité sur les antennes de France 2 et France 3, renforce les moyens du service public dans son ensemble et assure un indispensable rééquilibrage de sa structure de financement dans un sens plus conforme à des missions de service public réaffirmées.
Redevance et crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevance confondus, la progression des ressources publiques s'élève à 1,5 milliard de francs dans le projet de loi de finances pour 2000 et à 1,6 milliard de francs une fois prises en compte les attributions complémentaires de redevance prévues par le projet de loi de finances rectificative pour 1999.
Plusieurs questions ont été posées à propos des exonérations de redevance. Quelles assurances aurons-nous, à terme, du remboursement total des exonérations de redevance ? Je crois que, tant qu'il s'agira de notre gouvernement, les choses seront claires ; nous montrons déjà par ce budget 2000 que nous respectons notre parole, et je remercie ceux qui ont bien voulu le souligner. Bien sûr, le budget de l'audiovisuel public reste soumis au principe de l'annualité budgétaire. Cependant, j'ai proposé d'inscrire dans la loi le principe du remboursement intégral des exonérations de redevance. Cette disposition a été votée lors de la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale. J'espère que la Haute Assemblée la votera également, car c'est en effet, en quelque sorte, un gage de pérennité.
Ces exonérations de redevance seront, je le rappelle, versées au compte d'emploi de la redevance, ce qui, d'une part, les garantira contre les régulations en cours d'année et, d'autre part, évidemment, les intègre dans l'assiette de la taxe pour le compte de soutien à la production.
Les exonérations de redevance ne seront donc pas moins assurées que la redevance elle-même, également votée chaque année en loi de finances. Ce qu'une loi aura permis ne pourra être remis en cause que par une loi, sauf décisions qui contreviendraient à la volonté du Parlement.
Certains ont évoqué la perspective ou la nécessité d'une augmentation de la redevance.
Il est absolument indispensable de conserver une ressource qui permet de financer dans de bonnes conditions la radiodiffusion publique. En France, en effet, la redevance est moins élevée qu'elle ne l'est chez nos voisins, mais je n'ai pas souhaité proposer une augmentation supérieure au taux d'inflation parce que je souhaite procéder en deux temps.
Dans un premier temps, il s'agit de diminuer la publicité et d'obtenir la compensation des exonérations, afin de permettre aux téléspectateurs de bénéficier de programmes de meilleure qualité, dégagés de la contrainte de rentabilité commerciale. Dans un deuxième temps, la compensation complète des exonérations de redevance permettra de financer les programmes.
Les ressources supplémentaires s'élèvent à un milliard de francs au total pour l'ensemble des chaînes et de leurs activités, ce qui est beaucoup, puisque, de toute façon, la diminution de la publicité sur les deux années 2000 et 2001 est intégralement compensée. Nous verrons alors comment peut évoluer la redevance.
En tout état de cause, le Gouvernement souhaitera examiner l'ensemble des prélèvements et leur impact sur les redevables français, en particulier sur les familles, au regard de critères non seulement sociaux mais aussi économiques.
Pour l'heure, je me réjouis que les conditions de la perception, singulièrement la forte motivation des services de collecte de la redevance mais aussi le croisement des données, nous permettent une évolution très positive des ressources publiques.
Avant même que le projet de loi ne soit débattu par votre assemblée, nous avons voulu montrer qu'il reposait déjà sur un socle financier, gage d'une volonté d'assurer tout à la fois la stabilité, la solidité, la pérennité de l'audiovisuel public et son retour à une identité forte tout en intégrant le passage au numérique hertzien.
Mais le secteur public a-t-il les moyens de passer au numérique hertzien ? Comme vous, je pense que nous ne devons pas prendre de retard en la matière. Nous devons répondre à un certain nombre de questions de nature juridique et technologique, notamment en ce qui concerne les modalités de répartition des fréquences.
Nous avons rédigé un Livre blanc. Les réponses qu'il a suscitées sont examinées par un groupe de travail présidé par M. Hadas-Lebel, qui remettra son rapport au début du mois de janvier. Ce document viendra alimenter la réflexion que j'ai déjà engagée aussi bien avec les entreprises privées et publiques qu'avec les différents services des ministères concernés. Nous tenterons de répondre du mieux possible au regard tant du cadre communautaire que de l'enjeu économique, car nous souhaitons être assurés de la capacité des entreprises à faire l'effort d'investissement pour passer au numérique terrestre. Nous le ferons dans des délais attractifs pour l'ensemble des téléspectateurs concernés.
Si je regarde comment les choses se passent à l'échelon européen, je ne suis pas du tout pessimiste, et je pense que nous aurions tort de soutenir que nous sommes en retard. Simplement, nous avons une autre méthode. Contrairement à d'autres, en effet, nous n'avons pas avancé par étapes successives ; nous avons fait le choix d'une démarche beaucoup plus large, peut-être beaucoup plus significative.
Forts de ce principe de prudence et de l'analyse de l'ensemble de ces conditions de réussite, nous pourrons, je l'espère, faire un grand bond en avant.
J'ajouterai quelques mots concernant le développement d'Internet, qui a été évoqué par M. Renar.
Le large développement d'Internet appelle un régime de large liberté qui doit cependant assurer la sécurité nécessaire à tous, c'est-à-dire aussi bien la sécurité des transactions que le respect de la propriété littéraire et la protection des droits de la personne. Les principes fondateurs du droit d'auteur et du droit de la presse conservent toute leur validité.
Le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par M. Patrick Bloche lors de la première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public, amendement prévoyant la suppression du régime déclaratif pour les services Internet. Une simple identification des éditeurs paraît, en effet, suffisante en ce domaine. Cet amendement précise également les conditions de responsabilité des intermédiaires techniques. Le Sénat aura l'occasion de débattre dans quelques jours de ces dispositions.
Au-delà de ces aspects juridiques, le ministère de la culture et de la communication se préoccupe, bien entendu, du développement des contenus en ligne. Le développement des services sur Internet et des chaînes publiques comme la numérisation des grands fonds culturels et patrimoniaux - musées et bibliothèques - font partie, vous le savez, de mes priorités.
S'agissant du financement des 35 heures, Mme Pourtaud a souhaité savoir sur quels crédits ce plan serait financé.
Le Gouvernement a veillé, dans le dialogue avec les présidents qui a conduit à la détermination des mandats, à tenir compte des capacités financières de chaque entreprise. Au cas par cas, en fonction des besoins de chacune, des financements publics complémentaires ont été prévus. C'est bien évidemment le cas pour France Télévision.
Je peux ainsi rassurer tous ceux qui se préoccupent de cette question. Les chaînes publiques ne seront pas pénalisées par rapport aux entreprises privées. Bien au contraire, le passage aux 35 heures, en permettant aux salariés de bénéficier de plus de temps libre tout en offrant aux sociétés une meilleure capacité d'organiser efficacement le travail, renforcera les entreprises audiovisuelles publiques et leur permettra d'offrir un meilleur service aux auditeurs et aux téléspectateurs. C'est ce qu'ils attendent, c'est ce qu'on leur doit si nous voulons qu'ils soient fidèles. Cela fait partie de l'ensemble des questions qui sont aujourd'hui posées. Le budget du secteur public audiovisuel est un budget d'expansion. Le budget pour 2000 fait donc un sort à la crainte d'une paupérisation, terme qui a été évoqué à propos de la réduction ou du risque de réduction de la publicité. Je crois que le choix politique fort est perceptible dans ce budget 2000. Les engagements sont respectés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec le remboursement intégral des exonérations, j'attends, bien sûr, au moment de l'élaboration et de la discussion des contrats d'objectifs et de moyens, de voir aussi, en regard des efforts financiers apportés, une ambition exprimée dans l'ensemble des entreprises publiques, car c'est aussi leurs dirigeants, leurs personnels qui portent le devenir de ces entreprises. Le cadre législatif et les moyens financiers doivent motiver dirigeants et personnels pour relever ce défi qui leur est lancé.
Ainsi, je partage le souci de développer une création audiovisuelle et cinématographique de qualité. Nous en avons en effet besoin, et plusieurs d'entre vous, notamment M. Belot, ont évoqué ce point. Ce sont les contenus qui sont attendus dès lors qu'il y a multiplication de canaux et de possibilités. Nous prenons déjà en compte dans ce budget ce besoin de production audiovisuelle nouveau.
En ce qui concerne les développements et l'effet sur la création, comme le développement à travers le numérique hertzien, je ne prolongerai pas mes réponses puisque nous aurons l'occasion d'en débattre très prochainement.
En conclusion, j'ai eu le sentiment de ne pas présenter ce budget et de le défendre dans les mêmes conditions que je l'ai présenté et défendu lors des exercices précédents. Précédemment, j'ai eu le sentiment de devoir rattraper, et largement. Je sais que ce rattrapage n'est pas encore complètement acquis. Cependant le présent budget est une étape fondamentale dans la réaffirmation des fondements de la légitimité du service public - je tenais à le faire et je le dis ici - au moment où pouvait être remise en question l'exception culturelle dans les négociations internationales.
Si j'ai pu obtenir du Premier ministre des moyens aussi importants, c'est, bien sûr, pour pouvoir traduire l'ambition dont je parlais. Mais s'ils vous sont présentés avec ce niveau et cette répartition, c'est bien aussi parce qu'il y a un message politique extrêmement fort. Celui-ci ne peut passer que si des résultats sont obtenus en ce qui concerne les programmes et l'audience. Ce sera le rendez-vous de cette année, lorsque les téléspectateurs verront, je l'espère, une nouvelle couleur à la télévision de service public et entendront ce que Radio France a toujours défendu, à savoir la différence.
Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas, dans l'ensemble de notre pays, de quoi être fiers de la qualité de ce qui est proposé aux auditeurs et aux téléspectateurs. Nous devons simplement continuer de garantir - cela a été dit à cette tribune avant moi - la qualité des productions audiovisuelles à la radio et à la télévision si nous voulons réussir le passage au numérique de terre et en même temps être de fieffés concurrents face à tous ceux qui tentent de pénétrer que ce soit par les ondes, par les « tuyaux », par les oreilles ou par les yeux de nos téléspectateurs ou auditeurs. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Michel Pelchat et André Maman applaudissent également.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner les articles 55 et 55 bis et les lignes 39 et 40 de l'Etat E annexé à l'article 51.

Article 55



M. le président.
« Art. 55. - Est approuvée, pour l'exercice 2000, la répartition suivante des recettes hors taxe sur la valeur ajoutée du compte d'emploi de la taxe parafiscale affectée aux organismes du secteur public de la radiodiffusion sonore et de télévision :

« Institut national de l'audiovisuel 415,5
« France 2 3 382,0
« France 3 4 086,9
« Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer 1 178,8
« Radio France 2 659,5
« Radio France internationale 285,4
« Société européenne de programmes et de télévision : la Sept-Arte 1 068,2
« Société de télévision du savoir, de la formation et de l'emploi : La Cinquième

793,7

« Total 13 870,0


« Est approuvé, pour l'exercice 2000, le produit attendu des recettes des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle provenant de la publicité de marques, pour un montant total de 3 966,8 millions de francs hors taxes. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-5, M. Belot, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le tableau de répartition des recettes :

« Institut national de l'audiovisuel 425,5
« France 2 3 382,0
« France 3 4 086,9
« Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer 1 213,8
« Radio France 2 719,5
« Radio France internationale 295,4
« Société européenne de programmes et de télévision : la Sept-Arte 1 078,2
« Société de télévision du savoir, de la formation et de l'emploi : La Cinquième

806,5

« Total
14 007,8 »


Par amendement n° II-83, Mme Pourtaud et M. Estier proposent de rédiger ainsi le tableau de répartition des recettes figurant à l'article 55 :

« Institut national de l'audiovisuel 425,5
« France 2 3 382,0
« France 3 4 086,9
« Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer 1 178,8
« Radio France 2 759,5
« Radio France internationale 285,4
« Société européenne de programmes et de télévision : la Sept-Arte 1 086,0
« Société de télévision du savoir, de la formation et de l'emploi : La Cinquième

803,7

« Total
14 007,8 »


La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-5.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission des finances a souhaité aider Mme le ministre en rappelant que le principe de l'annualité budgétaire est la règle d'airain des lois de finances.
Cette redevance affectée doit servir à son objet, et dans l'année ! C'est un système qui fonctionne parfaitement, comme j'ai pu m'en rendre compte en me déplaçant à Rennes. En effet, il fonctionne par douzièmes, comme les impôts de la ville de Rambouillet.
M. le président. Ils sont légers ! (Sourires.)
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Cet exemple a été donné pour que vous puissiez le dire, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Donc, le système fonctionne par douzièmes et on verse le produit de la redevance.
Or, comme cette redevance est dynamique, grâce à la décision que nous avons prise ici - je l'ai rappelée tout à l'heure - et qui permet de croiser les fichiers de taxe d'habitation et de la redevance, Bercy garde en grande partie les produits de la croissance. Ainsi, des excédents de 1998, à hauteur de 276 millions de francs, n'ont pas encore été affectés.
On pourrait dire que, à la fin de l'an dernier, on ne connaissait pas les résultats de 1998 avec suffisamment de précision. Mais à la fin de 1999, on connaît les comptes de 1998 ! Or, on ne réaffecte que la moitié des excédents !
L'Assemblée nationale, à juste raison, s'est indignée de cette situation. Le Gouvernement, et cela nous a beaucoup surpris, n'a pas voulu entendre ses arguments.
L'amendement de MM. Le Guen et Mathus, que la commission des finances du Sénat a décidé de reprendre, avait été adopté à la quasi-unanimité au Palais-Bourbon. Lors d'une seconde délibération, le Gouvernement a réussi à éliminer ce qui constituait, à ses yeux, des erreurs, et notamment cet amendement, qu'il ne souhaitait pas retenir.
Pour sa part, la commission des finances du Sénat ne pense pas que cet amendement soit une erreur. Aussi, elle persévère dans la recherche de la vérité et de ce que je crois être l'intérêt de l'audiovisuel, car nous avons bien conscience de l'importance du sujet.
Nous avons donc déposé un amendement, et j'ai d'ailleurs constaté que Mme Pourtaud a présenté un amendement de même philosophie : il s'agit d'obliger l'Etat à donner ce qu'il doit puisqu'il l'a perçu, sans attendre la Saint-Glinglin. Nos deux amendement diffèrent légèrement sur l'affectation prévue par l'article 55.
Par cet amendement, nous avons voulu afficher un principe. En effet, s'agissant de l'affectation, nous ne pouvons pas réellement déterminer les besoins de tel ou tel. Mais, à partir du moment où nous sommes d'accord avec Mme Pourtaud sur le principe de la réaffectation totale - je dis bien « totale » ! - des excédents de 1998, je serais prêt a rectifier l'amendement de la commission des finances pour la rejoindre.
Toutefois, je vous précise, madame le ministre, que la commission des finances présentera un amendement lors de l'examen du collectif - je ne sais pas ce que fera alors Mme Pourtaud ! - aux termes duquel c'est la totalité du solde connu qui devra être affectée.
Cette année, il y a eu des excédents tout à fait significatifs. Nous sommes aujourd'hui dans la situation où le maire d'une commune ne percevrait pas la totalité du produit de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle perçu par les services fiscaux au nom de sa commune. Il faut que cela cesse ! L'Assemblée nationale l'avait dit, le Sénat le dit à son tour. Nous verrons comment tout cela se terminera.
En l'occurrence, il s'agit de vous simplifier la vie, madame le ministre, et de faire savoir aux services de Bercy que vous n'êtes pas seule à penser cela, que c'est aussi l'avis du Parlement de la République française.
M. André Maman. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° II-83.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement vise à répartir, comme vient de le dire M. le rapporteur spécial, l'intégralité des excédents de redevance de l'exercice 1998. Sur un total d'excédents de 276,3 millions de francs, le projet de loi de finances pour 2000, que nous examinons, ne répartit que 138,5 millions de francs. Il reste donc 137,8 millions de francs.
J'ai bien noté que, dans la loi de finances rectificative pour 1999, ce solde de 137,8 millions de francs faisait l'objet, à l'article 10, d'une répartition entre les sociétés de l'audiovisuel public, mais la répartition de ces crédits ne nous a pas semblé totalement satisfaisante et, de toute façon, elle concerne l'exercice 1999.
En effet, nous souhaitons que Radio France reçoive les moyens de mener effectivement à terme les objectifs qui lui sont fixés. C'est pourquoi nous souhaitons que cette société bénéficie, pour l'exercice 2000, de 100 millions de francs supplémentaires.
Certes, les crédits de Radio France pour 2000 sont en progression puisqu'ils croissent, comme vous l'avez dit voici un instant, madame la ministre, de 63 millions de francs par rapport à l'an dernier, soit une hausse de 2,2 %, mais cette entreprise est actuellement dans l'impossibilité d'appliquer le plan de développement pour lequel son président a été élu.
Plusieurs objectifs doivent en effet être mis en oeuvre dès l'année prochaine, parmi lesquels deux me paraissent essentiels.
Il s'agit d'abord, comme pour les chaînes publiques, du passage au numérique. Vous l'avez dit, il est amorcé, mais il nécessite un important investissement technique et la formation du personnel. Par ailleurs, Radio France a pris un retard important par rapport à ce qu'ont déjà fait ses concurrents du secteur privé.
Le second objectif qui me semble essentiel, c'est le développement du réseau de radios locales. Vous savez comme moi, madame la ministre, que le plan de développement des radios locales de Radio France a été stoppé depuis onze ans. Aujourd'hui, les implantations de Radio France ne couvrent que quarante-trois départements. L'intérêt des Français pour les programmes locaux rend difficilement acceptable, au regard du pluralisme, que le secteur public soit absent de près de la moitié des départements.
Enfin, comme pour la télévision, avec la multiplication des chaînes thématiques sur le câble ou le satellite, les auditeurs aspirent de plus en plus à des offres de programmes fortement spécialisées : la radio de la mer, la radio du sport, etc. L'émergence de tels projets est actuellement compromise faute de moyens financiers suffisants.
Pour amorcer la réalisation de ces développements, Radio France a chiffré l'apport budgétaire supplémentaire nécessaire à 200 millions de francs. Notre amendement ne me semble donc pas excessif, puisqu'il ne lui octroie que la moitié de l'enveloppe nécessaire et complète avantageusement l'effort consenti par le Gouvernement dans le projet de loi de finances.
Pour toutes ces raisons, je demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement qui, s'il est voté, permettra également de dégager quelques moyens supplémentaires : 10 millions de francs pour l'INA, 17,8 millions de francs pour la Sept-Arte et 10 millions de francs pour La Cinquième.
Je tiens à préciser que le fait que nous ne proposions pas d'attribution complémentaire pour France 2 et France 3 n'est pas une marque de désintérêt, au contraire ! Nous considérons, comme je l'ai dit tout à l'heure et ainsi que vient de le rappeler M. Belot, qu'il faudra combler le déficit des chaînes publiques - on nous annonce 200 millions de francs - dès le projet de loi de finances rectificative avec les excédents de redevance 1999. Ces excédents sont anticipés aujourd'hui à hauteur de 400 millions de francs. Cela sera, nous semble-t-il, plus à la mesure du problème.
Si notre amendement n'était pas adopté, je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous disiez quelle solution vous envisagez pour ne pas entraver l'avenir de Radio France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-83 ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. L'amendement présenté par Mme Pourtaud et l'amendement de la commission des finances répondent à la même philosophie. Je le répète : je ne suis pas en mesure de dire s'il faut plus à tel ou tel organisme. Ce que je sais, c'est qu'il faut beaucoup et pour tout le monde.
Aussi, comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, monsieur le président, je rectifie l'amendement n° II-5 de la commission des finances afin qu'il soit conforme à celui qu'a présenté Mme Pourtaud. Ainsi, le Sénat se prononcera sur deux amendements identiques.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-5 rectifié, présenté par M. Belot, au nom de la commission des finances, et tendant à rédiger ainsi le tableau de répartition des recettes figurant à l'article 55 :

« Institut national de l'audiovisuel 425,5
« France 2 3 382,0
« France 3 4 086,9
« Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer 1 178,8
« Radio France 2 759,5
« Radio France internationale 285,4
« Société européenne de programmes et de télévision : la Sept-Arte 1 086,0
« Société de télévision du savoir, de la formation et de l'emploi : La Cinquième

803,7

« Total
14 007,8 »


Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-5 rectifié et II-83 ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Par souci de précision, j'indique que, à la suite des décisions prises jusqu'à présent, les excédents de 1998 sont entièrement répartis. Aucune cassette de reliquats n'a été constituée ! La disposition qui vient d'être votée à l'Assemblée nationale est une anticipation sur les excédents de 1999, dont on ne connaît pas encore, bien évidemment, le chiffre définitif.
Je rappelle que les excédents de collecte de redevance perçus au titre de 1998 sont rattachés, pour la partie qui n'a pas été affectée au projet de loi de finances pour 2000, au projet de loi de finances rectificative pour 1999. Ce rattachement est indispensable pour permettre notamment la compensation des moins-values des recettes publicitaires de France 2 et de France 3 en 1999. Cette préoccupation a d'ailleurs été exprimée par plusieurs orateurs.
Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté un amendement tendant à prélever 70 millions de francs sur les excédents de collecte de redevance perçus au titre de 1999, avant la constatation définitive de ces derniers.
Ce complément de redevance est notamment attribué à Radio France, afin de concourir au développement de stations locales et d'accélérer la mise en oeuvre du plan de numérisation.
Le Gouvernement entend en rester là, et il ne peut donc être favorable aux amendements n°s II-5 rectifié et II-83.
Je tiens à rappeler que le montant total des mesures nouvelles en faveur de Radio France s'élève à 118 millions de francs : 63 millions de francs de mesures nouvelles nettes, auxquels s'ajoutent 15 millions de francs proposés par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative et 40 millions de francs résultant de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale.
Dans ces conditions, les demandes formulées par Radio France me semblent largement prises en compte.
Ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure, on observe une progression constante des moyens nouveaux attribués à Radio France dans chaque loi de finances. Or, Radio France n'a pas les mêmes difficultés que d'autres entreprises audiovisuelles et ne supporte pas d'augmentation de coût de programmes.
Je conclurai en vous remerciant, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre souci d'appuyer la ministre de la culture dans ses discussions avec le grand Bercy.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-5 rectifié et II-83, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 55, ainsi modifié.

(L'article 55 est adopté.)

Article 55 bis



M. le président.
« Art. 55 bis . - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées, avant le 30 juin 2000, un rapport sur la redevance des appareils récepteurs de télévision, actuellement réglementée par le décret n° 92-304 du 30 mars 1992, notamment dans ses aspects relatifs à l'assiette, au recouvrement, au contrôle et aux exonérations. »
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission des finances s'étonne quelque peu de l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement qui pourrait aboutir au dessaisissement du Parlement d'une de ses responsabilités.
Mais l'intention est sans doute bonne et, de toute manière, cela ne nous empêchera pas d'exercer notre contrôle, comme il est de notre devoir, comme il est dans nos attributions et conformément au souhait de M. le président du Sénat. Je ne vois donc pas d'inconvénient à l'adoption de cet article.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 55 bis .

(L'article 55 bis est adopté.)

Ligne 39 de l'état E



M. le président.
J'appelle la ligne 39 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision.



LIGNES


1999


2000



DESCRIPTION

PRODUIT
pour l'année 1999
ou la campagne

1998-1999

ÉVALUATION
pour l'année 2000
ou la campagne

1999-2000

. .
Culture et communication
44 39

Nature de la taxe : - redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision.

12 996 400 000 13 602 189 600
. .
Organismes bénéficiaires ou objet : - compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975.
. .
. .
Taux et assiette :
- redevance perçue annuellement en 2000 :
- 479 F pour les appareils récepteurs « noir et blanc » ; - 751 F pour les appareils récepteurs « couleur ».
. .
. .
Textes :
- décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié ;
- décret n° 94-1088 du 15 décembre 1994 ; - décret n° 95-1333 du 29 décembre 1995.
.



M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission des finances émet un avis favorable sur la ligne 39, comme d'ailleurs sur la ligne 40.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 39 de l'état E.

(La ligne 39 de l'état E est adoptée.)

Ligne 40 de l'état E

M. le président. J'appelle la ligne 40 de l'état E concernant la taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée.



LIGNES


1999


2000



DESCRIPTION

PRODUIT
pour l'année 1999
ou la campagne

1998-1999

ÉVALUATION
pour l'année 2000
ou la campagne

1999-2000

. .
Culture et communication
45 40

Nature de la taxe : - taxe sur la publicité radio-diffusée et télévisée.

109 200 000 110 200 000
. .
Organismes bénéficiaires ou objet : - fonds de soutien à l'expression radiophonique locale.
. .
. .
Taux et assiette : - taxe assise sur le produit des activités des régies publicitaires.
. .
. .
Textes :
- décret n° 92-1063 du 30 septembre 1992 ;
- décret n° 94-1222 du 30 décembre 1994 ;
- décret n° 97-1263 du 29 décembre 1997 ; - arrêté du 23 juillet 1998.
.



Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 40 de l'état E.

(La ligne 40 de l'état E est adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 51 est réservé.
Je rappelle que les autres crédits inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » ont été examinés le jeudi 2 décembre.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux.

ÉTAT B
services du premier ministre
I. - Services généraux

M. le président. « Titre III : 170 938 589 francs. »
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. A l'article 38, sur les titres III et IV, ainsi qu'à l'article 39, sur le titre V, la commission des finances a émis un avis défavorable, s'agissant d'un vote portant sur l'ensemble des crédits des services généraux du Premier ministre et pas seulement sur la communication audiovisuelle.
Je regrette de terminer sur une fausse note un débat que nous avons essayé d'animer. Mais il aurait été à mon avis préférable, madame le ministre, d'adopter une présentation différente, en positionnant mieux certains crédits. Cela aurait sans doute changé les choses.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.


(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 797 520 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C
services du premier ministre
I. - Services généraux

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 246 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 194 630 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.


(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la communication.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. André Rouvière, Guy Allouche, Jean Besson, Roland Courteau, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Dinah Derycke, M. Rodolphe Désiré, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Roger Hesling, Alain Journet, Jean-Luc Mélenchon, Serge Lagauche, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Mme Danièle Pourtaud, MM. Roger Rinchet, Claude Saunier, Simon Sutour et André Vezinhet, une proposition de loi tendant à étendre aux communes comprenant de 2 500 habitants à 3 500 habitants le régime électoral applicable aux communes de 3 500 habitants et plus, en vertu de la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982 modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l'élection des conseillers municipaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 128, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au dimanche 12 décembre 1999, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Education nationale, recherche et technologie :
I. - Enseignement scolaire :
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial (rapport n° 89, annexe n° 15) ;
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 90, tome IV) ;
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (enseignement technique, avis n° 90, tome VI).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 115, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 14 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jean Faure visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive et de loisir (n° 31, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Nicolas About tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat (n° 79, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (n° 104, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 118, 1999-2000) sur :
- la proposition de loi de M. Jean Chérioux et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié (n° 52, 1999-2000) ;
- la proposition de loi de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste relative au développement du partenariat social (n° 87, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 décembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 1er décembre 1999
LOI DE FINANCES POUR 2000

Page 6664, 2e colonne, dans le texte des amendements n°s I-56 et I-157 :
1° Rédiger ainsi le texte du second alinéa du B :
« La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de l'abondement de la dotation globale de fonctionnement destiné à stabiliser en 2000 le montant de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale est compensée par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
2° Compléter par un C ainsi rédigé :
« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : I. »