Séance du 1er décembre 1999







M. le président. « Art. 24. _ I. _ L'article 17 de la loi de finances rectificative pour 1975 (n° 75-1242 du 27 décembre 1975) et l'article 121 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984) sont abrogés.
« II. _ Les installations nucléaires de base soumises à autorisation et contrôle en application de l'article 8 de la loi n° 61-842 du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs sont assujetties, à compter du 1er janvier 2000, à une taxe annuelle.
« Cette taxe est due par l'exploitant à compter de l'autorisation de création de l'installation et jusqu'à la décision de radiation de la liste des installations nucléaires de base.
« III. _ Le montant de la taxe par installation est égal au produit d'une imposition forfaitaire par un coefficient multiplicateur. L'imposition forfaitaire est fixée dans le tableau ci-dessous. Les coefficients multiplicateurs sont fixés par décret en Conseil d'Etat en fonction du type et de l'importance des installations dans les limites fixées pour chaque catégorie dans le tableau ci-dessous. Pour la catégorie des réacteurs nucléaires de production d'énergie, la taxe est due pour chaque tranche de l'installation.


CATÉGORIE

Imposition

forfaitaire

Coefficient

multiplicateur

Réacteurs nucléaires de production d'énergie (par tranche) 4 000 000 F 1 à 4
Autres réacteurs nucléaires 1 700 000 F 1 à 3

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires. Usines de fabrication de combustibles nucléaires

4 000 000 F 1 à 3
Usines de traitement de combustibles nucléaires usés 12 000 000 F 1 à 3

Installations de traitements d'effluents liquides radioactifs et/ou de traitement de déchets solides radioactifs.
Usines de conversion en hexafluore d'uranium. Autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives
1 800 000 F 1 à 4
Installations destinées au stockage définitif de substances radioactives 14 000 000 F 1 à 3

Installations destinées à l'entreposage temporaire de substances radioactives.
Accélérateurs de particules et installations destinées à l'irradiation. Laboratoires et autres installations nucléaires de base destinées à l'utilisation de substances radioactives
160 000 F 1 à 4

« IV. _ Le recouvrement et le contentieux de la taxe sont suivis par les comptables du Trésor selon les modalités fixées aux articles 80 à 95 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, dans leur rédaction en vigueur à la date de promulgation de la présente loi.
« Le défaut de paiement de la taxe donne lieu à perception d'une majoration de 10 % des sommes restant dues à l'expiration de la période d'exigibilité.
« Le décret mentionné au III ci-dessus fixe également les conditions d'application du présent paragraphe. »
Par amendement n° I-39, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter le III de cet article par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de la taxe est réduit de 80 % à compter de l'année qui suit l'arrêt définitif d'une installation. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 24 prévoit de modifier le régime des redevances sur les installations nucléaires de base. Jusque-là, leur produit était rattaché par voie de concours au budget de l'industrie. Ce dispositif devrait évoluer puisque l'on substituerait aux redevances préexistantes une nouvelle taxe sur les installations nucléaires dont le produit abonderait le budget général de l'Etat.
Nous n'avons pas d'objection à formuler sur le principe de cette taxe qui se substitue à des redevances dont le fondement juridique est, semble-t-il, contestable. Mais nous sommes très réservés sur la méthode qui consiste à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le barème définitif de la taxe.
De ce fait, le Parlement ne voterait qu'un encadrement et devrait s'en remettre complètement au pouvoir exécutif quant à l'exercice d'une prérogative qui lui est pourtant constitutionnellement reconnue.
Par exemple, mes chers collègues, il est impossible de savoir exactement quel sera le surcroît de charges qui résultera de la nouvelle taxe et du nouveau barème pour les exploitants d'installations nucléaires, et notamment pour le Commissariat à l'énergie atomique, dont le financement incombe principalement au budget de l'Etat. La seule certitude que nous ayons est que le rendement global de la taxe augmentera de 55 % par rapport au rendement actuel des redevances, pour atteindre 829 millions de francs.
En outre, l'article 24 supprime - et, de notre point de vue, c'est absolument inadmissible - l'abattement de 80 % dont bénéficient jusqu'à présent les installations nucléaires de base dont la mise à l'arrêt définitif est constatée par l'autorité de sûreté. Cet abattement était jusqu'a présent justifié par le fait que l'arrêt d'une installation conduit à diminuer l'importance des moyens mis en oeuvre pour son contrôle, contrôle que les redevances ont vocation à financer.
Du fait de la suppression de cet abattement, la nouvelle taxe serait désormais due jusqu'à la radiation de l'installation de la liste des installations nucléaires de base, et le délai peut se chiffrer en années.
Certes, la suppression de l'abattement devrait logiquement encourager les exploitants à démanteler les installations arrêtées, mais il est clair que les opérations de démantèlement sont longues, coûteuses, complexes, et qu'elles représentent de véritables programmes d'investissement, qu'il n'est d'ailleurs pas si facile de financer lorsqu'on doit compter pour ce faire sur le budget de l'Etat, plus précisément sur les crédits de l'industrie.
C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement n° I-39, de rétablir l'abattement de 80 %.
Toutefois, au-delà de cette correction, je souhaite insister de manière un peu solennelle sur le fait que la délégation que le Parlement donnerait au pouvoir réglementaire en votant l'article 24 en l'état serait douteuse sur le plan constitutionnel.
En effet, l'article 34 de la Constitution dispose très clairement que « la loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Ainsi, en renvoyant la détermination des taux de la nouvelle taxe sur les installations nucléaires au pouvoir réglementaire, le Parlement n'épuiserait pas l'étendue de ses compétences.
Cet argument avait d'ailleurs conduit l'Assemblée nationale, en 1975, lors de la création des redevances sur les installations nucléaires de base, à inscrire dans la loi des dispositions qui ne figuraient initialement que dans le projet de décret d'application de cette loi.
Je regrette à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement n'ait pas été en mesure, jusqu'à cet instant, de fournir à la représentation nationale le projet de décret qui fixera les taux définitifs de la taxe, ce dernier étant encore, nous a-t-on dit récemment, en cours d'élaboration.
Je ne crois pas qu'il soit possible de se contenter de l'assurance selon laquelle le nouveau barème ne conduira pas à des ressauts d'imposition importants pour les exploitants d'installation car, en tout état de cause, je le rappelle, il est envisagé une hausse de 55 % de son rendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, vous vous inquiétez de la procédure proposée par le Gouvernement pour la fixation du barème de cette taxe, à savoir celle d'un décret en Conseil d'Etat. Il convient de rappeler que le juge constitutionnel, selon une jurisprudence constante, a validé pareille méthode.
Pour ce qui est du fond de cet amendement, dans l'état actuel du droit, on observe que de nombreuses installations mises à l'arrêt définitif tardent à être démantelées. Cela induit à la fois des facteurs de risques pour le bon déroulement des opérations de démantèlement et des coûts pour l'autorité chargée de la surveillance de ces installations.
Par conséquent, la décision du Gouvernement de supprimer l'abattement de 80 % sur la taxation des installations nucléaires de base arrêtées définitivement provient du double souci, d'une part, d'inciter l'opérateur, en l'occurrence EDF, à démanteler rapidement ses installations mises à l'arrêt définitif et, d'autre part, de prendre en compte l'existence d'un coût non négligeable en termes de surveillance de ces installations.
C'est pourquoi je ne peux pas vous suivre, monsieur le rapporteur général, ni sur le moyen de droit - le décret en Conseil d'Etat est parfaitement valide -...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vous qui le dites !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... ni sur le fond du dispositif.
Je demande donc au Sénat de bien vouloir repousser l'amendement n° I-39.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-39, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 24, ainsi modifié.

(L'article 24 est adopté.)

Articles additionnels avant l'article 24 bis