Séance du 7 décembre 1999







« Crédits de paiement : 2 113 280 000 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion du vote de l'article 39 de la loi de finances, je souhaiterais parler, trop brièvement, hélas ! de La Poste et évoquer, plus rapidement encore, France Télécom.
Nos entreprises publiques se portent bien, y compris La Poste, qui termine un exercice qui sera sans aucun doute bénéficiaire.
Vous êtes, monsieur le secrétaire d'Etat, leur tuteur et le garant qu'elles assument leur double fonction : une présence sur le marché concurrentiel et l'accomplissement de leur mission de service public. C'est sous cet angle que je compte vous interroger.
S'agissant de La Poste, je suis, comme mes collègues, assailli des plaintes justifiées des maires sur les réductions d'horaires, les fermetures intempestives de bureaux, le non-remplacement des agents en congé ou en formation, voire, parfois, la non-distribution du courrier le samedi matin.
Des cadres départementaux de La Poste affirment que la mise en place des 35 heures serait responsable de cette situation. La réduction du temps de travail signifierait donc la réduction du service public. Comment accepter une telle dérive ?
Une anecdote - exceptionnelle, j'en conviens - illustre la situation qui s'établit dans certaines villes : un bureau de poste du quartier de la Savine, à Marseille, appose un cachet mentionnant : « non distribué pour cause d'insécurité » sur les plis et les colis d'une partie des rues de son ressort.
Je peux comprendre l'attitude des postiers. Je ne peux penser en revanche - et je sais que ce n'est pas le cas - qu'elle soit couverte de votre autorité.
Tel est le cadre de mon intervention, et je souhaiterais, partant de là, vous poser toute une série de questions précises, monsieur le secrétaire d'Etat, questions auxquelles vous avez déjà répondu en partie.
Abandonnée à l'arrivée de votre Gouvernement, la séparation en branches de La Poste renaît sous le masque du programme SOFT - cela ne s'invente pas ! - qui tend à verticaliser et à autonomiser les métiers, bref, à disloquer encore un peu plus l'entité de La Poste.
Tous les syndicats, sans exception, ont protesté contre le risque de privatisation rampante. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Vous aviez approuvé - c'est ma deuxième question - l'idée que la procédure des contrats de plan Etat-région pourrait financer la redynamisation, la modernisation et l'extension du réseau, notamment dans les quartiers urbains difficiles. Avez-vous des informations sur le nombre de régions qui seraient susceptibles de s'engager dans cette voie ?
Vous avez - troisième question - toujours plaidé pour la reconquête des quartiers urbains par La Poste, service de proximité irremplaçable. Avez-vous des informations sur ce sujet ? Plus précisément, est-ce que l'implantation des maisons de service public, bien adaptées à ce milieu et désormais ayant force de loi, bénéficiera d'un effort significatif l'année prochaine ?
Quatrième question : comme vous le savez, la présidence finlandaise de l'Union européenne vient de proposer la mise en place d'un service bancaire de base pour tous les citoyens sans exception. Ce projet sera-t-il repris par la présidence française à partir de juin prochain et, dans l'affirmative, quelle conséquence en tirez-vous pour le devenir de La Poste ?
Cinquième question : plusieurs de nos collègues ont évoqué la difficulté qu'éprouve La Poste pour investir dans les acquisitions - même si elle l'a fait, vous l'avez rappelé à l'instant - et dans le partenariat, nécessaire dans la course à la taille critique dans laquelle elle est engagée à l'échelon européen et mondial. Ces collègues en tirent parfois la conclusion qu'il faut privatiser, ce que je ne peux accepter. Mais la question demeure : les 5,5 milliards de francs d'autofinancement de La Poste sur fonds propres sont-ils en mesure de contrebalancer le développement de TNT, la poste hollandaise, depuis sa privatisation en 1990, et les 40 milliards à 50 milliards de francs qui sont consacrés par la poste allemande à sa croissance externe en deux ans ?
Ce problème vous préoccupe, je le sais. Quelles perspectives le Gouvernement peut-il ouvrir ?
Sur un autre plan, et je reviens à l'intérieur de l'Hexagone, quel avenir envisagez-vous pour l'ENSPTT, dont les personnels font un travail remarquable et dont les étudiants sont fort satisfaits ?
J'en viens à ma dernière question, et, de ce point de vue, la réponse que vous avez faite tout à l'heure ne m'a pas totalement éclairé.
Vous vous êtes engagé au printemps, devant le Parlement, à ouvrir un débat sur l'actualisation de la loi de 1990 afin de faciliter l'adoption d'une nouvelle loi postale, dont tout montre que le pays l'attend. Quel est votre calendrier ?
Faute de temps, je ne peux maintenant qu'effleurer l'autre sujet que je voulais aborder : France Télécom.
Je commencerai par vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous comptez faire pour financer l'exploitation des cabines téléphoniques dans les communes de moins de 1 000 habitants. Nombre de communes rurales s'inquiètent d'un désengagement programmé de l'opérateur public.
Je m'indigne par ailleurs - le mot n'est pas trop fort - du blocage persistant entre la caisse d'allocations familiales et France Télécom à propos des tarifs sociaux pour le téléphone.
Plus de deux ans après le vote de la loi, et après la parution du décret - ce n'est donc pas de votre fait - aucune mesure n'a été prise et l'Etat doit reverser aux opérateurs privés les sommes collectées pour donner aux citoyens les plus pauvres le droit de communiquer. Quelle initiative comptez-vous prendre en la matière ?
Voilà quelques-unes des questions que je souhaitais vous poser. Je crains que les contraintes liées à l'organisation du débat ne vous permettent pas de me répondre au cours de la présente séance. Je me propose donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous faire tenir mes questions par courrier.
Au demeurant, en concluant cette brève intervention, je voudrais vous dire que, même si j'ai évoqué, comme il est de règle dans un débat, un certain nombre de difficultés et de préoccupations graves, compte tenu de l'effort que fait le Gouvernement dans ce secteur, et peut-être de manière plus spectaculaire encore dans le secteur de l'industrie, je voterai le moment venu votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ayant déjà répondu à une partie des questions posées par M. Delfau et ne souhaitant pas allonger le débat, je répondrai à celui-ci par écrit, d'autant que l'importance du sujet et la sagacité avec laquelle il est intervenu m'y invitent.
Toutefois, je pense que M. Delfau sera d'accord avec moi pour ne pas réserver à son usage exclusif les réponses que je lui apporterai, et je me propose donc d'en communiquer la teneur aux commissions et aux groupes du Sénat.
M. François Trucy. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Permettez-moi cependant d'ajouter une précision, monsieur le président, à propos des tarifs sociaux de France Télécom.
Devant les difficultés techniques, je me suis engagé dans une réflexion qui pourrait déboucher sur l'édition de cartes prépayées, lesquelles, sous certaines conditions, pourraient pallier le très grand retard de mise en oeuvre de ces tarifs sociaux, répondant par là à la critique justifiée que vient de faire M. Delfau. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. C'est également la mienne !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je vous remercierai également, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir répondu par avance à un certain nombre de mes questions.
Je saisis néanmoins l'occasion du vote des crédits de ce titre VI sur les investissements pour insister à nouveau sur certains problèmes concernant la construction navale.
L'an 2000 est la dernière année où la navale peut prétendre à de nouveaux engagements au titre de l'aide. En 2001, ce sera fini en vertu du règlement européen. Nous aurons encore des crédits de paiement et peut-être des autorisations de programme au titre d'anciens engagements, mais il n'y aura plus de nouveaux engagements puisque le règlement européen l'interdit. Nous entrons dans une ère totalement nouvelle et il va falloir tirer toutes les conclusions de ce changement radical.
Tout d'abord, il convient de promouvoir avec volontarisme une politique extérieure européenne de défense de l'industrie. Le « laisser-faire » du temps de Léon Brittan n'est plus de mise. Le Premier ministre l'a parfaitement compris, lui qui a déclaré, le 25 juin, à Saint-Nazaire : « Le Gouvernement, et particulièrement le secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, veilleront à ce que prévalent, dans la dure compétition que vous affrontez, notamment en provenance d'Asie, des conditions transparentes et loyales. » C'est cette orientation que vous avez fait prendre par le Conseil européen du 9 novembre qui représente un premier pas dans la bonne direction.
Le Conseil européen a en effet reconnu officiellement que l'industrie navale européenne était soumise à une compétition déloyale venant de la République de Corée. Par ailleurs - et c'est à votre insistance que cette résolution a été prise - le Conseil a salué la détermination de la Commission de continuer à préparer les éventuelles mesures de rétorsion appropriées.
Quoi qu'il en soit, la définition d'une politique extérieure commune prendra du temps. Mais il existe, monsieur le secrétaire d'Etat, un outil disponible immédiatement et fort efficace que ce gouvernement a créé. Il s'agit du GIE fiscal, qui, non seulement a des effets bénéfiques sur le plan de charge de la construction navale française, mais encore - et c'est très important - a permis aux investisseurs étrangers d'aider au développement du secteur des croisières de la marine marchande française. J'insiste sur ce point : il n'y avait pas de navires de croisière français avant que certaines commandes d'armateurs étrangers ne soient orientées, par des mesures fiscales, vers le pavillon français.
Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, de veiller à ce que les investisseurs étrangers puissent bénéficier, dans le cadre de la gestion du GIE fiscal, d'un traitement favorable lorsqu'ils investissent en France dans les chantiers français.
Au même titre qu'un armateur français, ils développent, quand ils commandent en France, le secteur naval ainsi que la marine marchande et donc l'ensemble de la filière.
Nous devons être vigilants afin que les chantiers de construction navale restant en France puissent continuer à recevoir des commandes en dépit des risques de concurrence déloyale, venant de la Corée notamment.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ferez preuve de ténacité, de persévérance et de conviction dans le suivi du dossier relatif à la construction navale ; soyez assuré de notre soutien. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je répondrai également par écrit aux questions de Mme Dieulangard que je n'ai pas évoquées dans mon intervention à la tribune.
Toutefois, madame la sénatrice, je veux vous dire tout de suite que le dernier Conseil européen de l'industrie a été particulièrement attentif aux conditions internationales de la concurrence, et que s'est dégagé un consensus pour que l'Union européenne continue d'enquêter, de s'informer et d'agir afin de réguler au niveau mondial les conditions de la concurrence des chantiers navals pour assurer un avenir favorable à l'ensemble des chantiers navals de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'économie, les finances et l'industrie : II. - Industrie (et Poste).

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