Séance du 1er décembre 1999







M. le président. « Art. 33. - Au deuxième alinéa de l'article 302 bis ZB du code général des impôts, les mots : "4 centimes" sont remplacés par les mots : "4,5 centimes". »
Sur l'article, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet article 33 prévoit le relèvement du taux de la taxe due par les concessionnaires d'autoroutes.
Tout à l'heure, nous avons débattu sur l'augmentation des ressources du FNDAE. En l'occurrence, il s'agit d'augmenter les ressources du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN. Or, je suis contre et je m'en explique.
L'augmentation prévue, à savoir 0,5 centime, produira la bagatelle de 300 millions de francs. Cela participe à l'accroissement des prélèvements sur le système autoroutier concédé.
Permettez-moi de citer quelques chiffres pour fixer les idées. Les recettes des péages des sociétés d'autoroutes représentent plus de 28 milliards de francs par an et elles croissent de 10 % chaque année. Actuellement, l'Etat ponctionne sur le système autoroutier entre 7 milliards et 8 milliards de francs par an, c'est-à-dire environ le quart des recettes.
Dès lors, on peut critiquer le Gouvernement sur la politique de désinformation qu'il a menée à l'égard du Parlement.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est un peu excessif !
M. Jacques Oudin. Bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas vous qui êtes en cause, ce sont certains de vos collègues.
Selon le Gouvernement, « le système autoroutier est en danger, il est financièrement menacé ». Comment un système qui serait financièrement menacé peut-il générer 7 milliards à 8 milliards de francs de recettes pour l'Etat et, de surcroît, supporter une ponction supplémentaire de 300 millions de francs ?
Je me souviens de M. Gayssot disant à cette tribune : « En prenant mes fonctions, j'ai trouvé un système autoroutier déficitaire de 130 milliards de francs. » Il avait tout simplement confondu l'endettement et le déficit, ce qui n'est pas rien.
Il y a, c'est vrai, environ 150 milliards de francs de dettes, mais, en face, il y a des recettes. Si l'on se réfère à un autre système de transport, la SNCF, où il y a autant de dettes, à savoir 150 milliards de francs, il y a, en face, 62 milliards de déficit comblés par des redevances et des participations publiques. D'ailleurs, la SNCF, ce sont 45 milliards de francs de chiffre d'affaires et 45 milliards de francs de masse salariale. C'est éloquent !
Notre système autoroutier est équilibré et excédentaire. On veut le ponctionner davantage au moment même où la politique gouvernementale tend à supprimer le schéma directeur des autoroutes et à réduire les investissements dans le secteur autoroutier. Cela est particulièrement contradictoire.
J'en viens à ma dernière observation. Avec le FITTVN, il s'agit de ponctionner un mode de transport, les autoroutes, pour financer, comme cela est indiqué dans le projet de loi de finances,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. La SNCF !
M. Jacques Oudin. ... l'intermodalité, en un mot pour financer les autres modes de transports, je dis bien « les autres », en particulier le fer et les voies navigables.
Dans le même temps, on nous a dit que l'adossement est désormais interdit à l'échelon européen, que l'on ne peut plus faire d'autoroutes nouvelles qui seraient adossées à des autoroutes anciennes.
Mes chers collègues, je vous demande de suivre le raisonnement : notre système permet de ponctionner l'argent d'un mode de transport pour le transférer sur d'autres modes de transport, alors qu'il est interdit, nous dit-on, de ponctionner un même mode de transport, les autoroutes, pour financer toujours le même mode de transport, le système autoroutier. Nous sommes en totale incohérence !
Il est nécessaire maintenant de mettre à plat le système de financement de nos infrastructures de transport. On ne peut pas continuer à plaider pour l'intermodalité alors que certains systèmes sont excédentaires et d'autres déficitaires. Le tout forme quelque chose qui est bancal.
Dans ces conditions, la mesure qui sera proposée dans un instant et qui vise à supprimer cette disposition est bonne. Cependant, elle est transitoire. Nous avons le devoir d'éclairer non seulement le Parlement mais également l'ensemble de nos concitoyens sur la réalité du financement des transports tous modes confondus car leur utilité est quotidienne en milieu urbain et interurbain. Une grande politique doit être menée en ce domaine. Or ce n'est pas la voie qui a été choisie.
M. le président. Par amendement n° I-54, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer l'article 33.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je remercie M. Oudin de m'avoir facilité la tâche. Je me contenterai donc d'indiquer que cet amendement vise à supprimer le relèvement de la taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes.
Ce relèvement est inopportun car il intervient à un mauvais moment. En effet, la situation financière des autoroutes est délicate et les résultats des négociations avec la Commission européenne sur le prolongement des concessions sont attendus.
Par ailleurs, cette augmentation ne résout pas le problème de l'insuffisance des moyens d'investissement en faveur des infrastructures routières. Cela a été brillamment démontré. Pour 2000, ne l'oubliez pas, mes chers collègues, les moyens accordés au réseau routier diminuent de 3,9 %. Quant aux crédits de paiement sur le budget des routes, ils chutent fortement, de 9,5 %. Ces informations justifient à elles seules cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La nécessité d'avoir une optique intermodale est une évidence. Le développement du transport combiné doit maintenant être à l'ordre du jour et assorti des moyens adéquats. Le transfert du trafic de la route vers le rail me paraît être l'une des priorités nationales, si nous voulons éviter l'engorgement de nos transports.
Il est nécessaire de mesurer le chemin parcouru. Les autorisations de programme concernant les routes vont augmenter de 18 % en 2000. Il est nécessaire d'équilibrer cette évolution.
Je veux toutefois apporter une précision. La hausse prévue par l'article 33 de 0,5 centime par kilomètre parcouru représente moins de 1 % des recettes des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Elle n'est donc vraiment pas de nature à mettre en cause leur équilibre financier. De plus, compte tenu de la bonne tenue actuelle du trafic autoroutier, le relèvement de la taxe sera sans doute très facilement absorbé.
Il convient de maintenir l'article 33, et donc de s'opposer à l'amendement de la commission.
M. Jacques Oudin. Ce n'est pas le même raisonnement que pour le FNDAE !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-54.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous le dis très respectueusement, ce que vous venez d'affirmer contribue à la désinformation du Parlement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le Parlement est tellement scandalisé par ce qui est fait en ce qui concerne les autoroutes !
M. Jacques Oudin. Y a-t-il un pays qui a pu transférer une part de trafic de la route vers le chemin de fer ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Oui !
M. Jacques Oudin. Lequel ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La Suisse !
M. Jacques Oudin. Globalement, non ! On a simplement transformé quelques camions. Aucun pays n'y est parvenu.
On va transférer le trafic de la route vers le rail, dites-vous. Comment allez-vous financer le rail ? Vous connaissez le TGV-Est : on a réussi à en financer les deux tiers. Regardez le programme des investissements de la SNCF jusqu'en 2010. Nombre d'entre eux vont être commencés, mais aucun ne sera terminé. Les corridors de fret sont le grand échec.
La France a tout misé sur le TGV, remarquable évolution technologique pour les voyageurs. Pouvez-vous mettre un camion de marchandises sur un TGV ? Non !
M. Emmanuel Hamel. Il faut utiliser la voie d'eau !
M. Jacques Oudin. S'agissant des vois navigables, un certain nombre d'investissements importants viennent d'être supprimés.
Vous êtes incapables de transférer du trafic de la route vers le rail. Le rail perd du fret tous les ans. Le président de la SNCF le dit : « Je ne sais pas faire en matière de fret. » Et grâce à cette ponction de 300 millions de francs vous révolutionneriez les transports ? Je regrette de vous le dire : c'est de la désinformation !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-54, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 33 est supprimé.

Article additionnel après l'article 33