Séance du 9 décembre 1999






PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un diplomate m'a posé, voilà quelques jours, une question à laquelle, à ma grande honte, je n'ai pas pu répondre : « Comment le budget des affaires étrangères, qui est le plus consensuel des budgets et celui par excellence de la cohabitation, a-t-il, au fil des ans, pu être laminé sciemment et patiemment ? »
Parodiant Shakespeare, j'ajouterai que, comme le monde, votre budget, monsieur le ministre, s'usait à mesure qu'il vieillissait.
Mais, pour 2000, grâce sans doute à la peur du bogue et à un retour sur terre, à l'occasion du prochain millénaire, de la déesse raison, votre budget a arrêté sa descente aux enfers sans doute parce que ceux-ci sont pavés de bonne intentions. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Dans vos efforts pour obtenir un budget convenable, vous n'étiez pas seul, monsieur le ministre.
Les rapporteurs, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont soutenu l'action constante de nos collègues sénateurs des Français de l'étranger,...
M. Guy Penne. Merci.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. ... qui ont une connaissance aiguë de la vie quotidienne de nos compatriotes et des difficultés de nos postes.
Grâce à cet effort collectif, sans avoir retrouvé pleinement la santé, votre budget est un budget de « convalescence ».
Le budget des affaires étrangères est marqué par la poursuite de l'intégration des moyens du secrétariat d'Etat à la coopération, dont on peut considérer qu'elle se déroule de manière convenable.
Avec un montant de 20,95 milliards de francs en crédits de paiement, le budget des affaires étrangères apparaît en augmentation de 0,64 % par rapport aux crédits de 1999, comme l'a dit M. Védrine. Quant aux autorisations de programme, elles s'élèvent à 2,79 milliards de francs, ce qui constitue une augmentation de 7,4 % par rapport à l'année passée.
Ma première observation porte sur le fait que la hausse des crédits qui est enregistrée pour 2000 est en fait inférieure aux prévisions d'inflation et qu'elle est essentiellement liée à des inscriptions de crédits qui ne correspondent pas à des dépenses nouvelles.
Ainsi, la totalité des crédits afférents aux opérations immobilières du ministère sont désormais inscrits en loi de finances. Cela a l'avantage de la transparence et de la lisibilité des documents budgétaires, mais l'importance de ces sommes - environ 120 millions de francs pour la construction de notre ambassade à Berlin - rend cette augmentation du budget artificielle. Elle ne correspond pas à une réelle progression de ses moyens et les priorités du ministère sont uniquement financées par le biais de redéploiements très importants de crédits au détriment de notre action en faveur de la coopération et de l'aide au développement, à un moment où l'aide aux pays du champ est étendue aux pays de la zone de solidarité prioritaire qui est tout à fait contradictoire.
Par ailleurs, le taux de change franc-dollar est prévu à 5,83 francs par le ministère des affaires étrangères, alors que la direction de la prévision de Bercy fixe ce cours à 6,18 francs : des ajustements seront donc nécessaires. On peut évidemment accepter l'idée que le chiffre de la direction de la prévision est, par définition, faux. Le cours du marché est d'ailleurs de 6,4 francs actuellement !... Il est donc clair qu'il faudra procéder à des ajustements.
Ma seconde observation concerne les personnels qui sont recrutés avec un contrat local.
Nous avions signalé ces graves problèmes l'an dernier et je constate que les restrictions budgétaires qui ont été imposées à votre ministère ont conduit, au fil des années, à remplacer le personnel expatrié par des recrutés locaux.
Les conséquences de cette politique ne sont pas négligeables. Actuellement, 75 % du personnel d'exécution de nos postes diplomatiques et consulaires sont des recrutés locaux. Or les conditions actuelles de rémunération de ces personnels sont tout à fait inacceptables. En effet, dans de nombreux pays, elles sont très inférieures au prix du marché de l'emploi, mais aussi, souvent, à celles qui sont versées par les entreprises françaises et les ambassades étrangères.
Cette situation n'est pas admissible, d'autant plus que les salaires versés par la direction des relations économiques extérieures, la DREE, et le ministère sont divergents. Un recruté local de la DREE revient, en moyenne, à 130 000 francs par an et ceux du ministère à 76 000 francs.
Bien entendu, on dira que la DREE a besoin de personnels beaucoup plus compétents et plus qualifiés. (Protestations sur le banc des commissions.) Mais c'est faux lorsqu'il s'agit d'un chauffeur.
Ainsi, quand, à Manille, voilà peu de temps, le chauffeur de l'ambassade devient chauffeur de la DREE pour gagner le double, on imagine l'ambiance !
Et lorsqu'on crée, comme à Bombay, des postes mixtes, certaines personnes dans un même bureau et qui font le même travail ont des écarts de salaires de 40 %, ce qui est inacceptable.
Je souhaite que vous poursuiviez les efforts de rattrapage que vous avez engagés.
Ce recours massif aux recrutés locaux pose par ailleurs des problèmes importants de sécurité et M. Patrick Amiot, ministre plénipotentiaire, à qui vous avez confié un rapport à ce sujet, souligne que ce personnel accède à des zones protégées et à des documents classés « confidentiel défense », alors qu'il ne devrait pas pouvoir le faire.
Comme l'a indiqué M. Védrine, vous avez dégagé quatre-vingt-douze emplois supplémentaires et vous allez en affecter vingt dans les services des visas dont nous avions souligné, l'an dernier, la situation déplorable. Ces services ont été qualifiés par notre collègue, M. Yves Tavernier, qui a fait un rapport sur ce sujet à l'Assemblée nationale, de « parent pauvre du ministère des affaires étrangères ». Vingt services n'ont pas d'agents titulaires et vingt autres ne disposent que d'agents titulaires de catégorie C, alors qu'il délivrent un nombre très élevé de visas. Il s'agit là d'errements qui nuisent tant à l'image qu'à la sécurité de notre pays.
Bien entendu, je ne veux pas du tout que l'on pense que je ne suis pas favorable aux recrutés locaux. Ils font preuve de compétence, de dévouement et sont indispensables. Mais il est clair qu'au service des visas il leur est beaucoup plus difficile que les expatriés de résister à des pressions, surtout si l'on prend la sage précaution de les soumettre à des mutations fréquentes. Des exemples illustres, notamment au Maroc, prouvent que les dérives peuvent être graves.
Ma troisième observation concerne, vous n'en serez pas surpris, les contributions volontaires internationales.
Les contraintes budgétaires de votre ministère ont été extrêmement défavorables à nos contributions volontaires, puisque, au fil des années, elles ont servi de variable d'ajustement du budget. Cela a eu pour conséquence fâcheuse une baisse des deux tiers de ces contributions entre 1990 et 1998.
En 1999, une reprise s'est amorcée, mais l'effort doit être poursuivi parce que nous sommes, aux Nations unies, l'objet de critiques permanentes des autres pays, en particulier de ceux qui ne sont pas membres du Conseil de sécurité et qui entendent le devenir. Ils se plaignent que, compte tenu de la modestie de nos contributions volontaires, un trop grand nombre de nos compatriotes exercent encore des fonctions de direction dans ces organismes.
M. Claude Estier. Il n'y en a plus beaucoup !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Passer du dix-huitième rang au onzième rang des contributeurs du programme des Nations unies pour le développement n'est toujours pas digne de la qualité de membre permanent du Conseil de sécurité.
Nous chipotons sur nos contributions aux différents organismes qui relèvent des Nations unies mais, l'an dernier, nous avons sans barguigner augmenté notre contribution au Fonds monétaire international de 3,3 milliards de francs. On ne peut pas refuser notre aide aux organismes dont la mission est d'apporter un soutien aux principales victimes des actions monétaristes du FMI que je ne qualifierai pas !
Ma quatrième observation a trait au coût de l'enseignement scolaire à l'étranger qui demeure à la charge des familles. Cette part est passée en dix ans de 40 % à 50 %.
Cette hausse des droits d'écolage est due, si l'on excepte les établissements qui sont en gestion directe de l'Etat, à un mode de financement des investissements qui est structurellement inadapté.
Cette année, l'augmentation des bourses se poursuit avec une mesure nouvelle de 15 millions de francs. Mais c'est tout à fait insuffisant et de nombreuses familles d'expatriés ne peuvent plus faire bénéficier leurs enfants d'une scolarisation dans un établissement français.
Par conséquent, il me semble indispensable que, dans le domaine des investissements, un effort plus important soit accompli par l'Etat. En effet, lorsque les frais de scolarité atteignent 45 000 francs à Singapour ou 18 000 dollars en maternelle à New York et que vous n'êtes pas pris en charge par votre entreprise ou que vous gagnez un peu trop d'argent pour bénéficier de bourses, vous êtes privé de l'accès à l'école française !
M. André Maman. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Dans votre projet de budget, monsieur le ministre, vos priorités vont aussi au développement de l'accueil des étudiants étrangers en France.
Les crédits consacrés aux bourses d'excellence du programme Eiffel sont en hausse de 35 millions de francs. Vous avez, l'autre jour, accueilli dans votre ministère un grand nombre de ces boursiers. C'est un effort tout à fait méritoire et digne d'être approuvé.
La subvention au groupement d'intérêt public Edufrance est en augmentation de cinq millions de francs. C'est un objectif justifié par la diminution du nombre d'étudiants étrangers en France depuis le début des années 1990. Nous avons en effet accueilli, en 1997-1998, 13 % d'étrangers en moins dans nos universités qu'en 1994. Par conséquent, nous prenons, dans ce domaine, un grave retard par rapport aux pays anglo-saxons.
Toutefois, avant de porter un jugement, il conviendra d'évaluer dès l'année prochaine l'action d'Edufrance, afin de voir si ce que fait actuellement cette agence est bien conformes aux objectifs qui lui ont été assignés.
L'autre axe fort de votre budget est la réforme et le développement de notre politique audiovisuelle extérieure. L'action que conduit Jean Stock à TV 5 et à Canal France international semble porter ses fruits. Malheureusement, il existe des difficultés importantes, en particulier avec nos partenaires canadiens, qui assuraient la gestion et la diffusion de ces programmes sur l'ensemble de l'Amérique. Peut-être des changements de personnes pourraient-ils améliorer la situation ? Notre collègue M. Del Picchia vous présentera tout à l'heure un ensemble de suggestions concernant l'action de TV 5 en Amérique.
Les priorités accordées à l'audiovisuel extérieur et à la coopération scientifique et culturelle impliquent d'importants redéploiements de crédits qui s'effectuent au détriment de la coopération technique et du développement. Certes, il existe des raisons à ces baisses, en particulier la baisse des crédits consacrés à l'ajustement structurel.
Je voudrais souligner que la création de la zone de solidarité prioritaire, qui étend l'ancien champ de notrecoopération à de nouveaux pays en voie de développement, risque d'être lourde de déceptions si cet élargissement n'est pas accompagné d'une augmentation des crédits. Mais je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Je tiens à indiquer, dès à présent, mon identité de vues totale avec mon éminent collègue, Michel Charasse, qui va me succéder à cette tribune pour présenter les crédits de la coopération.
Je souhaite enfin que notre aide au développement prenne davantage en compte les critères de respect des droits de l'homme, de bonne gouvernance, de respect de l'environnement, de la santé et de l'accès des filles à l'éducation.
Ayant atteint mon temps de parole, je vous renvoie à mon rapport écrit pour ce qui concerne notre politique immobilière. Je me suis rendu à Berlin, où j'ai pu constater, je tiens à vous le dire, monsieur le ministre, l'effort tout à fait remarquable de votre ministère, en particulier le service de l'équipement, pour limiter les coûts de notre future ambassade. Si vous arrivez à contenir aussi la décoration mobilière, vous aurez accompli un excellent travail.
Cela étant, je ne suis pas persuadé qu'il faille investir des sommes aussi importantes dans les ambassades européennes. Je suis beaucoup plus favorable à des interventions dans nos ambassades en Asie ou en Amérique latine. Mais je ne peux pas vous reprocher, ce choix ayant été effectué, de l'encadrer de la manière la plus stricte possible.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est beaucoup plus convenable que celui des années précédentes. Nous aurions souhaité qu'il fût plus adapté aux grands enjeux de notre politique de l'an 2000, ceux que tout à l'heure M. Védrine a énoncés, qu'il s'agisse de la présidence de l'Union européenne, de l'Union de l'Europe occidentale, de notre rôle dans les Balkans et au Moyen-Orient ou de la prise en compte de la zone de solidarité prioritaire.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pour tenir compte de l'effort qui a été effectué par le Gouvernement, et sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances, prenant acte de l'accord sur ce projet de budget des responsables de l'exécutif, a, en conséquence, donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour la coopération. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la coopération - ou ce qu'il en reste - est celui de l'aide aux plus pauvres, de la vocation universelle de la France, de son influence dans les instances internationales et dans le monde, le budget qui symbolise le mieux notre attachement à nos partenaires et notre volonté nationale de combattre partout où cela est possible la pauvreté, la faim, le sous-développement.
Voilà pourquoi votre commission des finances porte depuis des années une attention toute particulière aux crédits affectés à la coopération et maintient sa vigilance face aux menaces et aux évolutions en cours.
2000 est la première véritable année pleine de la réforme de la coopération, dont notre collègue M. Chaumont vient de parler. Tous les moyens sont désormais théoriquement en place : architecture institutionnelle, définition de la zone géographique, extension des interventions. Les retards dans la mise en oeuvre ne peuvent donc plus se trouver que derrière nous.
Depuis l'année dernière, la coopération n'est plus un budget clairement identifiable, aux priorités lisibles dans un vrai bleu budgétaire, aux évolutions mesurables avec rigueur et fiabilité.
Pourtant, il existe toujours une sorte de budget de la coopération, qui va au-delà des dotations d'une direction générale ou de services centraux et qui recouvre l'ensemble des crédits consacrés par la France à l'aide au développement. Et ils restent considérables !
Rappelons quelques évidences.
Qui dans l'Union européenne pèse pour le quart du budget européen d'aide au développement ? La France.
Qui dans le G.7 contribue le plus, proportionnellement à son produit intérieur brut, pour les pays en développement ? La France.
Qui vient d'octroyer dans le collectif budgétaire de 1999 près de 750 millions de francs à l'agence internationale de développement ? La France.
Qui dans le monde apportera le plus dans les annulations de dette des pays les plus pauvres ? La France encore et toujours.
Notre pays consent un effort considérable, bien qu'en régression, comme partout dans le monde développé, en faveur des plus pauvres. Nos partenaires, comme chacun de nos concitoyens, doivent avoir ces évidences présentes à l'esprit.
Est-ce à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes de l'aide au développement ? La commission des finances ne le pense pas.
Je ne vous détaillerai pas les masses budgétaires : les différents rapports sont là pour cela.
Simplement, le budget des affaires étrangères consacrera un peu plus de 9 milliards de francs à nos interventions dans le monde, dont une bonne partie va aux pays en développement. Ces moyens diminuent, inexorablement, dans des proportions qui varient selon les agrégats retenus. Les comparaisons ne sont pas très faciles cette année. Ce n'est pas la faute du ministère, naturellement, c'est la nomenclature budgétaire qui est ainsi faite.
Les subventions d'investissement se maintiennent à un niveau élevé avant régulation budgétaire. Elles augmentent même de 100 millions de francs en crédits de paiement. Au total, le solde reste cependant négatif pour les pays les plus pauvres : en 2000, les crédits de la coopération diminuent globalement.
Certes, la réforme de la coopération est à l'origine d'économies d'échelle, de synergies entre le ministère des affaires étrangères et l'ancien ministère de la coopération. C'est heureux et la commission des finances s'en félicite et vous en félicite.
Mais ces économies ne profitent pas aux nouveaux pays entrés dans la zone de solidarité prioritaire, dont je rappelle qu'ils sont au nombre de vingt-quatre.
Pour ne prendre que l'exemple du personnel, les réorganisations de services dégagent cent emplois permettant des redéploiements qui devraient en toute logique bénéficier aux priorités du ministère. C'est le cas pour les visas ou l'administration centrale - M. Chaumont en a parlé - mais pas pour les pays nouvellement entrés dans la ZSP, qui bénéficient seulement de quatre nouveaux emplois. Le retour de la réforme est maigre pour les pays les plus pauvres.
A côté de ces économies vertueuses, mais qui ne profitent pas intelligemment à ceux qui les subissent, le budget opère des coupes franches dans plusieurs chapitres du titre IV pour financer les priorités du ministère, audiovisuel extérieur et bourses, bourses qui sont réclamées par le Sénat depuis tant d'années ! Les moyens de l'aide technique, des concours financiers, de la coopération décentralisée, de la coopération militaire et de défense diminuent. Si ceux de l'audiovisuel extérieur et de la coopération culturelle progressent, le solde reste négatif avec une baisse de près de 170 millions de francs. Vous avez vous-même, monsieur le ministre, souligné cette priorité devant l'Assemblée nationale : « C'est le résultat d'un arbitrage qui a été rendu en faveur de la coopération culturelle et au détriment de la coopération technique. » Vous auriez peut-être pu préciser : « arbitrage plus au détriment de l'aide technique qu'en faveur de la coopération culturelle », même quand on extrait les changements de périmètre.
Le constat est donc clair : les économies vertueuses et les réductions des aides aux pays en développement permettent au ministère des affaires étrangères de financer ses priorités - visas, administration centrale, audiovisuel, culture - et de maintenir ses moyens classiques de fonctionnement.
On dira, certes, que les crédits du titre VI, les subventions d'investissement augmentent. Mais cette progression reste inférieure aux amputations opérées sur le titre IV, et cette hausse globale cache quelques petits arrangements. Car les modifications de nomenclature altèrent grandement la clarté et la transparence des interventions, portent une atteinte au contrôle parlementaire et transfèrent une partie de nos moyens à un établissement dont les liens avec une autre grande maison ne sont plus à établir.
Je tâcherai d'être clair et d'exposer simplement ce qui, loin de relever de la pure technique budgétaire, concerne en réalité les droits du Parlement et la dispersion des moyens de l'action extérieure de la France.
La situation d'aujourd'hui est très simple. Le projet de budget des affaires étrangères comporte deux lignes de subventions d'investissement. L'une - d'environ 1 milliard de francs - est mise en oeuvre directement via le comité directeur du Fonds d'aide et de coopération. Cet organisme, qui comporte trois députés et un sénateur, examine chacun des projets qui lui est soumis avec un souci de grande rigueur. Je rends hommage au ministre qui préside ce comité pour la patience dont il fait preuve. Il associe pleinement les parlementaires pour écarter les soupçons d'autrefois qui entouraient nos interventions dans le tiers monde. Cette procédure est un gage formidable de transparence et d'efficacité pour éviter les critiques anciennes sur les dépenses inconsidérées dans des « éléphants blancs », qui faisaient dire « la Corrèze avant le Zambèze ».
L'autre ligne budgétaire, environ un milliard de francs aussi, est inscrite à votre projet de budget, mais pour le compte de l'Agence française de développement, ce qui, après accord préalable du comité directeur du FAC, est aussi un gage de transparence.
Le Gouvernement se propose de revoir entièrement ce dispositif qui a pourtant donné pleine satisfaction et qui a permis d'éviter des actions douteuses ou scandaleuses et d'assurer une assez bonne coordination des interventions de l'Agence française du développement avec l'ensemble de notre politique extérieure.
Il s'agit d'abord de changer le nom du Fonds d'aide et de coopération en fonds de solidarité prioritaire et de revoir tous les textes le régissant.
D'après les renseignements que j'ai obtenus, le Gouvernement prévoit de supprimer l'actuel comité directeur, où siègent les parlementaires et qui décide de l'attribution des aides, et de le remplacer par deux organismes : un comité d'orientation, où les parlementaires pourront discuter à loisir, mais sans vote autre que des grandes masses, un peu comme autrefois le tribunat de l'Empire, et un comité d'examen qui décidera de chaque projet dans le silence de l'administration, un peu comme autrefois le Corps législatif de Napoléon Ier.
Cette première réforme a en fait un objectif, me semble-t-il : exclure les parlementaires du processus de décision. Monsieur le ministre, ce n'est pas là une vanité que j'exprime à cette tribune. Cette réforme a une conséquence : jeter le doute et la suspicion sur l'ensemble des projet qui seront financés. Ce n'est pas acceptable au nom des droits du Parlement et de la clarté de l'action publique pour les citoyens contribuables.
Mais, monsieur le ministre, je sais que vous en êtes conscient et j'ai déjà lu, avec l'intérêt que vous imaginez, les ouvertures que vous avez faites à ce sujet devant l'Assemblée nationale, qui avait également soulevé le même problème.
La seconde réforme, d'apparence technique mais de portée ô combien politique, concerne l'Agence française de développement.
Les sommes supplémentaires qui lui seront déléguées ne passeront désormais plus par le fonds de solidarité prioritaire. Le budget les affecte directement à l'AFD. On peut d'ailleurs se demander pourquoi les inscrire au budget des affaires étrangères alors qu'elles seraient sans doute mieux aux charges communes.
Cette nouvelle procédure a deux conséquences.
D'abord, elle supprime le contrôle parlementaire a priori , je l'ai dit tout à l'heure, puisque le conseil de surveillance de l'Agence, où siègent les parlementaires, n'examine que les projets de plus de 60 millions de francs au moins, ce qui est loin d'être le cas de la majorité d'entre eux.
Ensuite, les sommes ne transitant plus par les services des affaires étrangères, l'autonomie de l'Agence se trouve renforcée vis-à-vis du quai d'Orsay, ce qui nuit à la cohérence de l'action extérieure de la France en matière de développement. Vous n'auriez plus, monsieur le ministre, si cette réforme devait aller jusqu'au bout, la maîtrise de ces crédits, et vous seriez ainsi contraint de mendier quelquefois auprès de l'agence des décisions financées avec votre propre argent.
Certes, l'AFD a une compétence que nul ne saurait ici lui contester. Elle sait notamment intervenir vite et bien - parfois c'est un peu cher - là où il le faut et, ainsi, pallier les retards administratifs classiques. J'ai pu, monsieur le ministre - vous le savez puisque je vous en ai rendu compte - le constater avec plaisir et fierté cet été au Liban et en Palestine, qui attendent toujours les crédits du Quai mais qui bénéficient déjà de projets financés par l'AFD.
En revanche, on peut difficilement accepter que les actions de l'AFD échappent au contrôle parlementaire a priori - et je pense que M. Chaumont, qui siège comme titulaire au conseil de l'agence s'associera à mes propos (M. Chaumont fait un signe d'assentiment) - actions qui s'inscrivent moins qu'autrefois dans la perspective d'ensemble de l'action du ministère des affaires étrangères, seul compétent constitutionnellement pour conduire la politique extérieure.
C'est pourquoi la commission des finances vous proposera, au terme de ce débat, un amendement maintenant intact le contrôle parlementaire sur l'ensemble des interventions de la coopération, donc maintenant le système actuel. Nous aurons l'occasion, monsieur le ministre, d'en parler tout à l'heure.
Pour résumer, je terminerai cette présentation des crédits de la coopération par quatre brèves observations.
La réforme de la coopération ne se traduit ni par des moyens supplémentaires destinés aux pays admis dans la zone de solidarité prioritaire - et c'est le problème pour les nouveaux entrants qui croient beaucoup en la France et aux promesses qui ont pu leur être faites - ni par la mise en place, dans ces pays, de services et de moyens nouveaux par le ministère des affaires étrangères. La réforme de la coopération signifie donc pour l'instant une diminution des moyens accordés aux anciens pays du champ qui ne profite guère aux nouveaux Etats de la zone. Je sais bien que le temps de mise en place peut expliquer un certain tassement. En tout cas, j'espère que cette tendance n'est pas définitive.
Les crédits consacrés à la coopération sont en baisse de 1,5 % par rapport à 1999, ce qui reste modéré, mais ce qui est préoccupant à cause des vingt-quatre pays nouveaux qui entrent dans le système. Si l'on en était resté à l'ancien champ, 1,5 % de moins, ce serait infime, mais il y a vingt-quatre entrants nouveaux, c'est là tout le problème !
Ces réductions de crédis sont d'autant plus difficiles à déceler que, restant au sein du ministère des affaires étrangères, elles lui permettent d'afficher une hausse globale modeste de ses dotations.
Pour 2000, le budget du ministère des affaires étrangères apparaît à beaucoup comme un bon budget, M. Chaumont a dit « convalescent », alors que celui de la coopération, maintenu, nous serait apparu comme un budget un peu médiocre. Habile paradoxe qui tient au fait que, peut-être, le Quai d'Orsay a financé ses priorités cette années sur la coopération.
Les économies et les synergies réalisées par la réforme, les réductions de moyens d'intervention, que nous saluons, permettent au budget des affaires étrangères de financer ses priorités sans que cela se traduise par des gains pour les nouveaux pays admis dans la zone de solidarité prioritaire.
Enfin, la réforme de nomenclature inscrite au budget aurait pour conséquence, si elle devait être maintenue, un recul difficilement acceptable du contrôle parlementaire, mais il nous reste l'espoir d'un dialogue fructueux avec vous, tout à l'heure, sur les propositions de la commission des finances.
Le budget de la coopération, mes chers collègues, ne serait pas exempt de critiques s'il était encore un « vrai » budget. Mais les crédits de la coopération sont désormais intégrés à ceux des affaires étrangères et le montant de l'ensemble résulte d'un choix commun dans ce domaine sensible entre les deux têtes de l'exécutif, qui assument ensemble la responsabilité de la politique étrangère.
C'est pourquoi je m'en voudrais beaucoup de remettre en cause - je ne le ferai pas, d'autant que la commission des finances ne m'en a pas donné mandat - la proposition d'adoption de l'ensemble des crédits faite par notre excellent collègue Jacques Chaumont, au nom de la commission des finances. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Toujours aussi remarquable !
M. le président. La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le ministre, intervenant après mes deux éminents collègues de la commission des finances, je vais d'emblée mettre un terme à l'insoutenable suspense que vous vivez ce soir en vous disant que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a décidé de donner un avis favorable au budget qui nous est présenté. (Ouf ! sur diverses travées. - Sourires.)
M. Claude Estier. Elle a raison !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Quelle surprise !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. C'était, vous en conviendrez, un moment fort de la soirée.
La commission a cependant émis un certain nombre de remarques, qui ont d'ailleurs déjà été faites par mes deux collègues. Je vais me permettre de leur donner rapidement un éclairage supplémentaire.
Tout d'abord, l'augmentation de 0,64 % de ce budget est une illusion d'optique puisque, comme l'a souligné M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, intègre cette année l'ensemble des crédits immobiliers, pour 120 millions de francs, ainsi que l'ensemble des crédits de rémunération des gendarmes appelés en renfort temporaire, pour 24 millions de francs. Si l'on tient compte de ces deux opérations, une évidence s'impose : ce budget n'augmente pas. Toutefois, nous espérons, tout comme vous, que nous sommes à l'étiage et que ce budget convalescent va très rapidement se consolider.
En outre, nous nous félicitons des efforts entrepris pour mieux gérer les crédits de fonctionnement du ministère en permettant qu'ils soient globalisés et décentralisés et surtout pour mieux contrôler la dépense immobilière. Il me faut cependant, sur ces deux sujets, formuler d'importantes réserves.
D'une part, du fait notamment de la globalisation des crédits, il est très difficile de dresser un bilan de la fusion des ministères de la coopération et des affaires étrangères. Les économies dégagées n'apparaissent pas clairement. Elles seraient évaluées à 35 millions de francs sur les crédits de fonctionnement, mais cette évolution paraît incertaine. En outre, 92 postes budgétaires seraient dégagés. D'une façon générale, on mesure mal les effets de cette fusion.
La mise en place des nouvelles structures semble être la source plus de lourdeur et de retard que d'une productivité accrue. L'engagement des dépenses en matière de coopération et d'aide au développement paraît anormalement lent par rapport aux années antérieures, et la fusion rapide, d'ici à 2001, de tous les personnels des deux ministères ne va pas sans poser des difficultés.
D'autre part, en matière de crédits immobiliers, si je vous donne acte des efforts accomplis, permettez-moi, monsieur le ministre, de m'étonner une nouvelle fois que le ministère des affaires étrangères ne dispose pas encore d'un inventaire actualisé des conditions d'installation de nos postes à l'étranger. Comment est-il possible d'avoir une gestion cohérente de notre réseau sans cet outil comptable indispensable ?
Quant à ses dimensions mêmes, notre réseau est le deuxième au monde. Nous l'avons indiqué à de nombreuses reprises. Des ajustements sont constamment nécessaires pour l'adapter aux besoins, mais aucune ligne claire ne paraît définir une telle politique. Concilier la flexibilité du réseau avec la durée nécessaire à toute action diplomatique dans le cadre d'un budget limité relève évidemment de la gageure, mais n'est-il pas enfin temps d'engager une réflexion en profondeur sur nos implantations à l'étranger ? La dichotomie entre le réseau diplomatique et consulaire, d'une part, et le réseau économique, d'autre part, n'est-elle pas une spécificité française ? Ne faut-il pas redimensionner notre présence en prenant mieux en compte la construction européenne ? M. Védrine a soulevé tous ces points dans son propros introductif.
Je relèverai encore, monsieur le ministre, l'effort fait en matière de contributions volontaires aux organisations du système des Nations unies. Elles augmenteront de 30 millions de francs et atteindront 302 millions de francs en 2000.
Cette évolution est évidemment bienvenue mais elle reste insuffisante. L'augmentation est moins importante que l'an passé ; elle s'élevait alors à 50 millions de francs. Surtout, les contributions volontaires de la France resteront en 2000 moitié moins importantes qu'en 1994. Un effort supplémentaire devra impérativement être fait si l'on ne veut pas que l'influence de la France continue de s'éroder.
En effet, la France ne tient pas en la matière son rang au sein du système des Nations unies. Alors que nous sommes le quatrième contributeur obligatoire, nous sommes dépassés très largement en matière de contributions volontaires par de nombreux pays, nous classant rarement avant le douzième rang et, toutes contributions confondues, nous sommes derrière le Royaume-Uni, l'Italie et certains pays nordiques.
Tandis que nous payons avec une grande exactitude nos contributions obligatoires et que nos contributions volontaires sont faibles, d'autres pays conditionnent leur financement et en tirent les plus grands bénéfices. Il faut bien comprendre que les contributions volontaires conditionnent la participation de la France à la réforme des Nations unies et aux nouveaux projets des institutions spécialisées. Elles donnent la priorité aux pays qui leur permettent de développer leur action.
En dernier lieu, la commission est préoccupée du sort des personnels recrutés localement par le ministère des affaires étrangères. Il y a là un vrai problème de gestion administrative, dont nous sommes bien conscients, et un problème social lié, dans bien des cas, à la faiblesse des rémunérations et de la protection sociale, comme l'a souligné le rapport Amiot. Ce rapport, qui a été fait à ce propos, peut servir de base pour les discussions futures.
Quelles mesures prévoyez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour trouver une solution à ce problème ? La commission, vous le comprendrez, souhaite être tenue informée, comme nous vous l'avons fait savoir avec mon collègue Guy Penne ; nous serons très attentifs à l'information que vous voudrez bien nous communiquer.
Comme je vous l'ai déjà indiqué, monsieur le ministre, la commission a décidé de donner un avis favorable au budget du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Guy Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si la nouvelle structure d'intervention du ministère des affaires étrangères dans le domaine de la coopération et du développement, la direction générale de la coopération internationale, la DGCID, ne mentionne plus explicitement l'aspect culturel de notre action diplomatique, celui-ci reste un levier important de l'influence internationale de la France.
Dans le cadre d'un budget global qui, pour la DGCID, s'élève à 9,2 milliards de francs, trois priorités sont mises en avant en ce qui concerne notre action culturelle extérieure. Elles concernent essentiellement l'action audiovisuelle, avec TV 5, la promotion de notre enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers, enfin le soutien à notre réseau scolaire à l'étranger. C'est par ce dernier sujet que je commencerai ce bref exposé.
Première priorité : l'effort financier que consacre l'Etat français à ce réseau est important. La subvention à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE au titre du budget 2000 atteint près de 2 milliards de francs, en hausse de 1,2 % par rapport à 1999. Cette donnée ne doit cependant pas occulter la part toujours plus importante qui revient aux établissements eux-mêmes et, à travers eux, aux parents d'élèves.
La mesure de 15 millions de francs pour les bourses scolaires dans le budget 2000 est une bonne nouvelle et on relèvera que ces bourses ont augmenté, en quatre ans, de 25 %.
Malheureusement, ces dotations positives sont très rapidement rattrapées par l'augmentation des bénéficiaires et par la hausse des coûts de scolarité. Ce dernier facteur est particulièrement négatif pour la catégorie de nos compatriotes bénéficiant de revenus moyens : inéligibles pour les bourses, leurs enfants sont en fait dans l'impossibilité d'être scolarisés dans nos établissements, ce qui est le contraire de l'objectif recherché par la loi de 1990.
M. André Maman. C'est inacceptable !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Il s'avère également que le dispositif mis en place en 1990 n'est pas, parfois, sans effet pervers sur les coûts de scolarité. Ainsi, le mode de rémunération des résidents a un effet inflationniste sensible dans les pays dont la monnaie locale tend à se déprécier. Une révision du décret de 1990 me paraît souhaitable, de même qu'un aménagement du cadre budgétaire, qui ne fonctionne à ce jour - pour les expatriés, mais aussi pour les résidents - que sur la base d'emplois « développés », ce qui cristallise le tableau des postes et empêche toute adaptation rapide aux besoins.
M. André Maman. Très bien !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. L'idée - mais ce n'est qu'une idée ! - d'une enveloppe financière globale affectée à la rémunération des résidents permettrait peut-être d'apporter un élément de réponse, à condition que sa dotation soit à la mesure des besoins.
Une réflexion de fond vous est proposée, qui serait menée non seulement par vous-même monsieur le ministre, mais également par d'autres membres du Gouvernement, ce qui paraît indispensable après dix ans d'application du décret de 1990. Les sénateurs représentant les Français établis hors de France, notamment, vous ont fait part de ce souhait unanime.
M. André Maman. Très bien !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. La deuxième priorité concerne la promotion de l'enseignement supérieur français auprès des étudiants étrangers.
Deux démarches à long terme ont été engagées dans ce domaine, qui symbolisent la nouvelle orientation de notre politique à l'égard de ces étudiants.
Il s'agit, d'abord, de l'agence Edufrance, qui regroupe le ministère des affaires étrangères et celui de l'éducation nationale, d'une part, les universités et grandes écoles françaises, d'autre part. Edufrance propose des prestations d'accueil et de séjour en France aux étudiants étrangers invités à recevoir une formation dans nos établissements supérieurs.
Il s'agit, ensuite, du programme de bourses « Eiffel », qui est destiné à former les décideurs étrangers de l'entreprise et de l'administration dans les meilleurs établissements français.
Cette démarche de promotion de notre enseignement supérieur est essentielle non seulement parce qu'elle se propose de placer la France au niveau de ses principaux concurrents anglo-saxons, mais également parce qu'elle valorise le potentiel considérable de notre réseau d'établissements scolaires à l'étranger, qui ne dépasse pas le niveau du baccalauréat.
Plutôt que de voir ainsi se disperser les élites étrangères que nous y avons formées vers les universités britanniques ou nord-américaines, l'objectif de les insérer dans notre enseignement supérieur pour qu'ils y reçoivent une formation de qualité est essentiel.
Là encore, cette priorité budgétaire doit être préservée, voire accrue, sur de nombreuses années. J'ajoute qu'une attention particulière doit être accordée à ces étudiants pour la délivrance de visas. Malheureusement, le Gouvernement ne s'y est pas employé. Il importe qu'il mette fin à cette situation !
La troisième priorité a trait à l'audiovisuel extérieur.
L'an passé, la nouvelle présidence commune TV 5-CFI, assurée par M. Jean Stock, s'était donné comme objetif prioritaire d'améliorer la qualité de l'antenne.
La nouvelle programmation, enrichie et mieux adaptée aux demandes du public, bénéficie désormais d'un cinquième signal, spécifiquement dédié à l'Europe francophone, qui permettra d'améliorer encore la programmation à destination des pays européens.
Les résultats de cette stratégie sont déjà au rendez-vous : un an après les premières décisions et les premiers changements, le nombre de téléspectateurs a crû de 21 % et d'excellents retours d'audience ont pu être mesurés en Europe.
Dans ce tableau positif, il reste cependant à améliorer la place de TV 5 sur le continent américain. Les récentes modifications intervenues chez nos partenaires canadiens devraient, nous l'espérons, contribuer à développer la chaîne francophone sur ce continent, afin d'éviter d'aboutir à une « TV 5 à deux vitesses ». Dans le cas contraire, le gouvernement français devrait faire preuve d'autorité.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Pas sûr !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. J'ajoute que l'aide apportée par le ministère des affaires étrangères, via TV France International, à la promotion de la création audiovisuelle française donne des résultats extrêmement positifs.
D'une manière générale, cette priorité pour l'audiovisuel extérieur, dégagée depuis plusieurs années, mais confortée depuis un an et enrichie par des méthodes d'intervention diversifiées, constitue l'un des choix judicieux de ce projet de budget.
Un dernier mot concernera l'amélioration de la situation des recrutés locaux de nos réseaux culturels. Le ministère des affaires étrangères s'est engagé à présenter des propositions destinées à valoriser le statut de ces personnels, trop longtemps négligés. Nous sommes nombreux dans cette enceinte à suivre de près ce dossier important pour votre département, monsieur le ministre, et nous ne doutons pas de votre détermination à y apporter une solution équitable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les priorités de notre diplomatie culturelle telles qu'elles sont définies dans ce projet de budget pour 2000 sont limitées en nombre, mais non en importance. Elles sont, en quelque sorte, les outils de notre ambition pour une « diversité culturelle » souvent difficile à promouvoir ou à préserver.
Je ne peux donc qu'inviter le Sénat, à la suite de sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à adopter les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont souligné certains des rapporteurs, la modeste progression du budget des affaires étrangères prévue pour 2000 a, hélas ! été obtenue au prix d'une nouvelle compression des crédits destinés à l'aide au développement.
En effet, au sein du budget regroupant désormais les crédits de la coopération et ceux des affaires étrangères, les dotations réservées à l'aide au développement représentent seulement 4,8 milliards de francs, soit une réduction de 4,3 % par rapport à l'an passé.
Nos partenaires africains, principaux bénéficiaires de l'aide au développement, sont les premiers touchés par cette baisse des crédits. La relation jusqu'alors privilégiée que nous entretenions avec l'Afrique risque donc de se trouver affaiblie. Nous sommes dès lors conduits à nous demander si, comme nous en avions exprimé la crainte l'an passé, l'intégration du ministère de la coopération à celui des affaires étrangères n'a pas, en fait, été un moyen de modifier les priorités de l'action extérieure de la France.
Certes, il faut le répéter, la France reste au premier rang des pays du G 7 pour l'aide rapportée au PIB et au deuxième rang, derrière le Japon, pour le volume total de l'aide.
Toutefois, la réforme de la coopération, à la lumière d'une première année d'expérience et, surtout, de la baisse des crédits prévus pour 2000 soulève trois questions majeures : l'efficacité des procédures mises en place ; la cohérence entre les objectifs poursuivis et les moyens prévus ; l'adaptation des méthodes aux besoins des pays en développement. J'évoquerai successivement ces trois points.
Tout d'abord, s'agissant de l'efficacité des procédures, on ne peut s'empêcher d'éprouver quelque inquiétude devant la lourdeur du dispositif qui se met lentement en place. Le circuit de décision au sein de la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement superposera l'intervention d'au moins deux services : un service sectoriel et un service coordonnateur. Cette organisation ne permettra pas de raccourcir les délais déjà trop longs d'instruction des dossiers.
En outre, les instances consacrées à la coopération tendent à s'accroître en proportion inverse des moyens consacrés à l'aide au développement. Après la création d'un Haut conseil de la coopération internationale, la coopération va-t-elle suivre les voies de la francophonie, avec la multiplication d'institutions dont le rôle n'apparaît pas clairement, dont les compétences se recoupent et dont l'efficacité diminue ?
Enfin, le comité interministériel d'aide au développement chargé d'imprimer une direction politique à notre coopération ne se réunit qu'une fois par an. La coordination indispensable des actions du Quai d'Orsay et de Bercy, dont le rôle en matière d'aide au développement apparaît toujours plus déterminant, ne justifierait-elle pas un suivi interministériel plus poussé ?
J'en viens à la question de la cohérence des objectifs et des moyens. La substitution de la zone de solidarité prioritaire à l'ancien champ de la coopération s'est accompagnée d'un élargissement considérable des pays susceptibles de bénéficier de l'aide française. Ainsi, comme le soulignait mon collègue Michel Charasse, aux trente-sept pays du champ traditionnel ont été ajoutés vingt-quatre nouveaux Etats. La commission s'est inquiétée des conséquences de cette extension. N'entraînera-t-elle pas, en effet, un éparpillement des moyens, une politique de « saupoudrage » conduisant à un affaiblissement de l'influence française ?
A vouloir être présent dans un trop grand nombre de pays, on risque, je le crains, de ne compter vraiment nulle part, de mécontenter tout le monde, et de perdre ainsi les résultats des investissements réalisés dans le passé. Le risque de dilution apparaît d'autant plus fort que les moyens financiers tendent à baisser et qu'ils n'obéissent pas toujours à une affectation rigoureuse.
En ce qui concerne la baisse des moyens, les concours financiers destinés à l'ajustement structurel et à l'aide budgétaire d'urgence se réduiront de 40 % en 2000. Certes, l'aide-projet gérée par le Fonds d'aide et de coopération, rebaptisé Fonds de solidarité prioritaire, et par l'Agence française de développement affiche une progression de 5,3 %, mais cette hausse risque d'être, pour une bonne part, illusoire. En effet, depuis plusieurs années, l'aide-projet constitue la cible privilégiée des annulations de crédits. Ainsi, 7,3 % des crédits de paiement ouverts par le budget de 1999 ont été annulés cette année.
Or ces mesures de régulation ont été justifiées par la nécessité de dégager des moyens de financement pour l'aide au Kosovo ! Il y a là un indicateur inquiétant de l'évolution des priorités diplomatiques de notre pays. Est-ce vraiment l'intérêt de la France ? Je crois que la question mérite d'être posée.
Ma troisième question porte sur l'adaptation des méthodes aux besoins de nos partenaires. La France semble, en effet, vouloir renoncer à l'une des dimensions essentielles de son action en Afrique, avec une nouvelle réduction des effectifs d'assistance technique pour 2000. En dix ans, les effectifs de l'assistance technique auront été réduits des deux tiers. En 2000, de nouveau, quarante postes seront supprimés.
Or le Gouvernement avait reconnu l'an passé - ce sont vos propres paroles, monsieur le ministre - que nous avions atteint la cote d'alerte en dessous de laquelle on ne pouvait descendre sans compromettre l'efficacité de notre action. Cela n'annonce-t-il pas la fin programmée de notre assistance technique ?
Pourtant, par leur engagement sur le terrain, les coopérants répondaient aux attentes des populations africaines. Leur action sur place a ouvert la voie à l'implantation d'entrepreneurs français.
Par ailleurs, ils ont été parmi les vecteurs les plus actifs de la francophonie. Enfin, leur présence a permis à la France d'acquérir une capacité d'expertise unanimement reconnue.
Dès lors, veut-on aligner la coopération française sur les modes d'intervention des autres bailleurs de fonds et perdre toute la spécificité qui a fait notre succès ? Nous nous engageons dans cette voie de manière implicite sans que les conséquences de cette orientation aient été clairement présentées par le Gouvernement et sans que le Parlement ait été consulté.
Cette situation, vous en conviendrez, monsieur le ministre, ne peut pas être considérée par nous comme satisfaisante.
En conclusion, la baisse des moyens consacrés à l'aide au développement ouvre la voie à la banalisation de la place de l'Afrique dans notre politique étrangère. Est-ce le bon choix ? Je ne le crois pas.
Quatre raisons plaident pour le maintien d'une priorité africaine.
Premièrement, les progrès économiques accomplis par les pays de la zone franc constituent un indicateur encourageant pour la politique française de coopération. Il serait dès lors regrettable de relâcher l'effort au moment où il commence à porter ses fruits.
Deuxièmement, nos liens avec l'Afrique reposent aussi sur la présence d'une forte communauté française. Il faut faire fructifier ce capital humain. Nos compatriotes n'ont pas toujours bénéficié de l'attention nécessaire de la part des pouvoirs publics, comme le démontre le problème récurrent des retraités français ayant exercé en Afrique ou les difficultés d'indemnisation de nos ressortissants, parfois ruinés et acculés au désespoir à la suite d'événements dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage enfin de prendre des initiatives pour remédier à ces insuffisances ?
Des solutions existent, nous pouvons vous en proposer, mais il faut avant tout une volonté politique pour les appliquer. Nous voudrions savoir, monsieur le ministre, si cette volonté politique existe réellement.
Troisièmement, l'influence de la France en Afrique constitue un élément essentiel de notre rayonnement international : ne l'oublions pas, nous pouvons régulièrement compter aux Nations unies sur le soutien et la fidélité de nos partenaires africains et parfois d'eux seuls.
Enfin, quatrièmement, notre politique en Afrique doit aussi s'apprécier dans un horizon de moyen et long terme : le continent africain comptera 1,25 milliard d'habitants en 2025, soit 18 % de la population de la terre. Ces perspectives démographiques représentent à la fois une promesse et un défi : une promesse, car le continent africain constitue un marché au potentiel considérable ; un défi, car il faudra contribuer au développement harmonieux du continent.
Or la priorité accordée jusqu'à maintenant à l'Afrique apparaît aujourd'hui menacée et le budget pour 2000, loin d'infléchir cette tendance préoccupante, la renforce malheureusement.
Si nous devions aujourd'hui nous prononcer sur un budget séparé de la coopération, ce qui n'est plus le cas depuis 1998, j'aurais appelé le Sénat à rejeter cette dotation nettement insuffisante. Mais, notre vote portant sur l'ensemble du budget des affaires étrangères, la commission a quand même décidé d'adopter ces crédits. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la coopération culturelle et scientifique recevra, en 2000, un bien meilleur traitement que ne le laisse supposer la faible augmentation des crédits globaux de la direction générale de la coopération internationale et du développement, qui gère ces crédits avec ceux de la politique de coopération.
Je rappelle que cette augmentation est de 0,1 % par rapport aux crédits correspondants de 1999.
Je ne vais pas passer en revue l'évolution des dotations des différents chapitres qui regroupent les crédits affectés à la coopération culturelle et scientifique, on trouvera ces chiffres dans mon rapport écrit. Je vais plutôt dire quelques mots de deux des principales politiques que ces crédits permettent de mettre en oeuvre : la politique de l'audiovisuel extérieur et la promotion de l'enseignement français à l'étranger.
Dans ces domaines, je crois pouvoir dire que l'évolution des crédits relaie la volonté politique et débouche sur des résultats non négligeables.
La volonté politique de développer l'audiovisuel extérieur de façon prioritaire a été exprimée dans la communication présentée au conseil des ministres du 30 avril 1998.
Il s'agissait de mobiliser les outils existants, publics et privés, afin d'assurer aux programmes français une présence à l'étranger sur les écrans du monde entier plus importante et plus adaptée à la spécificité des régions ou continents concernés.
Il s'agissait aussi de rationaliser nos interventions, d'éviter en particulier une inutile concurrence entre TV 5 et CFI.
Il fallait, enfin, diversifier notre offre face à l'explosion des chaînes satellitaires, en apportant une aide aux acteurs privés qui relèvent le défi de l'exportation, que ce soit les chaînes ou les producteurs.
Ces orientations ont trouvé leur point d'orgue dans le plan stratégique de TV 5, lancé le 8 janvier 1999, avec la mise en place de quatre signaux régionalisés sur l'Europe, l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient. TV 5 s'est alors mise en quatre ! (Sourires.) Le plan stratégique est actuellement en voie d'achèvement, avec le récent lancement du signal France-Belgique-Suisse. TV 5 sera alors en cinq ! (Nouveaux sourires.)
Le premier bilan de ce travail est très favorable, en termes de couverture, en particulier, puisque celle-ci a augmenté de 35,7 % en un an, comme en termes d'écoute, d'après les enquêtes qui ont été réalisées. On peut retenir, à titre d'illustration, que TV 5 a dépassé CNN en Espagne et dépasse partout BBC World.
Le budget de 2000 permettra de poursuivre l'effort avec les 25, 3 millions de francs supplémentaires attribués à TV 5.
Il demeure néanmoins quelques problèmes, en particulier dans la branche américaine de TV 5, autonome par rapport à la branche européenne et dirigée par les Canadiens. Elle a subi un échec retentissant avec le lancement de TV 5 aux Etats-Unis, puisque 4 800 abonnements seulement ont été souscrits, sur les 60 000 attendus en fin d'année.
Parmi les pistes explorées pour sortir de l'impasse non seulement stratégique et économique mais aussi politique à laquelle a conduit cet échec, il y a l'idée de découpler le signal destiné aux Etats-Unis et celui qui est destiné à l'Amérique latine qui pourrait être réalisé par TV 5 Paris, et dont le financement avoisinerait 10 millions de francs.
Je considère, pour ma part, que le budget 2000 de TV 5 Europe ne doit pas financer cette innovation avec la mesure nouvelle de 25,3 millions de francs que je mentionnais tout à l'heure, qui doit principalement rester dédiée à une amélioration des programmes.
Une autre ombre plane sur le budget de TV 5 : il s'agit des revendications des sociétés d'auteurs qui souhaitent remettre en cause l'accord actuel pour tenir compte de l'audience croissante de la chaîne. La facture supplémentaire pourrait tourner autour de 10 millions de francs.
Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions sur ces dossiers.
Le deuxième axe de la relance de l'audiovisuel extérieur était la rationalisation des interventions de CFI et de TV 5.
La présidence commune des deux sociétés a engagé cette rationalisation en élaborant un plan stratégique pour CFI. Il est organisé autour de trois axes : une chaîne de télévision CFI-TV qui diffuse sur l'Afrique et dont la grille de programmes a été harmonisée avec celle de TV 5 et une banque de programmes, CFI-PRO ; et enfin le développement, à partir de cette année, des activités d'ingénierie audiovisuelle de CFI.
Je voudrais aussi signaler que nos exportations de programmes, dont la promotion est assurée par TVFI, ont augmenté de 35 % en 1998, pour atteindre 1,8 milliard de francs. Les exportations financent aujourd'hui 20 % de la production française de stock. Nous sommes encore loin des Etats-Unis où les ventes internationales représentent 50 % du financement de la production, mais cela commence à représenter un apport important pour nos industries de programmes.
Faute de temps, je ne ferai qu'évoquer RFI pour souhaiter que la recherche de synergies avec TV 5, qui n'a pas débouché en 1999, soit poursuivie en 2000 de manière que l'ensemble de l'audiovisuel extérieur puisse bénéficier de la richesse que représentent les journalistes et les correspondants de RFI.
Je terminerai mon exposé en évoquant l'enseignement du français à l'étranger. Le premier aspect est le financement de cet enseignement.
L'agence pour l'enseignement français à l'étranger bénéficiera, en 2000, de 21,4 millions de francs de crédits supplémentaires, dont 15 millions pour les bourses destinées aux enfants français à l'étranger, ce qui représente une augmentation de 6,9 % par rapport à 1999. Cela ne peut que nous satisfaire. Je crois cependant qu'il faut être attentif pour maîtriser l'augmentation des droits d'écolage. Des mesures ont été prises en ce sens ; il faudra sans doute en évaluer l'impact.
L'un des grands chantiers de l'enseignement du français à l'étranger est la réforme du statut des enseignants. Une délégation de la commission des affaires culturelles, qui s'est déplacée en septembre au Moyen-Orient, a pris la mesure des disparités qui existent entre les expatriés, les résidents et les recrutés locaux.
Cette situation suscite une pression à la hausse des coûts salariaux par le biais d'indemnités versées par les établissements, et pas forcément pérennes, comme nous l'avons vu en Jordanie, d'où un climat un peu dégradé au sein du corps enseignant.
Je sais, monsieur le ministre, que votre administration va tenter de lancer une réforme du système des rémunérations afin de diminuer, à coût global constant, les écarts constatés. Je pense qu'il sera intéressant de voir, l'année prochaine, les progrès de cette opération difficile.
Le second aspect que je souhaite évoquer est la politique d'accueil des étudiants étrangers. C'est une dimension tout à fait essentielle de notre rayonnement culturel, et ses prolongement économiques sont potentiellement cruciaux, dans la mesure où les cadres étrangers formés en France seront plus ouverts que d'autres aux échanges et aux partenariats avec l'économie française.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis. Le premier volet de cette politique est mis en oeuvre avec des instruments tels que le programme Eiffel de bourses d'excellence. Il recevra une mesure nouvelle de 35 millions de francs, qui s'ajouteront aux 50 millions de francs dégagés en 1999, ce qui devrait permettre de financer entre cinq cents et huit cents bourses annuelles, l'objectif étant d'arriver à mille cinq cents bourses dans quatre ou cinq ans, pour un coût d'environ 150 millions de francs.
L'autre volet de cette politique est représenté en particulier par EduFrance. Il s'agit d'un groupement d'intérêt public créé par le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'éducation nationale et des établissements d'enseignement supérieur, afin d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français auprès des étudiants étrangers solvables.
Edufrance est doté, en 2000, d'un budget de 17,5 millions de francs, contre 10 millions de francs en 1999. Il est présent à l'étranger sur les sites où peut être effectuée l'information des étudiants. Il participe ainsi à des salons d'étudiants, édite des catalogues répertoriant les formations françaises, noue en France des partenariats pour améliorer l'accueil et faciliter la vie des étudiants et il propose aussi des services d'ingénierie pédagogique.
Ces missions sont ambitieuses, et nous aurons à en évaluer la mise en oeuvre. On peut néanmoins dire dès à présent qu'Edufrance a démarré, en 1999, de façon extrêmement dynamique.
En conclusion de cet aperçu trop bref, je rappelle que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la coopération culturelle et scientifique pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est jamais simple de rendre compte clairement de l'évolution des crédits de la francophonie.
Il y a lieu, en effet, de distinguer, d'une part, les crédits que la France affecte au fonctionnement des instances de la francophonie et aux actions décidées en commun par les sommets des chefs d'Etat et de gouvernement - c'est la francophonie multilatérale - et, d'autre part, l'effort français dans le domaine de la francophonie, auquel concourent de nombreux ministères et que retrace chaque année, à la suite d'une demande jadis formulée par notre regretté collègue Maurice Schumann, un « jaune » budgétaire.
Le service des affaires francophones, directement rattaché au secrétariat général du ministère des affaires étrangères, est chargé du dossier de la francophonie multilatérale. Il suit le fonctionnement des instances de la francophonie et l'utilisation des fonds affectés par la France aux opérations de francophonie.
Il disposera, en 2000, de crédits identiques à ceux de 1999, soit 61,60 millions de francs, dont 53,7 millions de francs affectés au fonds multilatéral unique de la francophonie, en exécution des décisions des sommets, un peu moins de 8 millions de francs étant destinés à soutenir l'action des associations oeuvrant en faveur de la francophonie.
En 1998 et en 1999, ces crédits n'ont pas été victimes d'une régulation assassine qui devenait l'une des mauvaises habitudes de Bercy. Il y a lieu de le saluer, car la commission des affaires culturelles s'est toujours élevée et, avec vigueur, contre d'aussi détestables pratiques.
Fort heureusement, les crédits que la France consacre à la francophonie ne se limitent pas aux crédits du service des affaires francophones.
L'état, rédigé tardivement par le ministère des finances, qui rend compte de l'ensemble du financement interministériel de la francophonie, s'élève, pour l'actuelle loi de finances, à un total de 5 587 millions de francs, contre 5 139,43 millions de francs en 1999.
Le ministère des affaires étrangères représente environ 90 % des crédits du budget général, qui reçoit aussi des fonds provenant des ministères de l'environnement, de la culture, de l'éducation et de la jeunesse et des sports.
Notons enfin que la contribution française représente 75 % du budget total du fonds multilatéral unique, contre 12 % au Canada, 4,5 % au Québec, 4 % à la communauté française de Belgique et 1,6 % à la Suisse, tandis que nous consacrons 345 millions de francs à TV 5, y compris TV 5 Afrique. La France est donc bien, et de loin, le principal financeur de la francophonie.
Nous avions, l'an dernier, monsieur le ministre, approuvé les crédits de la francophonie. Sur ma proposition, la commission des affaires culturelles vous propose, mes chers collègues, d'approuver, cette année encore, des crédits qui sont maintenus à la même hauteur.
Et pourtant, monsieur le ministre, j'ai été tenté de proposer, cette année, l'annulation pure et simple des crédits que nous consacrons à la francophonie.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Pourquoi ?
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je veux m'en expliquer. Car, à quoi sert-il que la France officielle accomplisse un effort important chaque année en faveur de la langue française et de la francophonie si d'autres représentants de cette même France témoignent avec une désolante permanence de leur manque total d'attachement à notre langue et à son avenir ? Je sais très bien, monsieur le ministre, que telle n'est pas du tout votre attitude. Et ne croyez pas que je cède à une crise subite de découragement. Je vais vous donner des exemples précis.
Nous sommes au mois de septembre 1999. Le groupe Renault, dont l'Etat détient encore 44,2 % du capital, annonce qu'il veut « s'acculturer » en adoptant l'usage exclusif de l'anglais pour ses comptes rendus de comités de direction, c'est-à-dire les rapports rédigés chaque semaine par la direction générale et diffusés dans les différentes directions du groupe.
Toujours au mois de septembre de cette même année, à Strasbourg, la société française Aérospatiale-Matra et la société allemande DASA-Chrysler fusionnent. Grande victoire ! Elles donnent à la nouvelle société un nom anglais puisque le sigle EADS dissimule l' European Aeronautic Defence and Space Company. Et la cérémonie inaugurale, en présence du chancelier allemand et du Premier ministre français, débute par un exposé... en anglais !
Toujours en septembre dernier, le lundi 27, M. Christian Noyer, vice-président français de la banque centrale européenne est auditionné par la commission des affaires monétaires du Parlement européen, à Bruxelles. Il choisit de s'exprimer évidemment en anglais, alors que la traduction simultanée dans les onze langues de l'Union est disponible et qu'un seul pays de la zone euro, l'Irlande, a l'anglais pour langue officielle !
M. Emmanuel Hamel. Inadmissible !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. J'ajouterai que, voilà quelques jours, le commissaire européen français M. Lamy, s'exprimant à Seattle, a oublié également que le français est l'une des langues de l'OMC, et s'est exprimé, au nom de l'Union européenne, également en anglais.
M. Emmanuel Hamel. Scandaleux !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Et l'on parle tant, de nouveau, d'exception culturelle qu'il faudrait maintenir au nom de la diversité culturelle et linguistique ! Vous vous souvenez sans doute de la déclaration de Claude Lelouch et de Claude Miller proclamant : « Le cinéma et la civilisation ne sont pas seulement un enjeu économique, ils sont aussi un enjeu de civilisation et d'identité.
« Quel serait l'intérêt d'un monde sans conteurs d'histoires, dépossédé de son imaginaire, de ses langues ? Face à la machine décérébrante d'un certain cinéma hollywoodien, les cinémas nationaux sont autant de cinémas identitaires. C'est là que le cinéma opère cette fusion magique jamais démentie entre argent et création, entre marché et imaginaire. »
Fort bien ! Mais, en octobre de cette année, le film de Luc Besson, Jeanne d'Arc, projeté en avant-première au Sénat, a été présenté en version originale... anglaise ! Et Luc Besson n'y voit pas problème !
Quant à notre ministère de la culture, il semble désormais admettre, dans ses écrits, qu'il y ait des films français qui parlent français et d'autres non. Où est la cohérence, au moment où nous nous battons pour la diversité linguistique ?
M. André Maman. Très bien !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je pourrais multiplier les exemples : celui des troupes rassemblées par différents pays européens dont aucun n'est anglophone qui prennent l'anglais comme langue opérationnelle ; celui de la chaîne d'informations que lance sur la Toile Mme Anne Sinclair, au nom de TF 1, et qui s'appellera Les News. C'est un petit détail, ce n'est pas bien grave !
M. André Maman. Si, c'est grave !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. On pourra chaque fois trouver de bonnes raisons à cette capitulation. Il n'empêche que si nous finissons par trouver normal que le français cesse peu à peu d'être la langue du cinéma, de la publicité, de nos armées, de la grande entreprise, du monde scientifique, il deviendra inutile de réunir des sommets avec tambours et trompettes, car, dans le reste du monde, on ne verra plus guère d'intérêt à apprendre une langue qui se laisse amputer et dominer.
Et pourtant, ils sont nombreux, ceux qui aiment notre langue, notre culture, et présents sur tous les continents. Ainsi, en Algérie, elle s'affirme encore, et parfois au péril de la vie ; au Nigeria, le Gouvernement veut en faire une deuxième langue officielle ; en Europe centrale ou en Asie, elle a des amoureux nombreux, des admirateurs fervents. Ils seront des milliers rassemblés pour tenir congrès à Paris en juillet, ces professeurs de français qui sont aussi des militants de la langue française, dans tous les pays du monde. Allons-nous leur avouer que nos représentants officiels dans les institutions internationales préfèrent parler une autre langue que la langue française ?
Le journal Libération, le 29 septembre dernier, commentant le choix linguistique de M. Noyer, écrivait : « Il est représentatif de l'élite française : la quasi-totalité des fonctionnaires hexagonaux présents dans les institutions européennes a depuis longtemps rendu les armes face à la langue anglaise, au-delà des discours incantatoires sur "la défense du français". »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d'exiger de ceux qui se revendiquent Français pour obtenir des responsabilités internationales qu'ils servent la politique de la France ou qu'ils cèdent la place à ceux qui, comme les Québécois, ont décidé que leur langue et leur culture auront un avenir parce que telle est leur volonté. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Il faut de la volonté !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis, malgré de fortes réserves, un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour l'an 2000, elle n'a toutefois pas pris cette décision sans exprimer de sérieuses inquiétudes.
D'abord, parce que la très légère augmentation des crédits est largement - comme l'ont souligné nos excellents rapporteurs - un faux-semblant, qui dissimule en réalité une simple reconduction et une stabilité des moyens du ministère.
Ensuite, parce que les emplois dégagés proviennent de mouvements internes qui ne se reproduiront pas ; il conviendra donc de veiller à ce que la régression des effectifs, enfin stoppée, ne reprenne pas dès l'an prochain.
Nous continuons ainsi à déplorer fortement que le budget des affaires étrangères ne figure toujours pas, loin de là, parmi les priorités du Gouvernement, alors qu'il s'agit des moyens indispensables à la représentation de la France dans le monde. Je redis donc aujourd'hui fermement que nous devons donner durablement à notre pays les moyens nécessaires à une action internationale efficace.
Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, marque l'achèvement, sur le plan budgétaire, du processus d'intégration des services de la coopération dans l'ensemble du ministère des affaires étrangères. Sans doute est-il encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives de cette importante réforme, mais certains enseignements et certaines interrogations doivent, dès aujourd'hui, être évoqués.
Ainsi, la mise en oeuvre administrative de la réforme suppose encore une grande vigilance, car l'installation des quatre directions qui composent la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, ne semble pas plus aisée que le « calage » des compétences respectives du Quai d'Orsay et de Bercy. Quant à la fusion des personnels, elle soulève des difficultés liées à des cultures de travail profondément différentes. Je ne vous cacherai pas non plus, monsieur le ministre, que les discours globalement apaisants que nous entendons à Paris sur le déroulement de la réforme ne reflètent pas toujours, loin de là, les échos beaucoup plus acerbes qui nous parviennent ou que nous recueillons dans nos postes diplomatiques, à l'occasion de nos déplacements à l'étranger.
Mais le plus important et, à nos yeux, le plus préoccupant est ailleurs : il réside dans la sensible diminution des crédits consacrés aux formes d'aide directe au développement qui relevaient de l'ancienne coopération. Ainsi, le processus, déjà observé depuis deux ans, qui a vu l'aide publique française au développement décroître pour ne plus représenter que 0,41 % du produit national brut, de plus en plus loin de l'objectif affiché de 0,7 %, se trouve poursuivi...
Je crains que l'inquiétude que j'exprimais l'an dernier ici même ne soit en train de devenir réalité : la réforme de notre dispositif de coopération ne dissimule-t-elle pas une diminution des moyens consacrés par la France au développement, particulièrement en Afrique ? Il faut, si c'est le cas, le reconnaître et en donner les raisons. C'est pourquoi, afin d'y voir clair, je réitère une nouvelle fois le souhait que le Gouvernement établisse, à l'intention du Parlement, un document de synthèse évaluant, pays par pays, le poids et l'évolution de notre aide au développement.
Par-delà ces conséquences préoccupantes de la réforme de la coopération, le projet de budget que vous nous proposez comporte aussi un certain nombre d'orientations positives, conformes aux voeux exprimés par la commission des affaires étrangères. C'est le cas notamment du maintien de la priorité accordée à notre action audiovisuelle extérieure, en particulier pour l'amélioration, qui était bien nécessaire, des programmes de TV 5, même si je reste profondément inquiet eu égard à l'activité de cette chaîne sur le continent américain dans son ensemble.
Par ailleurs, il reste toute une série de questions importantes qui n'ont pas encore reçu, malgré quelques inflexions, de solutions satisfaisantes. J'en évoquerai brièvement trois.
La première concerne la cohérence de notre réseau à l'étranger. Son adaptation est une constante nécessité, mais cette exigence est particulièrement difficile à satisfaire, la flexibilité de notre réseau devant être conciliée avec les contraintes financières, mais aussi avec la nécessaire permanence de notre présence. Cette adaptation peut passer, à mon avis, par certaines fermetures de postes, et je pense notamment ici à certains consulats en Europe. Encore faut-il que ces évolutions correspondent à des critères clairs et s'inscrivent dans une politique d'ensemble. C'est pourquoi je crois nécessaire que s'approfondisse une réflexion d'ensemble sur les implantations françaises à l'étranger, qui devrait bien sûr inclure les administrations financières, lesquelles ne doivent pas, dans notre pays, être exemptes de réformes.
Une deuxième observation porte sur les contributions internationales, qui ont été évoquées par MM. les rapporteurs de la commission des finances, ainsi que par M. Dulait.
Le redressement amorcé l'an dernier et poursuivi plus modestement cette année était indispensable pour rattraper le retard accumulé. Certes, notre pays ne saurait adopter la pratique américaine qui privilégie systématiquement les contributions volontaires au détriment des contributions obligatoires, au risque de remettre en cause le fonctionnement même des institutions multilatérales concernées.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Toutefois, il est impératif de combler un retard qui nuit gravement à notre image et à notre influence.
Ma troisième observation portera enfin sur la question très sensible, déjà abordée par plusieurs de mes collègues, de la rémunération des recrutés locaux. Ce problème a fait l'objet, monsieur le ministre, d'un rapport interne, le rapport Amiot, qui dresse une série de constats préoccupants. Je serais heureux que vous puissiez dire au Sénat les suites que vous comptez lui donner. Deux points me paraissent appeler des mesures adaptées : il faut d'abord veiller à ce que des recrutés locaux ne se trouvent pas livrés à eux-mêmes et privés de l'encadrement indispensable lorsqu'ils ont à prendre des décisions - notamment dans les services des visas - qui engagent notre pays ; il faut ensuite remettre à niveau la rémunération de recrutés locaux qui se trouvent beaucoup moins bien traités par les services diplomatiques que vous dirigez qu'ils ne le sont par les représentations étrangères ou, bien entendu, par les postes tout-puissants d'expansion économique français ! Qui peut comprendre et qui pourrait admettre de telles distorsions ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Bravo !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Le temps qui m'est imparti ne me permettra pas, monsieur le ministre, de m'éloigner beaucoup de ces considérations strictement budgétaires pour aborder la politique étrangère de notre pays, mais il va de soi que le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui n'a de sens qu'au service d'une diplomatie ambitieuse. Je souhaite d'ailleurs, monsieur le président, que, au-delà des figures imposées par la discussion du projet de loi de finances, nous puissions organiser au Sénat, dans le courant de l'année parlementaire, un débat spécifiquement consacré aux orientations de la politique étrangère de la France.
Je me contenterai pour l'heure, en guise de conclusion, d'évoquer brièvement l'évolution de la construction européenne. A la veille du conseil européen d'Helsinki, dont il faut espérer qu'il ne soit pas excessivement perturbé par la question de la viande bovine britannique, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser quelques questions.
Verrons-nous, à cette occasion, se concrétiser les outils institutionnels nécessaires - mais pas suffisants - aux progrès de la défense européenne, notamment le comité de politique et de sécurité et le comité militaire ? Quant à l'idée séduisante, brillamment exposée par de nombreux ministres à cette tribune, sur les « critères de convergence » en matière de défense, vous paraît-elle avoir encore quelque avenir ?
Par ailleurs, comment se présente aujourd'hui l'ordre du jour souhaitable, mais aussi le calendrier prévisible, de la prochaine conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions, préalable nécessaire - et, je le rappelle, consacré dans notre loi nationale - à un nouvel élargissement de l'Union européenne ?
Sur ce sujet de l'élargissement - qui est sans doute celui qui fera courir le plus grand risque à la cohésion de l'Union -, notre approche, partagée désormais, je crois, par la Commission, s'abstient de fixer prématurément une date pour l'adhésion des futurs membres. Mais cette position est-elle vraiment partagée par nos partenaires ?
Enfin, les chefs d'Etat et de gouvernement devront nécessairement prendre position sur la crise tchétchène, en particulier sur les traitements inacceptables infligés aux populations civiles. Au moment où l'Armée rouge poursuit son offensive, avec - je le relève - le plein soutien de Pékin, je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez aujourd'hui faire devant le Sénat le point de la position française sur cette situation dramatique.
M. Emmanuel Hamel. Dramatique !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Je conclurai, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en redisant que je demeure convaincu qu'à l'heure de la mondialisation c'est l'Union européenne qui offrira le meilleur cadre à l'épanouissement de notre nation et à la promotion de nos valeurs.
Ces valeurs sont celles d'une France rayonnante et ouverte sur le monde, qui trouvera dans l'Europe un puissant multiplicateur de son influence internationale dès lors qu'elle voudra et saura convaincre ses partenaires.
C'est pour qu'ils soient mis, malgré les insuffisances que j'ai relevées, au service de cette diplomatie ambitieuse que nous voterons, monsieur le ministre, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances au titre du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 13 minutes.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos là où s'est achevé celui de M. le ministre des affaires étrangères, c'est-à-dire, comme il se doit, par quelques réflexions sur le budget qui nous est présenté ce soir.
Le budget du ministère des affaires étrangères, avec près de 21 milliards de francs de crédits, soit 1,25 % des charges totales de l'Etat, ne constitue pas un budget particulier. Toutefois, le « cru » 2000 marque l'arrêt de la chute des moyens, qui était constante ces dernières années. Ce budget permet d'enrayer le déclin et fait même apparaître une légère progression, de l'ordre de 170 millions de francs, ce qui doit permettre notamment d'arrêter la chute des effectifs.
Une des nouveautés de ce budget réside dans la création de 92 emplois dégagés par des redéploiements internes après la fusion avec les services de la coopération.
Grâce à cette fusion et à la rationalisation de la gestion, les dépenses de fonctionnement sont réduites à 2 % tandis que d'importants investissements seront engagés pour poursuivre une politique de modernisation et achever, notamment, la construction d'ambassades à Berlin et à Pékin, la réhabilitation du palais Farnèse à Rome et la réouverture éventuelle de notre consulat à Annaba lorsque les problèmes de sécurité actuellement en discussion auront été résolus avec les autorités algériennes.
Le budget pour 2000 du ministère des affaires étrangères s'inscrit donc dans la réalisation des actes prioritaires définis par le Gouvernement, à savoir affirmer le rôle de la France dans les instances multilatérales - ce qui correspond à l'augmentation de 3 % des contributions volontaires destinées à des organismes internationaux -, soutenir l'aide au développement et à l'action humanitaire, promouvoir notre rayonnement culturel et la francophonie - priorité est donnée à la formation et à l'audiovisuel extérieur - et, enfin, développer l'aide aux Français de l'étranger, avec une hausse de 7 % des bourses scolaires allouées aux enfants français par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et une hausse des crédits destinés à l'assistance aux Français en difficulté.
L'ensemble peut naturellement être jugé insuffisant, mais je considère qu'il est malgré tout positif. Il faut seulement souhaiter que ce budget soit l'amorce d'un redressement nécessaire et non pas seulement une accalmie dans une régression qui devenait préoccupante compte tenu des légitimes ambitions que nous pouvions avoir quant au rôle international de la France dans le monde.
Je voudrais maintenant, comme il est de tradition lors de la discussion du budget du ministère des affaires étrangères, évoquer brièvement quelques problèmes qui occupent l'actualité internationale.
Je commencerai par celui qui est aujourd'hui le plus angoissant, à savoir la guerre à outrance que mène la Russie en Tchétchénie et qui, sous prétexte de combattre un terrorisme qui existe certainement - nous ne le nions pas - écrase sous les bombes des populations civiles innocentes.
Cette guerre que mènent le président Eltsine et le Premier ministre Poutine n'est évidemment pas sans lien, nous le savons déjà depuis quelques semaines, avec les élections législatives prévues pour le 19 décembre en Russie.
Les opérations militaires en Tchéchénie ont sans doute permis au pouvoir actuel de reprendre des forces, dans la mesure où il semble que l'opinion russe y soit favorable. Il est significatif, en tout cas, qu'aucun responsable important politique russe n'ait pris position contre cette guerre.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Claude Estier. Nous avons rencontré récemment M. Primakov à Paris et, bien qu'il soit en opposition avec le Kremlin, il n'a fait qu'approuver l'action menée contre les Tchéchènes, même s'il a souhaité que les populations civiles n'en soient pas trop les victimes, ce qui est un voeu pieux.
Les pressions exercées par les Occidentaux, notamment par la France, sur la Russie pour qu'elle s'oriente vers une solution politique sont restées, jusqu'à présent, sans effet. Moscou refuse toujours une véritable médiation, y compris de l'OSCE, et les Etats-Unis, il faut bien le dire, ne semblent pas vouloir s'engager très loin.
J'ai eu l'occasion d'assister, il y a trois semaines, au sommet de l'OSCE à Istanbul et j'ai été frappé, comme la plupart des observateurs, par l'intervention très modérée - c'est le moins qu'on puisse dire - du président Clinton, qui suivait celle, extrêmement dure, du président russe.
Une charte de la sécurité a finalement été signée lors de ce sommet d'Istanbul, mais cela n'a pas modifié d'un iota le comportement de Moscou, à cette réserve près de l'acceptation d'une visite sur le terrain du président en exercice de l'OSCE.
Il faut bien voir que, si les engagements pris en cette circonstance devaient rester sans suite, il s'agirait aussi d'un mauvais coup porté à l'OSCE et d'un fâcheux précédent pour l'avenir du règlement des conflits en Europe.
Devrons-nous, à l'avenir, accepter que, pour des pays membres de l'OSCE, d'autres conflits interétatiques ou au sein d'un même Etat se règlent aussi brutalement et militairement, au mépris des engagements signés ? De tout cela, il va être question ce week-end au sommet d'Helsinki, où l'on peut espérer l'expression d'une plus grande fermeté de la part de l'Union européenne.
Nous voulons - je le répète - vivre en paix avec la Russie. Nous ne mettons pas en cause son intégrité territoriale, mais nous devons le dire : la Russie d'aujourd'hui nous inquiète et son avenir nous préoccupe.
M. Daniel Hoeffel. Très bien !
M. Emmanuel Hamel. Cela n'a pas changé !
M. Claude Estier. Permettez-moi quelques mots sur l'Organisation des Nations unies, dont la situation financière empire d'année en année du fait du non-paiement par certains grands pays de leur dette à son égard. Les Etats-Unis mènent - on l'a dit souvent, mais c'est toujours vrai - une politique désastreuse et lourde de conséquences d'autant que, tout en critiquant ce qu'ils appellent l'inefficacité de l'Organisation, ils continuent à vouloir faire la loi au Conseil de sécurité,...
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très juste !
M. Daniel Hoeffel. Tout à fait !
M. Claude Estier. ... comme on le voit actuellement à propos de l'embargo contre l'Irak.
M. Daniel Hoeffel. C'est exact !
M. Claude Estier. Je me félicite, à ce sujet, de la position prise par la France, qui a refusé de voter une résolution tout à fait inacceptable.
L'Organisation des Nations unies doit faire face à un nombre croissant d'opérations de maintien de la paix avec des moyens toujours insuffisants, alors qu'elle est par définition l'organisation la plus qualifiée pour intervenir dans la prévention et dans la gestion des conflits.
Je constate avec satisfaction que les crédits prévus dans ce budget vont permettre à la France de s'acquitter scrupuleusement de sa cotisation à l'ONU, où notre pays - je tiens à le dire - jouit d'ailleurs d'une grande autorité. J'ai ainsi pu assister, il y a quelques semaines, à New York, aux élections au conseil économique et social, l'un des organismes importants de l'ONU. La France est arrivée largement en tête du scrutin, l'emportant haut la main dès le premier tour, ce qui n'a pas été le cas pour plusieurs autres grands pays.
Je ne reviendrai pas sur la préparation de la présidence française de l'Union européenne, ni sur les négociations entre les Quinze en prélude à l'élargissement. J'ai entendu ce qu'en a dit tout à l'heure devant nous le ministre des affaires étrangères avant de partir pour le sommet d'Helsinki. Sur ces problèmes, au demeurant fort complexes, nous aurons certainement l'occasion de débattre abondamment dans les prochains mois.
Au Proche-Orient, après des années de blocage, le processus de paix a redémarré. Le 17 mai 1999, les électeurs israéliens ont porté à la tête du gouvernement de leur pays un homme, M. Ehud Barak, qui se veut l'héritier d'Itzhak Rabin. L'espoir d'une solution négociée du conflit israélo-palestinien et d'une reprise des négociations entre Israël et la Syrie et entre Israël et le Liban existe de nouveau. Mais le chemin à parcourir est encore long et la route semée de beaucoup d'embûches, tant les positions des uns et des autres sont éloignées, que ce soit sur la question du statut final des territoires palestiniens ou sur le démantèlement des colonies israéliennes, sans même parler du statut de Jérusalem.
Entre Israël et la Syrie, les conditions pour une reprise des négociations semblent maintenant être réunies et les choses commencent à bouger si l'on en croit les derniers propos tenus par Mme Albright, M. Védrine nous l'a confirmé tout à l'heure.
Entre Israël et le Liban, le retrait des forces israéliennes du Liban-Sud avant juillet 2000, confirmé par M. Barak, risque de créer une situation explosive, et donc dangereuse pour l'ensemble du processus de paix, si ce retrait ne s'inscrit pas dans le cadre d'un accord global entre Israël et le Liban.
La question de la présence palestienne au Liban doit aussi être abordée. Nous savons que la France est très attachée à ce que le processus de paix se poursuive favorablement. M. le ministre des affaires étrangères s'est rendu récemment plusieurs fois dans la région, et notre pays y jouit d'une sympathie et d'une crédibilité qui pourront être fort utiles dans l'avenir.
Mes chers collègues, je voudrai terminer par un autre sujet de préoccupation qui nous concerne encore plus directement, je veux parler de la situation en Algérie.
J'ai eu l'occasion, ces dernières semaines, d'effectuer deux courts séjours à Alger. Le premier, avec le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, M. Huwart, à l'occasion de la Foire d'Alger, m'a permis de constater que les entreprises françaises étaient nombreuses à vouloir revenir travailler en Algérie.
Le second séjour - c'était la semaine dernière, aux côtés du président Christian Poncelet et du président Xavier de Villepin - nous a permis de mesurer l'importance que les dirigeants algériens, et d'abord le tout premier d'entre eux, le président de la République Abdelaziz Bouteflika, accordent à ce qu'ils appellent la « refondation » des relations algéro-françaises. C'est un point, à mes yeux, extrêmement positif, mais qui ne nous dispense pas de nous poser des questions sur la situation en Algérie.
Après une campagne courageuse, au cours de laquelle il a brisé beaucoup de tabous, le président Bouteflika a fait adopter massivement par référendum, le 16 septembre dernier, la loi dite de la « concorde civile », qui offre aux membres des groupes armés des conditions de reddition honorables jusqu'au 13 janvier. Mais, à ce jour, le nombre de « repentis » atteint à peine un millier, et les attentats ont repris, comme chaque année à l'approche de la période du ramadan, ce qui n'est évidemment pas favorable à l'implantation d'entreprises étrangères.
Par ailleurs, le président Bouteflika, trois mois après le référendum, n'a toujours pas été en mesure de constituer un nouveau gouvernement, alors que c'était un de ses principaux objectifs. Il ne nous a pas caché, dans le long entretien que nous avons pu avoir avec lui, qu'il se heurtait à des blocages qui viendraient moins de l'armée que du personnel politique en place. Il reste que la population algérienne commence à éprouver un sentiment d'immobilisme d'autant plus dangereux qu'il succède à une période d'espoir d'une paix retrouvée.
Il ne s'agit évidemment pas pour nous d'intervenir en quoi que ce soit dans les affaires intérieures de l'Algérie, mais nous pouvons donner quelques signes au sujet de problèmes dont la solution est attendue par les Algériens, qu'il s'agisse de l'augmentation actuelle du nombre des visas délivrés ou de la reprise des vols d'Air France vers Alger, alors que d'autres compagnies européennes y sont déjà revenues.
Je ne veux pas, à cette heure tardive, être trop long mais, en terminant, je voudrais dire, monsieur le ministre, que le groupe que je préside soutient activement l'action menée par le ministère des affaires étrangères, action dont j'ai pu constater, au cours de mes déplacements récents, à quel point elle est unanimement appréciée.
Monsieur le ministre, vous nous présentez ce soir une politique et un budget ; nous soutenons votre politique, nous approuvons votre budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de votre budget devant le Sénat me donne l'opportunité de vous entretenir de certains de mes compatriotes français à l'étranger qui sont en situation de précarité.
La paupérisation croissante des communautés françaises expatriées est d'ailleurs bien connue par le Gouvernement puisqu'un rapport a été confié à ma collègue Mme Cerisier-ben Guiga, sur l'exclusion sociale dans les communautés françaises de l'étranger.
Dans ce contexte, j'entends poursuivre l'action à laquelle je me suis attaché depuis que je les représente au Sénat : leur assurer une protection sociale décente et similaire à celle que leur accorderait notre pays s'ils résidaient sur le territoire métropolitain. C'est une entreprise de longue haleine, car l'éloignement géographique des Français de l'étranger fait que, trop souvent, ils sont oubliés.
En ce qui concerne votre ministère, vos voyages et vos rencontres, monsieur le ministre, avec nos compatriotes vous ont permis de mieux cerner cette réalité et de prendre un certain nombre de mesures à leur égard.
C'est ainsi que, sous votre impulsion et celle de la direction des Français à l'étranger, le fonds d'assistance créé en 1977 sous le gouvernement de M. Raymond Barre a connu l'an dernier une hausse de 10 millions de francs. Pour mes collègues de métropole et des DOM-TOM, moins au fait que vous de la situation des Français de l'étranger, permettez-moi de rappeler que ce fonds d'assistance permet d'accorder aux Français expatriés âgés ou handicapés nécessiteux des aides similaires au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes handicapés.
Pour l'an 2000, le projet de loi de finances qui nous est proposé prévoit une hausse globale de 4,7 millions de francs pour l'assistance aux Français de l'étranger.
Si je me félicite de cette nouvelle augmentation qui permettra de nouveau à la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, au sein de laquelle je représente le Sénat, d'actualiser le taux des allocations de solidarité ou pour handicapés, je regrette néanmoins que l'effort entrepris l'an dernier ne se poursuive pas au même rythme.
Si, comme je le préconise depuis plusieurs années, nous avions pu bénéficier d'une nouvelle hausse chaque année de 10 millions de francs - et ce pendant encore trois à quatre ans - cela nous aurait permis d'apporter des réponses concrètes à nos compatriotes expatriés les plus défavorisés. Je pense en particulier aux allocataires du fonds d'assitance dont les ressources très faibles ne leur permettent pas d'adhérer à une couverture maladie comme celle qui est proposée par la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger que je préside.
La solution pour ces personnes passe, comme en France, par l'expression de la solidarité de l'Etat qui, dans ce cas particulier, est représenté par votre ministère.
N'oublions pas qu'en France les minima sociaux tels que le minimum vieillesse ou l'allocation aux adultes handicapés sont assortis de prestations complémentaires diverses et que, surtout, leurs titulaires vont bénéficier de la couverture maladie universelle, alors que les allocations consulaires ne bénéficient, quant à elles, d'aucun complément, si ce n'est à titre exceptionnel comme les aides des sociétés de bienfaisance.
Il est anormal et injustifié que les Français de l'étranger n'aient pas les mêmes droits que nos compatriotes de métropole. Les droits ne peuvent être assurés par la seule caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, qui est une caisse d'assurances volontaires. D'ailleurs, ce ne sont pas les caisses de sécurité sociale qui en métropole assurent cette solidartié. Elle doit être assurée par l'Etat : ce dernier apportant aux plus défavorisés les moyens de régler leurs cotisations à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger qui leur apportera des prestations identiques à celles des autres assurés. Cela passe, je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises à cette tribune, par une augmentation régulière et importante du fonds d'assistance de votre ministère, et c'est une des raisons pour lesquelles j'aurais souhaité que la hausse prévue pour 2000 soit plus importante.
La seconde raison qui me conduit à regretter l'accroissement limité de cette ligne budgétaire concerne les enfants handicapés.
C'est un sujet douloureux pour de nombreuses familles expatriées. Là encore, l'expatriation peut être source de discrimination car, si en métropole, ces enfants bénéficient d'une allocation fixe mensuelle comme l'allocation d'éducation spéciale, à laquelle peut s'ajouter l'aide pour tierce personne, ainsi que de la couverture médicale et l'accès à de nombreux établissements spécialisés, il n'en va malheureusement pas de même hors de nos frontières car, dans de nombreux pays étrangers, ils n'ont pas accès à ce type de couverture ou de structure.
Prenant acte de cette situation, la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, dans sa réunion du 24 février 1999, a décidé, sur ma suggestion, d'aller au-delà des instructions ministérielles pour les enfants présentant des handicaps lourds.
C'est ainsi que mes collègues du Conseil supérieur des Français de l'étranger, les représentants des associations de Français de l'étranger, les représentants de votre ministère et moi-même avons jugé que 107 enfants handicapés devaient bénéficier d'une aide allant de 688 francs à 1 400 francs par mois. Ce que nous avons fait là doit ouvrir la voie à une réforme plus profonde et plus vaste des aides apportées aux enfants handicapés résidant à l'étranger.
Votre réponse à ma question écrite du 5 novembre 1998 sur ce sujet ne me satisfait pas totalement, car elle ne fait que citer ce que nous avons fait dans le cadre de la commission permanente, sans susciter de perspectives d'ajustement des textes.
Le troisième point que je souhaite aborder est l'assistance en Europe.
Nos compatriotes qui vivent dans les pays de l'Union européenne s'étaient vivement émus l'an dernier de l'annonce de la suppression des aides qui leur étaient accordées au titre du fonds d'assistance. En effet, s'agissant d'aides non contributives, les institutions européennes et le Conseil d'Etat avaient demandé à la France de se mettre en conformité avec la législation européenne, laquelle prévoit que c'est au pays de résidence d'attribuer des aides équivalentes au minimum vieillesse ou aux allocations aux adultes handicapés.
Depuis, les choses ont été clarifiées et grâce à l'action de la direction des Français à l'étranger et de nos représentants dans les pays membres, nos compatriotes ont été rassurés : ils ont été incités, à juste titre, à demander les aides locales de leur pays de résidence et, lorsque celles-ci sont inférieures au taux des allocations fixées par la commission permanente, nos postes leur verseront une allocation d'un montant égal à la différence constatée.
Récemment, me rendant en Espagne, où ce problème avait engendré des remous très vifs, j'ai pu constater que la situation se normalisait et était en voie d'apaisement.
Enfin, avant de conclure, permettez-moi d'évoquer la question des sociétés françaises de bienfaisance.
A l'origine, lors de la création du fonds d'assistance en 1977, une question s'était posée quant au subventionnement des sociétés de bienfaisance qui aidaient ceux de nos compatriotes qui ne pouvaient prétendre aux aides de votre ministère.
Toutefois, devant le nombre de plus en plus important de Français en difficulté et devant l'incapacité de nos postes à aider ces derniers en raison du gel, voire de la diminution en francs constants des crédits d'assistance de votre ministère, les sociétés de bienfaisance ont été amenées à se substituer de plus en plus souvent aux consulats et à intervenir plus fréquemment.
Devenues un complément indispensable des aides consulaires et ne disposant pas toujours des fonds nécessaires, elles peuvent obtenir des subventions du ministère, et c'est ainsi qu'en 1998 près de cent sociétés de bienfaisance ont bénéficié de plus de 4,4 millions de francs.
En contrepartie, nous assistons à un interventionnisme croissant des consulats et des comités consulaires pour la protection sociale dans leur gestion, lesquels contrôlent désormais de façon stricte non seulement l'utilisation des fonds publics dont elles bénéficient, ce qui est normal, mais vont souvent au-delà en demandant à ce que bilans et comptes leur soient communiqués.
Les sociétés de bienfaisance prennent cela pour une mise sous tutelle et le ressentent d'autant plus mal lorsque l'aide publique est minoritaire, voire minime, dans leur budget.
Au moment où tous s'accordent pour reconnaître unanimement que les sociétés de bienfaisance servent efficacement de relais à nos postes consulaires dans le domaine social, et ce en raison principalement de la souplesse de leur gestion, il est paradoxal de constater que beaucoup de ces même postes prennent prétexte du contrôle légitime de l'utilisation des fonds publics pour encadrer ces associations et s'immiscer dans leur gestion et leur action.
Je comprends qu'il faille vérifier qu'il n'y ait pas de détournement de l'aide de l'Etat, mais la quasi-totalité d'entre elles font une oeuvre remarquable à l'égard de nos compatriotes expatriés ; il ne faudrait donc pas les décourager ni entraver leur action par un interventionnisme trop important.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'action envers les Français de l'étranger les plus démunis constitue une priorité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, certes, va dans le bon sens, mais il ne va pas assez loin pour permettre la mise en oeuvre de la solidarité telle que nous le concevons à leur égard et dont je vous ai exposé les principaux axes. L'effort important de redressement entrepris en 1999 est plus limité cette année ; nous aurions aimé mieux. Souhaitons que l'an prochain vous repreniez ce mouvement et que vous l'amplifiiez. Nos compatriotes expatriés l'attendent. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profiterai de la discussion du budget des affaires étrangères pour évoquer la situation dramatique à laquelle le peuple irakien est aujourd'hui confronté.
Neuf ans après la guerre du Golfe, l'Irak fait toujours l'objet d'un embargo quasi total de la part de la communauté internationale.
Imposée par les Nations unies à une époque où l'Etat irakien avait violé ses obligations internationales, la situation politique a depuis lors profondément changé. Plus rien ne justifie aujourd'hui l'embargo sur l'Irak. Bien au contraire, tout plaide en faveur de sa suppression.
A l'heure de la mondialisation, alors que tout le monde s'accorde à reconnaître les vertus de l'échange généralisé entre les différentes parties de la planète, quelle est la légitimité d'une mesure dont le ressort fondamental est l'exlusion ?
Au moment où s'engagent de nouvelles négociations commerciales internationales, alors que la préoccupation commune des Etats est de développer, partout dans le monde, la richesse des populations, d'assurer leur bien-être et leur progrès social, qu'est-ce qui justifie le maintien d'une mesure qui appauvrit un peuple entier, le livrant à la misère et à la famine ?
Le compromis « pétrole contre nourriture », imposé par la résolution 986 des Nations unies et entré en vigueur depuis décembre 1996, devait permettre à l'Irak de vendre du pétrole en quantité suffisante afin de subvenir aux besoins les plus vitaux de sa population. Il est aujourd'hui unanimement reconnu, tant sur le plan sanitaire qu'alimentaire, que tel n'est pas le cas.
Le peuple irakien est confronté, chaque jour davantage, à un extrême dénuement : une population sous-alimentée, affaiblie par l'absence de soins médicaux suffisants ; une mortalité infantile croissante, gonflée par le manque de médicaments indispensables.
En frappant les classes les plus défavorisées et les plus faibles, l'embargo bafoue les règles les plus élémentaires de l'humanité, notamment la première d'entre elles : le respect du droit à la vie.
Que penser, aussi, de l'utilisation par les occidentaux d'armements à uranium appauvri, lors des bombardements qui ont fait suite à l'invasion du Koweït ?
On en mesure à peine aujourd'hui toutes les conséquences dramatiques. Les cas de cancer et de leucémie ne cessent de se multiplier. La guerre du Golfe ne fut pas si propre. Les commissions d'enquête ne cessent de confirmer la contamination des personnes, des eaux, de la végétation, des animaux et de l'air en Irak, au Koweït et dans les pays limitrophes. Le nombre de victimes, déjà considérable - certaines estimations font état d'un million et demi de victimes depuis dix ans - n'a pas fini de croître.
A tout cela, peut-on rester indifférent ? A l'aube du troisième millénaire, l'humanité ne s'enorgueillerait-t-elle pas de redonner à un pays entier toute sa dignité et toute son indépendance ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette situation est d'autant plus inacceptable qu'elle procède quasi exclusivement de la volonté politique des Etats-Unis, quand ce n'est pas de celle des lobbies pétroliers qui cherchent à évincer l'Irak de la compétition internationale.
Les Etats-Unis, jouant de l'influence prépondérante qu'ils exercent au sein des Nations unies, diabolisent l'Irak afin de justifier leur ingérence dans les affaires intérieures de cet Etat. Véritable bouc émissaire des Américains, l'Irak nourrit tous les fantasmes, exacerbe toutes les angoisses, sert d'exutoire à toutes les peurs.
Une vision aussi barbare, au sens fort du terme, n'avait pas prévalu depuis longtemps sur la scène internationale ! Les vieilles peurs millénaristes resurgissent en cette fin de siècle avec une vigueur rarement égalée : la peur de l'étranger, le rejet de l'autre en tant qu'il est différent. Il faut le déplorer.
L'Irak ne dispose plus d'un armement atomique, chimique et bactériologique susceptible de peser sur le Moyen-Orient. Si la démocratie doit encore progresser, l'Irak n'est plus un terrain politique miné, facteur d'instabilité et de désordre.
Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies s'apprête à adopter une résolution globale sur l'Irak, il faut exiger la levée de l'embargo, la suppression des contrôles exercés par l'UNSCOM et la fin des raids quasi quotidiens des avions américains et britanniques dans le nord et le sud du pays.
Il est temps de réintégrer l'Irak au sein de la communauté internationale, de respecter les droits fondamentaux de cet Etat souverain.
La France doit veiller à ne pas se décrédibiliser, en cédant aux pressions américaines et britanniques. Elle doit s'opposer à toute reconduction du programme « pétrole contre nourriture ». Elle doit dénoncer tout projet de résolution prévoyant le retour en Irak d'experts en désarmement, en échange d'une suspension de l'embargo économique. La suspension des sanctions imposées à l'Irak doit être dissociée de la reprise du contrôle sur son désarmement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je terminerai mon intervention en appelant votre attention sur un pays d'Europe qui est en quête de stabilité. Je veux parler, bien sûr, de l'Albanie, dont les retards économiques et la grande pauvreté ne cessent de s'accroître.
L'an passé, dans cet hémicycle, je rappelais combien il était important pour notre pays, ainsi que pour les autres membres de l'Union européenne, d'apporter un soutien technique et économique à l'Albanie. Nous ne pouvions pas laisser dégénérer une situation politique et économique sur le continent européen. Nos intérêts stratégiques et notre crédibilité internationale pouvaient s'en trouver affectés.
De ce point de vue, je me réjouis d'avoir été en partie entendu. La Commission européenne vient en effet d'adopter un rapport visant à étudier la faisabilité de la négociation d'un accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie. Fondamentalement, il s'agit d'instaurer avec ce pays des liens provisoires avec l'Union européenne, en attendant une adhésion future.
Les efforts doivent être poursuivis, car la tâche n'est pas aisée. Confrontée à un manque de sécurité et d'ordre public manifeste, gangrénée par une corruption chaque jour plus généralisée, handicapée par la faiblesse générale de son économie, l'Albanie doit faire face à de graves problèmes. La guerre du Kosovo n'a pas simplifié la situation.
Pourtant, malgré toutes ces difficultés, le Gouvernement et le peuple albanais n'ont pas ménagé leurs efforts pour s'engager sur la voie des réformes. J'aimerais aujourd'hui leur rendre hommage. J'aimerais que la représentation nationale se joigne à moi pour les assurer du soutien de la France et les encourager à poursuivre leur action. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an 2000 marquera l'arrêt du recul du budget du ministère des affaires étrangères pour la première fois depuis cinq ans. Faut-il pour autant se satisfaire de l'augmentation de 0,64 % proposée, alors que l'inflation est de 0,90 % et que le taux de change du dollar se situe à 6,40 francs quand la base de calcul du présent budget retient 5,83, soit 11 % de différence en notre défaveur, pour toutes les dépenses en devises étrangères ?
Dans ces conditions, il est bien difficile de faire du triomphalisme, d'autant que la part des affaires étrangères dans le budget de l'Etat est réduite à 1,25 % contre 1,68 % en 1993 et qu'il en est de même des crédits totaux de l'action extérieure de la France qui s'établiront à 54 milliards de francs l'an prochain, soit 2 % de moins qu'en 1999.
Le budget des affaires étrangères ne constitue donc plus un budget prioritaire pour notre pays, situation que j'estime très préjudiciable alors que de nombreuses missions nouvelles lui incombent, en plus de la simple mission diplomatique, du fait de la mondialisation et de la naissance de nouvelles nations.
Je citerai tout d'abord l'aide au développement, pour laquelle la France consacre un des pourcentages les plus élevés de son produit national brut parmi les grandes nations, mais qui nécessite encore plus de moyens pour permettre aux pays les plus pauvres de décoller.
J'évoquerai ensuite la coopération culturelle, scientifique et technique, est considérée aujourd'hui comme l'action la plus efficace en faveur des pays émergents. A ce sujet, est-il possible, monsieur le ministre, d'accélérer le vote de la loi sur le volontariat civil en coopération internationale, qui a été adoptée à l'unanimité au Sénat après une mise au point laborieuse, et qui sera désormais la formule de coopération des jeunes à l'étranger ?
Je mentionnerai également quelques missions importantes des affaires étrangères.
Il s'agit d'abord de l'effort en faveur de la francophonie, avec la création du programme Eiffel, qui constitue un instrument nouveau pour attirer les meilleurs étudiants étrangers dans nos universités et nos grandes écoles.
Il s'agit aussi de l'action audiovisuelle extérieure, qui est le moyen de masse le plus efficace pour diffuser nos valeurs et maintenir notre position dans le monde, action sur laquelle nos partenaires, en particulier l'Angleterre et l'Allemagne, sont très performants. Je salue à ce sujet l'excellent travail de la présidence de TV 5-CFI assurée par Jean Stock.
Il s'agit encore de la participation aux contributions internationales que nous sous-estimons. Quatrième contributeur obligatoire des Nations unies, la France plafonne entre le dixième et le seizième rang des contributions volontaires. Comme membre permanent du Conseil de sécurité, notre pays se doit d'y maintenir une présence forte. De plus, de nombreux organismes internationaux se créent pour répondre aux besoins de la globalisation. La libéralisation progressive des échanges va nécessiter des règles et des contrôles importants, il faut éviter que la place de la France ne soit minimisée. N'est-il pas souhaitable, monsieur le ministre, d'avoir une représentation française plus importante aux Nations unies, surtout dans les hautes sphères ?
Il s'agit enfin des crédits pour les Français de l'étranger qui restent modestes. Notre pays encourage ses ressortissants, en nombre insuffisant à l'étranger, à s'expatrier pour le développement du commerce extérieur, pour l'exportation surtout joue un rôle de plus en plus important sur le marché de l'emploi en France. Les meilleurs marchés à l'extérieur sont les pays où nos ressortissants sont les plus nombreux.
Nos structures à l'étranger se doivent donc de répondre à leurs besoins nouveaux. Si le réseau d'établissements scolaires français à l'étranger est très étendu et de grande qualité, l'accès de nos écoles devient de plus en plus cher malgré l'effort consenti par le Gouvernement pour l'attribution de bourses aux familles françaises à revenus modestes. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas développer davantage les établissements scolaires en coopération avec nos partenaires européens, afin de partager les coûts de construction et de fonctionnement des écoles à l'étranger, comme cela se fait déjà à Taïwan et aux Philippines ?
Les consulats, qui délivrent les visas des hommes d'affaires et des touristes venant en France, ont de plus en plus de travail et de moins en moins de personnel.
Heureusement, je tiens à le souligner, le ministère des affaires étrangères dispose d'un excellent personnel à l'étranger, qui a une large expérience mondiale.
Aussi, le redéploiement de postes annoncé pour l'année prochaine est bienvenu, mais il devra s'accompagner d'une modernisation des moyens de communication pour faciliter les missions nouvelles. Il pourrait s'inspirer de ce que fait le Foreign Office britannique, qui développe considérablement son infrastructure mondiale de télécommunications, avec une communication vocale directe et protégée, des services de visioconférence, des courriers électroniques avec secret, des équipements de bureaux automatisés. Mme Albright demande aussi d'importants crédits nouveaux pour le ministère américain des affaires étrangères en insistant sur les raisons de sécurité.
De fait, la globalisation de notre planète creuse toujours davantage le fossé existant entre les pays riches et les pays pauvres, qui n'arrivent pas à décoller, comme les récents événements de Seattle en ont apporté la bruyante démonstration.
Toutes les missions que je viens d'évoquer sont donc indispensables pour contribuer, dans la mesure du possible, à la stabilisation du monde pour des raisons de solidarité et d'interdépendance.
Je voudrais enfin aborder deux points particuliers.
Le premier est relatif au patrimoine immobilier du ministère des affaires étrangères, qui contribue au prestige de notre pays.
En raison du coût élevé de son entretien, de sa rénovation et de la très grande extension de notre réseau diplomatique et consulaire - le deuxième au monde après celui des Etats-Unis - certains postes restent néanmoins installés dans des conditions inadéquates : je me réfère à des bureaux ou à des résidences en location qui ne peuvent être aménagés du fait de leur précarité. Or, la présence diplomatique française est par principe définitive et ne doit pas être sujette à de tels aléas.
Un problème de moyens se pose, certaines priorités, comme la construction de notre ambassade à Berlin, s'imposent, et les crédits restants sont toujours insuffisants pour financer plusieurs achats amortissables sur un seul exercice budgétaire.
La formule du crédit-bail, plus connu sous le nom de leasing, permettrait de contourner cette difficulté, en réalisant une location-achat des immeubles nécessaires, ou même en les faisant construire. A l'expiration du délai fixé, l'immeuble deviendrait la propriété de l'Etat, qui aurait éventuellement pu effectuer les aménagements, suivant ses besoins, dès sa signature.
Aucun obstacle juridique ne s'oppose à ce que cette formule, développée surtout aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon, ne s'applique à l'Etat français, qui pourrait contracter le crédit-bail à travers l'agence à l'étranger d'une grande banque française.
La même formule pourrait également être utilisée pour les nouveaux établissements d'enseignement français à l'étranger que le Gouvernement installe, par exemple, à Ankara, à Moscou ou à Milan. Ainsi, les soldes des crédits immobiliers du ministère permettraient la mise à disposition immédiate des locaux nécessaires à son bon fonctionnement. Que pensez-vous, monsieur le ministre, de cette formule, qui entrerait dans le cadre d'une modernisation de l'investissement public ?
Le second point particulier que je souhaite aborder concerne les indemnisations des biens des Français spoliés à l'étranger.
Dans ce domaine, notre administration n'a pas toujours donné la priorité qu'elle mérite aux demandes présentées par nos ressortissants victimes de nationalisations, de mainmises, de réquisitions de biens ou de titres leur appartenant, notamment. Je pense aussi aux spoliations de nos compatriotes en Tunisie, en Ethiopie et dans d'autres pays, qui n'ont pas été réglées de façon satisfaisante.
Par ailleurs, dans certains pays, nos ressortissants qui ont cotisé de longues années ne perçoivent pas aujourd'hui les arrérages correspondants.
D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou Israël, sont particulièrement actifs à ce sujet et, grâce à leur pugnacité, passent les premiers aux yeux des pays débiteurs. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'une meilleure attention pourrait être apportée à ces problèmes afin de clore rapidement et de façon satisfaisante ces contentieux ?
C'est l'image de la France qui est en jeu. Je citerai le cas des emprunts russes et du remboursement aux banques du Club de Londres de leur dette sous forme de titres amortissables sur vingt-cinq ans. Les porteurs français d'emprunts russes recevront 400 millions de dollars seulement de la Russie, qui représenteront moins de 1 % de leurs valeurs actualisées. Certes, il s'agit d'une indemnisation, mais celle-ci devrait couvrir l'ensemble du préjudice subi, qui concerne bon nombre de nos compatriotes.
Pour l'avenir, je ne saurais que féliciter nos pouvoirs publics pour les nombreux accords qu'ils signent avec les gouvernements étrangers relatifs à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements. Environ quatre-vingts accords bilatéraux sont en application et les textes récents représentent indéniablement une garantie contre ces formes de spoliations.
En conclusion, malgré les faiblesses que j'ai évoquées, je voterai votre budget pour l'an 2000, monsieur le ministre, en espérant que l'entrée dans le troisième millénaire provoquera un déclic salutaire et que l'on reconnaîtra l'importance de l'action extérieure de la France pour le prestige de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 octobre dernier, personne ne l'ignore aujourd'hui, la population mondiale a franchi la barre symbolique des 6 milliards d'habitants, soit le double de ce qu'elle était en 1960 et le quadruple de ce qu'elle était au début du siècle.
Certes, la croissance de la population mondiale se ralentit : son taux est passé de 2,4 % à 1,3 % en l'espace de trente ans. Pourtant, si la menace d'une « explosion démographique », que l'on redoutait il y a trente ans, s'éloigne, la population de notre planète continue encore à augmenter de 78 millions de personnes par an.
Dans son rapport annuel, le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population, le FNUAP, renouvelle ses mises en garde contre une croissance démographique anarchique qui entraverait le développement économique, déséquilibrerait un peu plus les conditions climatiques, dégraderait l'environnement et se traduirait, en définitive, par une aggravation des conditions de vie des populations concernées.
Plus que sur l'évolution globale de la population, les inquiétudes du FNUAP portent sur sa dimension qualitative. « La croissance démographique se situe principalement dans les pays les plus pauvres et les moins préparés au monde. Il dépendra des décisions et des mesures prises pendant la prochaine décennie, en matière d'éducation, d'égalité des sexes et de santé notamment, que la croissance démographique continue ou non à se ralentir et s'accompagne d'un surcroît de bien-être ou, au contraire, d'épreuves de plus en plus dures », note ainsi le FNUAP.
Ecoutez-bien : 80 % de la population mondiale vit en effet dans des pays en développement, qui représentent à eux seuls 95 % de la croissance démographique mondiale !
On mesure l'ampleur du défi lorsque l'on sait que les trois cinquièmes des 4,8 milliards d'habitants du tiers monde sont toujours privés d'hygiène élémentaire, que le tiers d'entre eux n'a pas accès à une eau salubre, que le quart seulement dispose d'un logement décent et le cinquième d'un accès à la santé.
Le facteur déterminant pour l'avenir sera donc la liberté de choix en matière de fécondité.
Il n'est heureusement aujourd'hui plus question de mesures autoritaires visant à réduire la natalité. Depuis la Conférence internationale sur la population et le développement, qui s'est tenue au Caire en septembre 1994, les programmes de population se fondent sur les droits en matière de procréation, c'est-à-dire le droit de décider librement du nombre de ses enfants et de l'espacement de leur naissance.
La mise en oeuvre de ce droit passe par des programmes « qui permettent aux femmes de mener à bien grossesse et accouchement et donnent aux couples toutes les chances d'avoir un enfant en bonne santé, quand ils le souhaitent », indique le plan d'action de la conférence du Caire.
L'objectif est donc d'accroître le bien-être de la population, notamment celui des femmes, en facilitant l'accès à l'éducation, aux soins et à la planification familiale.
Cinq ans après la conférence du Caire, un premier bilan de l'action des différents pays dans le domaine de la population a été dressé en juin 1999, lors d'une session spéciale de l'assemblée générale des Nations unies. Cette session a adopté un plan d'action qui constitue un pas en avant par rapport au programme du Caire, notamment en matière d'information sexuelle des adolescents.
Le plan d'action défini à New York reprend globalement celui du Caire sur la nécessité de promouvoir les droits des femmes, d'oeuvrer en faveur de leur éducation et de l'implication des hommes dans les choix reproductifs. Il précise en outre que les gouvernements sont invités à oeuvrer en faveur d'un accès universel à la contraception et aux méthodes de prévention des maladies sexuellement transmissibles, selon un calendrier précis.
L'année 1999 semble avoir marqué enfin un tournant dans l'attitude de la France en faveur des politiques de population, tournant dont nous devons nous féliciter.
Le Gouvernement a ainsi réaffirmé à maintes reprises son soutien aux politiques de population et sa volonté de participer à la réalisation des objectifs définis au Caire en 1994 : je pense notamment aux propos que vous avez tenus vous-même au Sénat, monsieur le ministre, devant notre groupe d'études « Démographie et population mondiale » en avril dernier, ainsi qu'à la déclaration de M. Bernard Kouchner devant l'Assemblée générale des Nations unies consacrée au bilan de la conférence du Caire.
L'année 2000 sera consacrée à l'évaluation quinquennale de la conférence de Copenhague, sur le développement social, et de celle de Pékin, sur les femmes. Dans la mesure où le lien entre développement social, statut des femmes et évolution démographique n'est plus à démontrer, je souhaite savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend profiter de ces évaluations quinquennales pour inscrire durablement les politiques de population au coeur de sa politique de coopération.
De même, la France va-t-elle continuer à inciter la francophonie à affirmer son projet politique, notamment en matière de développement social, et donc en faveur des politiques de coopération ?
La France a signé le 4 septembre dernier, en marge du sommet de la francophonie, un accord général de coopération avec le FNUAP ainsi que deux protocoles de cofinancement France-FNUAP de 5 millions de francs chacun au bénéfice de la Côte d'Ivoire et de Madagascar.
A cette occasion, vous avez déclaré que la signature de ces protocoles donnaient « un signal à nos amis des pays en développement : oui, la coopération française continue d'être à leurs côtés pour mettre en oeuvre leurs politiques en matière de population. Oui, elle fait alliance avec les grandes organisations internationales dont elle estime que leur coopération et leur savoir-faire donnent les meilleurs garanties de résultats ».
Je me réjouis de vos déclarations. L'effort qui a été ainsi accompli mérite d'être confirmé. Les deux programmes signés avec le FNUAP, d'une durée de quatre ans chacun, sont intégralement financés par le fonds de solidarité prioritaire - l'ancien fonds d'aide et de coopération - en 1999. Mais je souhaite savoir si le Gouvernement entend reconduire cette initiative en 2000 pour d'autres pays.
Je terminerai par une suggestion : ne pourrait-on pas utiliser l'annulation de la dette au profit du développement social ?
Lors du G.8 de Cologne, la France s'est montrée particulièrement favorable à l'annulation de la dette des pays en développement, initiative qu'il convient de saluer. Toutefois, les modalités de cette annulation, dont le principe est désormais acquis, restent à définir. S'agira-t-il d'un simple jeu d'écritures comptables entre ministères des finances ou, au contraire, d'un réel outil d'aide au développement ?
Pour être vraiment efficace, cette annulation de la dette devrait être conditionnée à la création de fonds de conversion destinés à relancer les politiques sociales qui ont trop souvent été les premières victimes des coupes budgétaires consécutives à la mise en place des fameux programmes d'ajustement structurel. Elle deviendrait ainsi un véritable outil incitatif d'aide au développement dans des domaines où les besoins des populations locales sont importants : éducation de base, développement durable, développement social, politiques de population... Choisir cette voie permettrait en outre de mieux assurer la réalisation effective des plans d'action adoptés lors des grandes conférences internationales du Caire, mais aussi de Pékin et de Copenhague.
J'aimerais connaître votre sentiment, monsieur le ministre, sur cette proposition.
Au terme de cette intervention, je souhaite, au nom du groupe d'études « Démographie et population mondiale », faire part de ma satisfaction de constater que nos appels répétés ont été enfin entendus par le Gouvernement et que des efforts significatifs ont été accomplis depuis l'année dernière.
Je vous invite, par conséquent, monsieur le ministre, à persévérer dans cette voie, afin que l'action de la France en matière de politiques de population fasse honneur à la tradition humaniste et généreuse de notre pays. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats sur le budget des affaires étrangères et de la coopération sont l'occasion, outre un examen attentif de l'évolution des crédits, d'une réflexion sur la politique internationale de la France et sur la situation du monde aujourd'hui.
Le budget des affaires étrangères pour 2000 traduit, pour la deuxième année, les conséquences de la fusion des affaires étrangères et de la coopération, mais le recul est encore insuffisant pour en dresser un bilan complet.
Nous pouvons cependant noter que la progression des crédits, même faible, et la stabilisation des effectifs rompent avec une régulière diminution des moyens du ministère. Etant intervenue l'an dernier longuement sur ce point, je note ce fait avec intérêt.
Sans idéaliser la situation, nous constatons régulièrement combien l'image de la France est positive dans le monde. C'est une richesse que nous devons préserver.
Nous souhaitons donc que notre pays consacre des moyens suffisants à sa politique étrangère : celle-ci doit pouvoir être à la hauteur des enjeux politiques internationaux. Elle doit aussi promouvoir nos intérêts économiques et commerciaux.
J'ajoute que la demande de renforcement des relations culturelles avec notre pays est quasi unanime et que nous ne pouvons l'ignorer.
Nous sommes à la veille d'un nouveau millénaire au cours duquel nous aurons, dans un monde toujours plus interdépendant et particulièrement instable, à construire un avenir plus pacifique, plus démocratique, où coopération et codéveloppement permettront à tous les peuples d'accéder à une meilleure répartition des richesses humaines.
Mais où en sommes-nous aujourd'hui ?
Le XXe siècle a été témoin de progrès scientifiques et technologiques impressionnants. Ces progrès sont réels, même si les violences et les guerres n'ont, dans le même temps, pas cessé.
Parallèlement à cette dynamique de progrès que l'on penserait favorable à tous, l'écart entre riches et pauvres continue de se creuser.
A ce sujet, le dernier rapport du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, publié cet été, a marqué les esprits. Un seul chiffre souligne l'ampleur du phénomène : les trois plus grosses fortunes mondiales, dont celle de Bille Gates, représentent près de l'équivalent du PIB des quarante-huit pays les plus pauvres.
Aujourd'hui, 120 millions d'individus vivent encore avec moins de un dollar par jour et plus de 1 milliard ne peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires. Notre collègue M. Lucien Neuwirth vient d'évoquer le problème.
Toujours selon le PNUD, il suffirait de moins de 4 % de la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes mondiales pour permettre à toute la population du globe de satisfaire ses besoins de base et d'avoir accès aux services sociaux élémentaires, comme l'éducation et la santé.
Rappelons ici que le sida a tué plus de 2 millions de personnes depuis le début de l'année pour la seule Afrique subsaharienne, faute de moyens investis dans la prévention et le traitement de la maladie.
Je tiens d'ailleurs à exprimer ici ma satisfaction quant au débat approfondi qui s'est déroulé au Sénat au sujet de l'instauration d'une taxation des mouvements internationaux de capitaux, dit taxe Tobin, les sommes dégagées devant être mises au service du développement social pour tous.
Je regrette, bien entendu, que cet amendement n'ait pas été adopté, mais je note que la conscience de la nécessité d'une réaction forte au diktat des marchés financiers grandit dans l'opinion, y compris au niveau des parlementaires.
Les opinions publiques commencent aujourd'hui à prendre conscience et à se mobiliser contre ces inégalités. L'intervention de la société civile au sommet de Seattle de l'OMC en est un témoignage. Grâce à cette mobilisation très importante, les négociations ont été bloquées et devront reprendre sur d'autres bases. La France y a joué un rôle actif, que nous apprécions.
« Le monde n'est pas une marchandise », ont scandé les manifestants s'opposant à l'OMC à Paris, Londres ou Seattle.
Je crois en effet que cette formule résume bien le tout premier défi du XXIe siècle : il est nécessaire d'inverser la tendance et de placer l'être humain et son épanouissement, partout sur la planète, au coeur de toute politique, et ce à la place de la seule logique financière qui prévaut aujourd'hui.
La mondialisation est nécessaire. Elle marque une étape de l'humanité. Mais, pour nous, cette mondialisation doit être synonyme de solidarité et de partage et non pas de mise en concurrence et de domination.
La présidence française de l'Union européenne, qui doit intervenir prochainement, pourrait être une occasion d'intensifier les efforts de coopération à l'égard des pays du Sud, mais aussi de l'Est, dans le cadre de l'élargissement.
A la veille du sommet d'Helsinki, où des décisions vont être prises par les gouvernements de l'Union européenne, il nous semble nécessaire que la France témoigne de la volonté de mettre en place une politique de codéveloppement avec les pays candidats à l'intégration, au lieu de promouvoir des mesures d'austérité dramatique pour les peuples concernés. Pour réorienter cette Europe, il faut obtenir une véritable démocratisation de son fonctionnement.
Les peuples européens souhaitent développer la coopération. Pour ce faire, il faut leur donner la parole et les entendre. Or, ce n'est pas totalement le cas aujourd'hui et la très faible participation aux dernières élections européennes le confirme.
Une véritable transparence du fonctionnement européen est nécessaire. Dans cette optique et à notre niveau, une meilleure information des parlementaires des différents pays devrait être favorisée. Avant tout conseil important, comme celui d'Helsinki, nous souhaiterions qu'un débat sur le contenu des discussions puisse être organisé au Parlement.
La guerre au Kosovo a indéniablement marqué l'année internationale. Ce conflit, d'une rare violence sur le continent européen, a mis notamment en évidence la relative impuissance de l'ONU face à la toute puissance américaine et à l'OTAN.
Le Kosovo et la Serbie sont aujourd'hui à reconstruire.
La France a, de toute évidence, un rôle efficace à jouer pour permettre aux Balkans de retrouver sécurité et stabilité.
Nous voulons, comme vous, favoriser l'émergence d'un Kosovo pluriethnique, respectueux des droits de chacun. Il est bien évident que l'aide à la reconstruction sera déterminante, y contribuera et favorisera l'instauration de la démocratie.
Je sais que la France n'est pas inactive et que, par ailleurs, la tâche du contingent français n'est pas facile, qu'elle est même parfois dangereuse.
Mais, monsieur le ministre, comment expliquer le non-respect des engagements tenus ? Nous assistons désormais à un véritable nettoyage ethnique inversé, dont les Serbes présents au Kosovo sont aujourd'hui des victimes ! Des milliers de policiers ont été annoncés, mais ils sont très peu sur le terrain et manquent cruellement. Des millions de dollars ont été promis, mais l'argent fait encore défaut pour la reconstruction, condition essentielle de la paix. Cette situation est, à nos yeux, totalement inacceptable.
En ce qui concerne la Tchétchénie, les nouvelles qui nous parviennent sont particulièrement graves : après trois mois d'interventions militaires, les responsables russes viennent d'adresser un ultimatum à la population tchétchène de Grozny. Celle-ci a jusqu'au samedi 11 décembre pour évacuer la capitale. Les habitants, soldats et civils, ayant décidé de rester ou n'ayant pas pu partir seront « considérés comme terroristes et anéantis par l'artillerie et l'aviation ».
Pour nous être clairement opposés aux bombardements au Kosovo et en Serbie, nous demandons que les pays européens obtiennent du Président Eltsine le retrait de cet ultimatum.
Sans négliger l'importance de la complexité des problèmes du Nord-Caucase, les pays occidentaux, qui ont apporté un soutien sans faille depuis des années au président russe, se doivent d'obtenir de celui-ci l'arrêt des bombardements et l'autorisation de l'organisation d'une aide humanitaire pour la population.
M. le ministre des affaires étrangères nous a tout à l'heure indiqué que le Conseil d'Helsinki allait intervenir dans ce sens. Nous espérons que ce sera avec succès.
Il nous paraît important d'oeuvrer ensuite pour un règlement politique de cette question. L'OSCE - Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - pourrait jouer, dans cette optique, un rôle majeur. Nous estimons que, face à la toute puissance de l'OTAN, cette organisation doit être renforcée. Pour nous, l'OSCE doit proposer, selon ses principes, une nouvelle conception de la sécurité qui ne serait pas réduite à sa seule dimension militaire, mais intégrerait le développement, la démocratie, le social, l'environnement. Associée à une diplomatie préventive et à une stratégie de règlement politique des conflits, ce serait un nouvel outil pour une conception nouvelle des relations internationales, plus « civilisées ».
La France a également un rôle déterminant à jouer en matière de coopération avec les pays méditerranéens. Nous aurons à construire en 2000 avec nos partenaires européens et méditerranéens un nouveau projet de coopération euro-méditerranée. La France devra, selon nous, faire pression afin que cette coopération soit réellement au service des peuples.
Notre pays entretient des liens historiques avec l'Algérie. Nous ne pouvons nous désintéresser de son avenir et des relations bilatérales entre nos deux pays.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, que la compagnie Air France reprendra, rapidement, comme l'ont déjà fait d'autres compagnies, ses vols directs avec Alger ?
Pour faciliter la reprise du développement de l'économie algérienne, l'annulation de la dette serait un signe fort. Pouvons-nous envisager cette éventualité à court terme ?
Je voudrais également aborder une question qui me touche particulièrement : la question du Proche-Orient.
Après l'élection en mai de M. Barak, partisan d'une relance du processus de paix, et son engagement d'appliquer les conclusions de Charm El-Cheikh, l'espoir était permis. Des décisions ont d'ailleurs été mises en application.
Mais des inquiétudes grandissent de nouveau. Les retards pris par son gouvernement sur l'application de l'accord intérimaire concernant le retrait israélien des territoires cisjordaniens et la poursuite de la politique de colonisation apparaissent comme des menaces graves contre le processus de paix. On ne peut qu'être préoccupé devant l'attitude du gouvernement israélien refusant d'interdire cette colonisation, vécue comme une provocation.
La France et l'Europe devront s'engager plus fortement pour faire respecter les accords signés. Les partisans de la paix au Proche-Orient en sont convaincus.
Revenant avec une délégation sénatoriale d'un court séjour en Israël, je peux témoigner de l'inquiétude d'observateurs indépendants face à l'arrêt des discussions entre Israéliens et Palestiniens. Si nous saluons la reprise des négociations entre Israël et la Syrie, une paix juste et durable au Proche-Orient ne sera possible que si les droits des Palestiniens sont pris en compte et respectés à chaque étape des négociations. Notre pays, concerné par le projet euro-méditerranéen, qui va être relancé prochainement à Marseille, doit avoir conscience de l'importance de cet enjeu. Il y va de la stabilité du Proche-Orient, mais aussi du développement et de la paix en Méditerranée.
En ce qui concerne l'Afrique, je suis également inquiète de l'évolution de la convention de Lomé organisant la coopération entre l'Europe et les pays du Sud. Nous savons que la poussée libérale tend à remettre en cause ces accords préférentiels. Qu'en est-il réellement et quelle sera l'attitude de notre pays ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne voulant pas être exhaustive, je n'aborderai pas des questions cruciales comme la lutte pour le désarmement ou l'environnement, mais je souhaite aborder encore la question de la francophonie.
Elle revêt en effet un relief tout particulier : la langue française, pratiquée par un peu plus de 250 millions d'habitants, participe de toute évidence à la lutte contre un monde unipolaire.
Notre langue est porteuse de valeur, du moins est-elle perçue ainsi par nombre de peuples.
La politique de notre pays en faveur de la francophonie constitue donc indubitablement l'un des éléments du combat pour la diversité culturelle dans le monde, pour l'exception culturelle en ce qui concerne l'Europe ; M. le ministre des affaires étrangères l'a dit tout à l'heure.
Avec celui de la radio et la télévision, le développement d'Internet constitue, de toute évidence, un défi considérable. Comment envisagez-vous, monsieur le ministre, la promotion de la présence du français sur Internet ?
Enfin, je tiens à souligner l'intérêt des mesures gouvernementales concernant l'accueil des étudiants étrangers en France.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen votera le budget des affaires étrangères et de la coopération. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permettrai ce soir de soulever deux problèmes qui devraient trouver un écho favorable à l'issue de nos discussions, ces problèmes dépassant largement nos appartenances partisanes.
Tout d'abord, il s'agit des services extérieurs de la France et, plus particulièrement, des services des visas, que notre excellent rapporteur a qualifiés de « parents pauvres des affaires étrangères ».
Comme le souligne son précieux rapport, le personnel affecté aux services des visas des sections consulaires à l'étranger n'est pas en nombre suffisant pour remédier à l'afflux des dossiers qu'ils ont à traiter. La faiblesse de son encadrement serait aussi un problème.
Ce manque d'effectif nuit considérablement à l'instruction des demandes de visas et spécialement lorsque l'on songe aux évolutions législatives de 1998, qui ont renforcé les droits et les recours des demandeurs.
L'explosion des recours et le surcroît de travail pour les services consulaires qui en découlent ne peuvent être résolus par les effectifs actuels.
Je ne reviendrai pas sur ces évolutions législatives qui vont dans le bon sens et qui sont à l'image de la France. En revanche, je considère qu'il faut dégager les moyens correspondants si l'on souhaite véritablement pérenniser la place de notre pays à l'étranger.
Si, pour donner un exemple significatif, on considère les échanges universitaires, on constate que, depuis un certain nombre d'années, notre pays perd des étudiants venant de l'étranger : ils étaient 130 000 en 1985 - 13,6 % de la population étudiante totale - et ils n'étaient plus que 121 600 en 1998, soit 8,6 % de la population étudiante totale.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est grave !
M. Jacques Pelletier. En effet, un plus grand nombre d'étudiants vont désormais parfaire leur formation en Amérique du Nord, en Grande-Bretagne, en Allemagne, notamment, les étudiants étrangers étant gênés par les aléas de la délivrance des visas, alors que cela ne devrait poser aucun problème.
L'enjeu est décisif : les étudiants d'aujourd'hui seront nos partenaires de demain.
Cela pose aussi la question de la diffusion de notre langue et de notre culture, et ce d'autant plus au moment des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, alors que la défense de notre culture est l'un des volets auxquels nous sommes très attachés.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, a indiqué cet après-midi, à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement, que les étudiants étrangers étaient accueillis à bras ouverts dans nos universités.
Encore faudrait-il qu'ils obtiennent un visa pour y venir, ce qui ne paraît pas être le cas !
Même en Afrique francophone, que je connais bien, je constate une désaffection progressive des étudiants qui, faute de visas, se dirigent vers le Québec, la Belgique, la Suisse, les Etats-Unis, etc.
Cette situation est grave, car elle implique une perte d'influence de la France dans cette région du monde, avec laquelle nous sommes pourtant liés historiquement, affectivement et culturellement.
Il faut absolument revoir cette politique des visas dans un sens moins malthusien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jacques Pelletier. Le projet de loi de finances pour 2000 a pris en considération ces manquements. Cependant, il reste évasif quant au renforcement quantitatif et qualitatif des effectifs : il y est noté « qu'une partie des effectifs issus de la fusion entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la coopération ira aux services des visas des consulats ».
Combien de fonctionnaires viendront effectivement renforcer les services ? Avez-vous tenu compte, monsieur le ministre, des besoins urgents soulevés par le rapport ? Enfin, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit-il les formations que tout changement de poste ou renforcement d'effectif requiert ?
Les solutions énoncées dans le rapport concernant les moyens qui pourraient être attribués aux chancelleries pour leurs services des visas sont intéressantes et judicieuses.
L'institution de frais de dossiers supplémentaires aux droits de chancellerie, sous la forme d'un timbre, me paraît une proposition pertinente, à condition, bien sûr, que les sommes perçues soient directement affectées aux chancelleries.
La France se donnerait ainsi les moyens de mieux répondre - et ce dans des délais raisonnables - à l'intégralité des demandes de visas.
Un autre problème, plus ponctuel, a également retenu mon attention. Il n'y est pas fait référence dans le projet de loi de finances pour 2000 et, pourtant, il s'agit encore une fois de la place de notre pays à l'étranger, et ce dans son aspect le plus visible : la situation des locaux de la délégation diplomatique et culturelle à Tallin, en Estonie. J'ai eu l'occasion de m'y rendre cet été avec mon groupe. Nous avons constaté les manquements inhérents à notre présence. L'Estonie est pourtant l'un des pays qui doit rejoindre bientôt l'Union européenne.
Tout d'abord, la résidence de l'ambassadeur de France est installée dans des conditions qui présentent des inconvénients importants. Il faut souligner l'exiguïté des lieux, qui ne permettent d'accueillir qu'un très petit nombre d'invités. L'immeuble est exposé aux trépidations causées par le passage de tramways dans une rue très passante.
A cela, il faut ajouter le caractère très modeste de cet appartement actuellement en location, situé dans un immeuble commercial, surtout lorsqu'on compare cette résidence avec celles des autres pays de l'Union européenne.
Ensuite, le centre culturel de coopération de Tallin occupe des locaux dont le bail expire en mai 2002. Ces locaux présentent eux aussi des inconvénients : des frais de location qui obèrent la gestion de ce centre et une superficie insuffisante qui freine le développement des cours dispensés. Le centre refuse actuellement de nombreuses inscriptions.
Le coût de location des deux entités s'élève à plus de 613 000 francs par an. Des propositions commerciales leur ont été faites, notamment la possibilité d'acquérir une maison individuelle pouvant accueillir l'ambassade et le centre culturel. Ce bâtiment figure au patrimoine mondial de l'UNESCO. Son plan intérieur permettrait de diviser les lieux en deux parties, chacune disposant d'un accès sur une rue différente. Cette solution coûterait 8 millions de francs, travaux inclus.
Ce projet paraît très raisonnable : il permettrait de donner, dans ce pays dynamique et francophile, une meilleure image de la France.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il faut donner à la France les moyens de sa politique d'ouverture au monde sans invoquer, pour les limiter, les indispensables restrictions budgétaires. Notre pays a une vocation universaliste qu'il ne convient pas de remettre en question. Il s'agit de pérenniser notre place présente et future sur l'échiquier mondial et de favoriser l'expansion du modèle humaniste et démocratique dont nous sommes les héritiers.
Je souhaite, monsieur le ministre, que les propositions que je viens de formuler puissent trouver un écho favorable auprès de vous. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur l'analyse du budget et les considérants qui ont été présentés par MM. les rapporteurs. Toutefois, je veux rappeler l'attention que nous portons à la question concernant l'enseignement français à l'étranger, sa réorganisation, ses évolutions possibles et le financement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Lorsqu'on prend en considération l'évolution de TV 5, qui envisage un développement de programme pédagogique, il pourrait y avoir, avec ou sans Internet, des connections pour l'enseignement à distance. Il y a peut-être là une piste à suivre pour nos communautés d'élèves français, celles notamment qui sont peu nombreuses et éloignées.
Je souhaite, par ailleurs, vous redire toute notre préoccupation - cela vient à l'appui de la remarque formulée par M. le ministre dans sa déclaration liminaire - en ce qui concerne la situation des recrutés locaux à l'étranger, maintes fois évoquée au cours de la soirée.
Depuis que ce problème a été soulevé lors du débat avec M. Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, j'ai eu l'occasion de me déplacer à l'étranger et j'ai constaté que les difficultés sont nombreuses et s'amplifient dans beaucoup de postes diplomatiques et consulaires. L'insuffisance de personnel titulaire et les difficultés d'offrir un traitement équitable au personnel recruté localement font que l'on pourrait dire, comme pour Les Animaux malades de la peste : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »
Je souhaite aussi, monsieur le ministre, vous faire part de mon inquiétude au regard de l'application de la réforme concernant la fusion entre le ministère des affaires étrangères et celui de la coopération.
Depuis de nombreuses années, des voix s'élevaient ici et là pour faire sortir notre action de coopération du champ et avancer vers une mondialisation. Les demandes s'accroissent, le champ s'agrandit, le personnel diminue, corollaire d'une insuffisance de crédits.
Le Gouvernement a eu le mérite d'opérer un choix difficile, mais la formation de la DGCID me semble poser de nombreux problèmes. Au moment où nous demandons davantage d'ouverture à nos diverses administrations, il me semble que la DGCID est une vaste « usine à gaz ». Peut-être ne fallait-il pas, dans cette fusion, conserver toutes les anciennes structures, en ajouter d'autres et rigidifier l'ensemble, ce qui se traduit par un organigramme qui, lorsqu'on le consulte, donne le vertige. Et je plains le directeur de la DGCID, quel que soit son talent, d'avoir à maîtriser un tel ensemble. Il semble que la DGCID, par ailleurs, soit frileuse et défavorable à l'évolution d'éventuelles modalités de contrôle parlementaire.
Dois-je vous dire que je suis également attentif aux interférences entre le FAC devenu FSP et l'AFD ? D'ailleurs, pourquoi parmi les parlementaires, prévus dans le seul comité d'orientation, n'accorde-t-on pas une parité entre députés et sénateurs ? (Très bien ! et applaudissements.) D'autant que, en ce domaine, le Sénat comprend douze sénateurs représentant les Français établis hors de France - nous sommes donc souvent sur le terrain - et qu'aucun député ne représente nos compatriotes expatriés.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Guy Penne. Le nouveau système, pour être bref, FAC-FSP et AFD, bras séculier de fait du Trésor, sans contrôle du Parlement sur pratiquement toutes les actions du conseil de surveillance, m'inquiète. Prenez garde, monsieur le ministre, que la fusion entre le ministère de la coopération et le ministère des affaires étrangères ne soit pas une construction virtuelle.
Hormis le personnel qui entre dans cette fusion, en raison des nouvelles dispositions, la politique de coopération sera déterminée non pas par le nouvel ensemble composé du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération, mais par le ministère des finances. (M. Michel Charasse, rapporteur spécial, s'exclame.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Le revoilà !
M. Guy Penne. Je souhaite également vous interroger, monsieur le ministre, pour savoir si vous étudiez d'éventuelles modifications qui intéressent le Conseil supérieur des Français de l'étranger et l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Nous savons que le Gouvernement fera des propositions sur le plan hexagonal au Parlement pour modifier, vraisemblablement, le mode d'élection des sénateurs. Le problème de la carte électorale concernant l'élection au Conseil supérieur des Français de l'étranger a été un sujet de discussion entre les sénateurs représentant les Français établis hors de France, mais, en réalité, il intéresse l'ensemble du Parlement. Envisagez-vous de prendre des initiatives sur cette question de carte électorale qui tienne compte de la géopolitique actuelle ?
Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par le Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui représente un collège étroit de cent cinquante membres. Est-il exact que ce collège électoral pourrait être modifié et que, sans toucher aux prérogatives du Conseil supérieur des Français de l'étranger, soit augmenté le nombre des électeurs lors des scrutins sénatoriaux, qui ont lieu tous les trois ans ? Quelles sont vos hypothèses de travail sur l'éventuelle taille du collège électoral ? Selon quels principes en seraient désignés les membres ?
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. C'est très important !
M. Guy Penne. Parfaitement. Je suis une nouvelle fois en accord avec vous, monsieur le président !
Enfin, les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France circulent dans la plus vaste circonscription qui soit, puisqu'il s'agit du monde entier. Sur le plan de l'efficacité, ne serait-il pas utile d'envisager la fragmentation de cette unique circonscription ? D'après mes informations, ces questions seraient posées et je souhaiterais que vous vouliez bien associer à une réflexion plus complète les sénateurs et le Conseil supérieur des Français de l'étranger. C'est ce qu'évoquait d'ailleurs notre cher président voilà quelques instants.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Merci pour lui !
M. Guy Penne. Je formulerai maintenant des remarques sur trois points qui me semblent d'une grande importance, à savoir les évolutions de la sécurité européenne, la situation au Moyen-Orient, notamment le processus de paix, et, enfin, la renégociation de la convention de Lomé. L'Europe cherche à se donner les moyens d'acquérir une dimension politique sur la scène internationale en rapport avec son poids économique, afin d'être en mesure d'agir en faveur de la paix, de la démocratie, et du droit à l'extérieur de ses frontières. Nous pouvons maintenant aller plus loin et franchir les étapes décisives qui permettront à l'Europe d'agir d'une manière autonome.
La première nouveauté, c'est que Javier Solana cumule, pour la première fois, deux fonctions, celle de secrétaire général de l'UEO et celle de responsable de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune ; autrement dit il est « Monsieur PESC ».
Il est ainsi confirmé que la politique étrangère de l'Union européenne n'ira pas sans une dimension militaire et que l'UEO, la seule institution européenne compétente en matière de défense, est destinée à devenir, à moyen terme, un rouage de l'Union européenne.
La seconde nouveauté, c'est l'excellent climat qui préside aux relations entre la France et ses principaux interlocateurs, à savoir la Grande-Bretagne et l'Allemagne, mais aussi l'Italie ou l'Espagne, quand il s'agit de défense et de sécurité en Europe.
Dès aujourd'hui, à Helsinki, sous la présidence finlandaise, nous espérons obtenir des résultats tangibles pour qu'une dynamique irréversible s'enclenche pour établir le calendrier de l'inclusion des acquis de l'UEO dans l'Union européenne et pour apporter des réponses aux points suivants : la création de capacités militaires pour les opérations de gestion de crise ; la création d'une structure de décision à Bruxelles du type d'un comité politique, militaire et de sécurité ; enfin, les modalités de coopération avec l'OTAN et les bases pour la participation des pays membres de l'OTAN qui ne sont pas membres de l'Union européenne et pour les pays associés de l'UEO.
L'Union européenne développe déjà toute une gamme d'actions sur le plan civil dans le domaine de la prévention des crises : aides humanitaires, dialogues politiques, liens contractuels, assistance financière, négociations commerciales, perspectives d'adhésion... On doit pouvoir recenser tous les éléments de cette palette d'actions pour la mettre au service de la PESC.
Nous pensons qu'il faut explorer la voie tendant à construire, dans le cadre d'une sécurité européenne oeuvrant au niveau de la prévention des conflits, une « force de réaction » civile, capable d'intervenir avant le déclenchement de la crise violente et pouvant également assurer les tâches civiles de l'après-conflit ou faire face aux situations de crise humanitaire.
D'autres sujets devraient aussi pouvoir trouver leur place dans les évolutions à venir : les relations transatlantiques renouvelées, les relations avec les pays neutres, la place de la dissuasion nucléaire dans le système de sécurité européenne.
J'en viens au processus de paix au Moyen-Orient.
Lors d'une mission sénatoriale, qui s'est déroulée il y a quelques jours en Israël, nous avons eu la possibilité de rencontrer les principaux acteurs de la vie politique israélienne, qu'ils soient dans la majorité d'Ehud Barak ou dans l'opposition. Alors même que nos contacts se développaient, était présent dans la région M. Ross, en précurseur de Mme Albright.
Nos interlocuteurs ont évoqué les différentes étapes de négociations publiques - pour les plus récentes, Oslo et Wye Plantation - et ont fait allusion à d'autres, plus discrètes. Il me paraît que, parmi les points les plus compliqués, Jérusalem reste une difficulté majeure. Le problème des colonies doit, malgré les réticences israéliennes plus ou moins fortes, pouvoir être négociable. Il semble qu'Israël soit décidé à évacuer le Sud-Liban, même d'une façon unilatérale. Il n'est pas possible d'ignorer, dans de telles situations, les contestations éventuelles à l'intérieur de la Syrie, donc les problèmes de succession du régime Hassad. Le président Arafat cherche plus encore que les Israéliens, semble-t-il, le réconfort américain, mais quelles appréciations peut-on porter sur l'influence politique d'un groupe protestataire qui vient de se manifester publiquement contre le président palestinien ?
Les Américains sont à la fois recherchés et un peu redoutés. Un grand appel est adressé à l'Europe. L'Europe doit et peut apporter son aide. Certains de nos interlocuteurs ont évoqué l'instauration de programmes multipartites avec l'Europe. Le domaine de l'eau, ainsi, fut souvent cité.
M. Védrine nous a fait une déclaration intéressante sur la situation au Moyen-Orient, mais, monsieur le ministre, quelle attention souhaitez-vous porter sur ces problèmes de coopération régionale ? Pouvez-vous nous dire comment les pays amis européens souhaitent s'impliquer dans le processus de paix ? Cette question a été abordée devant notre délégation par Shimon Peres, aujourd'hui ministre de la coopération régionale.
S'agissant de la renégociation de Lomé, je voudrais rappeler que, les 7 et 8 décembre, a eu lieu à Bruxelles la réunion du Conseil ACP-Union européenne.
Ministre de la coopération, vous avez beaucoup insisté ces derniers temps sur la nécessité « de convaincre les pays africains de faire le nécessaire pour qu'un accord intervienne afin d'éviter un vide juridique que les adversaires de cette relation privilégiée entre l'Europe et les pays ACP pourraient utiliser ». En effet, le temps presse, et si bien des différents groupes de travail ont parfois avancé, il y a des dossiers qui ne bougent pas.
Nous savons tous que, sans accord avant mars 2000, la mise en conformité avec les nouvelles lois du commerce international pourrait avoir de graves conséquences pour les économies et pour les sociétés des pays ACP.
Les derniers avatars de l'OMC ne sont pas faits pour rassurer ceux qui s'intéressent à l'avenir de ces pays. Un calendrier issu des négociations en cours prévoit la perspective d'une intégration complète des pays ACP.
Dans un contexte international en mutation, avec une chute des programmes mondiaux d'aide au développement - chute à laquelle la France n'échappe pas - il est essentiel d'affirmer que le développement et le renforcement de l'état de droit ainsi que la consolidation des principes démocratiques doivent être concomitants avec le développement économique. Monsieur le ministre, vous allez, je l'espère, répondre à ces interrogations, mais je souhaiterais vous faire deux suggestions.
Tout d'abord, je souhaiterais que vous organisiez un débat annuel au Sénat sur la coopération afin que nous puissions mesurer l'efficacité de notre aide publique au développement. (Très bien ! sur les bancs de la commission.)
Ensuite, je crois qu'il faudrait associer plus encore les collectivités territoriales à l'effort de la France pour l'aide publique au développement.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera les crédits que vous nous proposez, parce que vous avez su sortir votre budget de la spirale déflationniste dans laquelle il était tombé depuis cinq ans ou huit ans, c'est à discuter, et il n'était pas facile de résister à Bercy, nous nous en rendons compte, malgré notre aide permanente.
Mais l'ampleur des missions qui incombent à votre ministère est fantastique et, pour bien les remplir, il faut que l'Etat prenne conscience qu'une bonne diplomatie a un coût et qu'il doit vous donner, à vous-même et à vos successeurs, des moyens accrus. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de la discussion du budget du ministère des affaires étrangères, que je voterai,...
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et la francophonie. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. ... je souhaite faire porter mon intervention plus particulièrement sur les relations franco-allemandes. Celles-ci sont caractérisées par des aspects incontestablement positifs, d'autres donnant lieu à des interrogations.
Depuis l'après-guerre, et particulièrement depuis le traité de l'Elysée, l'entente entre nos deux pays a été le fondement de la construction européenne. Chaque fois que la France et l'Allemagne étaient d'accord, l'Union européenne a progressé. Il est normal qu'il y ait, au départ, discussion, voire divergence, sur des thèmes aussi essentiels que la réforme des institutions européennes, l'élargissement de l'Union, ou la politique européenne de défense. Mais les lignes de clivage qui sont évoquées à ce propos sont-elles aussi profondes qu'on nous l'affirme parfois, ou les différences de point de vue sont-elles susceptibles d'être surmontées à court terme ? Nos intérêts, sur ces plans, me paraissent suffisamment communs pour qu'une convergence se dégage du débat franco-allemand.
Sur le plan économique, les accords intervenus récemment entre DASA et Aérospatiale et entre Framatome et Siemens, venant après Airbus - belle réalisation commune -, c'est-à-dire dans des secteurs porteurs, sont de nature à renforcer l'esprit de coopération.
Nous devons nous en féliciter, car ces accords viennent étayer la volonté de coopération politique. Ils surviennent à un moment particulièrement opportun pour dissiper les doutes de ceux qui craignaient que l'Allemagne de Berlin ne soit d'une nature différente de l'Allemagne de Bonn. C'est la démonstration, je crois, que les relations franco-allemandes résistent finalement bien aux alternances politiques, d'un côté comme de l'autre, et qu'elles sont considérées comme un principe intangible de la politique menée par les gouvernements qui se succèdent chez nous comme chez nos voisins.
Dans ce contexte global, nous devons cependant être attentifs à certains aspects concrets qui, si nous n'y prenons garde, risquent de ternir cette impression générale. Quelques exemples viennent à l'appui de ce constat.
La fermeture de certains centres culturels en Allemagne et la menace qui pèse sur d'autres institutions culturelles, la fermeture imminente des consulats généraux de Leipzig et de Mayence, le premier, seul consulat de France dans l'ancienne Allemagne de l'Est,...
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial et M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Exactement !
M. Daniel Hoeffel. ... le second dans la ville même où siège le ministre-président de Rhénanie-Palatinat, chargé actuellement par l'Allemagne de la mission de coordination des relations culturelles franco-allemandes, en sont une illustration.
La suppression d'un certain nombre de consulats peut, monsieur le ministre, être justifiée par des considérations d'ordre budgétaire, car je n'ignore pas qu'elle permet de créer des ambassades dans de nouveaux pays. Mais faut-il pour autant que ces fermetures interviennent chez nos partenaires les plus proches, là où une présence consulaire a une signification toute particulière ?
A ce propos, quelle suite a été donnée à la déclaration du sommet franco-allemand de Potsdam de novembre 1998 ? Selon cette déclaration, d'une part, « nous étudierons avec nos partenaires de l'Union européenne la possibilité de mise en place de bureaux communs pour la délivrance de visas » et, d'autre part, « nous examinerons la possibilité de désigner des ambassadeurs communs à nos deux pays ».
La concrétisation de telles orientations serait de nature à limiter les inconvénients résultant de la fermeture de consulats et à atténuer les effets des redéploiements.
Un autre exemple symbolique de la réduction de notre présence en Allemagne est celui du refus d'accepter l'offre de la ville de Baden-Baden, qui fut le siège de l'état-major des forces françaises en Allemagne, de transformer l'ancien mess des officiers en maison des associations franco-allemandes, ce qui aurait pu éviter le sentiment de rupture consécutif au retrait des forces françaises en Allemagne.
Quant à la suppression par Air France de la ligne aérienne entre Berlin, nouveau siège du Gouvernement et capitale de l'Allemagne, et Strasbourg, capitale parlementaire européenne, elle ne tient aucun compte de la réalité, et cela d'autant moins qu'elle est intervenue malencontreusement, ou maladroitement, au cours du mois où Berlin remplaçait Bonn et où le Parlement européen s'installait dans son nouveau palais, à Strasbourg.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle maladresse !
M. Daniel Hoeffel. Nous constatons que, sur le plan culturel et sur le plan linguistique, il n'y a pas, bien au contraire, progression dans l'apprentissage de la langue du voisin, et le sentiment prévaut que, même dans les régions frontalières - j'en parle en connaissance de cause - de part et d'autre, il y a recul à cet égard.
On peut se poser la question de savoir si les méthodes pédagogiques, trop orientées vers un enseignement de la langue littéraire et pas assez vers un apprentissage de la langue à usage courant, ne sont pas de nature à être dissuasives...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. ... et à faire en sorte que l'anglais devienne la langue de communication entre Français et Allemands, accentuant ainsi son hégémonie, en particulier au détriment du français.
Or les relations entre nos deux pays dépendent, certes, comme il est nécessaire, d'une coopération confiante entre chefs d'Etat et gouvernements, de rencontres au sommet, de relations industrielles et commerciales privilégiées, de jumelages entre associations et collectivités locales dont le rôle est essentiel, mais leur solidité et leur pérennité est aussi tributaire de la capacité de s'entendre des populations, particulièrement des jeunes sur qui ne plane plus l'ombre des événements qui ont marqué la première moitié de notre siècle.
L'histoire de nos relations passées ne doit pas être un obstacle à la réconciliation, à la coopération, à l'amitié entre deux pays sur lesquels repose l'avenir de la construction européenne. Et l'on ne peut que regretter, à cet égard, les publications aux titres provocateurs qui cherchent à nier la réalité du couple franco-allemand et qui, en essayant de l'ébranler, veulent en réalité enrayer le processus de construction européenne au nom d'une nostalgie du passé.
Dans la phase décisive que nous traversons, il n'y a de place ni pour le doute, ni pour l'essoufflement, ni pour la crise de fatigue, expression qui, selon certains, caractériserait les relations franco-allemandes. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour contribuer à les maintenir sous le signe de la confiance réciproque en l'avenir, en veillant à ce qu'à tous les niveaux cette confiance imprègne notre action. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en préambule, me féliciter à mon tour du coup d'arrêt donné cette année à la diminution relative des crédits du ministère des affaires étrangères.
Comme cela a déjà été souligné, c'est la première fois, depuis cinq ans, que la courbe s'infléchit. Ce résultat récompense en grande partie, j'en suis sûr, les efforts entrepris pour moderniser et pour ouvrir ce ministère.
Mais je voudrais surtout profiter de ce moment privilégié pour évoquer les points sur lesquels, je l'ai remarqué en particulier à l'occasion de mes déplacements à l'étranger, il est nécessaire d'attirer spécialement votre attention, monsieur le ministre, et pour aborder une nouvelle fois, tant l'enjeu est important, la question de l'enseignement français à l'étranger.
Dans la première partie de mon intervention, je parlerai d'abord du Conseil supérieur des Français de l'étranger et du volontariat civil à l'étranger, puis je vous demanderai de bien vouloir nous dire ce qui a été entrepris depuis l'an dernier pour aider nos compatriotes retraités de la zone CFA, avant de conclure par un rapide examen, sous quelques aspects, de la situation de nos postes à l'étranger.
Nous avions proposé l'an dernier, monsieur le ministre, un certain nombre de mesures propres à renforcer le rôle et à améliorer l'efficacité du CSFE, en particulier par l'affectation d'administrateurs auprès des commissions, afin d'assurer la continuité de l'action de celles-ci entre des réunions trop espacées.
Depuis, et je vous en donne volontiers acte, un progrès a été accompli avec la mise à disposition des quatre commissions permanentes de deux agents du secrétariat général du CSFE. Il appartient maintenant aux responsables de ces commissions d'apprendre à travailler avec eux, afin de tirer le meilleur profit de cette mesure.
Par ailleurs, nos efforts doivent continuer à porter sur les autres points que j'avais évoqués, mais il est également toujours nécessaire que le président du CSFE, qui est le ministre des affaires étrangères, veuille bien continuer à jouer son rôle de promotion - si j'ose dire ! - de cet organisme auprès de nos ambassades comme auprès de ses propres membres, qui se sentiront confortés dans leur double mission de défense de nos compatriotes de l'étranger, mais également des intérêts de la France.
Quant au volontariat à l'international, je ne puis ici que joindre avec force ma voix à celles qui demandent que le projet de loi relatif à cette question nous revienne rapidement et en l'état de l'Assemblée nationale. Je sais que l'on pourra ensuite faire confiance à vos services, ainsi qu'à ceux de la direction des relations économiques extérieures du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la DREE, du Comité français des manifestations économiques à l'étranger, le CFME, et de l'Agence pour la coopération technique, industrielle et commerciale, l'ACTIM, pour prendre, dès la promulgation de la loi, des textes d'application aussi favorables que possible.
S'agissant de la situation difficile de nos compatriotes à qui sont dus des arriérés importants par les caisses de retraite de certains Etats africains de la zone CFA, vous aviez bien voulu, l'an dernier, retenir ma suggestion de faire évaluer les montants concernés, en particulier au Congo et au Cameroun, afin de régler définitivement un problème qui, vous en conviendrez, a beaucoup trop duré.
Nous savons, monsieur le ministre, que les montants en jeu ne sont pas tels qu'il ne soit pas possible de prendre une décision généreuse et de donner des instructions pour que ce pénible abcès soit rapidement et complètement vidé. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que vous saurez obtenir pour cela la nécessaire coopération de votre collègue, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ?
J'ouvre maintenant le dossier de nos postes à l'étranger. Je ne les connais évidemment pas tous, mais je souhaite vous faire part de mes réflexions à la suite d'un certain nombre de visites dans des pays fort divers.
A tout seigneur, tout honneur, je ne vous surprendrai pas en soulignant combien sont essentiels le rôle et la personnalité de l'ambassadeur, ainsi que, souvent, vous le savez, monsieur le ministre, de son conjoint.
Dans un contexte où le politique, l'économique, le scientifique et le culturel s'interpénètrent profondément, au point de rendre parfois indiscernables les frontières qui, autrefois, paraissaient les séparer, quand les questions d'image et de communication sont devenues fondamentales, l'ambassadeur doit être l'intégrateur, le créateur de synergie, le chef d'orchestre qui apporte l'harmonie, et donc l'efficacité, au sein d'un ensemble où tous les acteurs, du secteur public comme du secteur privé, doivent, à leur pupitre, jouer leur partition.
Sa mission sera d'autant plus facile à remplir que toutes ses troupes seront abritées sous le même toit. A cet égard, voilà deux jours, je disais ici même à M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, combien il me paraissait important que, sauf cas exceptionnels, nos postes d'expansion économique soient logés dans les mêmes locaux que nos ambassades. En effet, la concertation s'en trouve extraordinairement facilitée, en particulier entre les conseillers commerciaux et les conseillers de coopération et d'action culturelle, dont les métiers se rejoignent de plus en plus souvent.
Je voudrais maintenant parler de nos consulats. Il s'agit d'un sujet particulièrement important pour nos compatriotes de l'étranger, mais aussi pour les nationaux des pays hôtes souhaitant obtenir des visas.
Je soulignerai d'abord les remarquables réalisations accomplies en matière de communication. On a véritablement « surfé » sur la vague Internet, et notre réseau, j'ai pu moi-même le constater, est aujourd'hui particulièrement rapide et performant, y compris quand il s'agit de la délivrance des visas dits « Schengen ». Il faut en faire compliment à la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, qui, comme pour le site du CSFE, a su faire bien et vite. Je vous conseille en particulier, mes chers collègues, avant tout départ à l'étranger, de consulter le site « Conseils aux voyageurs » de votre pays de destination.
Les efforts doivent maintenant porter sur les locaux et sur les effectifs, en particulier en ce qui concerne les agents titulaires.
Les personnels des services des visas font un métier difficile : la fraude sévit et, cependant, il n'est pas question de décourager les ressortissants étrangers, qui sont les bienvenus en France, qu'ils soient étudiants, stagiaires, investisseurs ou touristes. Ces personnels doivent donc savoir allier vigilance et courtoisie, et il faut leur faciliter la tâche en aménageant ou en agrandissant les locaux et en renforçant, lorsque cela est nécessaire, leurs effectifs.
S'agissant toujours des personnels, on sait que la fusion des deux ministères a permis de dégager quatre-vingt-douze postes. Un nombre suffisant d'agents sera-t-il affecté dans les postes à l'étranger ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur vos intentions définitives à ce sujet ?
J'en viens maintenant à la seconde partie de mon intervention.
Elle concernera, comme je l'ai annoncé, notre politique en matière d'enseignement à l'étranger.
Je dirai brièvement que nous souhaitons tous que, dans l'Europe qui se construit et le monde qui se globalise, notre pays et notre langue tiennent toute leur place et résistent à l'uniformisation. Pour cela, il faut que les Français expatriés soient plus nombreux, et donc que des écoles puissent accueillir leurs enfants.
A cet égard, nous avons la chance extraordinaire de posséder une culture et un système d'enseignement qui attirent, en tout cas dans certains pays, beaucoup d'étrangers, appartenant la plupart du temps à la catégorie des « décideurs » ou, en tout cas, à celle des nationaux influents.
Or, si notre réseau d'écoles à l'étranger est, certes, excellent et relativement dense, et si, pour avoir eu cinq enfants qui y ont été élèves et pour avoir présidé une association gestionnaire de parents d'élèves, je sais que nous pouvons en être fiers, je constate cependant que nous ne savons pas tirer tout le profit de cette situation, et je le déplore.
Il nous faut une grande politique, une politique ambitieuse pour l'enseignement français à l'étranger.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. André Ferrand. Pour cela, il faut une volonté et des moyens.
Certes, des efforts sont consentis et le budget des bourses augmente maintenant régulièrement, par exemple de 15 millions de francs cette année, mais cela n'est pas le sujet. Compte tenu de l'enjeu, il faut placer la barre à un tout autre niveau.
Tout d'abord, il est nécessaire de consacrer davantage d'argent public à ce secteur. Faut-il massivement et spécialement doter le budget des affaires étrangères, ou bien solliciter la participation de celui de l'éducation nationale, ce qui impliquerait probablement que celui-ci exerce également des responsabilités au sein de l'AEFE ? Je ne suis pas certain de la réponse, même si je crois la seconde solution plus réaliste en termes budgétaires.
Monsieur le ministre, j'ai posé cette question au Premier ministre voilà peu, après la rentrée scolaire, lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Vous n'aviez pu être présent ce jour-là, et ce fut votre collègue le ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, qui m'a répondu à la place du Premier ministre et en sa présence.
Après avoir levé toute équivoque quant à la volonté du Gouvernement de conduire cette politique ambitieuse, M. Allègre a fait la déclaration suivante : « Je suis prêt, comme mon collègue Hubert Védrine, à ce que nous recherchions ensemble des solutions et des moyens qui satisfassent cette nécessaire grande ambition de la France. »
Je me réjouis de cette réponse, monsieur le ministre, car elle montre que nous sommes d'accord sur le constat. Il reste à passer à la conception et à la réalisation.
Mais l'enseignement français à l'étranger ou à destination des étrangers, ce n'est pas seulement notre réseau d'écoles, de collèges et de lycées, c'est aussi l'Alliance française, les instituts français, toutes nos actions de formation technique et professionnelle, et encore la grande question des études supérieures des étudiants étrangers en France. Edufrance a pour mission de nous permettre de rivaliser avec nos concurrents étrangers, qui ont pris une belle avance.
Quant au financement, j'ai parlé tout à l'heure d'argent public, mais chacun d'entre nous connaît le rôle qu'ont joué et que jouent toujours nos entreprises à tous les niveaux de notre action dans ce domaine. Ne pourrait-on imaginer une coordination de ces efforts du secteur privé et un encouragement à les accentuer et à les généraliser ?
Monsieur le ministre, il suffirait sans doute d'en avoir la volonté et de vous assurer la bienveillance de votre collègue de Bercy, où l'on a le secret des mesures incitatives. Elles seraient, pour notre économie, autant d'excellents investissements, largement payés de retour, tant nous savons qu'un dirigeant, un cadre qui est passé par nos écoles devient un allié précieux pour nos entreprises.
Mais ce n'est pas que sur le plan économique qu'il est utile et agréable d'avoir affaire à de tels interlocuteurs.
Sur le plan politique, et j'en terminerai par là, je suis convaincu que, comme nos commissaires européens, MM. Barnier et Lamy, ou votre collègue M. Moscovici, vous appréciez, monsieur le ministre, la facilité et la qualité de vos contacts avec la vice-présidente de la Commission européenne, Mme Loyola de Palacio, ancienne élève du lycée français de Madrid. Contrairement à M. Noyer, elle nous a reçus à Strasbourg en s'exprimant dans un français impeccable ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert-Denis Del Picchia. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous indiquer pourquoi je voterai les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000. Je formulerai ensuite quelques remarques, peut-être quelques critiques, ainsi que quelques propositions.
Je voterai ce projet de budget, parce que j'approuve très largement votre action, ainsi que les efforts de M. Védrine pour conduire la politique étrangère de la France, en harmonie avec le Président de la République, afin que notre diplomatie contribue à assurer la défense de nos intérêts fondamentaux et à conserver à notre pays une place toujours très forte dans une Europe en pleine mutation.
Je voterai aussi ces crédits en raison du rôle qui est le nôtre à l'ONU. Comme M. Estier, j'ai pu constater sur place, à New York, que nos diplomates excellent dans leur tâche parfois ingrate, toujours très difficile, face à une hyperpuissance débitrice, mais toujours pleine de l'ambition de jouer les gendarmes du monde. Qu'il me soit donc permis d'adresser mes félicitations à l'équipe qui fait entendre la voix de la France dans cette enceinte, souvent dénigrée mais qui reste de premier plan.
J'applaudis également, bien sûr, au redressement du montant des contributions volontaires aux organisations internationales. Cela était, certes, absolument nécessaire.
Je me réjouis également de la modernisation et de l'adaptation du ministère, ainsi que de l'arrivée en force d'Internet, par le biais du site « Conseils aux voyageurs » et de celui du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Bien entendu, je voterai aussi, en tant qu'élu des Français de l'étranger, pour les crédits affectés aux communautés françaises expatriées. Cela va de soi !
En revanche, je ne peux me satisfaire d'une « fausse augmentation » des crédits, qui ne peut être considérée, en réalité, que comme l'inversion d'une tendance à la baisse. Cela est satisfaisant, mais ce n'est pas suffisant. Mes collègues ont d'ailleurs expliqué les relations existant entre pourcentage d'augmentation et inflation, ainsi qu'entre dollar et franc. Je n'y reviendrai pas.
Certes, que l'on me comprenne bien : je ne suis pas favorable à une augmentation des dépenses de l'Etat. Je rappelle d'ailleurs que cela n'a pas été le cas ces dernières années.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'année prochaine, 21 milliards de francs seront alloués au budget des affaires étrangères et de la coopération. Or, en 1993, ces mêmes crédits atteignaient 23 milliards de francs. Toutefois, les crédits pour l'action extérieure de la France ne s'élèveront pas à 21 milliards de francs l'année prochaine, monsieur le ministre, mais à 54 milliards de francs.
Alors, de grâce, il faudra bien un jour que le gouvernement en place, quel qu'il soit d'ailleurs, comprenne qu'il est nécessaire de faire un inventaire de l'action extérieure de la France, et que cette action a besoin d'un financement coordonné.
Mes chers collègues, n'oublions pas que c'est la première fois que le budget des affaires étrangères est à peine supérieur aux crédits de l'action extérieure du ministère de l'économie et des finances, et ce, bien sûr, grâce à la fusion entre affaires étrangères et coopération, faute de quoi l'on ne parviendrait pas au même niveau.
A mon sens, c'est incompréhensible, ou alors il faut que l'on me démontre que le Quai d'Orsay a changé d'adresse et que c'est Bercy qui gère le réseau, mais aussi les crises du Kosovo, de Grozny, qui assure la présence française, développe notre influence culturelle, défend la francophonie ou aide au développement.
On est tenté de dire que, sans augmenter les dépenses de l'Etat, il nous paraîtrait logique de diminuer les crédits extérieurs du ministère des finances pour reporter cette somme sur le budget des affaires étrangères. (Sourires.) Je vois à vos sourires qu'il s'agit d'un vaste débat, que nous n'aborderons pas ce soir. Mais nous pouvons y réfléchir un peu !
Je me limiterai, monsieur le ministre, à quelques points qui me tiennent à coeur.
Tout d'abord, s'agissant des Français de l'étranger, comme mes collègues, je me félicite de la progression de 25 % des crédits de bourse. Comme l'a souligné M. Penne, c'est très important. En effet, vous le savez, monsieur le ministre, c'est la fuite en avant, pour ne pas dire le tonneau des Danaïdes, pour l'enseignement du français à l'étranger : on augmente régulièrement le montant des bourses, mais les sommes ne suffisent même pas à combler les augmentations incontrôlées des frais d'écolage.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Robert-Denis Del Picchia. Je vais vous l'expliquer par quelques chiffres.
De 1998 à 1999, selon les statistiques les plus récentes de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, les bourses scolaires ont augmenté de 20 millions de francs. Très bien ! Bravo, même ! Mais, dans le même temps, la participation des établissements à la rémunération des professeurs résidents - entraînant donc des frais de scolarité - est passée de 338 600 000 francs à 371 300 000 francs, soit 33 millions de francs de plus à la charge des parents.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. C'est encore vrai !
M. Robert-Denis Del Picchia. Merci, monsieur Penne !
Sur un autre plan, l'Agence a, semble-t-il, fait le choix de diminuer le nombre des coopérants du service national, les CSN. Jusqu'à présent, ils représentaient 10 % des effectifs. Or l'Agence n'envisage pas de faire appel aux futurs volontaires civils, elle veut recruter localement. Ce choix nous paraît discutable si l'on pense d'abord au niveau des recrutés locaux dans certains pays - à condition, d'ailleurs, qu'on en trouve - et, surtout, le remplacement de plusieurs centaines de CSN par des recrutés locaux va contribuer à une nouvelle augmentation des frais d'écolage.
Les conséquences directes de l'explosion du prix de la scolarisation des enfants français à l'étranger, nous pouvons les constater dans le tableau suivant, qui est fort simple. Selon vos propres statistiques, celles de la direction des Français de l'étranger, monsieur le ministre, il y a actuellement à l'étranger 32 405 enfants français âgés de quatre à six ans, 185 523 enfants âgés de six à dix-sept ans, soit un total de 218 000 jeunes français - j'arrondis - en âge d'être scolarisés. Or, savez-vous combien il y a d'enfants scolarisés dans les écoles françaises ? Je vais vous le dire : 66 759 ! L'écart est très impressionnant !
Alors, vous allez me répondre que les enfants non scolarisés ont peut-être d'autres raisons. Or, sur les 151 000 enfants non scolarisés, 80 % - 121 000 - résident pourtant dans les centres importants où existent des écoles françaises. La conclusion est donc simple : à l'étranger, malgré l'Agence, malgré de fantastiques réseaux, malgré les quelque 2 milliards de francs de subventions de votre ministère - malgré les bourses, monsieur Penne -, deux enfants sur trois ne sont pas scolarisés dans les écoles françaises, tout simplement, pour la plupart d'entre eux, parce que l'école est trop chère.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Triste vérité !
M. Robert-Denis Del Picchia. On peut se poser la question, monsieur le ministre, et je vous la pose : l'Agence remplit-elle encore sa mission de service public ?
M. Pierre Biarnès. Elle ne l'a jamais remplie !
M. Robert-Denis Del Picchia. Merci, mon cher collègue !
Au demeurant, quelle est exactement cette mission aujourd'hui ? En dix ans, les choses ont beaucoup évolué et nous allons nous trouver bientôt dans une impasse, monsieur le ministre.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Nous y sommes déjà !
M. Robert-Denis Del Picchia. Il est grand temps d'une réflexion sur l'avenir de l'Agence.
Cette réflexion, qui doit être consensuelle et dépasser les clivages politiques, doit absolument déboucher sur une vraie définition de notre politique pour l'enseignement français à l'étranger, mais aussi sur des décisions et des mises en pratique immédiates.
A propos de réflexion, monsieur le ministre, disons au passage qu'elle devrait peut-être avoir lieu aussi sur le fonctionnement du réseau des instituts culturels, sur lequel il y aurait beaucoup à dire ! Nous n'avons malheureusement pas trop de temps ce soir.
Pour ce qui est des volontaires civils, vous le savez, j'ai rapporté le projet de loi les concernant. Nous espérons tous qu'il sera adopté en janvier par l'Assemblée nationale et les délégués du CSFE attendent d'être consultés sur son décret d'application. Je le répète ici, il y a urgence pour les entreprises françaises et pour vos services à l'étranger.
Si j'ai émis des doutes sur l'application du système en France, en revanche, je crois en son fonctionnement à l'étranger, dans les entreprises et dans le réseau diplomatique et culturel, avec des réserves toutefois, monsieur le ministre, sur deux catégories de volontaires qui manqueront dans les postes : les spécialistes en informatique et les médecins.
Certes, le budget pour 2000 n'est pas encore directement concerné, mais il faudrait toutefois préparer l'avenir dans ce domaine, en particulier pour l'informatique, en prévoyant des formations internes et peut-être des recrutements spécifiques.
On a beaucoup parlé des effectifs : 92 emplois sont inscrits au budget, c'est bien, d'autant que, l'an dernier, c'était 120 de moins et que le ministère a perdu, je le rappelle, 900 emplois en neuf ans.
Ces 92 emplois renforceront les postes, nous dit-on. Mais combien seront effectivement affectés à l'étranger ? Mon collègue André Ferrand a posé la question. On parle d'une vingtaine, mais j'aimerais avoir quelques précisions sur ce point.
Sur le même plan, monsieur le ministre, nous attendons avec beaucoup d'intérêt les résultats des réflexions sur l'évolution de la carte diplomatique et consulaire, en particulier dans l'Union européenne. M. Hoeffel a cité quelques exemples intéressants, et les délégués du CSFE voudraient être associés sinon aux décisions, du moins, d'une façon ou d'une autre, à la réflexion.
Nous souhaiterions aussi beaucoup disposer un jour de la liste des propriétés de l'Etat à l'étranger. Je ne suis pas sénateur depuis longtemps, mais je suis néanmoins très étonné : j'ai essayé de me renseigner, mais je n'ai pas obtenu le renseignement. Il n'y a pas de liste des propriétés de l'Etat à l'étranger !
M. Pierre Biarnès. Et la réserve du Sénat ! Quelqu'un en sait-il quelque chose ? ( Sourires.)
M. Robert-Denis Del Picchia. Le parc immobilier reste très flou. Affaires étrangères, culture, finances, n'est-il pas possible à chaque chef de poste d'établir une fiche pour son ou ses pays ? Cela pourrait déboucher sur une réflexion sur les investissements ! Pourquoi ne pas recourir au leasing, comme l'a évoqué M. Durand-Chastel ? En tout cas, il faudrait une meilleure gestion. Ce voeu nous concerne directement, monsieur le ministre - et nous espérons qu'il ne restera pas pieux - car nous souhaitons connaître le véritable état des lieux de la coopération.
La réunification des moyens est une bonne chose, mais nous aimerions un peu plus de transparence pour mieux comprendre, comme l'a souhaité M. de Villepin, cette nouvelle politique de coopération, en espérant avec M. Penne qu'elle ne sera pas virtuelle.
Si l'on ne peut que se réjouir de l'augmentation de 25 millions de francs des subventions à l'action audiovisuelle extérieure, il faut toutefois souligner que cette aide est minime : elle représente 0,02 % ! Cela aidera toutefois TV 5, qui a nettement amélioré ses programmes, sa diffusion, son audience. Pour le bien de l'image de la France et de la francophonie, bravo ! Nous félicitons très publiquement son directeur, Jean Stock, et, à travers lui, toute son équipe. Toutefois, monsieur le ministre, je dois attirer votre attention sur la gravité de la situation de TV 5 Amérique. Les commentaires sont très clairs : très mauvaise programmation, très mauvaise politique commerciale, très mauvaise communication. Echec total !
Je sais que cela est dû à une direction québécoise très défaillante. Je sais aussi que l'on a changé de direction, mais le doute subsiste et, cette fois, nous n'avons pas droit à l'erreur. Or cette erreur semble - c'est le cas de le dire - programmée. Aussi, monsieur le ministre, je dois très solennellement vous demander de réagir.
Quelles sont les possibilités ?
La poursuite d'une double direction ne permettra certainement pas de relever TV 5 Amérique. Il faudrait renégocier à haut niveau avec les Canadiens pour leur faire accepter une seule direction commune à Paris, mais cela paraît invraisemblable.
Dans le cas contraire, il faudrait laisser végéter ce qui existe, mais créer une filiale américaine de TV 5 Paris qui porterait une autre raison sociale. Cela paraît également difficile à réaliser.
Enfin - et ce serait la meilleure solution, que je préconise, si je peux me le permettre -, la création d'une société indépendante pourrait être envisagée, à condition qu'elle ne s'appelle pas TV 5, qu'elle ne fasse pas allusion au chiffre cinq, car l'image est invendable aux Etats-Unis et dans toutes les Amériques en raison des mauvais résultats actuels de la chaîne. Pourquoi ne pas l'appeler tout simplement France 4 ? Il y a bien France 2 et France 3 ! Grâce aux différents modules numériques de TV 5, celle-ci pourrait livrer la plus grande partie des programmes et négocier en parallèle les droits pour cette chaîne. Cela ne reviendrait pas très cher, car les éléments seraient fournis par TV 5.
Quant aux Canadiens, ils ne seraient pas satisfaits, certes, mais on pourrait laisser TV 5 Québec végéter comme c'est le cas et mourir de sa belle mort. Je sais que cela va poser des problèmes diplomatiques et peut-être faire « grincer des dents », comme on dit, mais il en va, monsieur le ministre, de notre présence audiovisuelle sur le tiers de la planète, de la présence de la francophonie et de la France. Nous le proposons tout simplement, pour reprendre un slogan publicitaire à la mode, « parce que cela le vaut bien ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, la maigre progression budgétaire de votre ministère, de 0,6 % inférieure à l'accroissement général du budget - elle est de 0,9 % - montre, hélas !, que les affaires étrangères ne sont pas une priorité majeure de votre gouvernement. Je le déplore.
Parmi les quatre axes majeurs de votre budget, je retiendrai l'affirmation du rôle de la France dans les instances multilatérales et le développement de l'appui aux Français de l'étranger. Je vous suggérerai une meilleure concertation avec le ministère de l'économie et des finances et une politique étrangère ambitieuse à l'occasion de la présidence française de l'Union.
La conférence interministérielle de Seattle vient de confirmer qu'aujourd'hui des décisions essentielles pour la vie de nos concitoyens pouvaient se prendre en dehors de nos frontières et que notre diplomatie devait peser de tout son poids pour parvenir à des résultats satisfaisants.
Cette réunion a eu le mérite de rappeler le rôle des relations multilatérales dans un monde dominé par une « hyperpuissance », pour reprendre l'expression de M. Védrine. Les critiques à l'égard de l'OMC, comme il l'a rappelé, me paraissent injustifiées car mieux vaut une institution de dialogue et de décision, aussi imparfaite soit-elle, que l'application du droit du plus fort de manière unilatérale.
J'ai constaté avec plaisir que certains pays, autrefois non alignés, étaient sensibles à la philosophie politique française et à la démarche européenne. Il y aura sans doute là un moyen pour la France et l'Union de peser davantage, sachant que la compréhension est parfois meilleure, eu égard aux relations antérieures qui ont existé et qui existent encore avec l'ancienne Union française ou le Commonwealth.
La préservation de cette bonne intelligence n'est d'ailleurs pas incompatible avec la fusion administrative de la coopération et des affaires étrangères stricto sensu , que vous menez à bien.
Ces pays, que nous espérons en devenir, savent aussi que les Etats-Unis résistent rarement à la tentation d'influer sur la politique intérieure d'un autre pays.
Il est donc primordial de consolider la politique multilatérale de la France, meilleur rempart contre l'hégémonisme. Les 3,4 milliards de francs qui sont alloués aux contributions obligatoires et volontaires dans les institutions internationales permettront à notre pays d'orienter certains programmes et de faire recruter des administrateurs français à tous les niveaux. Ils aideront à défendre notre statut de puissance nucléaire et notre siège permanent au Conseil de sécurité. C'est une bonne chose.
Notre politique étrangère a besoin de l'aide des Français de l'étranger, qui jouent un rôle essentiel dans la diffusion de notre culture, de notre langue, et qui sont des relais économiques essentiels dans le monde entier.
MM. Jean-Pierre Cantegrit, Hubert Durand-Chastel et André Maman. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. J'approuve ainsi l'augmentation des crédits qui leurs sont consacrés, que ce soit pour le rapatriement, pour les actions de sécurité et d'assistance ou simplement pour les aider à vivre mieux leur situation d'expatriés.
La progression du nombre de nos compatriotes vivant à l'étranger est d'ailleurs un signe de dynamisme et d'esprit d'entreprise. Je souhaite néanmoins attirer votre attention sur la nécessité de rendre les établissements scolaires financièrement accessibles à tous les enfants d'expatriés. Mais je sais que vous êtes sensible à ce problème.
En ce qui concerne les relations entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie et des finances, il me semble utile de revenir sur des règles de base. Dans votre ministère, 610 emplois ont été supprimés entre 1993 et 1998. Je ne suis pas certain que cette réduction ait été le fruit d'une stratégie concertée entre les deux ministères, mais plutôt la concrétisation d'une réduction des dépenses publiques que j'aurai vue plus utilement appliquée à d'autres administrations.
Il en va sans doute de même, hélas !, pour l'évolution de la carte diplomatique et consulaire.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ce n'est jamais au bon endroit !
M. Aymeri de Montesquiou. Permettez-moi, monsieur Charasse, de ne pas être d'accord avec vous !
En revanche, la fermeture de certains de nos consulats dans les pays de l'Union européenne me semble normale ; elle va dans le sens d'une citoyenneté européenne : la fermeture récente du consulat de Florence, des consulats généraux de Venise et de Mayence témoignent d'abord de la réalité de l'entité communautaire.
La défense des intérêts de la France étant l'objectif des deux ministères, cet objectif serait mieux défendu par une stratégie commune. Cette dernière pourrait s'appliquer, entre autres, à la délivrance des visas. Votre ministère pourrait utilement prendre l'avis du secrétariat d'Etat au commerce extérieur et mettre en place une stratégie de délivrance de visas, en particulier pour les étudiants que nous accueillons et les bourses que nous octroyons. Seraient alors distingués les Etats aux fortes potentialités économiques. Monsieur le ministre, j'aimerais recueillir votre avis sur cette question.
Enfin, je souhaite insister sur la présidence de l'Union européenne qui incombera à notre pays au second semestre de l'an 2000. Vous le savez, cette présidence est un moment suffisamment rare, et ce le sera de plus en plus avec l'élargissement de l'Union, pour en faire un moment fort de la vie politique nationale et, mais cela va de soi, européenne et internationale.
La réussite de la conférence intergouvernementale sur la réforme des institutions est - vous l'avez confirmé - une de vos priorités, et je la partage. Cette réforme est évidemment indispensable avant de songer à admettre tout nouveau membre.
J'ai toujours été pro-européen, vous serez donc peut-être surpris de mes propos, mais je ne vois pas d'urgence à élargir l'Europe des Quinze, si ce n'est en vertu du « communautairement correct ».
Allons-nous risquer de mettre en danger le sens et la profondeur de l'aventure communautaire ?
Allons-nous risquer la dilution libre-échangiste pour ne plus ressentir de culpabilité envers des Etats que nous avions laissés de l'autre côté du mur ?
Prenons le temps. Travaillons avec ces Etats, sans promettre de dates, par le biais d'accords d'association. Prenons le temps de la réflexion sur les limites géographiques de l'Europe que nous voulons construire.
Je suis particulièrement inquiet lorsque le président Clinton conseille vivement à l'Union européenne, et l'on se demande au nom de quoi, d'ouvrir sa porte à la Turquie !
Monsieur le ministre, l'Europe paraît encore trop lointaine à nos concitoyens, alors qu'elle a de plus en plus de répercussions sur leur vie quotidienne. Je ne suis pas souverainiste, mais un référendum sur l'élargissement serait-il envisageable ?
Durant la présidence française, il existera aussi une véritable nécessité de mettre en oeuvre une politique étrangère de sécurité mieux concertée, à la mesure du poids économique de l'Union européenne.
Vous disposez déjà, bien sûr, d'outils de qualité et de personnel compétent à la représentation permanente, à la direction de la coopération européenne, au SGCI et avec vos interlocuteurs des différents ministères. Mais, pour que la présidence française soit particulièrement efficace, les chaînes de décision, la réactivité devraient mobiliser plus de moyens.
Pour mener à bien cette présidence, est-il trop tard pour déployer des moyens financiers et humains supplémentaires ?
D'autres aspects pourraient être développés à l'occasion de ce budget. Par exemple, je suis avec beaucoup d'intérêt les nouvelles formes de relations internationales qui se mettent en place, notamment les actions menées par les collectivités locales. Elles ne concurrencent pas celles de votre ministère mais sont d'un appoint précieux. Le travail de recensement et d'analyse conduit actuellement par la commission nationale de coopération décentralisée est très utile et permettra aux citoyens de mieux comprendre le sens des actions menées par leur commune, leur département ou leur région.
Dans les pays où les collectivités développent de nombreux projets, il me semble indispensable qu'un professionnel de la coopération décentralisée soit identifié dans les ambassades. Certains postes ont la chance d'avoir un correspondant. Monsieur le ministre, comptez-vous développer cette méthode ?
Monsieur le ministre, vos moyens sont notoirement insuffisants. Je crois que Michel Debré fut le dernier ministre des affaires étrangères à avoir arraché une augmentation importante pour son budget.
Je ferai une réflexion et une proposition pour augmenter vos ressources.
Si les Américains veulent gendarmer la totalité du monde, l'Europe, elle, n'est directement concernée que par le tiers de la planète. Une défense européenne doit donc s'exercer sur un périmètre défini : l'Europe, la Méditerranée et une grande partie de l'Afrique. Le budget de la défense des quinze pays de l'Union représente aujourd'hui 60 % de celui des Etats-Unis. Une défense européenne vraiment intégrée, utilisant des matériels communs, réalisera des économies d'échelle considérables en étant beaucoup plus efficace avec un budget moindre. Je serais heureux que les futures économies réalisées dans le budget de la défense permettent d'augmenter les crédits de votre ministère.
Je voudrais paraphraser et inverser l'axiome de Clausewitz : la diplomatie est la forme originelle de la défense. Avec 5 % des crédits de la défense qui vous seraient affectés, votre budget augmenterait de près de 50 %. Je suis convaincu que vous en feriez le meilleur usage. Je suis convaincu qu'une diplomatie aux moyens largement étendus permettrait à notre pays de mieux exprimer son génie.
Cette proposition pourra sembler à certains chimérique et trop lointaine dans le futur. Alors, considérons le présent. Les 35 heures en année pleine coûterait 105 milliards de francs, près de cinq fois votre budget. Je ne voudrais pas vous faire succomber à la tentation, mais ne pensez-vous pas qu'une modeste fraction de cette somme considérable - je le répète - pourrait être mieux utilisée par votre ministère pour défendre les intérêts de notre pays, entre autres son économie et, donc, créer vraiment des emplois ?
Le ministre des affaires étrangères conduit avec compétence et courage un vaisseau magnifique qui devrait avoir les moyens budgétaires de mener une diplomatie encore plus efficace. Membre du Rassemblement démocratique social et européen, je soutiens son action et voterai son trop modeste budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le ministre, le budget du ministère des affaires étrangères que vous présentez à l'examen et à l'approbation du Sénat n'est pas très différent de ceux qui ont été élaborés depuis de longues années par vous-même et, avant vous, par vos prédécesseurs. Je veux dire par là qu'il n'est vraiment pas satisfaisant pour le sénateur des Français de l'étranger que je suis, c'est-à-dire pour un parlementaire qui est, plus que d'autres, tout particulièrement soucieux non seulement des intérêts légitimes et des préoccupations souvent angoissantes de nos compatriotes expatriés, mais aussi, au-delà de la spécificité catégorielle de son mandat, de la réalisation des ambitions de notre pays dans le monde.
Plusieurs de mes collègues vous ont déjà dit ou vous diront combien ils jugent une fois de plus insuffisants, au regard de ces préoccupations et de ces ambitions, les crédits prévus pour le bon fonctionnement de nos ambassades et de nos consulats, comme de nos services culturels et éducatifs extérieurs. Je partage leurs inquiétudes et leur insatisfaction.
Dans le trop faible temps de parole qui m'est imparti, je souhaite attirer tout particulièrement votre attention sur deux très graves questions : celle des recrutés locaux - j'y reviens à nouveau - et celle de notre réseau scolaire.
En ce qui concerne le problème des recrutés locaux, je tiens seulement à vous redire, à la faveur de ce débat budgétaire, combien je suis choqué par la décision qui vient d'être prise par l'Assemblée nationale, au terme d'une procédure constitutionnellement des plus contestables et sur l'initiative de votre ministère, de supprimer le statut d'agent public des services extérieurs de l'Etat, que reconnaissait jusqu'à présent à ces personnels une jurisprudence administrative constante.
Je comprends très bien les raisons financières qui ont poussé vos services en cette affaire ; je vais en reparler dans un instant. Mais, je n'en persiste pas moins à considérer que cette initiative, qui consacre un recours d'année en année grandissant à des « soutiers » sans défense - comment trouver un mot plus adéquat ? - de la diffusion de notre langue et de notre culture au dehors, est socialement et moralement inadmissible, surtout de la part d'un gouvernement qui, comme moi, se réclame des valeurs de justice et de progrès.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, c'est un cri d'alarme que je pense de mon devoir de pousser, une fois de plus, comme quelques autres ce soir, et aussi, comme pour le problème des recrutés locaux, un cri d'indignation.
Notre réseau de quelque 400 établissements scolaires français à l'étranger est de très bonne qualité. Mais, faute de crédits publics suffisants, il est de plus en plus à la charge des parents et, de ce fait, il est progressivement et inexorablement devenu un réseau d'écoles pour les riches, français ou étrangers, en dépit du correctif des bourses, qui est très insuffisant pour pouvoir renverser cette tendance. A 1 500 francs par élève et par mois ouvrable, en moyenne internationale, des milliers de familles françaises à revenus modestes, non éligibles néanmoins aux bourses scolaires - car celles-ci sont, de fait, réservées à des milieux très démunis - ne peuvent pas ou ne peuvent plus inscrire leurs enfants dans les écoles de ce réseau. C'est tout particulièrement le cas dans les pays de l'hémisphère sud, où les familles françaises, très souvent binationales, sont d'ordinaire plus mal loties que celles qui sont établies dans les pays industriels d'Europe et d'Amérique du Nord. Une telle situation est très injuste pour ces familles et leurs enfants. Elle est contraire aussi à nos intérêts nationaux les plus fondamentaux car, à terme, ces enfants, qui sont éduqués dans une langue étrangère, faute de pouvoir l'être en français, représentent des parts grandissantes du marché international langagier, culturel et, ensuite, commercial et politique qui sont perdues pour notre pays.
Je sais très bien, monsieur le ministre, qu'il est très difficile, voire impossible pour vos services de faire plus que ce qu'ils font actuellement, à travers l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, placée sous la tutelle de votre direction des relations culturelles. Mais pourquoi donc le ministère de l'éducation nationale s'obstine-t-il depuis des années à refuser d'accepter la cotutelle de cette agence et à contribuer, pour partie, à son financement ? Jusqu'à quand ce refus autiste va-t-il durer ? Qu'attend le chef du Gouvernement pour intimer l'ordre de changer d'attitude aux responsables de ce ministère, cependant considérablement mieux doté que le vôtre ? Les Français de l'étranger ne seraient-ils pas considérés, rue de Grenelle et rue de Varenne, comme des Français à part entière ?
Monsieur le ministre, si le temps de parole qui m'est imparti était un peu plus long, je pourrais aborder bien d'autres domaines où il est clair que votre département, faute de crédits suffisants, est contraint de recourir à des solutions de moins en moins satisfaisantes, quand ce n'est pas à de simples expédients, pour l'accomplissement de ses diverses missions.
Je pourrais vous parler aussi, entre autres choses, des agents consulaires de moins en moins qualifiés, parce que moins payés que d'autres plus compétents mais plus coûteux, qui tendent, de ce fait, à réserver un accueil souvent déplorable aux usagers ; ou bien de nos centres et de nos instituts culturels qui ne fonctionnent presque plusqu'avec des vacataires payés à l'heure, sans aucune protection sociale ; ou bien encore de toutes ces fermetures intempestives de consulats qui sont intervenues ces années-ci.
Généralisant mon propos, je rappellerai simplement que, pour entretenir un réseau diplomatique et consulaire encore comparable à celui des Etats-Unis d'Amérique, en dépit des fermetures que je viens d'évoquer, et des réseaux scolaires et culturels sans équivalent dans le monde, votre ministère, en dehors des dotations au titre des anciens services de la coopération qui lui sont à présent rattachés, ne dispose de guère plus, depuis des années, que de 0,90 % des crédits du budget total de la République, les relèvements de ces crédits, quand ils interviennent parfois, comme cette année, n'étant que d'ampleur homéopathique.
De toute évidence, faute d'assez de vent, il va bien falloir nous résigner pour de bon, un jour ou l'autre, à ramasser les voiles. Il faudra alors avoir le courage politique de le dire, au lieu de continuer à faire rituellement, année après année, des déclarations incantatoires, qui ne trompent plus personne, sur le rôle de notre pays dans le monde. Mais ce jour-là sera un jour de grande tristesse !
A vrai dire, de la présence de la France au-dehors, aujourd'hui comme depuis bien longtemps, à Paris et dans nos provinces, tout le monde se moque, ou peu s'en faut, comme le montre, aujourd'hui encore, la tardiveté de ce débat programmé au creux de la nuit. C'est même une très vieille histoire.
« Labourage et pâturage, voilà, sire, les deux mamelles de la France, nos vraies mines d'or du Pérou », disait déjà, il y a près de quatre siècles, Sully à Henry IV, qui voulait engager la France dans l'aventure ultra-marine, en créant des compagnies à charte, à l'instar des Hollandais et des Anglais de ce temps-là.
« La Corrèze plutôt que le Zambèze », écrira Raymond Cartier dans Paris-Match, en 1953, quelque 350 ans plus tard.
Remarquable continuité de pensée, qui se prolonge jusqu'à nos jours, au tréfonds de la conscience d'un peuple qui, ainsi que disent les Allemands, se sent « heureux » chez lui « comme Dieu en France », même s'il râle tout le temps.
A quoi bon « aller chercher fortune aux lointains pays », comme celui des deux pigeons qui « s'aimaient d'amour tendre » mais qui était néanmoins parti voir ailleurs, et dont se moque La Fontaine, ce monument de notre sagesse nationale, n'est-ce pas ?
Et c'est ainsi que, dans l'élaboration - par les héritiers successifs de Sully - de nos budgets très étroitement hexagonaux, il est si difficile de faire passer le vent du grand large, car ceux, très rares, qui en ont le goût ne sont jamais en mesure de bloquer le métro ou le périphérique, alors que nos gouvernements, celui d'aujourd'hui comme ceux d'hier, ne sont guère sensibles qu'à l'exercice de la force physique, dès lors que celle-ci, bien sûr, peut être dérangeante pour les autres citoyens-électeurs.
Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, que les critiques que je viens de formuler ne sont pas, en fait, adressées à vous-même, même si c'est devant vous que je les exprime, faute d'autres interlocuteurs plus identifiables.
Comme tout cela est désolant ! En tout état de cause, à considérer les chiffres de votre budget, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser ni s'autocongratuler. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention pourrait être comparée au huitième mariage du roi Henri VIII et sera une victoire de l'optimisme sur l'expérience. (Sourires.)
En effet, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, j'ai eu l'occasion de vous solliciter au sujet du budget du Conseil de l'Europe.
La discussion budgétaire, qui se tient à une heure tardive, mais dans un cadre presque intime, m'offre cependant une nouvelle tribune et l'occasion de redire, une fois encore, combien il est important de soutenir de façon concrète, et donc financièrement, l'action du Conseil de l'Europe.
L'Assemblée du Conseil de l'Europe, c'est une incomparable cellule de réflexion et une force de proposition qui regroupe les représentants des parlements des quarante et un pays composant la grande Europe.
Il est nécessaire de le rappeler de temps en temps : l'Europe ne se limite pas à l'Union européenne.
La France doit accorder à cette institution qu'elle a conduite sur les fonts baptismaux il y a quarante ans les moyens d'accomplir la mission qui est la sienne.
Tout d'abord, la présentation du budget doit être revue.
La représentation nationale ne peut se satisfaire de la présentation globale du budget. Cette institution ne dispose d'aucune ligne budgétaire spécifique, ce qui interdit tout contrôle de la représentation nationale sur les dépenses et rend impossible tout débat sur le sujet.
La question a déjà été soulevée dans d'autres enceintes, à plusieurs reprises et de façons diverses sans avoir donné lieu à des réponses. La question abordée aujourd'hui n'est donc pas nouvelle mais la présidence française de l'Union européenne devrait constituer l'occasion d'y apporter enfin une réponse.
Il est notamment indispensable, tant pour des raisons de forme que de fond, de corriger la présentation du titre IV.
En effet, et ce n'est qu'un rappel, la contribution française au budget du Conseil de l'Europe comporte, outre des contributions obligatoires et des souscriptions à des programmes spécifiques - souscriptions correspondant à des contributions volontaires - des fonds affectés au fonctionnement de la Cour de justice.
Le coût - estimé à 5 millions de francs - du poste de commissaire aux droits de l'homme obère considérablement, à hauteur d'environ 20 %, le budget de fonctionnement du Conseil de l'Europe. La France devrait donner l'exemple à ses collègues des autres pays membres, en dissociant le budget de la Cour de justice de la contribution globale de façon à constituer au plus vite pour ce poste un budget annexe.
Il est indispensable que le Gouvernement accorde aux parlementaires la transparence qu'ils réclament en adoptant une rédaction et une présentation détaillée selon les postes.
Il faut aussi détailler les programmes et les montants des participations financières.
Seule une telle présentation permettra à la représentation nationale de suivre les actions menées et d'en apprécier le bien-fondé, d'autant que la France est le seul pays à adhérer systématiquement à tous les accords partiels, voyant ainsi sa contribution s'accroître de plus de 47 millions de francs et passer de 128 millions de francs à 175 millions de francs.
Je formulerai d'autres suggestions, monsieur le ministre, si vous le voulez bien.
Il conviendrait tout d'abord de créer une ligne correspondant à des indemnités versées ou à verser aux parlementaires du Conseil de l'Europe, sur le modèle de celle qui concerne les élus du Parlement européen.
Il faudrait également connaître le détail des dépenses de fonctionnement et des autres dépenses liées au Conseil de l'Europe, ainsi que les frais de fonctionnement et de représentation de l'ambassade de France auprès du Conseil.
D'autres questions se posent encore.
A l'article 40, agrégat 03, le poste : « interventions du ministre des affaires européennes » a augmenté de 9 millions de francs, passant à 24 150 446 francs. Sans doute est-ce en liaison avec la présidence française de l'Union européenne. Mais concerne-t-il en tout ou en partie seulement le Conseil de l'Europe ?
Au titre IV, interventions publiques, les mesures de non-reconduction d'ajustement ou de transferts internes concernent-elles le Conseil de l'Europe ?
Monsieur le ministre, la présidence française de l'Union européenne et le tropisme de l'élargissement érigé en dogme ne doivent pas faire perdre de vue les difficultés qui attendent une Europe élargie et déjà si disparate.
La sagesse devrait sans doute nous conduire à engager une vraie réflexion, qui ne confonde pas vitesse et précipitation. L'Europe des Quinze est déjà un monstre administratif bouffi d'autosatisfaction, gonflé par les frais de réception et de traduction.
M. Attali, en prônant dans un rapport remis au Gouvernement une Europe élargie à quarante pays, plaide, très astucieusement et sans le savoir, en faveur du renforcement des pouvoirs du Conseil de l'Europe. L'Europe de M. Attali existe donc déjà. Et si nous lui accordions un peu plus d'attention !
Le second sujet que je voudrais évoquer à cette tribune, très brièvement d'ailleurs, concerne le Kosovo.
Mon interrogation porte plus expressément sur le rôle que doit jouer la France, au regard non pas des orientations, mais des mesures qui doivent être prises et appliquées sans tarder par ces organisations internationales dont notre pays est l'un des principaux acteurs. C'est ainsi que les crédits annoncés par l'Union européenne et donc par la France n'étaient toujours pas débloqués le 25 octobre dernier.
Plus que sur des mots ou des constatations, la restructuration de l'économie du pays repose essentiellement sur la restauration agricole et le maintien de la vie rurale. J'en ai d'ailleurs fait le rapport au Conseil de l'Europe.
Or, cette reconstruction, qui repose sur l'un des quatre piliers de l'équipe Kouchner, est confiée à un Français. Officier de réserve, ce dernier a laissé sa famille, son exploitation agricole en Champagne-Ardennes dont il est originaire, pour se rendre au Kosovo afin d'y apporter son aide et ses compétences. Là-bas, il utilise son ordinateur et son portable personnels et vit sous une tente dans des conditions extrêmement modestes, alors que les autorités européennes sont installées dans le musée de Pristina. C'est l'illustration même des problèmes spécifiques que vivent nos compatriotes là-bas, et qu'on n'imagine certainement pas à Paris.
Or, nous pouvons agir sans tarder, sur la destruction des mines antipersonnel, nous avons en France une société spécialisée qui attend des instructions pour entreprendre le déminage. Sur la dépollution des terres, une centaine de pluvérisateurs sont nécessaires et nous connaissons la société fournisseur. Sur l'enlèvement des cadavres d'animaux qui restent encore sur le sol, une société d'équarrissage normande est prête à intervenir.
J'ajoute que l'ONF et l'INRA ont été contactés afin de participer au réensemencement des espaces agricoles et au reboisement des forêts.
Il faudrait par ailleurs quelques tonnes de ciment pour que les paysans kosovars restaurent leurs habitations car il ne leur reste que des briques de démolition.
Grâce à de telles actions, les paysans kosovars pourraient très rapidement regagner leur lopin de terre, sortir de leur situation d'assistés et retrouver très vite l'autosuffisance.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Absolument !
M. Daniel Goulet. Par ailleurs, le pont de Pec, qui a été détruit, est actuellement remplacé par un pont métallique provisoire posé par l'administration américaine qui entend bien le reprendre lorsqu'elle quittera le pays. Or, il est impossible de débloquer le dossier de la reconstruction de ce pont. Les Français ont proposé un projet, mais ils se sont vu opposer un refus qui nous paraît incompréhensible.
Constats, projets, initiatives ne manquent pas ; mais ils sont bloqués, faute d'argent.
Vous conviendrez que ces situations ne sont plus acceptables.
On ne compte plus les responsables politiques qui sont allés au Kosovo, quand ils ne sont pas sur le point d'y partir. Certains crient, comme moi, leur étonnement et déplorent leur impuissance à faire oeuvre utile. D'autres, plus nombreux, font montre d'auto-satisfaction.
Bien que l'enceinte de notre assemblée ne s'y prête guère, j'ai envie de crier : « Assez ! », assez de mots, de colloques, de conférences de donateurs, d'ONG qui, pour certaines, deviennent de véritables professionnels de la misère. Pourquoi 330 ONG sont-elles présentes au Kosovo ? Fort heureusement, j'ai pu constater que celles qui sont d'origine française remplissent bien leur mission !
Monsieur le ministre, ce sont des actes précis et efficaces qu'il faut envisager même si nous pouvons considérer qu'ils peuvent être au départ assez modestes, leurs effets seraient à coup sûr significatifs.
Nous avons sur place des compatriotes dont la compétence et la générosité sont unanimement appréciées. Faisons en sorte de les sortir de leur isolement en les comprenant et en les aidant, dans le sens qu'ils nous indiquent. C'est au sein des organismes internationaux que la France doit donc se montrer efficace, faire preuve d'une très ferme détermination et surtout d'une grande exigence dans l'application et le suivi des mesures retenues.
C'est ainsi que la France aura bien rempli sa mission et qu'elle sera digne des vertus d'humanisme qu'on lui accorde ordinairement.
J'aimerais tant, monsieur le ministre, que, pour une fois, vous soyez en mesure de contredire mes affirmations ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Monsieur le ministre, jusqu'à présent nous avons à peu près tenu les délais établis par la conférence des présidents. Si vous pouviez répondre à l'ensemble des orateurs en une trentaine de minutes, vous contribueriez au bon déroulement de la discussion budgétaire.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du genre s'agissant du budget des affaires étrangères, c'est de parler du budget et de tout autre chose. Chacun peut donc comprendre mon embarras de devoir répondre le plus complètement possible à des questions nombreuses et diverses.
Certaines questions s'adressaient à M. Hubert Védrine, qui aurait aimé y répondre. Mais il a dû se rendre à Helsinki, où ses collègues et lui-même recherchent en ce moment la manière la plus efficace de peser sur la Russie afin de trouver d'autres solutions que celle qui est aujourd'hui mise en oeuvre en Tchétchénie.
Je voudrais d'abord remercier les rapporteurs ainsi que le président de la commission des affaires étrangères, M. de Villepin. Vous avez rappelé le caractère souvent consensuel du débat relatif au budget des affaires étrangères, qui ne se traduit pas toujours par un vote consensuel ! J'ai des raisons particulières de me féliciter, car tous les orateurs ont dit, malgré les réserves qu'ils ont exprimées, qu'il voteraient le budget qui leur était présenté non pas tant pour les crédits qu'il comporte, mais pour l'action que nous conduisons. J'ai donc bien compris que, pour beaucoup d'entre vous, c'est peut-être plus ce dernier argument qui emportait la décision que les seules considérations budgétaires.
Si j'ai cité M. de Villepin, c'est parce que M. Hubert Védrine a regretté de ne pas avoir eu le temps de le faire lui-même à l'occasion de son intervention. Je tenais à le rappeler, car vous êtes pour beaucoup, monsieur de Villepin, dans ce climat consensuel qui, souvent, prévaut autour de nos discussions.
Je voudrais brièvement cibler un peu mieux avec vous les crédits de coopération internationale.
C'est la deuxxième fois que je vous présente le projet de budget des affaires étangères dans sa composante « Coopération et francophonie ». J'entends par là l'ensemble des crédits d'intervention que nous consacrons à notre politique extérieure et que nous mettons en oeuvre avec les services nés de la réforme de la coopération. Après les crédits de l'année de rodage, ce sont donc ceux du régime de croisière qui sont soumis à votre vote.
Certains continuent de regretter - je sais que c'est le cas de M. de Villepin - un certain manque de lisibilité de ces crédits à l'intérieur du budget. Je vais donc essayer de répondre à ses interrogations, comme d'ailleurs à celles de Mme Brisepierre sur l'efficacité de notre réforme.
Je reviendrai un instant sur l'impact de la réforme de notre dispositif de coopération, puis je vous exposerai les grandes lignes du projet du budget.
Le nouveau dispositif de coopération a été mis en place au cours de l'année 1999. L'appareil administratif était prêt au 1er janvier. La DGCID était constituée de la fusion des services de la coopération et de la DGCRST. Elle comptait un peu moins de 600 agents. C'est évidemment une direction importante dans l'ensemble affaires étrangères-coopération. Elle s'installait pour partie rue Monsieur et boulevard Saint-Germain. Nous n'avions pas pu, et nous le regrettons, trouver un site unique pour l'installer, mais les deux adresses ne sont pas si éloignées ; le fonctionnement de l'ensemble ne peut donc pas en être trop affecté.
J'ai compris que, selon vous, la DGCID avait encore besoin de roder son fonctionnement. L'un de vous a qualifié la DGCID d'« usine à gaz frileuse », ce qui signifie qu'il y a de toute évidence une mauvaise utilisation du gaz, (Sourires.) ...
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Ça va exploser !
M. Charles Josselin, ministre délégué. ... ou que celui-ci serait de mauvaise qualité !
Lorsque nous avons mis en place cette réforme, nous avions évidemment la certitude qu'il faudrait évaluer la manière dont elle serait conduite et, éventuellement, si nécessaire, la corriger. Il faut donc apporter ici ou là quelques corrections, sinon dans l'organigramme, du moins dans le fonctionnement de cette grande direction. Nous en parlons avec ses responsables et nous trouverons les solutions qu'appelle ce métissage encore insuffisant, cette ouverture encore insuffisante - cela a été rappelé par certains - dont, croyez-moi, nous sommes conscients !
Les questions touchant aux statuts des personnels et à leurs régimes de rémunérations avaient été réglées au préalable dans leur principe. La mise en oeuvre de solutions retenues n'est pas achevée, mais elle se poursuit sans à-coups particuliers. M. Hubert Védrine a d'ailleurs utilisé la dynamique créée par notre réforme pour lancer la fusion des corps de chancellerie et d'administration centrale dans des corps unique plus souples et mieux adaptés aux besoins de l'administration comme aux aspirations des agents. Après la fusion des corps de la catégorie A, désormais acquise, nous allons réaliser celle des autres catégories de personnel.
Deuxième temps fort, le CICID s'est réuni et a fixé les contours de la zone de solidarité prioritaire. Ce faisant, il arrêtait les conditions d'intervention de nos instruments de coopération. Nous avons donc lancé les procédures de révision des textes correspondants, cela vaut pour le statut de l'AFD et le décret sur le FAC, qui deviendra le fonds de solidarité prioritaire, en cohérence avec la zone de solidarité prioritaire, au 1er janvier prochain. Il faudra s'adapter à ce nouveau sigle. La discussion n'est pas achevée. En plein accord, sur le fond, avec M. Charasse, je souhaite que les parlementaires continuent de jouer le rôle qui a été le leur depuis 1959 dans le nouveau dispositif. Il reste à nous entendre sur les modalités de ce système original de contrôle parlementaire. Je n'anticiperai pas sur la suite des débats.
La ZSP comporte cinquante-huit pays, parmi lesquels figurent la quasi-intégralité des pays africains - je le précise à l'intention de ceux qui craignaient que la réforme n'affaiblisse notre sollicitude et notre volonté de coopérer avec les pays africains - comme le Maghreb, la Palestine, le Liban, plusieurs pays d'Asie du Sud-Est et ceux qui environnent nos départements et territoires d'outre-mer ; tous sont potentiellement bénéficiaires de notre aide, sous réserve de la qualité des projets que nous définissons ensemble.
Chaque année, le CICID redéfinira la liste des pays de la ZSP, en fonction d'un certain nombre de critères parmi lesquels le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, la bonne gestion des affaires publiques et la lutte contre la corruption. J'insiste sur cette dernière parce qu'elle fait l'objet d'un ciblage particulier, notamment dans le cadre de la renégociation des accords de Lomé.
Plusieurs d'entre vous me demandent comment nous assurons la compatibilité entre une zone d'intervention plus large que l'ancien champ et le maintien en masse de nos crédits d'aide projet. Ma réponse est triple : d'abord une plus grande sélectivité des projets au regard de leur efficacité et de l'implication effective de nos partenaires, ensuite le basculement d'une partie des projets sur les crédits mis en oeuvre par l'AFD pour les opérations d'infrastructures de santé et d'éducation et la mise en oeuvre d'un supplément de crédits qui correspond à vos voeux. Vous aurez apprécié comme moi l'augmentation des autorisations de programmes du titre VI de 350 millions de francs, dont 210 millions de francs au titre du FAC et 140 millions de francs au titre de l'AFD.
Depuis le début de l'année, nous avons redéployé des personnels au profit des nouveaux pays de la ZSP et, dès cet automne, les premiers projets hors de l'ex-champ ont pu être négociés avec ces pays et seront décidés en comité directeur du FAC la semaine prochaine, pour le Vietnam, le Liban, Cuba, le Ghana, par exemple.
J'ajoute que ces mouvements de personnels - ce sont 1000 personnes qui ont été déplacées dans le cadre de la réforme, ce qui est considérable ! - avaient aussi pour objectif de mêler les cultures des anciens de la « coopération » et des anciens de la « DG ». Ainsi, la coopération internationale que nous proposons à nos partenaires, développés ou moins développés, s'en trouve modernisée, plus adaptée à des réalités qui, elles aussi, ont changé, au Nord comme au Sud.
Je vous concède, madame Brisepierre, que ce métissage n'est pas homogène sur l'ensemble de notre dispositif, que notre objectif ne sera pas atteint avant quelques années, qu'il y a encore ici ou là des problèmes de comportement des uns vis-à-vis des autres, ce qui explique parfois le malaise ou le mal-être observé dans certains postes ; nous y veillons.
La nouvelle mécanique de la coopération est en tout cas lancée et je pense qu'après quelques mois d'adaptation elle va fonctionner ; elle fonctionne déjà, je crois, efficacement.
Ainsi que l'a indiqué M. Hubert Védrine, le budget des affaires étrangères pour l'an 2000 rompt avec la décroissance régulière des budgets précédents. Il est vrai qu'il ne s'agit pas d'un budget prioritaire, mais il faudrait remonter très loin pour en trouver un. Bien qu'ayant été parlementaire pendant vingt-sept ans, je ne crois pas me souvenir d'avoir jamais vu, au cours de cette période, un budget des affaires étrangères reconnu comme étant un budget prioritaire. On a dit tout à l'heure qu'il fallait remonter à Michel Debré !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. A Talleyrand !
M. Charles Josselin, ministre délégué. En tout cas, les choses commencent à changer. Mais il est évident que ce n'est pas seulement le budget 2000 qui pourra faire la preuve de cette inflexion ; ce sont également les budgets suivants, en particulier le budget 2001 et je vous donne déjà rendez-vous, parce que nous ne serons pas de trop pour parvenir à un budget satisfaisant !
Les crédits de la DGCID progressent de 0,1 %, passant de 9,232 milliards de francs à 9,240 milliards de francs. C'est peu, mais c'est complètement nouveau.
Bien entendu, cette évolution n'est pas générale et ne porte pas sur toutes les catégories de crédits de coopération. Dans cette arithmétique de hausses et de baisses, nous avons profité d'économies acceptables pour financer nos besoins et nos priorités.
Je pense aux crédits d'ajustement structurel, dont la consommation a encore chuté en 1999 et qui deviendront, j'en accepte l'augure, inutiles dès lors que les annulations de dettes des pays pauvres très endettés décidées par le G7 auront produit leurs effets. J'ajoute, à cet égard, que cette mesure libérera des marges de manoeuvre sur les budgets des pays correspondants, qui pourront être utilisées sur des projets de coopération. La lutte contre la pauvreté et le renforcement de l'Etat de droit en seront les principaux bénéficiaires. Or c'est dans ces domaines que nous avons un savoir-faire reconnu.
Au sujet de cette baisse constatée et regrettée, il faut tout de même rappeler qu'elle s'explique parfois parce que la situation financière de certains pays africains s'est améliorée ; que d'autres bailleurs, le FMI par exemple, ont pu les aider, ce qui diminue notre part dans l'appui reconnu à ces pays ; que malheureusement aussi des conflits dans certains de ces pays n'ont pas permis le développement normal de programmes d'appui entraînant la sous-consommation d'un certain nombre de crédits.
Mais c'est surtout la quasi-disparition des protocoles financiers, passant de 15 milliards de francs à 1,6 milliard de francs en quelques années, qui explique très largement la baisse observée par plusieurs d'entre vous. Cela signifie, c'est vrai, qu'on aide moins nos entreprises à exporter, qu'elles sont plus compétitives et que les marchés financiers internationaux sont aussi preneurs de leurs opérations.
L'assistance technique figure au nombre de vos préoccupations et des nôtres aussi. Elle libère encore des crédits cette année. Parallèlement, les dotations correspondantes gagnent en flexibilité, ce qui devrait permettre de recourir à une expertise différente, intervenant dans des conditions de délai différentes, sur des programmes et avec des objectifs parfois plus serrés.
Le travail confié à Jean Némo à ce sujet entre dans la phase d'élaboration des recommandations. M. Hubert Védrine et moi-même en tirerons les conséquences au début de l'année prochaine, et nous aurons certainement l'occasion, si vous le souhaitez, d'en parler. C'est une question capitale, mais la question se pose de savoir jusqu'où aller trop loin dans la déflation. C'est presque, en dessous d'un seuil, un problème de visibilité.
La question de l'abandon systématique de la substitution est aussi posée. Nous pouvons nous interroger notamment sur le point de savoir si, en matière d'enseignement supérieur, la présence d'enseignants français ne serait pas parfois, ici ou là, utile. La question, là aussi, mérite d'être évoquée.
Ce budget, en tout cas, permet d'assurer les priorités qui ont été fixées aussi bien en matière de coopération-développement qu'en matière de coopération culturelle. Hubert Védrine a cité les principales mesures nouvelles. Je n'en citerai pas d'autres car le temps me manque. Je rappellerai simplement notre volonté de développer notre capacité d'influence extérieure, d'identifier et de fidéliser les élites chez nos partenaires, et de confirmer notre position en matière de coopération au développement.
Nous cherchons à développer notre influence par une meilleure présence sur les plans médiatique, diplomatique et géographique.
Une meilleure présence médiatique passe par l'audiovisuel extérieur, dont Mme Pourtaud nous a entretenus. Les crédits qui y sont consacrés seront augmentés de 25 millions de francs, conformément à notre engagement de réaliser le plan TV5, conduit par le président Stock. J'apprécie d'ailleurs les compliments que vous avez exprimés à son intention et à celle de son équipe.
Il est vrai que Jean Stock n'est pas responsable de l'ensemble de la constellation TV5. Il y a également TV5 Canada-Québec : c'est un attelage à double commande, Canada et Québec, qui vient de renouveler sa direction, puisqu'un nouveau président vient d'être désigné.
Le contact est établi avec Jean Stock ; espérons que le dialogue sera fécond pour donner au signal émis sur le continent américain une meilleure attractivité !
De toute évidence, le succès n'est au rendez-vous ni aux Etats-Unis ni - et c'est plus préoccupant pour nous - en Amérique latine, où pourtant une demande de télévision en français existe. Il faut donc que le signal que nous émettons là-bas soit de qualité, c'est une de nos préoccupations.
La réflexion est engagée, nous en reparlerons certainement dans le courant de l'année prochaine. S'il apparaissait que les efforts entrepris n'atteignaient pas l'objectif poursuivi, il faudrait se reposer la question de savoir si c'est une chaîne française extérieure qu'il y aurait lieu de promouvoir à nouveau.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Notre influence passe aussi par une meilleure présence dans les institutions multilatérales.
Nous augmentons le volume de nos contributions volontaires aux organisations internationales, certains d'entre vous l'on rappelé. Nous tirons là profit du travail qu'avait fait votre collègue député Yves Tavernier, mais aussi des appels que vous nous avez lancés depuis plusieurs années.
Nous aidons nos partenaires en développement à accroître aussi leur présence dans ces enceintes. Nous avons abondé les fonds créés à cet effet à l'OMC.
A ce sujet, je dirai que, si l'échec de Seattle n'est pas seulement imputable au défaut d'implication des pays en développement à la préparation du sommet, cette circonstance y a certainement contribué pour beaucoup, et je crois que nous devrons les aider dans l'avenir à mieux s'impliquer dans les organismes où le sort commun est décidé.
Au-delà, je vois évidemment une raison supplémentaire d'aider nos partenaires, c'est de constituer avec eux des groupes de pression influents.
La francophonie, d'ailleurs, est utilisée chaque fois que faire se peut pour essayer de forger à l'avance des positions communes dans ces rendez-vous. La conférence économiques de Monaco sur ce sujet en avait établi le principe.
La préparation du sommet de Moncton a été assez exemplaire. Elle s'est faite sur des bases raisonnables et avec une volonté partagée de rendre plus efficaces les instruments dont nous l'avions dotée. Je fais là référence aux audits et aux évaluations que la France a réclamés avec insistance et qui ont conduit à un certain nombre de décisions qui devraient être positives. Je pense en particulier à l'agence universitaire de la francophonie. Nous sommes en tout cas parvenus à construire un nouveau programme ambitieux, à moyens constants, pour le prochain biennum . L'exercice mérite aussi d'être souligné et je pense que cette réussite est porteuse d'avenir pour notre langue et notre culture.
La deuxième idée force, vous en avez beaucoup parlé les uns et les autres pour dénoncer sa mise en oeuvre insuffisante et le manque de moyens qui y sont affectés, c'est d'identifier et de fidéliser les élites futures chez nos partenaires. C'est toute la question de l'accueil en France des étudiants étrangers. M. Hubert Védrine y a fait allusion. Il a rappelé le montant des mesures prises au profit d'EduFrance et des bourses d'excellence du programme Eiffel. Les orientations déterminées l'an dernier sont confirmées, les moyens consacrés augmentés, et c'est bien toute notre politique d'accueil des étudiants qui est renforcée et rendue plus attrayante pour les candidats potentiels.
Je n'en dis pas davantage, mais je suis bien d'accord avec vous pour considérer que la question des visas appelle des traitements plus positifs, même si des progrès ont été réalisés et même s'il arrive que nous soyons un peu hésitants à accorder des visas pour des premiers cycles, ce qui revient à condamner l'enseignement supérieur dans les pays d'où proviennent ces étudiants. C'est une question à laquelle je vous rends attentifs, elle est tout de même préoccupante.
Je sais que la concurrence américaine, nord-américaine en particulier, est forte et qu'il y a un tropisme qui n'affecte pas seulement les étudiants africains. Les étudiants européens n'y échappent pas complètement.
Mais, sur ce sujet, je voudrais que l'on sache aussi raison garder et que l'on conserve présentes à l'esprit un certain nombre de réalités comme le fait que la France demeure, et de très loin, le pays d'accueil des étudiants africains.
Il faut donc, en effet, que nous nous donnions les moyens, non seulement de recevoir ces étudiants, mais de les accueillir vraiment dans un environnement qui fasse la place aussi bien au logement qu'à l'insertion sociale.
J'en viens à notre volonté de confirmer la place de la France dans l'aide publique au développement.
Nos crédits APD sont globalement préservés dans le budget pour 2000. Les dotations en autorisations de programmes du fonds de solidarité prioritaire et des dons-projets mis en oeuvre par l'agence française de développement sont reconduites à 2,3 milliards de francs dans le projet de loi de finances qui vous a été proposé, avec des crédits de paiement qui progressent de 5 %. Si vous acceptez de voter les amendements du Gouvernement, l'augmentation sera encore plus significative.
Nous avons, en réalité, repensé profondément l'utilisation de tous nos instruments, notamment pour assurer l'élargissement du champ de la ZSP. Dès à présent, des pays qui n'étaient pas dans le champ sont éligibles au FAC ; je pense aussi bien aux pays du Maghreb que du Mashreck ou d'Asie du Sud-Est, qui ne bénéficiaient auparavant que des crédits du titre IV.
Pour 2000, nous allons modifier nos procédures de programmation en instituant des « réserves régionales » de crédits aux côtés des classiques enveloppes indicatives par pays. Nous nous donnerons ainsi, à la fois, une plus grande souplesse et des moyens plus visibles pour conduire des projets régionaux, en particulier sur des régions où une nouvelle coopération est à construire. Cela vaut d'ailleurs aussi bien dans la ZSP, pour le fonds de solidarité prioritaire, que dans les pays d'Europe de l'Est, pour les projets financés par le COCOP.
Ce projet de budget devrait nous permettre d'inverser une tendance lourde. Les chiffres représentatifs de notre effort d'aide publique au développement, au sens du comité d'aide au développement de l'OCDE, viennent de sortir pour 1998. Certes, la France conserve son rang de premier bailleur bilatéral du comité d'aide au développement en proportion de son produit intérieur brut, mais cela à 0,40 % et nous ne sommes plus qu'à la troisième place en volume net. La baisse n'est pas encore stoppée. Elle devrait l'être en 2000, par la conjonction de la stabilité de nos crédits et de la mise en oeuvre des mesures d'annulation de dettes décidées à Cologne par le G7.
Nombre d'entre vous se sont interrogés sur le processus d'annulation de la dette. Je les renvoie à l'actualité. Des contributions bilatérales permettront le bouclage du financement de cette initiative d'aide. Les ventes d'or, selon la procédure très spécifique décidée par le Fonds monétaire international, commencent ou sont en cours. Tout le monde est bien convenu que les marges de manoeuvre dégagées par ces annulations de dettes doivent être utilisées en priorité à la lutte contre la pauvreté.
Nous sommes aussi convaincus que, si l'aide publique au développement n'est pas maintenue, les pays concernés, même si on les aide à résorber leur dette, ne pourront, à eux seuls, conduire les projets de développement nécessaire. Dans le même temps que la dette s'annule, l'aide publique doit continuer à être au rendez-vous de la solidarité.
J'ai parlé de manière implicite de la coopération que l'on qualifie de « hors l'Etat ». Elle est au coeur de nouvelles dynamiques.
Plusieurs d'entre vous y ont fait allusion pour soutenir la volonté que nous avons mise en oeuvre de développer cette coopération qui implique, au-delà des collectivités locales, les populations. C'est en cela que cette coopération est également riche, car elle nous aide à modifier le regard que les Françaises et les Français, en particulier les plus jeunes, portent sur ces pays lointains. Cela me paraît tout à fait essentiel.
En tout cas, les collectivités françaises, pour leur part, manifestent leur intérêt. Elles ont participé très activement à un certain nombre de rencontres organisées par pays : le Vietnam à Poitiers, le Mali à Angers, le Niger à Juvisy et à Saint-Brieuc, les Caraïbes en Haïti, la Côte d'Ivoire à Abidjan, les pays de l'océan Indien à Tananarive et le Burkina-Faso à Rouen.
Un peu comme point d'orgue de toute cette réflexion engagée, ont eu lieu les rencontres nationales de la coopération décentralisée, qui ont été un grand succès.
Je ne saurais terminé ce point sans mentionner, même s'il ne se traduit pas par une dotation budgétaire spécifique en l'an 2000, l'espoir que je place dans le dispositif du volontariat civil, que vous avez examiné en octobre dernier. C'est, si vous m'autorisez l'expression, une de mes grandes entreprises. C'est notre réponse à la fin de la conscription en coopération. L'enjeu est de taille. Plusieurs d'entre vous l'ont souligné. Cela a été le cas de M. Durand-Chastel et évidemment de M. Del Picchia puisqu'il a été le rapporteur de ce projet de loi.
L'enjeu est de taille pour le réseau des établissements scolaires à l'étranger, pour nos établissements culturels, pour nos entreprises, pour nos organisations non gouvernementales, et, évidemment, pour nos pays partenaires, qui demeurent « en attente de France ». C'est aussi une réponse à l'aspiration citoyenne et solidaire de nombreux jeunes gens et jeunes filles qui souhaitent mettre leurs compétences et leur enthousiasme au service de l'intérêt général.
S'agissant du calendrier, c'est normalement le 20 janvier que l'Assemblée nationale examinera le texte en première lecture, qui pourrait revenir devant le Sénat le 9 février. Par conséquent, le souhait que plusieurs d'entre vous avaient exprimé de faire vite car le temps presse devrait être satisfait.
Le budget des affaires étrangères peut être considéré, globalement, comme un bon budget, compte tenu des contraintes budgétaires que nous avons par ailleurs. En tout cas, il traduit une claire détermination à inverser une tendance que vous aviez, à juste titre, dénoncée. Les choix politiques que M. Hubert Védrine et moi-même vous avons exposés seront mis en oeuvre avec détermination et avec des moyens que nous considérons comme adaptés. C'est pour ces raisons, bien sûr, que nous vous demandons de voter ce budget. Au demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez déjà indiqué votre intention, et je vous en remercie.
Monsieur le président, je ne pourrai pas répondre à toutes les questions qui ont été posées. Mais M. Hubert Védrine et moi-même adresserons par écrit aux inéressés les réponses aux questions qui n'ont pas été abordées et notre sentiment sur les propositions donnerons souvent très constructives que plusieurs d'entre vous ont présentées.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Charles Josselin, ministre délégué. J'ajouterai simplement que, s'agissant de l'actualité, on a peu parlé de l'humanitaire.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Les crédits augmentent !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Pourtant, l'année 1999 aura, hélas !, été féconde en événements nous ayant amenés à intervenir au Kosovo, en Turquie, en Grèce et au Timor, sans parler des suites du cyclone Mitch, puisque l'humanitaire s'applique aussi aux catastrophes naturelles.
Le fonds d'urgence humanitaire a été abondé en conséquence en cours d'année. Dans le projet de loi de finances pour 2000, il est en augmentation de 10,5 %. Si la situation humanitaire l'exigeait, le fonds serait abondé en loi de finances rectificative.
Il y a eu le Kosovo, certes, mais il y a eu aussi Brazzaville, le Soudan, la Sierra Leone et quelques autres pays où nous avons continué à exercer notre solidarité. Je dis cela pour réfuter le jugement parfois un peu brutal selon lequel le Kosovo aurait fait oublier le reste, en clair aurait fait oublier l'Afrique. C'est faux : nous nous en préoccupons car nous savons que la situation des réfugiés y reste encore très préoccupante.
S'agissant de l'enseignement, vous avez évoqué la question du dialogue avec le ministère de l'éducation nationale. Le dialogue continue !
M. Pierre Biarnès. Mais un seul parle !
M. Charles Josselin, ministre délégué. J'observe d'ailleurs que vous aurez été probablement le censeur le plus sévère ce soir.
M. Pierre Biarnès. Qui aime bien châtie bien ! (Rires.)
M. Charles Josselin, ministre délégué. C'est ainsi que je l'ai compris ! Je veux croire que c'est la seule raison.
Mais, s'agissant de la réflexion que nous conduisons dans les services de la coopération et de la francophonie, nous pensons, comme beaucoup d'entre vous, que la seule manière d'obtenir des moyens à la hauteur de nos ambitions c'est bien que le grand partenaire qu'est le ministère de l'éducation nationale s'implique davantage : c'est de cela que nous parlons avec Claude Allègre !
J'espère que nos efforts convergents produiront, là aussi, des résultats. En tout cas, le ministère des affaires étrangères y est très attentif, car nous savons bien que de nombreuses familles françaises vivant à l'étranger ne sont plus en situation de scolariser leur enfant, surtout lorsqu'il y a deux ou trois enfants.
La maîtrise des frais d'écolage fait l'objet d'un suivi par l'AEFE. La question des droits d'écolage se pose également lorsqu'il s'agit d'ouvrir ces établissements aux élèves non français. En effet, même si les frais d'écolage sont très élevés, souvent, ceux des établissements français le sont beaucoup moins que ceux d'établissements étrangers comparables.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est exact !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Il faut prendre en compte ces réalités.
Une question a été posée sur l'inventaire de notre patrimoine. Un tableau général des propriétés existe à l'étranger, le TGPE. Ce tableau dresse un inventaire réglementaire établi sous la responsabilité de la Direction générale des impôts, conformément aux dispositions fixées par le code des domaines de l'Etat.
Je rappellerai l'état des lieux : notre parc immobilier compte, en propriété, 524 435 mètres carrés et, en location, 174 275 mètres carrés.
Le leasing - je crois que c'est M. Charasse, alors ministre du budget, qui se trouve à l'origine de cette autre manière de disposer des biens (M. Charasse, rapporteur spécial, fait un signe d'assentiment) - peut, en effet, dans certains cas, être la meilleure solution. Nous n'y sommes pas opposés.
Le service des visas a également été l'objet de nombreuses questions. Je rappellerai simplement que le fonds de concours assis sur les droits de chancellerie rapporte une centaine de millions de francs par an au ministère des affaires étrangères. Ce fonds de concours avait été porté, de 1997 à juin 2000, à 30 % des droits de chancellerie. Le ministère demande sa reconduction et l'augmentation à 100 % du montant des droits, afin de disposer de crédits supplémentaires pour poursuivre les travaux de modernisation qui ont été entrepris, mais qui restent encore très insuffisants.
Pour ce qui est des personnels, nous avons mis un terme au développement du recours aux recrutements locaux, ce qui a été demandé par plusieurs d'entre vous. Nous sommes en effet convaincus que c'est la bonne manière de traiter les demandes de visa avec tout le sérieux et l'humanité nécessaires. Nous avonc donc choisi d'assurer l'encadrement des équipes consulaires par des agents titulaires. Nous voulons y affecter une part importante des emplois qui ont été obtenus en LFI 2000 ; les chiffres vous ont déjà été fournis.
Le nombre des visas délivrés aux étudiants en 1999 a été augmenté de 30 % par rapport à 1998. Cette progression atteint 36 % pour l'Afrique francophone au sud du Sahara et 43 % pour le Maghreb. Le chiffre global de 30 % est donc plus important pour les régions précitées, ce qui répond à vos préoccupations.
Je répondrai par écrit à plusieurs questions particulières. Je dispose des éléments nécessaires pour le faire, y compris à propos des implantations de la délégation française à Tallin dont nous a parlé M. Pelletier.
En ce qui concerne le Kosovo, je vous ferai simplement observer, madame Bidard-Reydet, qu'après les mobilisations des crédits humanitaires en 1999, ce sont la reconstruction et le développement qui retiennent notre attention. N'oublions pas non plus le Monténégro, qui se trouve dans une situation extrêmement préoccupante, tout comme l'Albanie et la Macédoine qui comptent sur nous. Nous voudrions surtout éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. En Bosnie, l'Europe avait payé un lourd tribut, sans avoir été impliquée dans le développement et la reconstruction.
M. Goulet a évoqué un certain nombre d'entreprises qui ne sont pas satisfaites de ne pas avoir pu voir aboutir leurs projets au Kosovo. Je les invite à se mettre en rapport avec M. Fauroux ; il est là pour cela !
S'agissant du pont de Pec que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est un Français qui y joue le rôle de préfet, M. Le Roy ; il s'agit d'une personne de grande qualité. Peut-être pourriez-vous étudier cette question avec lui aussi. En tout cas, je vous rappelle que 1 milliard d'euros est prévu pour la reconstruction du Kosovo. Sur ce milliard d'euros, la part de la France représente 17 %. (M. Pierre Biarnès s'exclame.)
S'agissant des recrutés locaux, vous avez fait allusion à l'audit réalisé par l'ambassadeur Patrick Amiot qui vaut plan d'action pour la revalorisation et la modernisation de la gestion des recrutés locaux. Ce plan d'action a été adressé à l'ensemble des postes en vue d'une concertation sur le terrain. Mais il fait également l'objet d'une concertation avec les autres administrations françaises, afin d'éviter les disparités que vous dénonciez tout à l'heure.
Je vous rappelle que nous avons choisi de confier les emplois les plus sensibles à des agents titulaires, le recrutement local étant progressivement réorienté, dans les années à venir, vers les pays de la zone OCDE, où le problème des visas est moins sensible.
Nous oeuvrons aussi pour l'harmonisation des rémunérations des personnels qui servent au sein des postes d'expansion économique et des postes diplomatiques français.
M. Cantegrit a évoqué la situation des sociétés françaises de bienfaisance. Je comprends que les contrôles dont elles sont l'objet provoquent quelques irritations ici et là. Nous subventionnons cent cinq sociétés françaises de bienfaisance et il n'est pas anormal que le ministère des affaires étrangères sollicite des documents relatifs à la comptabilité de ces associations, ne serait-ce que pour apprécier le bien-fondé des demandes d'argent public qu'elles nous présentent. On ne comprendrait pas que nous refusions de leur appliquer les règles auxquelles sont soumises les associations en France. Peut-être faut-il conduire ces contrôles avec plus de diplomatie. Je veux bien faire passer ce message.
S'agissant de la couverture des dépenses médicales, notre dispositif d'aide sociale à l'étranger prévoit que des secours occasionnels peuvent être attribués : 3,2 millions de francs ont été accordés à ce titre en 1998, dont 80 % sont consacrés à la couverture des dépenses de santé de Français le plus souvent allocataires des comités consulaires pour la protection et l'action sociale. Par conséquent, il existe des possibilités d'aide complémentaire.
Les moyens budgétaires sont-ils suffisants pour répondre aux demandes ?
M. Pierre Biarnès. Non !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je suis prêt à en convenir, mais c'est un combat que nous continuons de mener et je crois que des progrès ont été réalisés à cet égard.
S'agissant des handicapés, je rappellerai que l'aide dispensée à l'étranger tient compte de la gravité de l'état de l'enfant, puisqu'elle peut atteindre 800 francs par mois. D'ailleurs, le taux de l'allocation pour enfant handicapé a été relevé dans quarante-deux circonscriptions consulaires depuis le 24 février 1999, à la suite de l'avis rendu par la commission permanente, ce qui signifie que les instructions d'application ont été assouplies.
Si on veut mettre en place un dispositif allant au-delà des instructions actuellement applicables, cela exigerait une nouvelle consultation de la commission permanente pour la protection sociale des Français à l'étranger.
M. Ferrand a posé la question des retraites. Je lui dirai simplement que nous avons noué des relations sur ce sujet avec le Gabon. Une nouvelle rencontre est prévue en février 2000, donc très prochainement, afin de faire le point sur les dossiers litigieux, que la caisse nationale doit étudier.
S'agissant du Congo et du Cameroun, la mission d'enquête doit démarrer très prochainement. La lettre de mission est prête ; le cabinet des affaires sociales a donné son accord. Nous attendons la réponse de Bercy. Mais les inspecteurs ont été désignés par les deux autres ministères. Nous sommes donc prêts à travailler dès que le feu vert du ministère des finances nous parviendra. Bien évidemment, nous vous tiendrons informés des résultats de cette mission.
M. Neuwirth a parlé du dossier qui lui tient à coeur, la population. Je crois pouvoir le rassurer : parmi les critères qui sont pris en considération en matière de lutte contre la pauvreté figure, bien entendu, celui de la population.
M. Xavier de Villepin m'autorisera peut-être à ne pas développer ici les éléments de réponse à la question qu'il a posée sur l'Europe de la défense. (M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, fait un signe d'assentiment.) Je pourrais évoquer le comité politique et de sécurité, le comité militaire et l'état-major, qui sont les nouveaux organes politiques et militaires, mais, compte tenu du temps de parole dont je dispose, je ne peux que les citer.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ne les réveillons pas ! (Sourires.)
M. Charles Josselin, ministre délégué. Là aussi, une réponse écrite complète pourra vous être adressée. Pour ce qui est des contributions volontaires, je souhaite vous rendre attentifs au fait que nous sommes le quatrième contributeur obligatoire aux Nations unies. Cependant, la plupart de nos partenaires amalgament leur effort volontaire et leur contribution obligatoire. Comme nos contributions volontaires sont beaucoup moins élevées, si l'on prend tout en compte, nous reculons de manière très sensible. Nous ne pourrons donc que nous féliciter d'avoir pu, cette année, augmenter nos contributions volontaires.
Je dois rappeler les actions que nous menons, avec un certain nombre d'agences des Nations unies, dans le cadre d'une coopération bimultilatérale qui nous permet, avec les mêmes moyens, de mieux cibler les actions que nous conduisons. C'est vrai du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, mais c'est vrai aussi du fonds des Nations unies pour la population, le FNUAP. Notre contribution au PNUD augmente de 25 % pour l'an 2000, ce qui est tout à fait important !
Monsieur Hoeffel, je partage votre conviction, la relation franco-allemande est solide et pérenne, et la fermeture des consulats, que vous regrettez, ce que je peux comprendre, ne devrait pas remettre en cause cet axe qui garde, à mon avis, toute sa pertinence.
Il faut, c'est vrai, que nous soyons capables d'échanges linguistiques et, si les Allemands se soucient de la baisse en France du nombre d'élèves apprenant l'allemand, il nous faut aussi nous inquiéter du phénomène symétrique.
Je veux simplement dire que les diplomates qui veulent apprendre des langues plus « étrangères » ou plus étranges ne sont désormais autorisés à le faire que s'ils connaissent déjà non seulement l'anglais mais aussi l'allemand. Nous considérons donc que l'allemand est une langue de base pour nos diplomates.
Je remercie M. de Montesquiou d'avoir rappelé que la carte de nos consulats doit s'apprécier aussi en tenant compte de la réalité européenne.
En matière de coopération diplomatique dans ce domaine, je répondrai que c'est nous qui mettons, par exemple, à la disposition du chargé d'affaires allemand des bureaux au Cap-Vert. Nous avons des installations communes au Kazakhstan et, par ailleurs, à Banja Luka. Les restrictions budgétaires en Allemagne compromettent malheureusement les deux projets immobiliers communs que nous avons à Praia, au Cap-Vert, et à Chisinãu, en Moldavie.
Ce sont ces mêmes restrictions budgétaires qui vont d'ailleurs entraîner la fermeture d'une vingtaine de représentations consulaires et diplomatiques allemandes, mais cela créera peut-être aussi de nouvelles opportunités de coopération. Comme nous le disons parfois, d'un mal il peut parfois sortir un bien, notamment en termes de coopération.
Cette politique est donc engagée et nous avons l'intention de la poursuivre.
J'en arrive à la question de la présidence européenne. Nous avons un budget prévisionnel de 100 millions de francs destiné à financer quatre priorités, notamment préparer l'avenir de l'Union dans une Europe élargie.
Nous n'avons guère le temps de débattre, à cette heure, de l'élargissement, mais je signale qu'entre les diplomates qui mettent en avant les préoccupations de sécurité et ceux qui, soucieux d'économie et de social, mettent en avant les préoccupations de cohérence et de cohésion, il peut y avoir une différence d'approche. Si on considère l'Europe comme une communauté globale, intégrant l'économique comme le social, l'élargissement soulève nombre de questions qu'il faut avoir présentes à l'esprit.
Vous savez aussi l'importance que revêt pour nous le sommet Euro-méditerranée, qui sera certainement l'un des temps forts de la présidence française. J'ai rencontré mon homologue espagnol, hier à Bruxelles, et nous avons évoqué les dossiers de la présidence portugaise, car certains se prolongeront sous la présidence française.
J'en viens aux accords de Lomé. C'est tard dans la nuit, et même ce matin, que les discussions ont été interrompues à Bruxelles ; elles avaient commencé avant-hier, dans le cadre d'une conférence ministérielle Europe-ACP. Nous pouvons très raisonnablement penser que l'essentiel est fait et que l'accord sera signé en janvier, ou février au plus tard. Les aspects politiques et institutionnels ont pratiquement tous fait l'objet d'un accord. C'est vrai pour la question du dialogue politique, la fameuse question de la gouvernance, et pour la lutte contre la corruption. Or c'était un élément tout à fait essentiel pour nous.
Il reste, du point de vue politique et institutionnel, une question en suspens sur la durée de la future convention, sur la durée de la période de transition ; les pays européens souhaiteraient quinze ans, les pays ACP trente ans. Je ne doute pas que nous trouverons une solution, peut-être autour de vingt ans, ce qui nous paraîtrait raisonnable.
En ce qui concerne les stratégies de développement et le secteur privé, l'accord a été totalement obtenu. J'avais l'honneur de présider le groupe de travail qui traitait de cette question, mais ce n'était pas la plus délicate.
S'agissant du volet commercial, là aussi, c'est la presque totalité des points qui a fait l'objet d'un accord, ad referendum , bien sûr, notamment le cadre de la coopération commerciale. Nous avons obtenu, et je m'y suis employé hier matin, que soit introduite une consultation avec la partie européenne avant que les ACP qui ne sont pas au nombre des pays les moins avancés décident de ne pas s'insérer dans un accord de partenariat économique régionalisé APER. La thèse française a prévalu, qui consiste à faire de l'intégration économique régionale le point de passage pour l'intégration dans l'économie mondiale. Nous redoutions, en effet, qu'un certain nombre de pays n'essaient de se soustraire à cette intégration économique régionale. Il fallait donc poser le principe d'une consultation de l'Europe et des pays ACP sur ce point.
S'agissant du STABEX et du SYSMIN, que certains voulaient voir disparaître, un accord que nous n'espérions plus a été obtenu hier.
Quant au neuvième fonds européen de développement, nous nous sommes mis d'accord sur le volume de 13,8 milliards d'euros et nous avons accepté le maintien des clés de contribution du huitième FED. La France, je vous y rends attentifs, a accepté de continuer à contribuer à hauteur de 24,3 %, ce qui fait d'elle le premier donateur du FED. Aussi, quand, sur le terrain, vous entendez regretter la part insuffisante de la France et dans le même temps féliciter l'Europe, n'hésitez pas à rappeler que, lorsque l'Europe intervient en Afrique, la France participe pour presque 25 %.
Monsieur Penne, les résultats de la troisième conférence ministérielle nous permettent d'être optimistes et d'envisager une issue proche de la négociation, ce qui nous évitera le vide juridique que vous redoutiez.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Bonne nouvelle !
M. Charles Josselin, ministre délégué J'en viens aux relations avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Le champ multilatéral est de plus en plus essentiel en matière de coopération. Quand je dis multilatéral, ce n'est pas seulement l'Europe, ce ne sont pas seulement les Nations unies, c'est aussi le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Nous nous donnons les moyens de dialoguer avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie afin que nos préoccupations, notamment en matière de coopération et de développement, puissent être intégrées dans la position de l'administrateur de la France au sein de ces institutions.
Je représente très souvent la France, par délégation du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans les réunions du comité de développement de la Banque mondiale. Je crois pouvoir dire que le ministre des affaires étrangères et de la coopération, nouvel ensemble, est aussi acteur de la politique française au sein de ces instances financières et économiques, dont vous savez évidemment comme moi l'importance. C'est là un point auquel je tenais à vous rendre attentifs.
Les institutions que nous avons mises en place dans le cadre de la réforme, en créant les lieux de l'interministérialité ou de l'arbitrage gouvernemental, permettent au Premier ministre d'indiquer les orientations et les directions que tous les ministères doivent évidemment suivre. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 86 450 797 francs. »