Séance du 9 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, proposé pour 2000, que nous examinons aujourd'hui, s'établit à un peu moins de 88 milliards de francs, en stabilité globale par rapport à 1999.
S'agissant de ses recettes, je ferai quelques remarques.
Tout d'abord, le montant des contributions professionnelles est en légère diminution ; je rappelle que ces contributions ne représentent que 19 % du financement du BAPSA : plus de 80 % de celui-ci proviennent donc de ressources externes à la profession agricole.
Les taxes affectées au BAPSA sont traditionnellement très dynamiques en période de croissance. Elles augmentent donc en 2000 de 3,4 %. De même, les transferts de compensation démographique augmentent dans des proportions comparables.
En conséquence, la participation de l'Etat, qui se traduit essentiellement par le versement d'une subvention budgétaire d'équilibre, diminue de plus de 27 %. Cette subvention s'établit pour 2000 à 3,5 milliards de francs, et elle est désormais inscrite au budget des charges communes et non plus au budget de l'agriculture et de la pêche, dont elle améliore la lisibilité, comme nous l'avons dit tout à l'heure.
Je souhaite également évoquer plus particulièrement l'affectation au BAPSA d'une partie du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S. Il était prévu qu'à partir de 1999 le BAPSA ne dispose plus de cette ressource et il en a reçu 1 milliard de francs l'an dernier pour « solde de tout compte » afin de financer une mesure de revalorisation des retraites agricoles. Cette année, à nouveau, 1 milliard de francs a été prévu à l'article 28 bis du présent projet de loi pour financer une nouvelle mesure de revalorisation des retraites agricoles issue d'un arbitrage gouvernemental tardif.
S'agissant des dépenses du BAPSA, il faut remarquer tout d'abord le dérapage des dépenses d'intérêt sur 1999 et 2000, qui est principalement dû à la diminution de la subvention budgétaire qui entraîne des besoins d'emprunt accrus. Il est également proposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de revaloriser le plafond d'emprunt accordé au régime à hauteur de 12,5 milliards de francs en 2000.
Les dépenses de prestations vieillesse diminuent légèrement en dépit des mesures de revalorisation prises régulièrement, notamment en loi de finances pour 1999 et en loi d'orientation agricole. En 2000, une nouvelle mesure est prévue pour un coût en année pleine de 1,6 milliard de francs : c'est l'objet des articles rattachés au budget de l'agriculture et de la pêche que nous avons examinés tout à l'heure.
Les dépenses de prestations maladie sont stables et les dépenses de prestations familiales continuent leur décroissance en raison de la diminution de la population agricole, de son vieillissement et de l'accroissement du célibat dans ce secteur.
Après cette présentation rapide, je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, de quelques remarques que m'a inspirées l'étude de ce budget annexe.
Tout d'abord, j'ai pu constater que la Mutualité sociale agricole, la MSA, était un régime dynamique - il a par exemple été le premier à mettre en place des projets de réseaux et de filières de soins - mais qu'il risquait de pâtir de deux projets du Gouvernement : la réforme relative à la couverture maladie universelle, qui risque de le dévitaliser en partie, ainsi que celle qui est relative aux 35 heures, qui a un coût de 15 millions de francs et qui s'est traduite dès 1999 par l'inversion de la tendance à la décroissance des effectifs de la MSA. Or, qui paye la croissance de ces dépenses de fonctionnement des caisses ? Ce sont les agriculteurs, qui s'acquittent de cotisations dites « complémentaires » en plus de leurs cotisations techniques !
Je souhaite également attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de proposer à la représentation nationale une présentation consolidée des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale : il est en effet flagrant, dans le cas du BAPSA, que les dispositions de l'un et de l'autre documents ne sont pas coordonnées et que l'information fournie au Parlement manque de sincérité ou, pour le moins, de lisibilité.
Je souhaite aussi connaître votre avis quant à la nécessité d'examiner le budget annexe des prestations sociales agricoles dans le cadre du projet de loi de finances alors que nous disposons aujourd'hui d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale et que le manque d'exhaustivité du projet de BAPSA est chaque année plus criant.
J'ai prêté, cette année encore, une attention particulière à la question de la faiblesse des retraites agricoles.
Depuis 1994, tous gouvernements confondus, l'effort en faveur des petites retraites agricoles ne s'est pas démenti, avec en moyenne environ 1 milliard de francs supplémentaires par an.
Le Gouvernement a engagé un plan pluriannuel de juin 1997 à juin 2002 avec pour objectif d'atteindre, pour les carrières complètes en agriculture, le minimum vieillesse, soit près de 3 500 francs par mois. Ce plan est en bonne voie.
J'émettrai toutefois, comme tout à l'heure, de très vives réserves quant au financement de cette mesure par la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui constitue une ressource non pérenne, extérieure au budget de l'Etat. C'est le fonds de réserve pour les retraites qui paye la facture.
C'est pourquoi, à l'article 28 bis du présent projet de loi, le Sénat a adopté un financement alternatif de cette mesure par un relèvement du taux de la cotisation de TVA attribuée au BAPSA.
Je ferai, monsieur le ministre, une dernière remarque en ce qui concerne la retraite complémentaire obligatoire : quand déposerez-vous sur le bureau des assemblées le rapport que nous attendons depuis déjà deux mois et qui aurait été bien utile à nos débats ? Que comptez-vous faire ? Avec quels financements ? Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, d'adopter ce BAPSA pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disposant d'un temps réduit et intervenant après l'excellent exposé de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, je n'évoquerai que trois questions.
La première question concerne les retraites agricoles.
Comme l'année dernière, la mesure de revalorisation prend la forme d'un amendement au projet de loi de finances, adopté à l'Assemblée nationale en deux étapes, le 22 octobre, puis le 17 novembre 1999.
Monsieur le ministre, vous faites référence de manière constante à un « plan pluriannuel de revalorisation », dont la durée s'étend sur la législature. Dans ce cas, pourquoi ne pas prévoir la mesure de revalorisation dans le texte initial du projet de loi ? Je crois que ce serait plus simple et plus respectueux des droits du Parlement.
Le financement de la mesure est étonnant ; l'article 28 bis du projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale prévoit un prélèvement de 1 milliard de francs sur la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S. Pourtant, l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu que le BAPSA ne bénéficierait plus de cette C3S.
Ainsi, le Gouvernement demande au Parlement de déroger en loi de finances à une règle posée en loi de financement, concernant une imposition affectée à la protection sociale : le parallélisme des formes, les textes mêmes, plaidaient pour que cet amendement soit présenté en loi de financement.
De plus, cette mesure « dérogatoire » pourra difficilement être répétée chaque année. En effet, la dépense est, par définition, pérenne. En raison du décalage trimestriel, elle coûtera davantage en année pleine - 1,6 milliard de francs - qu'en 2000 - 1,2 milliard de francs.
Enfin, le Gouvernement dispose avec libéralité des excédents de la C3S, affectés au fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 réduit malheureusement les recettes du FSV de 5,6 milliards de francs, pour financer les trente-cinq heures. Le Gouvernement prévoit, en fait, d'amputer à terme les recettes du FSV de 12 milliards de francs. Autant dire que le FSV aura besoin des excédents de la C3S.
Il aurait été préférable que le Gouvernement « assume » les conséquences de la mesure de revalorisation en augmentant à due concurrence la subvention d'équilibre. Faute de pouvoir augmenter les dépenses de l'Etat, en raison de l'article 40 de la Constitution, la commission des finances a proposé, en première partie de loi de finances, de relever le taux de TVA affecté au BAPSA. La commission des affaires sociales approuve cet autre schéma.
Sur le fond, la commission des affaires sociales se félicite de cette mesure de revalorisation.
Certes, la mesure apparaîtra toujours insuffisante : 200 francs mensuels supplémentaire, cela peut paraître dérisoire. Certes, en période de bonne conjoncture économique, un effort supplémentaire aurait pu être consenti. Certes, le BAPSA connaît désormais une baisse structurelle de ses dépenses, même celles d'assurance vieillesse.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, deux étapes supplémentaires de revalorisation en 2001 et en 2002, afin de parvenir au niveau du minimum vieillesse pour les chefs d'exploitation et les veuves. Nous en prenons acte ; dans ce cas peut-être faudrait-il accélérer le processus en appliquant les deux mesures de revalorisation prévues dès l'année prochaine.
Lors de la première lecture au Sénat de la loi d'orientation agricole, en janvier 1999, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, avait proposé l'amendement suivant : « La nation se fixe comme objectif de porter, d'ici à quatre ans, les pensions de retraite versées par le régime agricole à un montant au moins égal au minimum vieillesse, sous réserve d'une carrière complète en agriculture. » Vous lui aviez opposé l'article 40 de la Constitution. Nous le regrettons. Dans un texte législatif d'orientation, cet article aurait eu toute sa place.
En compensation, l'article 3 de la loi d'orientation prévoit un rapport sur les retraites. Ce rapport, confié à M. Germinal Peiro, député de la Dordogne, n'a pas encore été rendu public. Je crois savoir que M. Germinal Peiro se prononce en faveur d'un régime de retraite complémentaire obligatoire. C'est une bonne nouvelle car seule la création de ce régime permettra aux « jeunes » agriculteurs de se procurer une retraite décente. J'espère, monsieur le ministre, vous qui l'avez lu, que vous nous en direz un mot.
La deuxième question concerne la mise en place de la couverture maladie universelle.
Les caisses de MSA joueront un rôle important, compte tenu de leur action de lutte contre la précarité en milieu rural. La loi est parue au Journal officiel du 27 juillet 1999. Cinq des douze décrets prévus sont sortis les 1er et 2 décembre au Journal officiel . S'agissant d'une réforme votée en urgence, et qui s'applique au 1er janvier prochain, la commission des affaires sociales regrette ce retard.
L'application de la couverture maladie universelle comporte des effets pervers, que nous avions dénoncés lors du débat législatif : des agriculteurs anciennement « déchus de droit » vont être réintégrés, puisque le lien entre le versement des prestations et le paiement des cotisations est désormais rompu. Nous nous interrogeons, dans ce contexte, sur le devenir des cotisations minimales maladie.
Par ailleurs, la CMU risque d'être porteuse de coûts supplémentaires importants pour les caisses de mutualité sociale agricole. La commission des affaires sociales sera vigilante sur ces dérives éventuelles.
Monsieur le ministre, je me bornerai à vous demander votre sentiment sur l'application de cette réforme par les organismes de mutualité sociale agricole.
J'en viens à la troisième question, le financement du BAPSA.
J'observe que les nouvelles estimations du BAPSA voté l'année dernière ne sont pas très bonnes. Les recettes sont nettement inférieures aux prévisions.
Pourtant, le projet de loi de finances rectificative pour 1999 prévoit de réduire la subvention d'équilibre de 400 millions de francs. J'avoue ne pas saisir la logique de cette réduction. Vous me répondrez très certainement que les réserves du BAPSA couvriront ce déficit. Mais la diminution très importante de ces réserves a pour conséquence une dégradation de la trésorerie du BAPSA : le plafond d'avances, voté en loi de financement, est passé de 8,5 milliards de francs en 1998 à 12,5 milliards de francs l'année prochaine.
En ce qui concerne le financement à plus long terme, la commission des affaires sociales rappelle qu'une ressource importante du BAPSA, la compensation démographique, connaîtra une réduction mécanique à partir de 2005-2006. Dès à présent, il importe de réfléchir au financement du BAPSA. J'aimerais que le Gouvernement nous fasse part de ses réflexions sur ce sujet.
Sous réserve de ces observations, mais tenant compte de la nouvelle mesure de revalorisation des retraites qu'il comporte, la commission des affaires sociales a émis un avis positif sur le projet de BAPSA pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 5 minutes ;
Groupe socialiste, 6 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles que vous nous proposez d'adopter pour 2000 se caractérise, tant dans son montant global que dans la structure de ses recettes et de ses dépenses, par une grande stabilité.
Devrons-nous pour autant nous satisfaire de ce constat ?
Je ne le crois pas ! Et cela parce que, derrière son apparente stabilité, ce projet de budget non seulement ne rend pas compte de la réalité de la protection sociale des agriculteurs, mais aussi ne tire pas les conséquences de certaines dispositions, telles que la modulation des aides communautaires ou la couverture maladie universelle, la CMU, dont l'impact réel n'a peut-être pas été objectivement évalué.
Pour étayer ce propos, je n'évoquerai que deux points bien précis et, en premier lieu, celui des retraites. Vous proposez de poursuivre, cette année encore, l'effort régulier engagé depuis 1994 par les gouvernements précédents, qui consiste à ajouter annuellement environ un milliard de francs pour la revalorisation des petites retraites. C'est bien peu au regard des 14 milliards de francs que l'Etat verse chaque année à la SNCF pour financer les retraites de son personnel !
Et que dire des conditions d'attribution des retraites dans la fonction publique, que les agriculteurs ne sont pas sans connaître, grâce aux médias ?
De telles comparaisons suscitent chez ces derniers, au-delà de l'envie, des amertumes bien compréhensibles. Ils refusent à ce titre qu'on leur reproche encore aujourd'hui les options qui ont été prises dans les années cinquante.
Quoi qu'il en soit, cette mesure représente un relèvement de 200 francs par mois des minima de pensions pour carrière complète qui avaient été définis pour les différentes catégories. Elle porte la retraite minimum de l'exploitant à 38 400 francs par an et celle du conjoint à 28 000 francs. Naturellement, cette mesure va dans le bon sens.
Mais pensez-vous réellement qu'elle sera suffisante pour satisfaire l'attente sociale des agriculteurs qui reste très forte ? J'en doute, d'autant plus qu'elle ne concernera que 700 000 non-salariés agricoles sur les 2 100 000 qui existent dans notre pays.
Que demandent aujourd'hui les agriculteurs français ?
Ils souhaitent tout simplement que vous preniez des engagements fermes à leur égard et qu'un objectif clair pour leur retraite soit fixé à court terme.
Cet objectif, vous le connaissez : ils demandent que leur pension minimum après une carrière complète atteigne le minimum vieillesse, soit 42 800 francs par an, à défaut de pouvoir atteindre dans l'immédiat les 75 % du SMIC. C'est ce que j'avais proposé lors de l'examen de la loi d'orientation agricole.
J'avais, en effet, par voie d'amendement, suggéré « de porter d'ici à quatre ans les pensions de retraite versées par le régime agricole vieillesse à un montant au moins égal au minimum vieillesse, sous réserve d'une carrière complète en agriculture ».
Cet amendement me semblait réaliste. Certains membres de la Haute Assemblée ont pu, même, m'en reprocher le caractère timide.
Il m'apparaissait, en tout cas, important que la représentation nationale adopte clairement cet objectif pluriannuel plutôt que de l'approuver de manière implicite, mais fragmentaire, à l'occasion de chaque loi de finances.
Vous l'avez refusé.
Certes, vous avez promis d'atteindre cet objectif en 2002. Il n'en demeure pas moins que vous avez refusé d'en pérenniser le financement, de telle sorte que, cette année encore, la revalorisation des retraites agricoles est passée par voie d'amendement, tout comme ces deux dernières années. A mes yeux, c'est inadmissible.
Vous le savez, les agriculteurs souhaittent que cet objectif soit atteint le plus rapidement possible. N'auriez-vous pu leur donner satisfaction ?
En effet, compte tenu de la baisse des dépenses du BAPSA, due notamment à la diminution du nombre des retraités bénéficiaires de la mesure et de l'excédent budgétaire largement suffisant, il vous était facile d'accélérer le calendrier et de donner un coup de pouce à la mesure annoncée pour 2000, ce qui aurait permis d'atteindre le niveau du minimum vieillesse dès 2001 et d'envisager une nouvelle phase de revalorisation orientée vers les 75 % du SMIC. Mais, là non plus, vous ne l'avez pas fait !
D'autres attentes encore restent à ce jour sans réponse.
N'auriez-vous pu, par exemple, prévoir des mesures simples, telles que la mensualisation des retraites, à l'instar de ce qui existe pour les commerçants et les artisans ?
De même, n'était-il pas possible de remplacer la majoration pour enfant par un système forfaitaire, sachant que la majoration actuelle, égale à 10 % du montant de la pension, désavantage les retraités qui ont les plus faibles pensions ?
Enfin, monsieur le ministre, l'amélioration des retraites, tout le monde s'accorde sur ce point, passera par la mise en place d'un régime complémentaire d'assurance vieillesse agricole.
J'aimerais à présent aborder un autre sujet : celui de la modulation des aides européennes.
M. le président. Pourriez-vous, surtout, vous approcher de votre conclusion, mon cher collègue ?
M. Dominique Leclerc. Je vais m'efforcer à la brièveté, monsieur le président.
Monsieur le ministre, selon vous, la modulation consistant à prélever un milliard de francs sur les aides versées à certaines exploitations importantes et à les reverser sous forme de CTE est neutre pour le revenu agricole global.
Si l'on s'en tient à ce raisonnement, il est alors aisé de comprendre pourquoi les prévisions de cotisations du BAPSA ne retiennent aucune incidence de cette modulation sur l'assiette sociale agricole.
Mais ce raisonnement est, à mon sens, inexact. Comme je vous le disais au début de mon intervention, je pense que ce mécanisme aura un impact non négligeable sur le BAPSA. En effet, en réduisant le revenu professionnel « cotisable », la modulation entraînera une perte d'assiette sociale et donc de cotisations. De telles pertes ne pourront être sans conséquence sur l'équilibre de ce budget.
Pour conclure, permettez-moi de vous livrer mon sentiment sur ce mécanisme. En introduisant la modulation, vous avez voulu assurer un meilleur équilibre entre les productions et entre les régions. Ce ne sera malheureusement pas le cas.
En réalité, ce dispositif va pénaliser plus fortement les régions intermédiaires, notamment la région Centre. En effet, cette dernière, avec plus de 260 millions de francs de ponction, soit plus de 25 % du total prélevé sur la France, sera la principale contributrice des régions françaises alors qu'elle arrive seulement au neuvième rang pour le revenu par agriculteur et au septième rang pour le revenu par exploitation en grandes cultures.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Ainsi, pour les régions intermédiaires, déjà fortement touchées par la réforme de la PAC, les conséquences de cette modulation sur l'équilibre des marchés seront importantes. Et je ne parle pas des distorsions de concurrence avec d'autres Etats européens qui pourraient apparaître !
Quand vous parlez de redistribution, les agriculteurs, eux, voient plutôt un impôt !
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je ne partage pas votre enthousiasme à l'égard de ce dispositif, ni à l'égard du BAPSA, qui reste trop timoré en matière de retraites agricoles et qui laisse en suspens un certain nombre de problèmes que je n'ai malheureusement pas eu le temps d'aborder.
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Aux quatre priorités qui s'inscrivent dans le budget de l'agriculture et de la pêche, s'en ajoute une cinquième : la revalorisation des retraites agricoles, même si elle n'est pas présentée comme telle, car elle fait l'objet d'un plan quinquennal qui a débuté en 1997.
Si le BAPSA pour 2000 s'élève à 87,901 milliards de francs - hors restitution sur TVA - les sommes consacrées aux prestations d'assurance vieillesse se montent à elles seules à 49,091 milliards de francs, ce qui représente 55,9 % des dépenses. Néanmoins, le montant des retraites des non-salariés agricoles est le plus faible de tous les régimes de retraite de notre pays. Les pouvoirs publics, plus particulièrement le gouvernement actuel, en ont pris conscience.
Ainsi, dans ce budget, un nouvel effort de rattrapage des retraites est réalisé. Les minima pour une carrière pleine sont relevés de 200 francs par mois et portés, de ce fait, aux montants suivants : 3 200 francs par mois pour un chef d'exploitation, 3 000 francs par mois pour une veuve, 2 700 francs par mois pour les aides familiaux et 2 400 francs par mois pour les conjoints.
En année pleine, l'effort fourni est de l'ordre de 1,6 milliard de francs.
En outre, il ne faut pas oublier que ce budget prévoit que les durées des carrières minimales nécessaires pour bénéficier de la revalorisation sont abaissées à 27 années et demie pour les « unipensionnés » ; cela est très important, notamment pour les conjointes.
Ce gouvernement sera ainsi allé deux fois plus vite que les précédents pour revaloriser les retraites. Je ne donnerai qu'un exemple : alors qu'en 1997, avant le début du plan quinquennal, les pensions minimales étaient de 1 587 francs par mois pour un conjoint et un aide familial, elles se monteront, respectivement, du fait des dispositions de ce budget, à 2 400 francs et 2 700 francs, soit une augmentation mensuelle de 813 francs et de 1 113 francs. Cela se passe de commentaires !
L'objectif de ce plan quinquennal est d'amener, pour une carrière pleine, la pension minimale d'un chef d'exploitation et d'une veuve à hauteur du minimum vieillesse, c'est-à-dire à 3 500 francs par mois, et à hauteur du minimum vieillesse du second conjoint du couple pour les aides familiaux et les conjoints, c'est-à-dire à 2 800 francs par mois.
Si cette évolution est indispensable, il ne peut s'agir que d'une première étape et il conviendra de poursuivre l'amélioration de la situation de nos retraités agricoles.
La voie suivie est donc la bonne, mais certaines questions restent en suspens en matière de retraite agricole.
Parmi celles-ci, je voudrais en évoquer brièvement deux qu'il me semble urgent de régler.
La première porte sur la majoration pour enfant attribuée aux retraités ayant élevé trois enfants ou plus, laquelle est égale à ce jour à 10 % du montant de la pension. Désavantageant les faibles retraites, elle devrait être désormais calculée de manière forfaitaire pour établir une plus grande justice.
La deuxième porte sur la mensualisation du paiement des retraites agricoles, laquelle me semble s'imposer.
Sur ces deux points, nous savons, monsieur le ministre, pouvoir compter sur votre compréhension, dans la mesure où ces réformes se révèlent légitimes.
Je voudrais également évoquer la mise en place d'un régime obligatoire complémentaire.
Comme nous l'indique dans son excellent rapport - même s'il n'est pas encore divulgué ! - notre collègue député Germinal Peiro, pour des raisons d'équité avec les autres catégories socioprofessionnelles, la solidarité ne peut agir au-delà du régime de base, tel qu'il sera établi à l'issue du plan quinquennal. Ainsi, selon lui, pour aller au-delà du minimum vieillesse, l'instauration d'un régime de retraite complémentaire obligatoire est la seule solution. Il faut d'ailleurs remarquer que la profession agricole demeure la seule des professions indépendantes à ne pas en posséder un.
Ainsi, en l'état actuel, la profession agricole présente l'originalité de disposer, à côté du régime de base, d'un régime facultatif par capitalisation, mais pas d'un régime complémentaire obligatoire.
L'idée est désormais acquise de la nécessité de créer un tel régime, la seule interrogation - mais elle est de taille - portant sur les modalités de sa mise en oeuvre. C'est sur cette question que nous allons être amenés à réfléchir dans les mois qui viennent : le choix du régime, son financement, les catégories de personnes couvertes, la gestion de ce régime.
En conclusion, Germinal Peiro indique qu'au préalable un choix reste à faire entre deux options.
La première consiste à atteindre le minimum vieillesse à la fin de la législature, en 2002, et à mettre en place durant cette même période le régime complémentaire obligatoire qui prendrait donc effet en 2003.
La seconde consiste à atteindre le minimum vieillesse dès 2001 et à mettre en place le régime complémentaire obligatoire dès 2002.
Pour ma part, conscient de la nécessité d'améliorer le plus rapidement possible la situation des retraités agricoles, j'opte sans hésiter pour la seconde hypothèse, laquelle marquerait de manière indiscutable que ce gouvernement est celui qui a le plus oeuvré pour nos retraités agricoles.
Là aussi, nous comptons, monsieur le ministre, sur votre sagesse, et nous vous félicitons à nouveau pour votre budget 2000.
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Le temps imparti au groupe de l'Union centriste étant extrêmement limité, c'est au nom de mes collègues que je m'adresserai à vous aujourd'hui, monsieur le ministre.
Quelle n'a pas été notre stupeur, monsieur le ministre, à la lecture du projet de BAPSA pour 2000, lorsque nous nous sommes aperçus qu'il ne prenait pas en compte la nouvelle mesure de revalorisation des retraites prévues par la loi d'orientation agricole et intervenant dans le cadre d'une augmentation pluriannuelle.
Au cours de l'examen des articles de la première partie, un amendement du Gouvernement a heureusement rattrapé partiellement - et à la dernière minute - une situation très critique.
Le Gouvernement s'est donc finalement décidé à appliquer cette année encore la mesure décidée en 1994 et qui consiste à ajouter annuellement environ un milliard de francs pour la revalorisation des petites retraites.
En 2000, 1,2 milliard de francs seront nécessaires. Or, seulement un milliard est prévu en recettes, et sous la forme d'un prélèvement exceptionnel sur le produit de la C 3 S, c'est-à-dire la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Le Gouvernement recourt donc au même tour de passe-passe que l'an dernier : une dépense pérenne est financée par une ressource non reconductible et provenant de la sécurité sociale, ce qui évite d'avoir à augmenter la subvention de l'Etat.
Comme cela avait été observé l'an dernier, on remarquera avec intérêt que le Gouvernement finance une mesure pérenne avec une recette d'appoint, débloquée ponctuellement pour 2000.
Monsieur le ministre, nous ne comprenons pas les raisons de ces arbitrages tardifs et de ce financement très ponctuel.
Il avait été décidé que, à partir de 1999, le BAPSA ne bénéficierait plus de la répartition de la C 3 S. Pourtant, en 1999, pour financer une mesure de revalorisation des retraites, le BAPSA a reçu un milliard de francs de la C 3 S pour « solde de tout compte ».
Et, cette année, c'est à nouveau un milliard de francs de la C 3 S qui vient financer la poursuite du plan de revalorisation des petites retraites agricoles. Permettez-nous, monsieur le ministre, de nous étonner de ces tergiversations !
C'est la raison pour laquelle, le 1er décembre dernier, la majorité sénatoriale a proposé d'accroître la part de la TVA reversée au BAPSA. Nous avons, en effet, refusé le transfert de un milliard de francs de la C 3 S et avons affecté 1,28 milliard de francs de recettes de TVA au BAPSA pour revaloriser les retraites agricoles et pour exonérer les jeunes agriculteurs des cotisations sociales.
On ne saurait se satisfaire de ces revalorisations, qui restent bien loin de la revendication d'une retraite minimale égale à 75 % du SMIC brut. Ces revalorisations sont très sélectives, car, pour bénéficier du niveau maximum des augmentations, il faut avoir cotisé 37 années et demie au régime des non-salariés agricoles. Entre 32 années et demie et 37 années et demie, cette revalorisation est proratisée, puis minorée. Quant à ceux qui ont moins de 32 années et demie d'activité, ils sont complètement exclus de l'augmentation. Leur situation est donc plus que préoccupante.
Ne pourrait-on garantir au moins 50 % du SMIC brut à tout retraité ayant validé 37 années et demie d'activité non salariée agricole, qu'il soit conjoint, aide familial, chef d'exploitation, associé d'exploitation ou collaborateur d'exploitation ?
Nous en sommes conscients, le relèvement des retraites agricoles, à court terme, au niveau de 75 % du SMIC demande un effort financier important. Mais comment ne pas noter que le Gouvernement, lorsqu'il a la volonté de faire passer une mesure qui lui tient à coeur, sait trouver les financements nécessaires ? Pour les 35 heures, par exemple, il n'a pas hésité à ponctionner le fonds de solidarité vieillesse !
Lorsqu'il s'agit du relèvement des retraites agricoles au niveau des minima sociaux, il ne semble pas y avoir la même volonté politique puisque, malgré une conjoncture favorable, cela ne fait pas partie des priorités du Gouvernement.
Actuellement, les retraités agricoles sont maintenus dans une situation d'exclusion qui échappe aux règles de solidarité et d'égalité.
La pension minimale, après une carrière entière de chef d'exploitation, devrait donc atteindre 42 500 francs par an. Le Gouvernement promet d'atteindre cet objectif en 2002. Cependant, compte tenu de la baisse des dépenses du BAPSA, due notamment à la diminution du nombre de retraités bénéficiaires de la mesure, il faut absolument que ce calendrier soit accéléré.
La conjoncture favorable, qui augmente les recettes de l'Etat, devrait autoriser sans difficulté une réalisation définitive de l'objectif dès 2001, et donc un coup de pouce supplémentaire à la mesure annoncée pour 2000.
Le BAPSA n'intègre pas non plus la bonification pour enfant attribuée aux retraités ayant élevé trois enfants ou plus. Celle-ci devrait être forfaitaire. Actuellement égale à 10 % du montant de la pension, elle désavantage les retraités dont les pensions sont les plus faibles.
Enfin, la mensualisation du paiement des retraites agricoles devient aujourd'hui une impérieuse nécessité. Les artisans ont obtenu cette réforme le 1er juillet de cette année et les commerçants l'obtiendront le 1er juillet 2000.
Au-delà de ces mesures, l'amélioration des retraites agricoles passe, bien sûr, par la mise en oeuvre d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous apporter des apaisements sur ces différents points, si importants pour nos agriculteurs retraités.
Je conclurai en faisant observer que le budget annexe est de moins en moins représentatif des comptes réels du régime social des agriculteurs.
La création des lois de financement de la sécurité sociale a évidemment changé la donne, et le BAPSA s'en trouve d'autant plus affaibli.
Monsieur le ministre, lorsque certaines mesures de financement de la protection sociale du monde agricole figurent dans les articles de la première partie du projet de loi de finances annuelle - et celle qui concerne la revalorisation des retraites agricoles est insérée par voie d'amendement - il est légitime de se poser la question suivante : le budget annexe des prestations sociales agricoles, dont dépend notamment la retraite de nos agriculteurs, est-il encore vraiment sous votre tutelle ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas regretter - c'est une considération que l'on fait habituellement lorsqu'on aborde un budget - sinon la diminution, fût-elle légère, ce qui me semble être le cas, du moins la simple stabilité d'un budget, celui du BAPSA. Cela s'explique évidemment - c'est mathématique - par l'évolution démographique plus forte dans la composante agricole de notre pays, diminution dont schématiquement on pouvait penser qu'elle aurait pu déboucher sur de plus fortes augmentations des retraites ; j'y reviendrai.
Institué il y a près de quarante ans, le budget annexe des prestations agricoles est heureusement maintenu. Il dote d'un cadre la négociation avec les agriculteurs, en même temps qu'il constitue, entre autres, la garantie de la spécificité du régime agricole, ce à quoi tiennent, chacun le sait ici, les agriculteurs.
Prestations familiales, dépenses maladie et, en particulier, l'assurance vieillesse, tout le monde est sensible à ces sujets ; j'y reviendrai également.
Auparavant, je tiens à mentionner combien il est opportun que le financement du BAPSA ait été quelque peu simplifié par la suppression, entre autres, des taxes.
Je tiens également à rappeler - cette considération ne me paraît pas déplacée - que la loi d'orientation agricole contient plusieurs dispositions relatives à la Mutualité sociale agricole, la MSA, dont le cadre d'action est renové et dont le dynamisme se traduit, me semble-t-il, notamment par une meilleure maîtrise des dépenses de santé, même si cela obéit aux règles générales de régulation des dépenses de santé. Je formulerai cependant à cet égard une double interrogation.
Tout d'abord, quelles seront les répercussions de la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle, dont nul ne songe, bien évidemment, à contester le bien-fondé, sur le fonctionnement de la MSA ? Qu'en sera-t-il des décrets d'application ?
Je formulerai une deuxième « crainte » et j'emploie le mot à dessein. Sur le terrain, les responsables des caisses de Mutualité sociale agricole s'interrogent sur le devenir même - l'expression peut paraître un peu forte - de ces caisses. Monsieur le ministre, il devrait être possible de rassurer ceux qui expriment des inquiétudes à cet égard.
J'ai mentionné les difficultés qui pourraient découler de la mise en oeuvre de la CMU en ce qui concerne le bon fonctionnement des caisses de MSA. Est-il besoin d'ajouter que l'on est particulièrement sensible à de possibles discriminations entre agriculteurs et non-agriculteurs, comme cela a déjà été développé ? Puissent les décrets d'application - j'y reviens, monsieur le ministre - lever le doute et supprimer le flou dans lequel, provisoirement je l'espère, nous nous trouvons.
Il est indispensable, pour l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, que la revalorisation des retraites agricoles les plus faibles, laquelle figure parmi les priorités du Gouvernement, soit réellement inscrite au BAPSA. Pourtant, par une motion du 10 septembre dernier - ce n'est pas si vieux ! - des anciens exploitants de France, sous la forme de ce que j'appelle « une mise en demeure », s'adressaient aux parlementaires dans ces termes : « Les parlementaires vont, au cours de ce dernier trimestre, être mis devant le dilemme suivant, dont risque de dépendre la réélection de beaucoup. » C'est en ce sens que je parle de mise en demeure. « Ou bien suivre le Gouvernement qui se prépare à faire voter l'arrêt de la progression du minimum des retraites vieillesse qui, à partir de 2002, resterait aux alentours de 3 500 francs par mois pour les chefs d'exploitations et de 2 700 francs pour leurs épouses et les aides familiaux ; ou bien donner satisfaction aux retraités en obtenant à partir de 2002 et pour tous les hommes et femmes la retraite minimum, soit 75 % du SMIC... » J'ai cité ces propos car je n'apprends rien à personne ! C'est dire à quel point tout le monde est sensible à ce problème des retraites.
En fait, les retraites s'améliorent - trop lentement, certes - puisque, aujourd'hui, la retraite agricole moyenne représenterait - j'emploie le conditionnel, mais c'est tout de même frappant - 57 % du montant des retraites moyennes des artisans et commerçants et 38 % des retraites moyennes toutes catégories confondues.
N'y aurait-il pas lieu, monsieur le ministre, de prévoir une simplification du mode de calcul des retraites agricoles pour éviter la multiplication des mesures de revalorisation ?
Par courrier du 6 octobre dernier, M. Murat et moi-même vous demandions s'il pouvait être envisagé que la bonification pour enfant soit forfaitaire. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point.
Bref, s'agissant des retraites agricoles, point n'est besoin de revenir sur les chiffres, chacun les connaît. Celles et ceux de nos compatriotes agriculteurs qui ont travaillé parfois pendant quarante ans sans connaître ni samedi ni dimanche méritent bien que l'on pense à eux.
Pour l'heure, le remboursement du fonds de solidarité vieillesse et du fonds spécial d'invalidité diminue - c'est un indice - en raison de l'amélioration du niveau des petites retraites agricoles. Cette amélioration est effective, mais elle demeure insuffisante. De même, un régime de retraite complémentaire obligatoire doit être envisagé.
Je veux croire que l'évolution poursuivie cette année se confirmera et même s'amplifiera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget annexe des prestations sociales agricoles s'inscrit dans la continuité des efforts consentis depuis deux ans en faveur de la revalorisation des retraites agricoles. En 2000, il est donc prévu 1,2 milliard de francs de revalorisation, soit 1,6 milliard de francs en année pleine.
Autant dire que cet effort reste équivalent à celui qui a été accompli l'année dernière, malgré une croissance économique plus favorable. Aussi, monsieur le ministre, ne pouvons-nous que regretter que le Gouvernement n'ait pas mieux mis à profit le retour à un taux de croissance - il sera proche de 3 % - pour accélérer le rythme imposé en 1997.
Alors que le nombre de retraités bénéficiaires décroît cette année, entraînant une réduction mécanique des dépenses du BAPSA, pourquoi ne pas avoir envisagé une stabilisation de la subvention du budget général au budget annexe ? Cette contribution diminuera donc de 1,4 milliard de francs. Ainsi, depuis 1998, la subvention d'équilibre aura été réduite de moitié.
De toute évidence, le Gouvernement aurait été mieux inspiré en utilisant davantage les marges de manoeuvre budgétaire supplémentaires dont il dispose pour accentuer les efforts nécessaires en direction des plus petites pensions, conformément à ce que préconise la loi d'orientation agricole du 9 juillet dernier qui, en son article 3, prévoit une accélération des revalorisations au début de la présente législature.
Ce projet de budget fait donc apparaître certaines insuffisances en ne se situant pas à la mesure des besoins grandissants d'une population dont une bonne part rencontre les pires difficultés, notamment les veuves des exploitants agricoles.
Il faut rappeler en outre que, pour les titulaires du fonds de solidarité vieillesse, les revalorisations des retraites ont eu un effet limité, provoquant un phénomène de substitution caractérisé, cette année, par une baisse de 723 millions de francs des versements du fonds de solidarité vieillesse au BAPSA.
Ce budget prévoit une augmentation de 200 francs par mois du minimum mensuel pour toutes les catégories de retraités agricoles ayant cotisé trente sept ans et demi.
Il est prévu également, ce dont il convient de se féliciter, un abaissement de durée de carrière minimale ouvrant droit à une pension forfaitaire : elle est ramenée de trente-deux ans et demi à vingt-sept ans et demi.
Toutefois, cet élargissement de la population visée concernera exclusivement les conjoints et les veuves qui ne perçoivent qu'une seule pension agricole. Il est dommage, monsieur le ministre, que le constat d'une injustice dont étaient victimes ces personnes n'ait pas conduit à supprimer le coefficient de minoration qui s'applique et continuera de s'appliquer en deçà de trente-sept ans et demi de cotisations !
Cette dégressivité est d'autant plus injustifiée, selon nous, qu'elle contribue à écarter de la revalorisation nombre de retraités agricoles qui, tout en ayant travaillé autant que les autres, ou bien n'ont pu cotiser au régime obligatoire avant 1952, ou bien sont restés en marge du système en raison d'un salaire perçu irrégulièrement.
Seuls 30 % des retraités agricoles ont effectué une carrière pleine, ce qui atténue, me semble-t-il, la portée des mesures annoncées.
En outre, monsieur le ministre, vous venez de recevoir les conclusions d'un rapport parlementaire qui doit servir de base à l'examen des conditions de financement des retraites agricoles, avec l'objectif affiché d'atteindre le minimum vieillesse, soit 3 500 francs par mois à l'échéance de 2002.
Vous réfléchissez également à la mise en place d'une retraite complémentaire qui, si elle peut constituer un élément positif pour relever le niveau des retraites, pose, malgré tout, quelques questions.
Compte tenu des revenus, le plus souvent limités, de la majorité des exploitants actuellement en activité, il est difficilement envisageable d'accroître les taux de cotisations, qui seraient d'autant plus forts que le nombre d'actifs est lui-même bien inférieur à la population retraitée.
Il est à craindre, de surcroît, après la réforme de la PAC, une nouvelle chute des revenus agricoles pour les petits exploitants à la suite de la baisse des prix décidée par l'Union européenne, qui ne sera compensée que partiellement.
Par conséquent, une participation significative de l'Etat au dispositif qui sera mis en place le moment venu me paraît essentielle pour ne pas grever outre mesure le pouvoir d'achat des exploitants, pour assurer un complément suffisant aux retraités et, enfin, pour préserver l'équilibre du régime de l'assurance vieillesse. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les intentions du Gouvernement à cet égard ?
Pourquoi ne pas envisager, par exemple, un prélèvement substantiel sur les chiffres d'affaires réalisés par les industries de l'agroalimentaire et de la grande distribution qui, aujourd'hui, alimentent la spéculation financière ?
Ce serait, de la part d'un gouvernement de gauche, une initiative appréciée qui contribuerait à redistribuer plus équitablement et plus efficacement les plus-values réalisées à partir de la production agricole et qui profitent davantage aux industries d'aval.
Une telle taxe, à l'instar de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, représenterait une part infime sur les milliards de francs de marges bénéficiaires réalisées chaque année par ces groupes industriels et permettrait d'atteindre progressivement l'objectif que se fixent les associations de retraités agricoles : une revalorisation des pensions à la hauteur de 75 % du SMIC. Cette revalorisation a d'ailleurs été prévue, en 1995, par le Président de la République et, en 1997, par le Premier ministre, comme le souligne le rapport sur les retraites agricoles de M. Germinal Peiro.
Telles étaient, monsieur le ministre, les remarques que le groupe communiste républicain et citoyen souhaitait formuler à l'occasion de l'examen des crédits du BAPSA pour 2000.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ai été moi-même rapporteur du BAPSA pendant plusieurs années à l'Assemblée nationale. Je partage donc l'ensemble de vos remarques méthodologiques, notamment depuis l'instauration d'une loi de financement de la sécurité sociale. Toutefois, il faut bien comprendre que nous nous trouvons face à une contradiction : d'un côté, nous avons un souci de cohérence et, maintenant que nous avons la loi de financement de la sécurité sociale, nous souhaiterions que cette cohérence soit totale ; de l'autre, nous sommes confrontés aux organisations professionnelles agricoles, qui veulent disposer d'un budget individualisé. Il nous faut gérer cette contradiction ensemble. Le débat reste ouvert !
En ce qui concerne les retraites, plusieurs d'entre vous m'ont demandé la raison pour laquelle le plan pluriannuel auquel il est fait allusion n'était pas voté. Je crois avoir déjà eu l'occasion de le préciser devant cette assemblée : notre Constitution, celle qu'un certain nombre d'entre vous ont votée en 1958, ne protège pas les lois de programmation pluriannuelles, qu'elles portent sur la défense ou sur d'autres sujets. Dès lors, on aboutit à des résultats presque paradoxaux : la loi de programmation pluriannuelle, loin d'assurer le minimum que nous voudrions obtenir, fixe un maximum qui n'est jamais atteint.
Je vous le dis très franchement - mais je l'ai déjà indiqué dans d'autres domaines, notamment celui de l'enseignement agricole où l'on me demandait une loi de programmation pluriannuelle - il revient au Parlement de juger les gouvernements sur ce qu'ils font et non pas sur les « chiffons de papier » que sont les lois de programmation pluriannuelle.
Un engagement a été pris, il faut le tenir.
Pour la troisième année consécutive, nous franchissons une nouvelle étape, ce qui prouve que nous avançons à pas réguliers vers l'objectif fixé.
Cet engagement du Premier ministre, et du Gouvernement tout entier, quel est-il ? Il s'agit d'atteindre, d'ici à la fin de la législature, le niveau du minimum vieillesse, et, au rythme que nous nous sommes fixé, nous y parviendrons. C'est pourquoi, cette année, nous disposons de 1,2 milliard de francs, ce qui correspond à 1,5 milliard de francs en année pleine.
Permettez-moi deux remarques, l'une sur l'objectif et l'autre sur la méthode.
L'objectif, nous dit-on, serait insuffisant et il faudrait plutôt viser 75 % du SMIC. Je ne crois pas, madame Terrade, que cette promesse ait été faite par le Président de la République et je sais qu'elle ne l'a pas été par le Premier ministre.
D'ailleurs, en tout été de cause, cette promesse n'aurait pas de sens dans la mesure où de nombreux salariés français qui ont cotisé pendant toute leur vie n'ont pas 75 % du SMIC de retraite. Si l'on pose la question pour les agriculteurs, il faut la poser aussi pour l'ensemble des salariés, ne serait-ce que pour une raison d'équité. Sinon, cela n'a pas de sens !
Mme Odette Terrade. Disons que c'est insuffisant pour tout le monde !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous rejoins sur ce point. Mais alors, n'en parlons pas pour les retraites agricoles, et ouvrons le débat plus général des 75 % du SMIC pour toutes les retraites.
A propos de la méthode, maintenant, je vous sens inquiets de mesures prises à la dernière minute. Quoi qu'il en soit, ces mesures sont votées. Elles ne seraient pas pérennes, dites-vous, mais cela ne veut rien dire. A partir du moment où ce sont des dépenses obligatoires, peu importe, la première année, que les mesures ne soient pas pérennes : de toute manière, elles engagent l'Etat. La pérennité sera manifeste par la suite, sans difficulté.
J'en viens au rapport de M. Germinal Peiro. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce document est public. Le Gouvernement doit déposer un autre rapport, conformément aux engagements qu'il a pris lors de l'adoption de la loi d'orientation agricole, qui sera également rendu public, dans trois mois.
M. Germinal Peiro, député de la Dordogne, prône, après la mesure de revalorisation des retraites jusqu'au minimum vieillesse, le passage direct à un système de retraites complémentaires obligatoires. Notre collègue formule des propositions. Selon lui, de deux choses l'une : soit on va au bout de la législature et l'on atteint le minimum vieillesse, et on embrayera, alors, dans la prochaine législature, sur un régime de retraites complémentaires, soit, si l'on n'a pas confiance dans la prochaine législature en raison d'une éventuelle alternance, on accélère le rythme et on fait, l'année prochaine, deux pas d'un coup, de façon qu'en 2002 l'on puisse embrayer sur le régime de retraites obligatoires.
Le débat est maintenant porté devant vous. Le Gouvernement est saisi de ce rapport, il va s'exprimer.
Pour conclure, je voudrais simplement évoquer une mesure qui figure au BAPSA, la hausse des exonérations de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs. Voilà une mesure concrète, positive, prise par le Gouvernement qui traduit sa volonté manifeste d'encourager l'installation des jeunes agriculteurs.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques remarques que je souhaitais faire sur le budget annexe des prestations sociales agricoles, en vous remerciant encore de la richesse de nos débats. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 42 et 43 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 94 879 700 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 42, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « II. - Crédits : moins 187 700 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 43, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.

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