Séance du 3 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : IV. - Mer.
La parole est à M. Lise, rapporteur spécial. M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour la marine marchande. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la marine marchande correspond au fascicule « Mer » du budget de l'équipement, des transports et du logement, abstraction faite des crédits consacrés aux ports maritimes.
Ainsi définis, les crédits inscrits à ce budget pour 2000 s'élèvent à 5,6 milliards de francs, en légère diminution - 0,41 % - par rapport au budget voté de 1999.
Comme chaque année, le budget est représenté, à près de 80 %, par la subvention de l'Etat au régime social des marins, géré par l'établissement national des invalides de la marine, l'ENIM, pour un total de 4,4 milliards de francs. Cette subvention permet d'équilibrer un régime structurellement déséquilibré par la diminution du nombre des cotisants, mais aussi par les allégements de cotisations.
Deux éléments sont à noter en particulier.
D'une part, et pour la première fois, la part relative de la subvention de l'Etat à l'ENIM diminue, passant de 82 % à 79 % du budget de la marine marchande.
D'autre part, la transformation de l'ENIM en établissement public administratif a été abandonnée, ce que je regrette, le statut actuel étant à l'évidence peu satisfaisant.
Ce budget est caractérisé par deux priorités.
En premier lieu, le budget revalorise substantiellement les moyens affectés à la sécurité en mer.
La dotation de l'agrégat « Signalisation et surveillance maritime » est en effet augmentée de près de 14 % et les moyens en crédits de personnels sont renforcés.
Cet effort supplémentaire permet tout d'abord d'accroître les moyens de fonctionnement des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS.
Il profite également à la signalisation maritime, dont le matériel doit être restauré ou remplacé dans le cadre d'un plan de modernisation prévu sur huit ans et que le budget permet de lancer. Par ailleurs, les moyens des unités littorales des affaires maritimes, les ULAM, sont reconduits. Cette politique de sécurité doit être poursuivie. En effet, les efforts budgétaires réalisés ces dernières années dans ce domaine portent leurs fruits, puisque l'on a constaté en 1998 à la fois une diminution du nombre de personnes décédées ou disparues en mer et une augmentation du nombre d'opérations et du nombre de personnes assistées.
En revanche, il y a lieu de s'étonner de la diminution substantielle des moyens accordés par l'Etat à la société nationale de sauvetage en mer, la SNSM. La subvention de l'Etat, qui couvre 40 % des dépenses d'équipement de la SNSM, a été en effet ramenée de 9,7 millions de francs à 8,7 millions de francs.
Vous nous avez rassuré, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des finances, en nous indiquant que le million de francs manquant serait rétabli.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est fait !
M. Claude Lise, rapporteur spécial. Nous sommes heureux de cette confirmation.
Rappelons que la SNSM est une association loi 1901, qui réalise depuis plusieurs années un effort important pour renouveler sa flotte. Le ministère de l'équipement a d'ailleurs approuvé le plan de construction qui prévoit le renouvellement de cette flotte.
La seconde priorité de ce budget concerne l'enseignement maritime.
Voilà deux ans, notre ancien collègue René Régnault, alors rapporteur de ce budget, avait mené un travail très approfondi sur les écoles d'enseignement maritime.
Ce rapport mettait notamment en évidence la nécessité du passage sous statut public du personnel de l'association pour la gérance des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA. Le dernier comité interministériel de la mer du 1er avril 1998 s'était également prononcé en ce sens.
Le budget pour 2000 prévoit - enfin ! - ce changement de statut. A cet effet, 315 postes budgétaires d'enseignants sont créés. Grâce à cette mesure, les agents de l'AGEMA actuellement sous contrat à durée indéterminée se verront proposer un statut de droit public. Je note cependant qu'ils seront intégrés dans des corps de l'éducation nationale, de l'agriculture et de l'équipement. Je me demande si cette dispersion ne va pas compliquer la gestion de ces personnels.
Par ailleurs, je note que les formations dans les écoles maritimes et aquacoles sont rénovées, les effectifs augmentés et les équipements pédagogiques modernisés. C'est donc un véritable service public de l'enseignement maritime qui se met en place, et je m'en félicite.
J'en viens maintenant à un sujet majeur, qui touche à l'essence même de la politique maritime de notre pays, je veux parler de notre dispositif de soutien à la marine marchande.
D'abord, un constat s'impose. La flotte de commerce française est au vingt-huitième rang mondial, avec 217 navires sous pavillon français au 1er juillet 1999. Rappelons qu'il y a une dizaine d'années elle était au dix-neuvième rang. Pour la deuxième puissance maritime du monde par la surface des mers sous sa juridiction, il y a là quelque chose de réellement préoccupant.
Cela s'explique essentiellement par une insuffisante compétitivité du pavillon français, auquel les différents plans d'aide au secteur ont tenté de remédier.
Jusqu'en 1997, le plan « marine marchande » comportait trois volets : l'aide à l'investissement, l'aide à la consolidation et à la modernisation et le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle.
En juillet 1997, la Commission européenne a demandé que soit abandonnée la notion de subvention d'investissement assise sur la valeur du navire. Il a donc été décidé que le soutien à la flotte de commerce prendrait la forme de diminutions ou d'annulations de charges fiscales et sociales applicables aux marins des compagnies maritimes.
Le projet de budget pour 2000 reconduit le nouveau dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail versées par les entreprises qui emploient des personnels navigants sur des navires de commerce battant pavillon français. Sont éligibles au remboursement, vous le savez, les entreprises directement confrontées à la concurrence internationale.
Par ailleurs, le soutien à la marine marchande comprend désormais le système des GIE fiscaux, introduits par la loi du 2 juillet 1998, qui procure un avantage fiscal que l'on considère comme équivalent environ au deux tiers de l'avantage fiscal qu'apportait le dispositif des quirats.
Enfin, le dispositif antérieur de remboursement de la taxe professionnelle est reconduit.
Au sujet du nouveau régime de soutien, je voudrais faire quelques remarques.
La première concerne le dispositif des GIE fiscaux, qui, manifestement, doit encore faire ses preuves. Depuis sa mise en oeuvre en effet, quinze dossiers - pour vingt-deux navires de transport - ont fait l'objet d'une demande d'agrément auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et six dossiers sont acceptés, représentant six navires.
Cela à comparer à l'impact du dispositif des quirats, qui, il faut le noter, a permis d'agréer vingt-trois navires de transport sur une période à peu près équivalente.
En outre, je me dois d'attirer votre attention sur ce fait, monsieur le ministre, le dispositif de remboursement des charges sociales ENIM ne semble pas fonctionner correctement. Au 1er octobre 1999, en effet, seuls 10 % de la dotation budgétaire consacrée au remboursement des charges ENIM au titre de 1998 ont pu être effectivement alloués aux armateurs, qui s'en plaignent évidemment.
Par ailleurs, le remboursement des charges sociales ENIM des entreprises employant plus de 250 navigants, qui représente 70 % de la dotation, doit faire l'objet de l'instruction préalable d'une commission interministérielle, laquelle ne s'est toujours pas prononcée, plus d'un an et demi après l'adoption du dispositif le 1er avril 1998 !
C'est la raison pour laquelle je serais, pour ma part, favorable à la conversion du dispositif de remboursement en une mesure de dégrèvement, ce qui, normalement, ne devrait pas générer de coût budgétaire supplémentaire pour l'Etat.
Je remarque, à ce titre, que l'ensemble des pays ayant une vocation maritime ont un régime de soutien élaboré, et souvent plus complet que le nôtre.
De proche en proche, les régimes fiscaux de nos voisins européens évoluent vers le triptyque suivant : exonération de charges sociales, défiscalisation des salaires des personnels navigants et taxation forfaitaire au tonnage, les modalités les plus accomplies se trouvant aux Pays-Bas, au Danemark et en Italie.
Notre flotte de commerce est en déclin depuis une vingtaine d'années et la comparaison de la situation française avec celle de nos partenaires européens montre qu'un surcoût important du pavillon français subsiste. Dans ces conditions, peut-on raisonnablement rester à l'écart de la politique engagée par la plupart de nos voisins européens ?
Enfin, je voudrais évoquer la récente suppression des ventes hors taxes, intervenue le 1er janvier 1999.
Deux entreprises d'armement maritime, Seafrance et Brittany Ferries, vont être particulièrement touchées, le commerce hors taxes représentant respectivement 40 % et 20 % de leur chiffre d'affaires.
En outre, la région de Calais risque d'être particulièrement atteinte, puisqu'on évalue la perte d'emplois consécutive à environ 3 700. J'espère donc que les mesures d'accompagnement qui sont prévues seront à la hauteur des problèmes humains qui, à l'évidence, ne vont pas manquer de se poser.
Telles sont donc les principales observations que m'inspire ce projet de budget.
Certaines d'entre elles peuvent conduire, on l'a vu, à se demander, si, compte tenu des enjeux existants, une place plus grande ne devrait pas être faite au volet « marine marchande » de la politique des transports, s'il n'est pas en particulier nécessaire d'améliorer le dispositif de soutien à la flotte de commerce.
D'autres observations soulignent au contraire les aspects positifs de ce projet de budget.
Celui-ci répond bien à l'objectif majeur qui lui est assigné, à savoir équilibrer le régime social des marins.
Il permet par ailleurs de poursuivre l'indispensable effort en faveur de la sécurité en mer et de mettre en oeuvre la nécessaire réforme de l'enseignement maritime.
A titre personnel, je me prononce donc en faveur de son adoption. Telle est la position que j'ai défendue en commission. Cependant, comme vous le savez, la commission des finances a proposé de rejeter le budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement dans sa totalité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les ports maritimes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des ports maritimes correspond à l'essentiel de l'agrégat 05 « Ports maritimes et littoral » du fascicule IV. - Mer » du budget de l'équipement, des transports et du logement.
Ainsi définis, les crédits inscrits au budget des ports maritimes pour 2000 s'élèvent à 670,23 millions de francs, en hausse de 11 % par rapport au budget voté de 1999.
Les crédits destinés à l'entretien et à l'exploitation sont reconduits. Les crédits d'investissement sont globalement maintenus, la hausse étant essentiellement due à la subvention accordée au projet Port 2000 d'extension du port du Havre.
Les travaux d'extension des infrastructures du port du Havre pour l'accueil et le développement des trafics de conteneurs dans le cadre de l'opération « Port 2000 » vont en effet mobiliser 220 millions de francs en autorisations de programme et 66 millions de francs en crédits de paiement.
Le contexte dans lequel s'inscrit ce budget est plutôt favorable.
L'activité des ports maritimes métropolitains a été bonne en 1998 ; le trafic a progressé de 3,9 % par rapport à 1997. Le trafic des ports autonomes a progressé de 6,4 %, mais celui des ports d'intérêt national a baissé de 3,9 %. A titre de comparaison, la croissance des grands ports européens n'a été que de 3,4 %.
Cependant, la progression du trafic des ports français doit être relativisée. Elle résulte davantage de l'augmentation générale du commerce extérieur et ne permet pas d'enrayer le déclin tendanciel de l'utilisation de la voie maritime au profit du transport terrestre même si, ces trois dernières années, une certaine stabilisation peut être constatée.
En outre, les ports français ne gagnent pas de parts de marché en Europe. Chaque année, une vingtaine de millions de tonnes de marchandises en provenance ou à destination de la France sont même « captées » par d'autres ports européens.
Enfin, le décalage s'accroît entre les ports qui peuvent répondre aux exigences du commerce mondial et ceux qui ne peuvent accueillir un nombre suffisant de conteneurs, comme Le Havre et Marseille.
Il reste donc beaucoup à faire pour améliorer la compétitivité de nos ports maritimes.
Ces derniers en ont bien conscience, comme en témoignent leurs efforts pour améliorer leur situation financière, efforts qui se sont poursuivis en 1998. En effet, la marge brute d'autofinancement continue de progresser et, globalement, l'endettement diminue de manière sensible grâce aux efforts d'une politique volontariste de désendettement, notamment à Dunkerque, Le Havre, Rouen et Marseille.
Par ailleurs, il convient de souligner la poursuite de l'effort pour améliorer la desserte terrestre des ports maritimes.
En effet, l'un des facteurs essentiels de la compétitivité de la chaîne de transports réside dans une bonne articulation des transports terrestres, fluviaux et maritimes.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 a pris acte de l'importance de cet enjeu et a défini une nouvelle approche multimodale des transports, reposant sur la mise en place de schémas de services de transports.
Ces derniers permettront de mieux prendre en compte les aménagements nécessaires à l'amélioration de la desserte terrestre et ferroviaire des ports maritimes. Je souhaite pour ma part qu'ils soient élaborés le plus rapidement possible.
Je note que les besoins d'amélioration de la desserte du port du Havre sont pris en compte dans le projet « Port 2000 ». Il est indispensable que tous nos ports bénéficient d'une bonne desserte et, à cet égard, les besoins demeurent importants, comme l'a montré le rapport du groupe de travail constitué par le Conseil national des transports et présidé par M. Chabrerie.
A ce stade, il convient d'exposer un peu plus en détail l'opération « Port 2000 », qui constitue la mesure phare du projet de budget pour 2000 relatif aux ports maritimes.
Le projet « Port 2000 » a pour ambition de développer l'escale du Havre sur les lignes transocéaniques empruntées par les porte-conteneurs géants de la nouvelle génération, afin de maintenir et de renforcer la position de ce port dans le club très restreint des grands ports européens pour les marchandises conteneurisées.
Le port du Havre représente en effet plus de 50 % du trafic de porte-conteneurs français, et la croissance de ce trafic est de l'ordre de 15 % par an. Depuis 1992, letrafic du port du Havre a augmenté de 47 %, et cette progression s'explique surtout par l'accroissement du trafic de conteneurs.
L'actuel port d'accueil des porte-conteneurs est saturé. Une extension du port, avec de nouveaux quais dédiés au trafic conteneurs, est donc indispensable. Elle permettra les économies d'échelle nécessaires pour accroître la compétitivité du port du Havre face à ses concurrents nord-européens et améliorera la productivité des terminaux et, globalement, la qualité de service.
La réalisation des travaux d'infrastructure lourde s'étalera, avec un calendrier très serré, sur la période 2000-début 2003.
Je me réjouis de la mise en oeuvre d'un projet dont chacun mesure l'importance, non seulement pour la compétitivité de notre pays, mais également pour les créations d'emplois qu'il induira, dans une région particulièrement confrontée aux difficultés économiques. Pour atteindre complètement son objet, cet important effort financier de l'Etat et des collectivités locales devra être conforté par la détermination de tous les acteurs de la communauté portuaire à affronter une concurrence internationale de plus en plus rude.
Je souhaiterais maintenant faire quelques observations au sujet de l'important rapport de la Cour des comptes sur la politique portuaire française.
L'an dernier, j'observais que les moyens budgétaires ne sauraient constituer à eux seuls une politique portuaire. Je constate que ce point de vue est partagé par la Cour des comptes, qui déplore l'absence de politique portuaire nationale et qui suggère de définir une politique cohérente et globale de l'Etat à l'égard des ports maritimes tenant mieux compte de la nouvelle donne européenne.
Cette année, le lancement de l'opération « Port 2000 » constitue un bon exemple de ce qu'il faudrait faire. En effet, c'est la première fois qu'une opération d'envergure concernant un port intègre la globalité de son environnement économique.
Par ailleurs, la Cour des comptes estime que l'actuelle classification des ports maritimes en ports d'intérêt national et ports autonomes ne correspond plus aux réalités économiques.
Elle démontre, notamment, l'absence d'adéquation entre l'importance des ports et le classement découlant de leur statut, ce qui la conduit à mettre en cause l'existence de deux statuts différents pour les ports qui relèvent de la compétence de l'Etat.
Dans votre réponse à la Cour des comptes, vous n'exprimez pas, monsieur le ministre, le souhait d'engager dans l'immédiat une réforme du statut des ports maritimes.
Pourtant, il me semble qu'il y a lieu d'étudier sérieusement le problème soulevé par la Cour des comptes. En effet, comment justifier, par exemple, le classement de Calais, qui réalise un trafic de 35 millions de tonnes, en port d'intérêt national, alors que le port de la Guadeloupe, avec seulement 3 millions de tonnes de trafic, est classé en port autonome ?
La Cour soulève également le problème des conséquences qu'entraînent les différences de statut juridique entre les ports européens. La plupart des ports nord-européens sont gérés par une régie municipale - tel est notamment le cas de Rotterdam - qui constitue une forme de gestion particulièrement opaque. Dès lors, il est difficile d'identifier les aides publiques en matière portuaire.
En revanche, l'organisation des ports français se caractérise par sa transparence, les ports autonomes et d'intérêt national étant tenus de publier leurs comptes. Il en résulte d'importants risques de concurrence déloyale, qui justifieraient, selon la Cour, un examen approfondi de la part des institutions de l'Union européenne, au même titre que les distorsions économiques les plus manifestes.
A ce propos, il est utile de rappeler que la Commission européenne a publié à la fin de 1997 un Livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes.
Ce Livre vert a fait l'objet d'un débat approfondi parmi les Etats membres. La France a fait connaître sa position par un mémorandum. A la suite de cette vaste consultation européenne, une conférence s'est tenue à Barcelone en mai 1998 sur les perspectives pour les ports européens, en présence du commissaire Neil Kinnock. Celui-ci a souligné la nécessité d'une concurrence saine et loyale et d'une transparence des comptes et des financements publics.
Il est notamment question de réaliser un cadre communautaire en matière de tarification et de financement et, à cette fin, la Commission doit dresser un inventaire des aides et des financements.
Le gouvernement français a déjà insisté sur la nécessité de prendre en compte, dans cet inventaire, les dispositifs sociaux et fiscaux en vigueur, au-delà du strict cadre de l'établissement portuaire.
En ce qui concerne le cadre lui-même, la France s'est montrée réservée, estimant que l'intervention de la Communauté devait être limitée par le principe de subsidiarité.
L'inventaire a été lancé en décembre 1998. Le champ de cette enquête comporte les mesures fiscales et sociales de niveau national, régional ou local. Il est vraisemblable que l'exploitation de ce travail sera réalisée au cours de l'an 2000.
Par ailleurs, la demande d'exonération de taxe professionnelle des équipements spécifiques des entreprises de manutention portuaire a fait l'objet d'une prodécure de publication au Journal officiel des Communautés européennes. Je fais confiance au Gouvernement pour continuer l'action qu'il a engagée afin de faire aboutir cet important dossier.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à saluer votre volonté d'engager les ports français dans le système européen de réseaux de transport qui devrait permettre d'accroître l'efficacité des ports et leur intégration dans les réseaux européens.
Telles sont les principales obsevations que je voulais formuler en présentant ce rapport.
Pour être perfectible, ce budget n'en comporte pas moins des avancées significatives. Ainsi, je n'aurai garde d'oublier le milliard de francs consacré aux investissements portuaires dans les futurs contrats de plan Etat-région, soit plus du double que dans le XIe Plan.
Les remarques de la Cour des comptes montrent qu'il reste beaucoup à faire, mais je ne doute pas, monsieur le ministre, de la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts engagés dans l'amélioration de la compétitivité de nos ports maritimes.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur l'analyse financière qui vient d'être faite. Je me contenterai de rappeler que, avec 1,8 milliard de francs - soit un centième du budget de la culture - dont seulement 7 % en capital, consacrés à l'investissement, la mer n'a vraiment qu'un budget minuscule.
Or, la France est tout de même la quatrième puissance exportatrice du monde. La moitié du commerce extérieur de la France en volume passe par nos ports maritimes. Et, depuis dix ans, le transport maritime dans le monde croît de 5 % en volume par an. Or, en 1970, la France comptait environ 100 000 marins contre 40 000 aujourd'hui, avec plus de 100 000 pensionnés.
La marine marchande et la flotte de commerce représentent un chiffre d'affaires de 25,6 milliards de francs pour à peine 8 700 navigants. Nous avons pourtant 5 500 kilomètres de côtes en métropole et plus de 1 500 kilomètres outre-mer. Ne pourrions-nous pas mieux faire en matière d'emplois ? C'est en tout cas ce que nous souhaitons tous.
En trente ans, nous sommes passés du cinquième rang mondial au vingt-huitième, bien que nous ayons quelques entreprises très performantes, telles que CMA - CGM, Delmas, Louis Dreyfus, ce qui prouve notre savoir-faire. Encore faudrait-il le développer.
La réalité, c'est que nous vivons dans une situation de concurrence internationale totalement ouverte, qui rend bien difficile l'application des 35 heures dans ce secteur, sauf à dégrader encore la compétitivité du pavillon national.
Je rejoins tout à fait l'analyse de notre collègue Claude Lise, qui estime que plusieurs mesures sont envisagebles pour améliorer la situation économique.
S'agissant de la réforme du pavillon, il faudrait étudier l'établissement d'un registre unique. Je crois, monsieur le ministre, que vous vous êtes déclaré ouvert au dialogue sur ce sujet, et je m'en félicite.
On pourrait également envisager le dégrèvement des charges sociales de l'ENIM en direct, qui se substituerait au système actuel, la taxation forfaitaire au tonnage et l'étude de la défiscalisation des salaires des navigants, qui, pour n'être qu'une piste, n'en est pas moins intéressante.
Nous avons besoin d'une réforme fiscale et sociale pour harmoniser notre réglementation avec celle des autres pays européens, qui ont pris leur essor en adoptant d'ores et déjà ce type de mesures. Pourquoi pas nous ? C'est la question que je pose.
En ce qui concerne les ports maritimes, on cite toujours Le Havre, auquel j'apporte mon soutien. J'aimerais toutefois qu'il n'éclipse pas un projet intéressant qui, je l'espère, aboutira : le projet fastship à Cherbourg. Il nécessitera des investissements importants en infrastructures.
En matière de ports, l'objectif commun devrait être de « trouver la meilleure réponse aux attentes des clients ». Cela signifie diagnostiquer les besoins, les hiérarchiser et organiser l'aide de l'Etat en conséquence, ce que nous ne faisons pas. Le rapport de la Cour des comptes est extrêmement sévère sur ce point.
Les priorités majeures me semblent concerner le développement de la connexion des ports vers toute l'Europe, la promotion - ou tout au moins l'étude - de l'intermodalité et du cabotage, en plein développement au niveau européen et qui commence en France.
Notre façade atlantique est très marginalisée faute d'axes est-ouest. A cet égard, la baisse des crédits alloués aux routes est très inquiétante et on connaît les délais de réalisation pour le développement du fer.
A propos de la sécurité en mer, je rappelle que, malgré un effort certain, il manque au moins vingt inspecteurs supplémentaires pour assurer les contrôles obligatoires, dont nous avons pourtant encouragé le développement avec l'Organisation maritime internationale.
Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note que le million de francs manquant à la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, allait lui être rendu.
Je rappelle que les très utiles centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, sont frappés par la professionalisation des armées et manqueront donc de personnels.
Mais il existe aussi des sujets de satisfaction. Pour ma part, j'en vois deux.
D'abord, le littoral, territoire fragile, où vit 10 % de la population. Les crédits ont doublé, mais ils partaient d'un niveau très bas. Par ailleurs, la pression des besoins est extrêmement forte, car il faut simultanément assurer la valorisation économique du territoire et la protection de son environnement.
Ensuite - sujet qui me tient particulièrement à coeur -, l'enseignement maritime. Un remarquable effort est en cours grâce à l'action très dynamique et prospective de la direction des affaires maritimes et des gens de mer. Elle consiste à spécialiser nos quatre écoles nationales, coordonner l'enseignement de nos écoles de formation, rendre nos diplômes conformes aux conventions internationales, ce qui faciliterait le recrutement de nos marins sur des bateaux étrangers et pourrait donc constituer une source d'emplois nouveaux non négligeable.
Je vous ai également entretenu, monsieur le ministre, du comité interministériel à la mer, qu'il faudrait rendre permanent, comme le comité pour l'aménagement du territoire, pour en faire à la fois une instance de coordination et de concertation entre les douze ministres concernés par la mer - excusez du peu ! - et une instance de prospective sur une politique de la mer inexistante aujourd'hui, il faut bien le dire.
En conclusion, je constate que, depuis des années, nous avons négligé la politique de la mer. Or, je crois réellement que la mer est une mine à exploiter. Nos voisins européens, souvent moins bien lotis par la nature que nous, l'ont bien compris. Nous avons laissé s'amenuiser le budget jusqu'à le laisser devenir exsangue, ce qui permet à Bercy d'inviter à supprimer cette ligne, devenue si petite qu'elle perdu tout intérêt. Un tel raisonnement est fâcheux. La boucle cercle est bouclée !
Aussi, monsieur le ministre, bien que je rende hommage à certains efforts que traduit ce budget minuscule, je ne pourrai malheureusement, je le répète, du fait de sa faiblesse même, donner un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette dicussion sont les suivants :
Groupe du rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellents rapports de nos rapporteurs, que puis-je ajouter ? J'essaierai donc d'être aussi bref que possible.
Monsieur le ministre, et pour revenir sur le débat que nous avons eu tout à l'heure, vous avez dit que j'étais contre la SNCF et contre les cheminots. Pas du tout ! J'aime la SNCF et j'aime les cheminots !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Tant mieux !
M. Jacques Oudin. Simplement, je crois qu'ils coûtent cher au regard du service rendu ! 233 milliards de francs d'endettement, 62 milliards de francs de contribution publique annuelle, des parts de marché en diminution pour le fret,... le bilan ne me paraît pas excellent.
Je me réjouis de votre votre volonté de doubler le fret en dix ans, d'investir massivement dans le transport combiné. Je me demande seulement si vous aurez les moyens financiers d'atteindre ces objectifs parfaitement louables.
Pourquoi une politique de fret ? Bien entendu, d'abord, pour freiner la croissance du trafic sur les réseaux routiers et autoroutiers, ensuite, pour faciliter les liaisons transeuropéennes, enfin, pour desservir notre littoral et nos ports parce que, comme vient de le dire Anne Heinis, notre façade atlantique est excentrée par rapport au coeur de l'Europe.
J'ai l'honneur de présider deux grandes associations qui essaient de promouvoir des axes autoroutiers : la rocade des estuaires, qui doit desservir tout notre littoral, et une autoroute entre Nantes et Mulhouse, qui irait « de l'Atlantique au coeur de l'Europe en passant par le coeur de la France », pour reprendre notre slogan.
Mais la desserte des ports suppose une politique d'ensemble englobant les routes, le chemin de fer, les fleuves. Pour l'instant, tout cela, nos rapporteurs l'ont dit, est largement insuffisant. Or, tant que nous n'aurons pas la capacité, qu'ont nos voisins, de desservir nos ports, monsieur le ministre, ces derniers resteront dans un état qui est loin d'être excellent.
Vous le savez, la vitesse moyenne d'un train de marchandises qui dessert un port est de dix-sept kilomètres à l'heure, contre soixante-dix kilomètres à l'heure pour un camion. Vous pensez bien que, dans ces conditions, nous avons encore du travail sur la planche !
« Notre politique portuaire est inadaptée ». Ce n'est pas nous qui le disons par parti pris, c'est la Cour des comptes, dont on peut penser qu'elle a eu un jugement assez objectif, dans un rapport qu'elle vient de remettre le 16 septembre dernier et que Marc Massion a parfaitement analysé.
Ce rapport, monsieur le ministre, est accablant pour l'ensemble des gestionnaires de la politique maritime. Il est accablant parce qu'il fait apparaître que nos ports ont un retard tout à fait considérable sur les ports européens.
De 1991 à 1997, la croissance du trafic global des ports autonomes métropolitains n'a été que de 0,24 %, contre 6,3 % pour Rotterdam, 10,4 % pour Anvers et 28 % pour Tarragone, pour citer quelques exemples.
Sur la même période, le trafic de marchandises diverses de l'ensemble des ports autonomes métropolitains a augmenté en moyenne de 3,7 %, contre 31 % pour Rotterdam. Quant à la croissance du trafic conteneurisé, elle a été de 28 % chez nous, contre 45 % à Rotterdam, 79 % à Anvers et - excusez du peu ! - 227 % à Gênes.
Il existe un décalage croissant entre les ports français, on l'a dit. La nomenclature est obsolète. En fait, nous n'avons plus de politique portuaire en France depuis longtemps.
La loi du 4 février 1995 avait prévu un schéma de développement des ports maritimes ; on l'a annulé le 25 juin dernier, en le remplaçant par des schémas de services dont nous ne connaissons toujours pas le contenu. La consultation est en cours, nous le savons. Mais nous perdons des mois et des mois à réfléchir et à reculer la décision en la matière. Je le sais, Marc Massion l'a dit : Le Havre « Port 2000 », est déjà une bonne orientation ; mais on n'en est encore qu'au niveau de l'orientation !
Ayant des ports insuffisamment compétitifs, avons-nous au moins une flotte qui soit compétitive ? Les chiffres, là encore, sont tristes à aligner. Ils sont également quelque peu accablants.
Nous étions la cinquième puissance navale ; nous sommes la vingt-huitième. Nous n'avons plus que 218 navires sous pavillon national et 150 navires contrôlés sous pavillon tiers.
Faisons des comparaisons avec nos voisins. Les Pays-Bas sont passés de 387 navires à 525 en quelques années, la Norvège de 1393 à 1622 ; l'Allemagne a une flotte de 1 400 navires parfaitement modernes et compétitifs.
La comparaison de la situation des flottes marchandes en Europe conduit à constater une prise de retard croissante du pavillon français en ce qui concerne ses règles d'armement et les dispositifs fiscaux et de charges sociales qui s'y attachent.
A la suite des lignes directrices adoptées par la Commission européenne en 1997, la plupart des pays européens, nos concurrents - les Pays-Bas, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Norvège - ont adopté des politiques comparables visant à assouplir sensiblement les règles d'armement de leurs navires et à alléger l'ensemble des charges sociales et fiscales. Nous, nous sommes quelque peu en retard puisque, je l'ai dit, nous sommes encore en train de réfléchir !
Ces mesures ont permis à la flotte néerlandaise de croître de 37 % en trois ans, à la flotte norvégienne de croître de 16 %, en créant 14 % d'emplois supplémentaires. Des politiques similaires sont en cours de définition dans les autres pays.
Dans ce monde en mouvement rapide, le dossier du pavillon national, dont viennent de parler Anne Heinis et les autres rapporteurs, ne peut donc être considéré comme clos après les décisions du comité interministériel de la mer d'avril 1998. Il faut le garder ouvert et poursuivre l'adaptation de notre flotte pour l'amélioration de sa compétitivité, qui risque d'être mise à mal par l'application de la loi sur les 35 heures, très inadaptée aux contraintes d'organisation des bords.
Monsieur le ministre, vous avez demandé à MM. Gressier et Serradji, deux directeurs de votre administration centrale en charge de la mer, dont nous connaissons les compétences et la hauteur de vue, de vous remettre un rapport sur le pavillon en juillet dernier. Leurs conclusions ont été déposées, mais nous, parlementaires, en ignorons encore le contenu.
Vous avez, depuis lors, demandé à deux inspecteurs généraux de vous remettre un rapport complémentaire pour la fin de l'année. Enchaîner les rapports administratifs ne fait pas une politique !
Mes questions sont donc les suivantes : avez-vous vraiment l'intention d'engager une réforme de notre pavillon national s'inspirant étroitement de l'évolution constatée en Europe, qui est incontournable, et avez-vous l'intention de demander au Premier ministre la réunion d'un comité interministériel de la mer au tout début 2000, lui seul pouvant afficher la politique maritime de la France ?
Vous le savez, j'ai eu une expérience un peu amère. J'ai été l'un de ceux qui ont réfléchi et poussé à l'adoption par le Parlement, le 5 juillet 1996, après de longs mois de concertation, de la loi instituant le régime d'encouragement fiscal à l'investissement maritime, la fameuse loi sur les quirats.
Cette loi, dont les premiers résultats avaient été prometteurs, avait permis d'engager le renouvellement et la modernisation de notre flotte de commerce sous pavillon national, conformément à cette grande ambition maritime qu'avait affirmée, en 1994 et 1995, le Président de la République.
Le yoyo fiscal a ensuite joué à plein. Après quinze mois à peine d'application, le Gouvernement a décidé de supprimer, sans aucune concertation, ce dispositif, en lui substituant, par la loi du 2 juillet 1998, contre laquelle j'ai voté, un mécanisme de groupement d'intérêt économique fiscal beaucoup moins incitatif.
Un an d'expérience fait apparaître que ce dispositif est particulièrement lourd pour les armateurs et les services concernés, qui sont contraints de procéder à des échanges d'information très lents et bureaucratiques sur la stratégie de l'entreprise, l'évolution de sa flotte et ses actions dans le domaine de la formation et de l'emploi.
On me permettra de citer, à cet égard, le rapport écrit de mon excellent collègue Claude Lise, rapporteur spécial : « Plus généralement, on ne peut pas considérer que le dispositif triennal de soutien à la marine marchande résout durablement la question de la compétitivité du pavillon français. » C'est bien dit, et c'est tout de même très sévère !
Monsieur le ministre, en définitive, au vu de l'évolution de nos ports, de notre flotte, de la place de la France dans un monde maritime qui se développe fortement, comme l'a dit Mme Heinis, permettez-nous d'être un peu tristes en pensant que la France, grande puissance commerciale, ancienne puissance navale, n'est plus grand-chose dans l'Europe d'aujourd'hui et dans le monde maritime actuel.
Président du groupe sénatorial d'études de la mer, j'ai réuni mon groupe d'études le 19 octobre dernier. Nous avons adopté une résolution demandant instamment au Premier ministre, et à vous-même, monsieur le ministre, la réunion du comité interministériel de la mer.
Nous avons fait une énumération de tous les points qui nous paraissaient importants. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez, avec l'aide de vos services, regarder l'ensemble de ces points et, éventuellement, nous dire si vous pensez qu'ils pourront trouver une solution dans une concertation prochaine.
Je crois savoir que la décision de principe de convoquer le comité interministériel de la mer a été prise. Mais la date de convocation est repoussée pour l'instant, semble-t-il, de mois en mois.
Finalement, faute d'objectifs déterminés, faute de ressources suffisantes, faute de volonté politique claire, nous n'avons plus une ambition maritime à la hauteur de nos besoins, de nos possibilités, j'allais même dire, monsieur le ministre - veuillez m'en excuser une fois encore - de notre histoire. (Mme le rapporteur pour avis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s'accorde à reconnaître que la France est une puissance maritime qui s'ignore. Notre pays dispose d'innombrables atouts qu'il a trop longtemps négligés, considérant, à tort, que le transport maritime des personnes et des marchandises était voué au déclin.
Pourtant, l'étendue de notre façade maritime, qui ouvre nos territoires sur les pays de la côte méditerranéenne, les pays nordiques et l'Amérique, procure une dimension internationale quasi naturelle aux ports français.
Du reste, le récent rapport de la Cour des comptes sur la politique portuaire française le confirme, les ports français n'ont cessé de perdre des parts de marché sur leurs principaux concurrents européens au cours des années quatre-vingt-dix.
La politique d'abandon pratiquée par les gouvernements précédents, dont nous continuons de subir l'héritage, faisait partie, en réalité, d'une stratégie globale de déréglementation du commerce maritime au niveau européen qui a eu pour conséquence la mise en concurrence d'infrastructures portuaires de dimension inégale, d'où l'émergence de grands ports très compétitifs sur le plan international, tels Rotterdam ou Anvers, et la marginalisation de ports d'envergure locale ou régionale.
Ainsi, ce qui représentait jadis un atout pour la France, à savoir ses trente ports maritimes, apparaît aujourd'hui à certains comme une faiblesse, car la diversité des infrastructures, le statut différent qui est le leur - port autonome ou d'intérêt national - contribuerait à la « dispersion des moyens de l'Etat » que dénonce la Cour des comptes.
Il est vrai qu'entre le port de Concarneau, qui traite un trafic de 50 000 tonnes, et celui de Marseille, avec 94 millions de tonnes, il est difficile de mettre en oeuvre une politique portuaire à la fois équilibrée et cohérente.
Pour autant, il convient de ne pas négliger les établissements de dimension limitée, car ils contribuent pour une grande part au maintien d'un tissu économique local qui s'est construit, au fil des décennies, à partir de l'activité maritime.
A l'inverse, une politique maritime digne de ce nom se doit, d'une part, de favoriser la coordination entre les ports nationaux et, d'autre part, de faciliter la complémentarité entre les différents modes de transport - routier, autoroutier, ferroviaire, fluvial et maritime.
Si la desserte maritime n'est peut-être pas celle qui sera amenée à se développer le plus en termes de productivité dans les prochaines années, il n'empêche qu'elle constitue un maillon déterminant de la chaîne du transport. C'est pourquoi il est indispensable, par une politique volontariste de développement des infrastructures terrestres, de renforcer l'intégration des ports maritimes dans leur hinterland.
Cela nécessite à la fois que l'on facilite les connexions entre les infrastructures portuaires et terrestres, et plus particulièrement avec le réseau ferroviaire, mieux à même d'assurer l'acheminement des conteneurs sur de très longues distances, et que l'on développe des plates-formes multimodales qui permettent d'accroître les capacités de stockage des ports et d'accélérer le transfert des conteneurs vers l'intérieur des territoires.
A cette fin, une approche globale à même d'appréhender la place de la politique portuaire dans une démarche intermodale est essentielle. A cet égard, les ports devront prendre toute leur place dans l'élaboration des schémas de services collectifs de transports, définis dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Le projet « Port 2000 » constitue à bien des égards une chance en faveur de la relance de notre politique portuaire. En ce qui concerne le port du Havre, qui bénéficie de la majeure partie des crédits engagés dans ce projet, 220 millions de francs en autorisations de programme sont prévus dans ce projet de loi de finances. Demeure toutefois une inconnue : le niveau de participation de l'Union européenne à ce financement, d'autant plus justifié que les investissements qui seront mis en oeuvre ont pour objectif de faire du Havre un port de dimension communautaire.
Des précisions de votre part seront les bienvenues, monsieur le ministre, pour connaître le calendrier des investissements proposés et la répartition des efforts entre l'Etat, les collectivités locales et l'Europe.
Je veux également saluer le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel qui, bien que mis en Normandie par « le Couesnon, dans sa folie » (Sourires), ne manquera pas de continuer à apporter à l'économie touristique bretonne tout son rayonnement si conséquent.
Ce projet de budget, comme les deux précédents, marque une rupture avec le désengagement progressif de l'Etat qui a prévalu par le passé.
Tout en affichant deux autres priorités, que sont la sécurité et l'enseignement maritime, ce projet de budget consacre des efforts, qu'il convient de saluer, en direction des titres V et VI regroupant les dépenses de l'Etat en capital.
Ces dépenses participent non seulement au développement de la desserte terrestre des ports maritimes et au projet de « Port 2000 », auquel je viens de faire allusion, mais également au soutien à la flotte de commerce et à l'emploi.
Aussi, ce projet de budget est tourné délibérément vers l'avenir, dans la mesure où il fait le pari du développement des ports maritimes français dans les années à venir, sans négliger pour autant ni la sécurité en mer - les moyens de paiement en ce domaine augmentent de 14 % - ni la protection du littoral pour laquelle les crédits seront doublés.
A cet égard, je me félicite, monsieur le ministre, que les moyens accordés à la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, soient rétablis à hauteur de 9,7 millions de francs, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.
Enfin, malgré les perspectives de croissance plutôt favorables, la récente décision de l'Union européenne de supprimer les ventes hors taxes a, comme nous le redoutions, d'ores et déjà produit ses effets négatifs pour certaines sociétés maritimes et risque de compromettre très rapidement les chances de développement, encore fragiles, du pavillon français et de l'activité portuaire.
Aussi, nous ne pouvons que souhaiter que les mesures de compensation annoncées soient à la hauteur des pertes prévisibles.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera ce projet de budget, qui s'inscrit dans une logique de rupture avec la période de déclin des précédents gouvernements. Ce vote est aussi un encouragement à renforcer encore cette démarche engagée en 1997.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. C'est pour moi un plaisir que de pouvoir aujourd'hui m'exprimer sur un budget de la mer en nette hausse, quand nous sommes, hélas ! plutôt habitués à voir ce titre quelque peu négligé, comparativement aux autres postes du département ministériel dont vous assurez la responsabilité.
Dans l'ensemble, la situation de la marine française est plutôt bonne, comme en témoigne l'augmentation des activités des ports français. Cette bonne tenue ne saurait cependant masquer de nombreuses disparités, pas plus qu'elle ne saurait nous dispenser d'un certain nombre d'investissements pour l'avenir, si nous voulons reconquérir des positions portuaires fortes et redevenir des acteurs de premier plan dans la compétition mondiale.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, répond en partie à ces exigences. Si l'on en excepte la subvention à l'ENIM, l'Etablissement national des invalides de la marine, qui reste bien évidemment le poste principal de ce budget, il présente une hausse de plus de 15 %. Il témoigne, en outre, d'un effort important pour l'emploi, avec une hausse sensible des dépenses en personnel.
Au total, ces augmentations font apparaître trois priorités : la sécurité, la formation et le développement des ports et du littoral.
J'évoquerai tout d'abord la sécurité. L'agrégat « signalisation et surveillance maritime » présente à lui seul une hausse de près de 14 %. Ces crédits nouveaux vont permettre de répondre à une double demande, en matériels et en personnels. Un plan de modernisation sur huit ans de la signalisation maritime va ainsi pouvoir être lancé. De même, dans le cadre du plan pluriannuel lancé en 1998, de nouveaux postes d'inspecteurs de la sécurité des navires seront créés. Enfin, notamment pour pallier la suppression du service militaire, les CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, verront leurs moyens en personnels renforcés.
Au milieu de cette attention portée à la sécurité, je ne peux que regretter, monsieur le ministre, la diminution des subventions d'équipements accordées à la Société nationale de sauvetage en mer, alors même que cette dernière a engagé un effort important de renouvellement de sa flotte.
Pour ce qui est de la formation, votre projet de budget témoigne également d'un effort important, ce dont je me réjouis tout particulièrement. Cela prouve que le Gouvernement se préoccupe de la pénurie de main-d'oeuvre qui, paradoxalement, guette la marine française...
Les subventions de fonctionnement allouées aux écoles nationales de la marine marchande, les ENMM, sont en hausse de 10 %. Les formations qu'elles dispensent seront rénovées, et leurs équipements pédagogiques modernisés.
S'agissant de l'association de gérance des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA, la création de 315 postes budgétaires destinés à intégrer ses personnels dans ce qui s'annonce comme un véritable service public de l'enseignement maritime me semble également relever d'une salutaire vision de long terme.
Ce service public de l'enseignement maritime, qu'a souhaité M. le Premier ministre lors du comité interministériel du 1er avril 1998, se fera par la coopération de votre ministère avec les ministères de l'agriculture et de l'éducation nationale. Je ne doute pas que, au-delà des divergences actuelles, ce grand chantier aboutira très prochainement. Je souhaite qu'il permette également de pallier le manque d'officiers qui menace aujourd'hui la marine française.
J'en viens maintenant au sujet qui, comme vous vous en doutez, tient particulièrement à coeur l'élu dieppois que je suis : les ports. Nous le savons tous, monsieur le ministre, les ports ont une importance capitale, qui se manifeste à plusieurs niveaux.
Les ports ont tout d'abord une importance pour l'emploi, puisqu'on peut estimer à 300 000 les emplois directs ou indirects qui, en France, dépendent de l'activité portuaire. Pour la seule région dont je suis l'élu, le port du Havre assure près de 30 % de l'activité de son bassin d'emploi, et celui de Rouen 10 %.
Capitale, l'importance des ports l'est également pour notre commerce extérieur, puisque 50 % de celui-ci, en tonnage, transite par les ports, ce qui équivaut à 20 % en valeur.
Enfin - et ce n'est pas la moindre des missions de la politique portuaire - les ports assument également un volet essentiel de l'aménagement du territoire, dans les régions littorales comme dans leur hinterland.
Cet aménagement du territoire, s'il impose de diversifier les liaisons entre les terres et le littoral, comme l'ont souligné mes prédécesseurs à cette tribune, commande également de privilégier la diversité et la complémentarité de nos ports. Le projet « Port 2000 » du Havre, qu'a longuement évoqué M. Marc Massion, est indéniablement une grande réussite que le développement accru du trafic conteneurs devrait encore amplifier dans les prochaines années. Il ne doit pourtant pas nous dispenser de veiller au développement des ports voisins, notamment de celui de Dieppe, dont la vocation, certes différente, est très complémentaire de celle du Havre. Par ses traditions fruitières, mais aussi par la diversité de ses activités, le port de Dieppe remplit, en effet, des missions multiples : port de commerce, certes, mais aussi port de pêche, de plaisance ou de trafic de voyageurs. C'est la diversité et la complémentarité de ces fonctions qu'il nous faut aujourd'hui développer.
Dans le même esprit, les ports départementaux de Fécamp et du Tréport méritent également, à mon sens, d'être appuyés. Le premier a connu une hausse de 15 % de son trafic en 1998, et le second, avec près de 400 000 tonnes, joue de plus en plus un rôle de débouché pour la Picardie.
Il ne faudrait pas que ces ports d'intérêt national soient traités comme les laissés-pour-compte de la politique portuaire.
J'en viens ainsi à un problème dont me semble dépendre une grande part des inquiétudes que je viens de soulever : celui du statut de nos ports, avec ce qu'il induit de difficultés de gestion. Ainsi, la distinction entre ports autonomes et ports d'intérêt national correspond-elle toujours à l'activité des ports qu'elle désigne ? Pour parvenir à mieux répartir les attributions de ports voisins et souvent concurrents, dans un souci d'aménagement équilibré du territoire, ne conviendrait-il pas de mieux définir la zone d'importance de chacun ? Je pense, pour ma part, qu'un souci de développement des territoires devrait nous mener à une redéfinition en profondeur de ces catégories qui, en plus d'être opérantes, induisent de graves inégalités.
Plus globalement, il me semble que la gestion des ports français, à l'exception sans doute des sept ports autonomes, n'apporte pas aujourd'hui toutes les garanties nécessaires de transparence et d'efficacité. Je ne vais pas revenir sur un certain rapport de la Cour des comptes, parfaitement analysé par M. Marc Massion, pour me faire comprendre : il s'agit là d'un vaste chantier, qui dépasse de loin les compétences de ce budget, mais qu'il nous faudra bien entreprendre si nous voulons développer durablement la compétitivité de nos ports.
Dans l'attente d'une telle réforme, nous voterons votre bon projet de budget, monsieur le ministre, heureux d'y trouver, en matière de formation, d'emploi et de sécurité notamment, les gages d'une évolution salutaire. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la polique de la mer a été trop longtemps négligée, ont dit à juste titre Mme Heinis et M. Oudin. Pourtant, la mer constitue un atout qu'il s'agit au contraire de développer.
Les crédits alloués au budget de la mer s'élèvent à 6 321 millions de francs.
En dehors de la subvention à l'Etablissement national des invalides de la marine, les dotations prévues pour 2000 s'élèvent à 1 832 millions de francs, en progression de près de 16 % par rapport aux crédits votés l'an dernier. C'est un effort tout à fait significatif en faveur de la politique de la mer qu'a choisi de faire le Gouvernement.
J'ai évoqué précédemment avec vous la priorité que j'ai fixée en faveur de la sécurité dans les transports, notamment terrestres.
Dans les transports maritimes, priorité est également donnée à la sécurité.
Les tristes événements récents nous rappellent que la mer est source de danger. M. Lise a souligné, dans son rapport écrit, la croissance du nombre de personnes secourues en mer. Il convient de souligner également que le nombre des décès et des disparus en mer est en baisse significative, fort heureusement, même si des drames se produisent toujours.
Afin de poursuivre ces efforts et cette politique et de répondre à ce besoin croissant de sécurité, le projet de budget pour 2000 prévoit une augmentation de 14 % des crédits de paiement, qui passent ainsi à 137 millions de francs.
Cette augmentation profitera notamment aux centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, dont les crédits de fonctionnement augmentent de 5,5 %. Les CROSS pourront ainsi assurer leurs nouvelles obligations de service en matière de veille de la fréquence radio au large, de diffusion des avis urgents aux navigateurs et d'aide médicale en mer.
Cette croissance des crédits permettra également de poursuivre la professionnalisation de ces centres, de pourvoir au remplacement des appelés par des engagés, dans le sens d'une plus grande sécurité pour les plaisanciers et les professionnels de la mer.
Parallèlement, ce projet de budget prévoit une croissance des crédits accordés en matière de signalisation maritime aussi bien en fonctionnement - plus 7 % - qu'en investissement : plus 15,5 % en autorisations de programme et plus 67 % en crédits de paiement. Ces crédits permettront de poursuivre vigoureusement le plan de modernisation des phares et des balises engagé en 1998 et prévu sur une durée de huit années.
Ce plan conduira, en 2000, à fournir des bouées nouvelle génération nécessaires pour assurer une utilisation rationnelle des nouveaux baliseurs du Havre, de Dunkerque et de Brest. Il permettra de financer la construction de deux bateaux de travaux - Dunkerque et Ouistreham - terminant l'équipement naval de la zone Manche-Mer du Nord, et de lancer le volet de modernisation des établissements de signalisation maritime.
En outre, la généralisation des unités littorales des affaires maritimes se poursuivra en 2000. Cette profonde modernisation des modes de fonctionnement des services chargés, notamment, des contrôles de sécurité sera accompagnée par la livraison de quatre vedettes côtières. C'est pourquoi les crédits d'investissement augmentent de 48 % en autorisations de programmes et de 33 % en crédits de paiement.
Vous avez souligné dans votre rapport écrit, madame Heinis, que les moyens humains pour le contrôle de la sécurité étaient insuffisants.
Le projet de budget pour 2000 prévoit, dans un contexte de stagnation des effectifs du ministère, une augmentation des effectifs des affaires maritimes pour le contrôle et la surveillance de onze emplois et la création de quatre officiers de ports et officiers adjoints supplémentaires.
Enfin, connaissant l'importance de la Société nationale de sauvetage en mer dans le dispositif de sécurité en mer, et pour répondre à vos interrogations, j'ai souhaité par amendement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 à l'Assemblée nationale que la subvention d'équipement affectée à la SNSM soit maintenue - et non dans le projet de loi de finances rectificative, monsieur Le Cam - à 9,7 millions de francs, c'est-à-dire au même niveau que les trois années précédentes.
Ce budget contribue donc de façon importante à un renforcement des moyens de l'Etat pour lui permettre d'assumer sa mission de sécurité en mer.
Au-delà, ce budget de la mer permet d'envisager une politique d'investissement portuaire un peu plus ambitieuse que par le passé. La Cour des comptes a constaté, et vos rapporteurs avec elle, que les gouvernements précédents avaient négligé les formidables atouts de la France en matière maritime et portuaire. J'ai souhaité, au contraire, dans mes budgets successifs, et notamment dans celui-ci, commencer - il faudra faire plus - à redonner à la France les moyens de ses ambitions maritimes.
Seule l'amélioration de la compétitivité de nos ports nous permettra d'attirer durablement les flux de marchandises, donc l'emploi, vers la France. Il s'agit d'y contribuer fortement, d'une part, en réalisant les extensions portuaires justifiées par les évolutions du trafic et, d'autre part, en améliorant la desserte terrestre des ports.
Cette démarche a déjà été entamée au cours des deux dernières années, et je souhaite souligner que si le constat que vous dressez, monsieur Massion, d'une dégradation des parts de marché des ports français était vrai jusqu'en 1997, depuis lors, de nombreux ports connaissent un réel regain d'activité, reprenant même, dans certains cas, comme au Havre, des parts de marché à la concurrence.
C'est toujours dans cette perspective que, dans le futur contrat de plan, les investissements en faveur des ports seront triplés.
Dans le budget 2000, les crédits d'investissement pour les ports ont été doublés, pour atteindre près de 360 millions de francs. Sur ce total, 220 millions de francs seront consacrés l'année prochaine au seul projet « Port 2000 » au Havre. Sur ce projet, pour répondre à votre question, monsieur Le Cam, le financement public atteindra 1 150 millions de francs pour la première tranche des travaux, qui commencera dès 2000. L'Etat participera directement à hauteur de 600 millions de francs, les collectivités locales y participeront également et la Commission européenne a été sollicitée.
Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur Weber, d'autres investissements de capacité ou de modernisation sont nécessaires, au-delà de « Port 2000 », investissements de dimension, certes plus modeste, mais tout autant utiles pour accompagner les évolutions des trafics. Ils seront engagés dans les ports dès l'an 2000, notamment par le biais des contrats de plan Etat-régions. Ce sont, par exemple, la modernisation du terminal agroalimentaire de Montoir à Nantes - Saint-Nazaire, des requalifications et aménagements de quais à Marseille-Fos et à Dunkerque.
En outre, l'année 2000 verra l'achèvement des travaux d'infrastructure du terminal à conteneurs de la Pointe-des-Grives, à la Martinique. Je pourrais citer encore les projets pour le port de Dieppe.
Vous avez souligné à juste titre, madame Heinis et monsieur Massion, l'importance que revêt pour les ports l'amélioration de la desserte terrestre. Cette nécessité a été pleinement intégrée dans les projets que j'ai initiés. Ainsi, au port du Havre, la question des accès routiers, ferroviaires et fluviaux a fait l'objet d'une analyse détaillée, et des investissements importants sont programmés pour relier « Port 2000 » aux réseaux existants.
Je voudrais prendre également pour exemple le port de Rouen, exportateur de céréales, qui verra sa liaison avec les plaines céréalières du Centre renforcée par la poursuite de l'aménagement de la RN 154 dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-région.
De même - et Mme Heinis m'interpelle souvent sur ce sujet - dans le cadre du projet de liaison maritime rapide pour le fret entre Philadelphie et Cherbourg, qui a fait l'objet d'un accord entre la chambre de commerce et d'industrie et la société Fastship le 30 septembre dernier, l'Etat et les collectivités locales se sont engagés à moderniser la desserte ferroviaire et routière si le projet aboutit.
S'agissant, enfin, de l'exploitation du travail que la Commission a menée en réponse aux remarques du Gouvernement français sur le Livre vert de 1997, dont vous soulignez à juste titre l'importance, monsieur Massion, nous y serons très attentif, notamment lors de la présidence française, pour défendre l'intérêt des ports français en Europe.
Par ailleurs, le budget 2000 poursuit la politique de soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime.
Cette flotte a connu, vous l'avez souligné, une forte décroissance à partir des années soixante-dix, pour se stabiliser dans les années récentes à un peu plus de 210 navires. Dans le cadre des mesures arrêtées au comité interministériel de la mer d'avril 1998, le Gouvernement a entamé un effort pour redresser la situation de notre flotte de commerce, dans le respect de la réglementation européenne.
Les projets d'acquisition de navires peuvent faire l'objet des mesures prévues pour les groupements d'intérêt économique. Cette mesure a remplacé le mécanisme des quirats.
Je sais, monsieur Oudin, que vous le regrettez, mais le Gouvernement s'est expliqué sur la suppression de cette mesure. Non seulement elle était coûteuse, mais elle pouvait apparaître dans certains cas comme n'étant pas tout à fait conforme à ce qu'il était nécessaire de faire.
Je m'étais engagé devant vous, quand ces problèmes se sont posés, à proposer un autre dispositif. Le Gouvernement a tenu son engagement en mettant en place le mécanisme du groupement d'intérêt économique fiscal, qui prévoit qu'au moins les deux tiers de l'avantage fiscal sont rétrocédés à l'armateur.
Il a d'ores et déjà permis de soutenir, depuis 1998, l'investissement, monsieur Lise, non pas dans six navires mais dans onze navires de transport, pour un montant de l'ordre de 3 milliards de francs. Une vingtaine de dossiers sont à l'étude, qui concernant non pas quinze bateaux mais une trentaine de bateaux.
Le projet de budget pour 2000 reconduit également le mécanisme d'aide à la flotte de commerce sous pavillon français et à l'emploi des marins qui a été mis en place en 1999.
Ce dispositif concerne les entreprises qui sont directement confrontées à la concurrence internationale et qui s'engagent en termes de maintien de leur flotte sous pavillon français et de maintien de l'emploi. Celles-ci se voient rembourser les contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail des marins. La dépense pour 2000 est estimée à 133 millions de francs.
Vous estimez, monsieur Lise, que ce système est lourd à gérer. Il permet toutefois de vérifier l'efficacité des aides de l'Etat, en s'assurant que les engagements des entreprises, en termes d'emploi notamment, ont été respectés. C'est important.
Monsieur Lise, je vous annonce que tous les armements de moins de deux cent cinquante marins ont été remboursés à ce titre, contrairement à ce qui a pu se dire et dont peut-être vous vous êtes fait l'écho dans votre intervention. La commission s'est réunie pour examiner le cas d'armateurs plus importants et a pris plusieurs décisions à ce titre.
Mme Heinis et M. Lise ont évoqué la réforme du pavillon. Ma volonté est d'engager au plus tôt cette réforme, en concertation avec toutes les entreprises et les partenaires sociaux concernés. C'est pourquoi j'ai dépêché une mission conduite par MM. Dubois et Hamon en vue de me proposer au plus tôt, et après concertation avec les partenaires, des évolutions de notre pavillon, dans le but d'accroître l'emploi des navires français et la compétitivité de la flotte française.
Vous m'avez suggéré des pistes de réflexion. Je suis ouvert à toutes les propositions, sauf à celle qui consisterait à aligner les normes sociales des marins français vers le bas.
Enfin, je voudrais confirmer que nous suivons avec attention les conséquences de la fin du commerce hors taxes, les duty free , sur les armements français. Nous en avions déjà discuté avec M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 3 juin dernier et nous avions confirmé notre engagement ; d'ailleurs, à cette occasion, un plan avait été élaboré pour assurer et consolider l'avenir de Sea-France. La mise en place se déroule comme prévu ; mais il faut avoir une vision de l'ensemble des problèmes qui se posent.
La protection du littoral concerne 5 500 kilomètres de côte, c'est dire son importance. Pour 2000, nous avons pratiquement quasiment doublé les crédits destinés à la protection et à la mise en valeur du littoral ; cela traduit la volonté - même si beaucoup reste à faire en ce domaine - des pouvoirs publics de développer une véritable politique du littoral.
Je n'évoquerai qu'un seul dossier, qui fait suite aux décisions du CIADT du 23 juillet dernier : le budget 2000 intègre les crédits nécessaires à l'engagement des travaux de désensablement du Mont-Saint-Michel. Je dois vous dire d'ailleurs que je suis très satisfait que mon budget soit le premier contributeur à la réalisation des travaux de désensablement du Mont-Saint-Michel.
Enfin, l'année 2000 marque une étape majeure dans la consolidation de la réforme du système de la formation maritime.
Comme je l'avais souhaité pour l'enseignement secondaire maritime, le personnel de l'association de gérance des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA passera sous statut public en 2000. A ce titre, 315 postes budgétaires sont créés dans le projet de loi de finances.
Ces dispositions, ainsi que la création de quatre postes d'enseignant au profit de l'enseignement supérieur maritime dans les écoles nationales de la marine marchande, permettront de consolider la réforme du système de formation maritime.
Elles permettront notamment la poursuite de la rénovation des cursus de formation, en conformité avec les nouvelles normes internationales.
Par ailleurs, la rénovation des bâtiments des écoles nationales de la marine marchande sera entreprise, en collaboration avec les collectivités locales, dans le cadre des contrats de plan. Les crédits sont augmentés, à cette fin, de 7,4 % en autorisations de programme et de 10 % en crédits de paiement.
Cet effort important pour mon ministère traduit la volonté du Gouvernement de disposer d'un enseignement professionnel bien adapté aux évolutions des métiers de la mer.
En conclusion, puisque la question a été évoquée, notamment par Mme Heinis et M. Oudin, qui ont regretté l'insuffisance de réunions du comité interministériel de la mer, je voudrais dire qu'il s'est réuni en avril 1998. Je considère qu'il faut le temps de préparer ce type de réunions, qui doivent pouvoir prendre des décisions. A mon avis, deux ans entre deux réunions est un bon intervalle ; en d'autres termes, puisque, le comité a été réuni en avril 1998, vous pouvez en déduire que la date de sa future réunion n'est pas très éloignée ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits affectés au tourisme, à l'urbanisme, au logement, aux transports terrestres et au transport aérien, et à la météorologie.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 201 471 218 francs. »