Séance du 23 novembre 1999






INTERDICTION DES CANDIDATURES
MULTIPLES AUX ÉLECTIONS CANTONALES

Adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 62, 1999-2000) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- la proposition de loi (n° 465, 1997-1998) de M. Bernard Joly visant à généraliser l'interdiction des candidatures multiples aux élections ;
- la proposition de loi (n° 482, 1997-1998) de MM. Philippe Marini, Louis Althapé, Jean Bernard, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard César, Désiré Debavalaere, Daniel Eckenspieller, Bernard Fournier, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Bernard Hugo, Roger Husson, Edmond Lauret, Guy Lemaire, Maurice Lombard, Paul Masson, Jacques de Menou, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux, Roger Rigaudière, Jean-Pierre Schosteck, Martial Taugourdeau et Alain Vasselle portant diverses dispositions relatives aux élections municipales cantonales et législatives ;
- la proposition de loi (n° 493, 1997-1998) de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste et apparentés tendant à interdire les candidatures multiples aux élections cantonales ;
- la proposition de loi (n° 494, 1997-1998) de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à l'élection des députés et à l'élection des conseillers généraux ;
- la proposition de loi (n° 548, 1997-1998) de MM. Georges Gruillot, Jean Bizet, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Gérard César, Désiré Debavalaere, Jacques Delong, Christian Demuynck, Charles Descours, Michel Doublet, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Jean-François Le Grand, Pierre Martin, Paul Masson, Jacques de Menou, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Roger Rigaudière, Jean-Pierre Schosteck et Martial Taugourdeau relative aux conditions d'éligibilité des candidats aux élections cantonales et aux déclarations de candidatures au deuxième tour des élections cantonales et législatives.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les propositions de loi dont nous sommes saisis témoignent toutes de l'ingéniosité de leurs auteurs pour offrir des solutions de nature à corriger ce qu'ils estiment être soit des lacunes, soit des défectuosités du code électoral.
Toutes ont trait aux conditions de présentation des différents scrutins. Hormis celle de M. Pelletier, que j'évoquerai tout à l'heure et qui est applicable à l'un et à l'autre tour, trois concernent le premier tour et trois le second.
J'aborderai d'abord les trois propositions qui ont trait au premier tour.
Notre excellent collègue Bernard Joly a, le premier, - rendons à César ce qui appartient à César ! - levé le lièvre de la fâcheuse possibilité laissée à des candidats aux élections cantonales de se présenter dans plusieurs cantons. Il a, le 11 juin 1998, déposé une proposition tendant à mettre fin à de telles pratiques.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le 2 juin 1998, et non le 11 juin !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Le 2 juin, en effet.
Il ne s'en est d'ailleurs pas tenu là puisqu'il a, d'un même mouvement, proposé d'étendre non seulement aux cantonales mais également aux municipales, dans les communes de moins de 3 500 habitants, l'interdiction des candidatures multiples.
Il a en même temps souhaité instituer des peines d'amende en cas d'infraction à cette interdiction.
Il ambitionne enfin de rendre inéligibles les membres non renouvelables d'une assemblée lors d'un renouvellement partiel ou d'une élection partielle de cette assemblée.
Une autre proposition, ciblée, elle, sur le seul scrutin départemental, émane de M. Dreyfus-Schmidt et des membres de son groupe.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Proposition en date du 11 juin 1998 !
M. Christian Bonnet, rapporteur. En effet !
Elle vise à étendre aux élections cantonales l'interdiction de candidatures multiples.
Concernant également le premier tour, une troisième proposition, qui date de juillet 1998, est le fruit des réflexions de M. Georges Gruillot et de plusieurs de ses collègues. Outre l'objet précédemment évoqué, elle vise à exiger d'un candidat aux élections cantonales qu'il soit domicilié ou inscrit au rôle des contributions directes dans le canton où il se présente.
Pour ce qui est des propositions relatives au second tour, nous y retrouverons deux des protagonistes déjà nommés, MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Georges Gruillot, mais aussi M. Philippe Marini.
M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres de son groupe souhaitent que soit instituée, s'agissant des élections tant législatives que cantonales, la limitation à un seul tour lorsque le candidat arrivé en seconde position se retire et que le troisième ne remplit pas les conditions de seuil voulues pour participer au second.
M. Georges Gruillot, qui n'est pas à court d'idées, estime, quant à lui, que, pour les élections cantonales, seuls pourraient se maintenir les deux candidats arrivés en tête après retrait éventuel d'un candidat plus favorisé, avec suppression du seuil de 10 % des inscrits, et que, pour les élections législatives, la même règle serait adoptée, avec maintien toutefois du seuil de 12,5 % des inscrits.
M. Philippe Marini, enfin, porte à 15 % des inscrits le seuil de recevabilité des candidatures au second tour pour les législatives, les cantonales et les municipales, avec la possibilité, pour le candidat arrivé en troisième position, de se maintenir si l'un des deux premiers se retire. Il émet aussi le voeu que soit portée de 5 % des suffrages exprimés à 10 % des inscrits la possibilité pour une liste de fusionner avec d'autres.
J'ai la certitude que vous m'avez tous suivi sans peine dans ce dédale. (Sourires.)
Les trois premiers textes ont un caractère relativement technique. En revanche, les trois autres relèvent d'une ambition plus vaste et ils aboutiraient, s'ils étaient retenus, à ébranler, sur des points majeurs, l'architecture même du code électoral. Aussi vous inviterai-je à les aborder de manière différente.
Interdire aux cantonales, comme elles le sont aux législatives, les candidatures multiples me semble, comme à nos excellents collègues Bernard Joly, Michel Dreyfus-Schmidt et Georges Gruillot, de nature à combler une lacune du code électoral. Je vous proposerai donc l'adoption de cette mesure, d'autant que, si elles ne sont pas nombreuses, ces candidatures sont en augmentation depuis l'ouverture à un financement public des élections dans les cantons de plus de 9 000 habitants.
Pour illustrer ce propos, sachez qu'en 1998, sur 3 850 cantons renouvelables, on a pu constater vingt-neuf fois deux candidatures, huit fois de trois à cinq candidatures, six fois douze candidatures et une fois vingt-huit candidatures.
Pour autant, je ne suis partisan ni d'exiger une domiciliation au canton, car le conseiller général est l'élu d'un département, ni d'étendre cette mesure aux communes de moins de 3 500 habitants, ne serait-ce que parce que les candidatures n'y sont pas enregistrées, ni de rendre inéligibles les membres non renouvelables d'une assemblée lors d'une élection partielle, ni d'étendre aux cantonales les peines d'amende prévues aux articles L. 169 à L. 171 du code électoral pour les législatives.
L'approche pour les textes relatifs aux conditions d'organisation du second tour sera différente. Il est vrai qu'à la différence de celles qui concernent le premier tour, et tout en posant quelques problèmes non négligeables, elle aboutirait, au détour des propositions n'ayant fait l'objet d'aucune réflexion des formations politiques ni d'aucune concertation avec le Gouvernement, dans une matière où la sensibilité est toujours très vive, et à l'approche d'une succession d'échéances électorales importantes, à modifier assez sensiblement l'architecture du code électoral.
J'ajouterai que la pluralité des formules contenues dans les propositions en cause rend délicate la possibilité de se prononcer en toute clarté sur un ensemble cohérent.
De surcroît, si chacune de ces formules a sa vertu propre, chacune suscite aussi quelques interrogations.
La proposition de M. Dreyfus-Schmidt d'éviter un second tour aux législatives comme aux cantonales paraît, de prime abord, séduisante.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le premier mouvement est le bon !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Mais est-il vraiment nécessaire de légiférer à la marge puisque le cas visé par notre collègue n'a intéressé que 32 cantons sur 3 856 renouvelables en 1998, 1 513 cantons ayant fait l'objet d'un second tour ?
De surcroît, les conditions suivantes devraient être réunies : un seul candidat a satisfait à la condition du seuil, celui qui est arrivé en deuxième position ne se maintient pas et le troisième n'est pas autorisé à se maintenir par le code électoral.
Autrement dit, le résultat des élections dépendrait moins du vote des électeurs que de la décision d'un candidat, sans préjudice du fait qu'il faudrait attendre le mercredi suivant le premier tour à zéro heure une au moins - pour les élections législatives, cela nous conduirait vraisemblablement à une heure sensiblement plus avancée de la nuit - pour prononcer l'élection, et tous les marchandages deviendraient alors possibles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Christian Bonnet, rapporteur. A titre d'exemple, un candidat pourrait se maintenir, mais ne pas faire campagne et ne pas remettre de bulletin de vote à son nom le jour du second tour. Pour utiliser un qualificatif dont on use beaucoup aujourd'hui, il y aurait, en quelque sorte, un candidat « fictif ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est déjà le cas !
M. Christian Bonnet, rapporteur. La proposition de M. Gruillot est, elle, extrêmement ambitieuse ; elle vise essentiellement à appliquer aux élections législatives et cantonales la formule de l'élection présidentielle : seuls pourraient se maintenir les deux candidats arrivés en tête, éventuellement après le retrait de candidats plus favorisés.
Il y aurait, toutefois, une petite complication, à savoir que le seuil exigé pour les cantonales - 10 % des inscrits - serait supprimé, mais celui des législatives - 12,5 % des inscrits - serait maintenu.
Certes, on écarterait toute triangulaire, mais il s'agirait là d'une réforme fondamentale, qui plus est, fondée sur une expérience limitée à six scrutins présidentiels, ce qui rend délicate toute appréciation sur ce que pourraient être les conséquences d'une telle transposition.
Tout aussi fondamentale serait l'innovation proposée par M. Marini : elle tend à harmoniser, en les portant à 15 % des électeurs inscrits, les seuils, tant pour les législatives que pour les cantonales et les municipales, et à relever de 5 % des suffrages exprimés à 10 % des inscrits le minimum requis pour une fusion des listes dans les communes de plus de 3 500 habitants.
On observera que, sur ce point, la tendance actuelle ne va pas dans ce sens, même s'il est permis de le déplorer. En effet, pour les élections régionales récentes, quand le Gouvernement souhaitait 10 % des suffrages exprimés pour le maintien de la liste, finalement, l'Assemblée nationale a fait prévaloir 5 %, et, quand le Gouvernement souhaitait 5 % des suffrages exprimés pour une fusion de listes en vue du second tour, l'Assemblée nationale a fait prévaloir 3 %.
En conclusion, votre rapporteur vous propose un dispositif simple, clair et qui comble une lacune évidente du code électoral : l'extension de l'interdiction des candidatures multiples aux cantonales, comme le proposent MM. Joly, Dreyfus-Schmidt et Gruillot.
Je me dois d'ajouter que, saisie par MM. Mercier et Trégouët d'un sous-amendement à un amendement sur lequel elle avait émis un avis défavorable, la commission vient de décider de reprendre ce sous-amendement à son compte, car elle est parfaitement consciente qu'il s'agit d'un problème qui appelle une solution. Nous pourrons certainement évoquer de nouveau cette question lorsque l'article 2 viendra en discussion.
En revanche, la commission ne se sent pas en mesure de se hasarder à retenir, s'agissant du second tour, une proposition plutôt qu'une autre, car elles soulèvent toutes une question fondamentale qui nécessite une réflexion au sein des formations politiques et une concertation avec le Gouvernement (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des lois a examiné cinq propositions de loi en matière électorale portant sur la présentation des candidatures à différents scrutins.
Je souhaite vous indiquer d'emblée que le Gouvernement a apprécié le sérieux du travail de la commission des lois et est disposé à se rallier à la position exprimée par M. Christian Bonnet.
Les propositions de loi de MM. Dreyfus-Schmidt et Joly tendent, toutes les deux, à mettre fin à la possibilité de présenter des candidatures multiples aux élections cantonales.
Le code électoral interdit aujourd'hui les candidatures multiples à toutes les élections, sauf aux élections cantonales et aux élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dans les petites communes, il n'y a pas d'interdiction possible, puisqu'il n'y a pas d'acte de candidature formel et obligatoire. Il reste donc le cas des élections cantonales.
Il faut bien dire que, jusqu'à ces dernières années, ces différences de traitement entre scrutins pour les dépôts de candidature n'ont pas posé de véritable problème. Comme la simple symétrie des dispositions du code électoral entre les différents scrutins ne justifie pas, à elle seule, de légiférer, le Gouvernement n'aurait pas été favorable à une évolution de la législation en la matière si des éléments nouveaux n'étaient pas intervenus dans la période récente.
Le premier de ces éléments est le financement public des campagnes électorales. Depuis 1990, les candidats aux élections cantonales dans les cantons de 9 000 habitants et plus peuvent recevoir des dons, déductibles des revenus des donateurs, et doivent rendre un compte de campagne. Depuis la loi du 19 janvier 1995, les dépenses électorales de ces mêmes candidats font l'objet d'un remboursement forfaitaire par l'Etat égal à 50 % du plafond prévu par la loi.
Par ailleurs, la même loi de 1995 a supprimé l'obligation de déposer un cautionnement lors du dépôt des candidatures aux différents scrutins, y compris aux élections cantonales.
Cette évolution législative va dans le sens d'une grande facilité accordée aux candidats et justifie, pour maintenir le sérieux des candidatures, l'adoption de mesures complémentaires interdisant les candidatures multiples.
C'est d'autant plus vrai que l'on a assisté, lors des dernières élections cantonales, à des initiatives individuelles dont le développement pourrait avoir des conséquences fâcheuses : on a ainsi constaté des dépôts de candidatures simultanées d'une seule personne dans tous les cantons renouvelables d'un même département ou même des dépôts de candidature de la même personne dans deux départements. Au total, quarante-trois personnes se sont présentées dans plusieurs cantons en 1998 et ces candidatures ont concerné deux cent vingt et un cantons.
Le trouble reste limité, mais les nouvelles règles de financement pourraient encourager le développement de tels comportements, qui sont de nature à générer la confusion.
La démocratie n'est pas la loterie : il ne suffit pas de jouer un grand nombre de fois pour augmenter ses chances. Mais le fait que certains candidats adoptent ce comportement est de nature à brouiller les enjeux de l'élection et à troubler les électeurs.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à l'interdiction des candidatures multiples aux élections cantonales comme aux autres élections.
Au point de vue technique, le dispositif proposé par la commission des lois me paraît très satisfaisant. Les candidatures multiples seront, comme pour les autres élections, détectées lors de l'enregistrement des candidatures à la préfecture. Les préfets refuseront l'enregistrement de la candidature d'une personne qui s'est déjà présentée dans un autre canton. Les traitements informatiques des candidatures permettront d'informer les préfets en cas de dépôt d'une même candidature dans plusieurs départements, comme cela est d'ores et déjà le cas pour les élections législatives.
C'est donc, en définitive, une amélioration qui est apportée au code électoral par le texte en discussion.
S'agissant de l'article 2, qui évoque une difficulté réelle à l'occasion de certaines fusions de cantons, je m'exprimerai tout à l'heure, lors de l'examen des articles.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai tout d'abord quelques mots sur la procédure.
Lorsqu'un sénateur dépose une proposition de loi grâce à la « niche parlementaire » créée par la réforme constitutionnelle, il peut espérer que le Sénat sera appelé à se prononcer sur ce texte, même, d'ailleurs, s'il appartient à la minorité. Le bureau du Sénat a, en effet, considéré qu'il était normal que, de temps à autre, une proposition de loi présentée par des sénateurs minoritaires puisse venir en discussion dans le cadre de cette « niche » parlementaire », comme nous l'appelons.
En vérité, la commission des lois nous fait aujourd'hui, qu'on me passe le mauvais jeu de mots, une « niche », car le Sénat va se prononcer non pas sur les propositions de loi que nous sommes plusieurs à avoir présentées, mais sur les conclusions de la commission des lois.
M. le président. C'est le règlement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Effectivement ! Je souligne, précisément, cette anomalie du règlement : le Sénat se trouve ainsi privé de la possibilité de se prononcer sur les propositions de loi qui ont été retenues pour figurer à l'ordre du jour. Il est vrai que cela fait bien longtemps ; certains disent qu'elles viennent en discussion un peu tard et qu'il va y avoir beaucoup d'élections. Je précise que, lorsque l'on a parlé de la proposition de loi du 2 juin, celle de Bernard Joly, et de la proposition du 11 juin, celle du groupe socialiste - dont je suis le premier signataire - on a omis de dire qu'il s'agissait du mois de juin 1998 !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Et juillet 1998 pour M. Gruillot. C'est comme la grippe, une véritable contagion ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr, car c'était immédiatement après des élections cantonales qui avaient attiré notre attention ; je vais y revenir dans un instant.
Reste que, en l'état actuel des choses, je me sens frustré, car je n'ai même pas à essayer de convaincre le Sénat du bien-fondé de l'une des deux propositions de loi dont je suis le premier signataire, puisque le Sénat, en tout état de cause, n'aura pas à se prononcer sur elles.
Monsieur le président, je pense qu'une modification du règlement serait à cet égard la bienvenue car, autrement, il y a un déséquilibre par rapport à la situation qui prévaut à l'Assemblée nationale.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il vous est toujours possible de déposer une proposition de résolution en ce sens, créant une chapelle dans la niche ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je vous remercie, mais vous le voyez, j'ai déjà tellement de mal à obtenir qu'une de mes propositions vienne en discussion que je préférerais que ce soit le bureau qui se saisisse de cette question. C'est d'ailleurs pourquoi j'attire particulièrement votre attention, monsieur le président, sur cette anomalie.
Je me contenterai donc d'explications sur les deux propositions de loi n°s 493 et 494.
En ce qui concerne la première, effectivement, lors des élections cantonales, notamment en Haute-Saône, on a vu un même candidat se présenter à la fois à Belfort-Nord et à Lure-Nord. J'ai trouvé cela anormal et cela m'a amené à déposer une proposition de loi toute simple prévoyant, puisque, en général, les candidatures multiples sont interdites, de les interdire en la matière.
M. le rapporteur nous disait que les cas de ce genre étaient peu nombreux, mais, nous venons de le voir, il y en a de plus en plus et, de toute façon, n'y aurait-il qu'un cas que cela demeurerait choquant.
J'avais pensé que la même idée était venue à notre collègue M. Joly pour la même raison. En fait, un autre candidat s'était présenté dans deux cantons de la Haute-Saône.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Deux fois deux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Donc, notre attention avait été attirée par les mêmes élections.
Mes chers collègues, nous l'avons échappé belle. Il était temps qu'un vote intervienne. On ne voit pas pourquoi, en effet, tel leader de tel ou tel mouvement n'irait pas déposer sa candidature dans tous les coins de France !
Il faut rappeler tout de même que, si les candidatures multiples ont été interdites aux législatives dès le siècle dernier, c'était contre le général Boulanger, qui, précisément, usait de cette possibilité pour les législatives. On l'a donc échappé belle !
Quoi qu'il en soit, il n'est jamais trop tard pour bien faire et je suis heureux de constater que la commission et le Gouvernement sont d'accord sur ce point.
Permettez-moi également deux mots d'explication sur la seconde proposition de loi, qui ne sera pas soumise au vote du Sénat, mais qui résultait, elle aussi, d'une observation de bon sens. Lorsqu'on lit dans la presse les comptes rendus d'élection pour constater que M. Untel est élu avec 100 % des voix et d'ailleurs, généralement, avec un nombre de suffrages très maigre par rapport à celui des électeurs inscrits, on se dit que c'est ridicule. Et c'est ridicule, d'une part, parce que cela coûte cher, - outre les frais de campagne, on mobilise beaucoup de monde, non seulement les élus pour les bureaux de vote, mais aussi les personnels pour organiser ces bureaux de vote, et tout cela pour rien, puisque l'on est sûr que le seul candidat sera élu - d'autre part, parce que ceux qui tiennent à faire leur devoir électoral doivent se déplacer et peuvent en être gênés.
Bref, la solution la plus simple n'était pas, à mon avis, de changer les règles ni de dire que le troisième pourrait se présenter si le deuxième ne se présentait pas ou de modifier les taux, non, il s'agissait simplement de considérer que, dès lors qu'il n'y a plus qu'un seul candidat, il n'y a pas de raison de ne pas le déclarer élu d'autant que, bien souvent, il le sera finalement avec plus de voix au premier tour qu'il n'en aurait obtenu au second...
Que m'oppose-t-on à cela ? Je regrette de ne pas avoir eu l'occasion d'en discuter plus longtemps avec vous, monsieur le rapporteur, mais vous me répondez que cela n'empêcherait pas, dans certains cas, le candidat arrivé en seconde position de déposer sa candidature, mais sans faire campagne. Ce serait vraiment marginal. Rien n'empêche, aujourd'hui, que cela se produise !
Or, dans les trente-deux cas concernant les cantonales de 1998 et dans les douze cas concernant les législatives de 1997 que vous citez dans votre rapport, y en a-t-il un seul comme celui-là ? Je ne crois pas. Or c'était d'ores et déjà possible.
Vous avez parlé de manoeuvre. Je ne vois pas de quelle manoeuvre il s'agit. Si quelqu'un veut déposer sa candidature et ne pas la soutenir, tant pis ! Il sera candidat tout de même, et il y aura peut-être des électeurs pour voter pour lui. Mais les cas les plus fréquents, ceux qui sont choquants, ce sont ceux où il n'y a plus qu'un seul candidat pour faire campagne !
La solution que nous proposions nous paraissait aussi simple que l'oeuf de Colomb. La commission ne l'a pas considérée, le Sénat ne peut pas en délibérer aujourd'hui, mais, faites-moi confiance, il aura à le faire ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Après le troisième alinéa de l'article L. 210-1 du code électoral, il est inséré deux nouveaux alinéas ainsi rédigés :