Séance du 23 novembre 1999






RÉPARTITION DES SIÈGES À L'ASSEMBLÉE
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Adoption des conclusions
du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 76, 1999-2000) de M. Lucien Lanier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi organique (n° 471, 1998-1999) de M. Gaston Flosse et les membres du groupe du Rassemblement pour la République tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis d'une proposition de loi organique concernant l'Assemblée de la Polynésie française.
Déposée le 30 juin dernier sur le bureau du Sénat, ce texte comporte trois articles.
L'article 1er modifie la composition et la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française, quant au nombre et à la répartition des sièges. Il s'agit du coeur même du sujet dont nous débattons aujourd'hui.
Quant aux articles 2 et 3, ils modifient le mode de scrutin et l'âge d'éligibilité.
Pour mieux comprendre le sujet dont nous avons à débattre, il convient d'abord de rappeler que la Polynésie française est sur le point de devenir un « pays d'outre-mer », le seul jusqu'à présent si, bien entendu, le projet de loi constitutionnel, qui fut voté en termes identiques par nos deux Assemblées - et, pour le Sénat le 12 octobre dernier - est adopté par le Congrès, convoqué à Versailles le 24 janvier prochain.
En ce sens, cette proposition de loi organique vient à son heure pour prendre en compte les conséquences de la réalité démographique et géographique de ce futur pays d'outre-mer.
Rappelons également que la Polynésie française est située à 18 000 kilomètres de la métropole, au sein de 5,5 millions de kilomètres carrés d'océan, avec seulement 4 200 kilomètres carrés de terres émergées réparties en 118 îles. Elle présente une spécificité géographique évidente, à laquelle doit répondre une spécificité politico-administrative adaptée à cette immense dispersion insulaire et tenant compte de la diversité de ses composants, que la carte jointe au rapport écrit qui vous a été distribué peut aider à comprendre.
Le statut de la Polynésie française, que nous avons voté en 1996, détermine cinq archipels, constituant autant de circonscriptions électorales fort différentes démographiquement et économiquement.
Au sein de ces archipels, on dénombre quarante-huit communes : les îles du Vent comptent treize communes, dont la capitale, Papeete, à Tahiti ; les îles Sous le Vent comptent sept communes, dont la plus connue est Bora-Bora ; les îles Marquises comptent six communes, les îles Tuamotu et Gambier dix-sept et les îles Australes cinq.
La répartition des sièges de l'Assemblée territoriale a périodiquement évolué depuis sa création en 1946, en fonction des mouvements démographiques constatés au cours de ces cinquante-trois dernières années. Or les dernières modifications datent de 1985, voilà maintenant près de quinze ans, quinze ans de transformations démographiques. Un ajustement paraît donc aujourd'hui nécessaire, et même indispensable.
Les répartitions successives des sièges de l'Assemblée de la Polynésie française entre les cinq circonscriptions ont tenu compte des quatre recensements effectués respectivement en 1946, 1952, 1956 et 1983.
Dès lors, comment se présente aujourd'hui la réalité démographique ?
Les îles du Vent ont connu la plus forte poussée démographique, due en grande partie à un phénomène bien connu : l'effet d'attraction de Papeete. Ainsi, logiquement, cette circonscription a bénéficié, lors de chacune des révisions, de la plus importante augmentation de sa représentation en sièges à l'Assemblée de la Polynésie française.
En effet, en cinquante ans, sa population est passée de 29 438 à 162 686 âmes. Elle représente près des trois quarts de la population totale de la Polynésie française - environ 74 %. Le nombre de sièges de la circonscription est passé de dix à vingt-deux.
Pendant la même période, les quatre autres circonscriptions ont connu une évolution démographique plus linéaire, moins importante.
La population de la circonscription des îles Sous le Vent a plus que doublé ; elle représente 12 % de la population globale actuelle. Les sièges de la circonscription à l'Assemblée sont passés de cinq à huit.
La population de la circonscription des îles Tuamotu et Gambier a également progressé ; elle représente actuellement 7 % de la population totale. Les sièges de la circonscription ont été portés de deux à cinq, en proportion de cet accroissement.
La population des îles Australes a également augmenté, de près de deux tiers ; le nombre de sièges est ainsi passé de un à trois. Cette circonscription représente actuellement 3 % de la population totale.
Enfin, la circonscription des îles Marquises a vu sa population multipliée par 2,7, pour atteindre aujourd'hui 3,7 % du total. Ses sièges sont passés de deux à trois.
Ces statistiques, telles que résumées dans le tableau inclus dans le rapport que j'ai cité, montrent bien qu'il existe une corrélation entre le poids démographique des circonscriptions et leur représentation en sièges au sein de l'Assemblée ; mais ce lien n'est pas exactement proportionnel, pour les raisons spécifiques à la Polynésie française que j'ai précédemment indiquées, à savoir l'éloignement, l'insularité, la diversité, dont on ne peut pas ne pas tenir compte.
En tout état de cause, rien n'ayant été fait depuis 1985, un nouvel ajustement du nombre de sièges et de leur répartition au sein de l'Assemblée est nécessaire, en considération à la fois du principe constitutionnel de l'égalité des suffrages et d'une application spécifique à la Polynésie française de ce principe.
En effet, le Conseil constitutionnel a fait reposer la jurisprudence garantissant l'égalité du suffrage sur trois critères : premièrement, la prise en considération des évolutions démographiques ; deuxièmement, la prépondérance du critère démographique pour la répartition des sièges ; troisièmement, la possibilité de pondérer une telle répartition en considérant dans une mesure convenable, les impératifs d'intérêt général.
Il nous faut donc tenir compte, pour un nouvel ajustement, des deux premiers critères, traduction de la réalité institutionnelle, et du troisième, qui évitera de marginaliser la représentation en sièges à l'Assemblée des quatre circonscriptions autres que celle des îles du Vent, ce qui serait contraire à l'indispensable cohésion de la Polynésie française, qui est bien l'impératif d'intérêt général que prend en compte la jurisprudence définie par le Conseil constitutionnel.
M. Gaston Flosse. Très bien !
M. Lucien Lanier, rapporteur. C'est aussi ce à quoi tend la proposition de loi qui nous est soumise, à laquelle la commission des lois souhaite d'ailleurs apporter de raisonnables modifications.
Quelles sont ces modifications ?
Tout d'abord, un ajustement plus important de la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions, qui fait l'objet de l'article 1er de la proposition, article essentiel, je le répète, parce qu'il traite le fond du sujet.
La circonscription des îles du Vent - essentiellement Tahiti et Papeete - regroupant 74,1 % de la population totale, se verrait attribuer 59,6 % des sièges de l'Assemblée, soit vingt-huit sièges, au lieu des vingt-deux sièges actuels.
La répartition des sièges entre les quatre autres circonscriptions demeurerait inchangée afin d'éviter leur marginalisation.
Cette modification reconnaîtrait la poussée démographique des îles du Vent. Elle aurait également pour effet de réduire l'écart maximum de représentation entre les archipels, répondant ainsi aux normes définies par le Conseil constitutionnel.
Enfin, l'augmentation de six du nombre total des sièges porterait à quarante-sept le nombre des élus de l'Assemblée, pour une population de 220 000 habitants. Cela reste très raisonnable au regard des cinquante-quatre membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie pour une population de seulement 197 000 habitants et, il faut le reconnaître, beaucoup moins dispersée que celle de la Polynésie française.
Reste le mode de scrutin, prévu à l'article 2, qui constate que la loi du 19 janvier 1999, modifiant en métropole le mode d'élection des conseillers régionaux, n'a pas été étendue, volontairement, à la Polynésie française. Le mode de scrutin pour l'élection de l'Assemblée demeure donc celui qui est prévu par la loi du 21 octobre 1952 et par l'article L. 338 du code électoral, c'est-à-dire le scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. L'article 2 procède donc à une simple clarification formelle, mais il paraît dépourvu de lien réel avec le coeur du sujet, à savoir la nouvelle répartition des sièges à l'Assemblée.
En conséquence, il paraît logique de réserver ce type d'ajustement à la législation métropolitaine au débat à venir sur le futur projet de loi pour l'outre-mer.
Enfin, l'article 3 de la proposition de loi organique tend à abaisser à dix-huit ans révolus l'âge d'éligibilité à l'Assemblée de Polynésie française, actuellement fixé à vingt et un ans.
Or, le Sénat, lors de l'examen des projets de loi organique et ordinaire relatifs au cumul des mandats et des fonctions et à leurs conditions d'exercice, a, à deux reprises, repoussé les dispositions introduites par l'Assemblée nationale et tendant à abaisser à dix-huit ans l'âge d'éligibilité des maires, des conseillers généraux et régionaux, et des parlementaires. Le Sénat a préféré, en effet, ne pas traiter à la sauvette un tel sujet. Telle était également la position de la commission des lois.
Nous proposons au Sénat de maintenir cette position et, ainsi, de ne pas rouvrir ce débat à l'occasion d'une proposition qui traite essentiellement d'une nouvelle répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française entre les cinq circonscriptions électorales.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter la proposition de loi organique, mais en un seul article ainsi rédigé.
« Article unique. - L'article 1er de la loi du 21 octobre 1952, relative à la composition du Gouvernement et à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française, est ainsi rédigé :
« Art. 1er. - L'Assemblée de la Polynésie française est composée de quarante-sept membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« La Polynésie française est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :
« Iles du Vent : 28 sièges ;
« Iles Sous le Vent : 8 sièges ;
« Iles Tuamotu et Gambier : 5 sièges ;
« Iles Marquises : 3 sièges ;
« Iles Australes : 3 sièges ;
Total : 47 sièges. »
Telles sont les conclusions soumises à l'approbation du Sénat.
M. Gaston Flosse. Très bien !
(M. Paul Girod remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée manifeste de nouveau aujourd'hui l'intérêt qu'elle porte à la Polynésie française puisqu'elle débat d'une « proposition de loi organique tendant à modifier la loi du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française ». Cette proposition est présentée par votre rapporteur, M. Lucien Lanier, au nom de la commission des lois.
En raison - vous le savez peut-être - d'un déplacement prévu de longue date à Bruxelles, où il accompagne les élus des régions ultrapériphériques, qui rencontrent le président de la Commission, M. Prodi, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, m'a demandé de le remplacer pour ce débat.
M. Lucien Lanier a très clairement souligné les raisons qui motivent cette proposition. Je présenterai la position du Gouvernement sur ce sujet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'initiative de votre commission des lois, qui fait suite à une proposition de M. Gaston Flosse, a pour objet de rééquilibrer, au sein de l'Assemblée de la Polynésie française, la représentation de la circonscription électorale des îles du Vent. Cette circonscription comprend les îles de Tahiti et de Moorea.
La modification de la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions, en particulier au profit de celle des îles du Vent, est souhaitée par tous.
Lors de son récent déplacement sur le territoire, Jean-Jack Queyranne a recueilli un large consensus sur le principe de cette réforme.
Il est en effet indispensable que la démocratie représentative s'exerce en Polynésie française dans le respect du principe consitutionnel d'égalité devant le suffrage universel tout en assurant une juste représentation des différents archipels.
Or, tel n'est pas le cas aujourd'hui.
La composition de l'Assemblée de la Polynésie française a, certes, évolué depuis 1946, année où la Polynésie française est devenue un territoire d'outre-mer. Mais cette évolution n'a pas suivi celle de la démographie.
La loi du 21 octobre 1952 avait fixé à vingt le nombre des membres de l'Assemblée territoriale.
Les îles du Vent, avec dix sièges sur vingt, disposaient de 50 % des sièges, alors que la population de cette circonscription électorale représentait 51,70 % de la population du territoire au recensement de 1946. C'était une représentation équitable.
La loi du 26 juillet 1957 a porté à trente le nombre des membres de l'Assemblée, dont seize pour les îles du Vent, soit 53,33 % des sièges, alors que la population de cette circonscription était de 54,77 % de la population totale.
Les recensements de 1962, 1971 et 1977 font apparaître une progression constante de la population des îles du Vent par rapport à la population totale : 58,89 % en 1962 ; 70,49 % en 1971 ; 73,80 % en 1977.
C'est seulement en 1985, par la loi du 18 décembre, que le nombre des conseillers a été fixé à quarante et un, dont vingt-deux aux îles du Vent, soit 53,65 % des sièges, alors que cette circonscription électorale représentait 73,80 % de la population du territoire.
La répartition est actuellement la suivante : 22 conseillers pour les îles du Vent, 8 pour les îles Sous le Vent, 3 pour les îles Australes, 3 pour les îles Marquises et 5 pour les îles Tuamotu et Gambier.
Le pourcentage de la population des îles du Vent, qui comptent 164 953 habitants, par rapport à la population totale du territoire, qui est de 223 752 habitants, est resté stable depuis la loi de 1985. En effet, il était de 73,97 % au recensement de 1988 et de 73,72 % au recensement de 1996.
Cette analyse est éclairante : la circonscription des îles du Vent a, depuis 1946, une représentation correspondant à environ la moitié des sièges de l'Assemblée territoriale, alors que son poids démographique est de 73 % de la population totale depuis plus de vingt ans.
Il existe donc un déséquilibre manifeste au détriment de la représentation de la population des îles du Vent.
Or, la nécessité de procéder à un rééquilibrage de la représentation des îles du Vent est une exigence institutionnelle. La jurisprudence du Conseil Constitutionnel est bien établie dans ce domaine : une assemblée doit être élue sur des bases essentiellement démographiques.
Le législateur peut tenir compte d'impératifs précis d'intérêt général, dans une mesure limitée, pour s'écarter d'une stricte proportionnalité entre la population et le nombre de sièges de chaque circonscription, comme en attestent les décisions n° 85-196 et 197 DC des 8 et 23 août 1985 et la décision n° 86-208 DC des 1er et 2 juillet 1986.
Toute modification doit donc tendre vers le respect d'une proportionnalité entre la population et le nombre des élus.
Dès lors que l'objectif est clairement imposé, il s'agit de déterminer les modalités d'un rééquilibrage respectant cette exigence constitutionnelle.
Deux propositions de loi organique ont été déposées.
Celle de M. Gaston Flosse vise à attribuer quatre sièges supplémentaires aux îles du Vent qui en auraient donc vingt-six. L'assemblée comprendrait alors quarante-cinq conseillers au lieu de quarante et un.
Une autre proposition de loi organique avait été déposée auparavant par M. le député Emile Vernaudon. Elle concerve le nombre total de conseillers, tout en augmentant la représentation des îles du Vent de vingt-deux à vingt-neuf élus. Elle diminue en conséquence la représentation des quatres autres circonscriptions électorales. Cette réforme permettrait de réduire très sensiblement les écarts de population constatés.
La proposition de loi organique dont nous débattons aujourd'hui est celle de M. Gaston Flosse, reprise et modifiée par le rapporteur de la commission des lois. Elle porte à vingt-huit le nombre des conseillers des îles du Vent, soit une progression de six sièges. La représentation des autres archipels n'est pas modifiée. En conséquence, l'assemblée compterait quarante-sept conseillers. La représentation des îles du Vent passerait de 53,66 % à 59,57 % des sièges pour 73,72 % de la population.
On pourrait aller plus loin vers le rééquilibrage en augmentant de façon plus significative le nombre total des sièges de l'assemblée de la Polynésie. Cela permettrait de réduire encore plus nettement les écarts entre les moyennes des ciconscriptions et la moyenne territoriale.
Il importe en effet de concilier la nécessité de rééquilibrer la représentation des îles du Vent sans pénaliser celle des archipels éloignés, sous prétexte qu'ils sont plus faiblement peuplés.
Il convient en effet de tenir compte de la très grande diversité de ce territoire, qui s'étend, sur une superficie égale à celle de l'Europe, d'Oslo pour les Marquises à Bucarest pour les Gambier.
Les distances entre le chef-lieu du territoire et les archipels sont considérables. C'est ainsi que l'île la plus au sud de la circonscription des Australes, Rapa, est située à 1 200 kilomètres de Tahiti, que l'archipel des Gambier est éloigné de 1 700 kilomètres et que l'île de Ua Pou aux Marquises est à 1 500 kilomètres.
La possibilité reconnue par le Conseil constitutionnel de prendre en compte des impératifs précis d'intérêt général va dans le sens d'une représentation des archipels éloignés.
Cette prise en compte d'une géographie et d'un peuplement que l'on ne rencontre que dans le Pacifique se justifie d'autant plus que la population de certains archipels, ceux des îles Sous le Vent et des îles Tuamotu et Gambier, connaît aujourd'hui une forte augmentation en raison du développement de l'activité touristique et perlière notamment.
La loi du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française a pour objectif un développement mieux équilibré. Diminuer la représentation des archipels irait à l'encontre de cette volonté de rééquilibrage.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la modification de la composition de l'assemblée de la Polynésie française est aujourd'hui indispensable après de très longues années de statu quo.
Après ces observations qui portent sur le fond du texte, je ferai une remarque sur la forme de la proposition.
Pour procéder à une modification de la répartition des sièges de conseiller à l'assemblée de la Polynésie française, il est nécessaire d'utiliser la voie législative organique comme cela vous est proposé. En effet, l'article 74, deuxième alinéa de la Constitution, dispose que « les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres, et modifiés dans la même forme après consultation de l'assemblée territoriale intéressée ».
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 1996, a précisé qu'ont un caractère organique « les dispositions qui définissent les compétences des institutions propres du territoire, les règles d'organisation et de fonctionnement de ces institutions... ». Tel est bien le cas de la répartition des sièges de l'assemblée territoriale entre les circonscriptions.
La consultation de l'assemblée de la polynésie française est également obligatoire. Le Conseil constitutionnel sera automatiquement saisi du texte, après son adoption par les deux assemblées. Il appréciera si la délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 27 mai 1999 vaut consultation pour l'article unique de la proposition de la commission des lois.
Le voeu contenu dans cette délibération précise que la modification de l'article 1er de la loi du 23 octobre 1952 qui pourrait être proposée devrait « respecter le découpage et la répartition des sièges actuels à l'exception de la circonscription des îles du Vent ».
La proposition qui vous est présentée est conforme à cet objectif, même s'il existe une différence entre le voeu et la proposition en ce qui concerne le nombre des sièges des îles du Vent, vingt-six au lieu de vingt-huit, et le nombre total des sièges de l'assemblée, quarante-cinq au lieu de quarante-sept.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'actuelle assemblée de la Polynésie française a été élue pour cinq ans le 12 mai 1996, Son mandat se terminera donc en 2001. Le Gouvernement estime très souhaitable que la réforme sur la répartition des sièges au sein de l'assemblée puisse s'appliquer dès cette échéance électorale.
Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur la proposition de votre rapporteur, mais il estime que le nombre de conseillers territoriaux doit être augmenté de manière significative.
Si aucune des propositions de loi organique déposées n'était votée rapidement, le Gouvernement ferait une proposition de rééquilibrage dans le projet de loi organique statutaire qui devrait être déposé au printemps prochain, après l'adoption du projet de loi constitutionnelle par le Parlement, convoqué par le Président de la République en Congrès le 24 janvier 2000.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs les indications que le Gouvernement vous livre sur la base de la proposition de loi organique soumise à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre rapporteur vous a présenté de manière remarquable, comme à l'accoutumée, l'objet, les raisons et les modalités de notre proposition de loi. Celle-ci, comme vous le savez, fait écho à un voeu émis par l'assemblée de la Polynésie française, qui a souhaité explicitement une modification dans la représentation des cinq circonscriptions électorales existant en Polynésie.
Dans chacune de ces circonscriptions, le régime électoral est le scrutin de la liste à la représentation proportionnelle. Les îles du Vent élisent vingt-deux conseillers, les îles Sous le Vent huit, les îles Tuamotu et Gambier cinq, les Marquises et les Australes trois chacune.
L'assemblée de la Polynésie française a souhaité que le nombre de conseillers dans la circonscription des îles du Vent soit augmenté sans modification de la représentation dans les autres circonscriptions.
Nous partageons ce point de vue et c'est ce que je souhaite vous expliquer.
Tout d'abord, je voudrais évoquer le cas des deux circonscriptions les plus isolées, celle des Australes, distante de quelque 800 kilomètres de Tahiti, et celle des Marquises, près de deux fois plus éloignée.
Peut-on imaginer de réduire une représentation qui n'est déjà que de trois élus pour chacun de ces archipels ? Trois élus sur quarante et un conseillers à l'assemblée de Polynésie ! Quelle personne sensée peut vouloir réduire ce nombre à deux, sauf si son objectif est de bâillonner l'expression de leur population ?
Je pense, mes chers collègues, que ce n'est pas dans notre assemblée qu'une telle proposition pourrait voir le jour !
Mais il est vrai qu'une application brutale de la proportionnalité démographique devrait conduire à une réduction du nombre d'élus de ces archipels.
Fort heureusement, nous le savons bien ici, la démographie n'est pas le seul critère retenu par le Conseil constitutionnel lorsqu'il a à connaître de lois de répartition électorale. Le critère géographique, auquel le secrétaire d'Etat à l'outre-mer a d'ailleurs fait explicitement référence lors de son audition par la commission des lois, constitue, particulièrement pour la Polynésie française, un élément essentiel à prendre en compte.
Ce critère s'applique pour les Marquises et les Australes, mais également pour les îles Tuamotu et Gambier, dispersées sur environ 2 millions de kilomètres carrés, près de quatre fois la superficie de la France, et représentées par cinq conseillers à l'assemblée.
Pour cette seule raison, je n'imagine pas que l'on puisse réduire le nombre de conseillers de cet archipel, mais ce n'est pas la seule.
En effet, la démographie s'inscrit dans une évolution dont je vais maintenant vous parler et qui modifie les conclusions que l'on peut tirer d'une simple photographie de la situation.
L'histoire démographique récente de la Polynésie française se décompose en trois phases.
La première, de 1946 jusqu'au recensement de 1956, c'est-à-dire avant l'installation du centre d'expérimentations nucléaires, se caractérise par une relative stagnation dans la répartition de la population.
La deuxième est celle des contre-coups de « l'économie du nucléaire ». L'émigration des archipels vers Tahiti, faible jusque-là, s'accélère, et la population des îles du Vent passe, de 1956 à 1988, de 58 % à 74 % de la population totale, celle des îles Sous le Vent de 20,2 % à 11,7 %, celle des Tuamotu et Gambier de 13,3 % à 6,5 %, celle des Marquises de 5,4 % à 3,8 % et celle des Australes de 5,4 % à 3,4 %.
Or, bien que cette période ait été caractérisée par des mouvements démographiques considérables, le législateur n'a pas choisi de modifier la représentation des circonscriptions, comme l'indiquait M. Lemoine lors des débats devant notre assemblée en 1985.
La loi du 12 décembre 1985, en effet, ne changeait pas la proportion fixée par la loi du 26 juillet 1957. C'est ainsi que les îles du Vent restaient au même niveau de représentation au sein de l'assemblée de la Polynésie française, soit 53 %, alors qu'elles constituaient 74 % de la population.
Alors, mes chers collègues, devons-nous corriger intégralement aujourd'hui ce que la loi de 1985 n'a pas cru devoir faire, au risque d'étouffer la voix des archipels ? Je le pense d'autant moins que l'évolution démographique n'est désormais plus la même.
Lorsque les élections de 1991 ont porté au pouvoir le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger en Polynésie française, un de nos soucis prioritaires, outre l'indispensable redressement économique et financier qu'il fallait conduire, a été de rééquilibrer le développement en faveur des archipels. Le pacte de progrès lancé dès la fin de 1991, concrétisé par la loi d'orientation et confirmé par le programme stratégique pour la Polynésie française, a donc prévu dans tous les domaines un effort d'équipement sans précédent et des incitations financières et fiscales au retour dans les îles.
Les efforts d'équipement se sont manifestés notamment par les nouveaux aérodromes nécessaires au désenclavement, l'amélioration des routes et des quais, une politique de logement social spécifique aux archipels, la généralisation des télécommunications et de la télévision, l'implantation de collèges et de lycées dans les îles les plus importantes.
Les ressources économiques ont été développées, comme la perliculture, essentiellement dans les îles Tuamotu et Gambier, la pêche, l'agriculture et le tourisme, en particulier au travers d'une petite hôtellerie familiale dont la croissance a été extrêmement rapide.
Ces efforts ont commencé à porter leurs fruits, et l'évolution démographique s'est infléchie. Du recensement de 1988 à celui de 1996, le poids des îles du Vent a légèrement diminué, celui des îles Sous le Vent est passé de 11,7 % à 12,2 %, celui des Tuamotu et Gambier, de 6,5 % à 7 %. Seuls ceux des Australes et des Marquises ont stagné. Mais les considérables travaux entrepris dans ces deux derniers archipels et le début d'essor touristique que connaissent les Marquises changent désormais cette situation.
Il me semble ainsi que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui concilie tous les impératifs que nous devons avoir présents à l'esprit.
En augmentant de six conseillers - c'est-à-dire deux de plus que ce qu'avait souhaité l'assemblée de la Polynésie française - la représentation des îles du Vent, elle la rééquilibre sans excès coûteux et, rendant compte des évolutions passées, elle n'injurie pas l'avenir.
Mon groupe votera donc la proposition qui nous est présentée par notre commission des lois et je souhaite que tous nos collègues s'y associent, sans esprit partisan. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, cher ami rapporteur, chers collègues, à l'occasion de la séance mensuelle réservée, la majorité sénatoriale a décidé d'inscrire la proposition de loi organique déposée sur le bureau du Sénat le 30 juin dernier par notre excellent collègue M. Gaston Flosse dont l'initiative parlementaire, au demeurant fort légitime, tend essentiellement à ajuster la répartition des sièges attachés à chacune des circonscriptions électorales afin d'améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'assemblée de la Polynésie française.
Par la voix de son rapporteur, notre excellent collègue M. Lucien Lanier, que je tiens à féliciter pour la qualité du rapport qu'il nous a présenté, la commission des lois a reconnu le bien-fondé de cette initiative parlementaire tant il est vrai que la répartition actuelle des sièges ne correspond plus ni à la spécificité polynésienne au regard de sa dispersion géographique, de l'immensité de son territoire et de la démographie de chacun des archipels, ni au strict respect du principe constitutionnel de l'égalité du suffrage, principe constamment rappelé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et applicable sur l'ensemble du territoire de la République.
Cette proposition de loi organique vient à son heure, a dit, à l'instant, notre excellent rapporteur. Pour ma part, je dirai qu'elle est prématurée et inadaptée.
Elle est prématurée, parce qu'elle aurait dû être débattue après l'adoption de la réforme constitutionnelle par le Congrès qui se réunira le 24 janvier 2000, précisément lors de la discussion des projets de loi organique et ordinaire relatifs au statut d'autonomie renforcée de la Polynésie française.
Je suis d'ailleurs étonné que notre rapporteur adopte cette démarche pour l'article 2 de cette proposition de loi organique en réservant l'examen de cet article, à la discussion du futur projet de loi relatif au statut de la Polynésie et qu'il ne le fasse pas pour le dispositif qui se trouve au coeur de la proposition de loi dont nous débattons ce jour.
Enfin, je tiens à préciser que le respect du délai d'un an fixé par la loi de 1992 s'impose, cher ami rapporteur, autant pour la répartition des sièges que pour le mode de scrutin.
Les réformes électorales ne sont pas des réformes mineures. Et, à l'instar de ce qui a été accompli pour la Nouvelle-Calédonie, il aurait été bon d'ouvrir une vaste concertation avec les autorités territoriales et les principales forces vives du fenua, du territoire en langage polynésien, comme l'engagement en a été pris.
J'ai encore quelques souvenirs de merveilleux séjours accomplis en compagnie de M. Lucien Lanier en Polynésie, voilà quelques années !
La représentativité de la future assemblée polynésienne mérite que l'on se donne le juste temps de la concertation.
Pour la complète information du Sénat, je me dois de rappeler que la proposition de M. Gaston Flosse n'est que la reprise d'un voeu adopté par l'assemblée du territoire. Cette proposition de loi organique apparaît comme la réponse, en tout cas le contrepoint de celle qui a été déposée en mars 1999 à l'Assemblée nationale par M. Emile Vernaudon, député, sur laquelle je reviendrai.
Cette proposition de loi est inadaptée, car elle ne correspond pas aux critères retenus par la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat. Le rapport rappelle celle-ci à la page 9 : « L'organe délibérant d'une commune de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques résultant d'un recensement récent ». Pour la Polynésie, il s'agit du recensement de 1996. Il est en outre précisé que les considérations tenant compte d'autres impératifs d'intérêt général ne peuvent cependant intervenir que dans une mesure limitée.
A l'aune de ces critères, le juge constitutionnel vérifie que « les écarts de représentation entre les secteurs selon l'importance de leur population telle qu'elle ressort du dernier recensement ne sont ni manifestement injustifiables ni disproportionnés de manière excessive ».
Sans m'attarder sur le recensement de 1999, dont nous connaîtrons les résultats dans quelques semaines, je considère que l'augmentation du nombre de sièges pour les îles du Vent demeure disproportionnée et, dans mon esprit, beaucoup trop faible au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La Polynésie française constitue un territoire éclaté sur 118 îles ou îlots dans cinq archipels. Ces archipels sont dispersés sur une superficie comparable à celle de l'Europe, et on imagine aisément les difficultés de toutes natures - M. Gaston Flosse a eu raison de les rappeler - qui en découlent pour la vie quotidienne de nos compatriotes polynésiens et, surtout, pour leurs représentants à l'assemblée du territoire.
A cette dispersion géographique naturelle s'ajoute une caractéristique de nature démographique puisque, si la population s'accroît rapidement, elle se concentre essentiellement dans les îles du Vent, singulièrement sur Tahiti, accentuant les disparités démographiques entre les archipels.
Etendue du territoire, dispersion géographique, disparité démographique constituent, entre autres, la spécificité, voire l'exception polynésienne.
Ces éléments particuliers avaient déjà justifié, en 1985, l'augmentation du nombre de conseillers à l'assemblée du territoire de trente à quarante et un, soit onze sièges de plus, ce qui n'avait pas paru excessif.
La situation a encore évolué en l'espace de quinze ans. Force est de reconnaître que la répartition des sièges actuellement en vigueur ne respecte plus le principe de l'égalité des suffrages rappelé par le juge constitutionnel. Il était donc légitime que nos deux collègues parlementaires polynésiens, MM. Emile Vernaudon et Gaston Flosse, cherchent à établir une représentation plus juste et plus équitable de chacun des archipels au sein de la future assemblée du pays d'outre-mer que deviendra dans quelques semaines la Polynésie française.
L'inconvénient, à mes yeux, est que le respect du principe d'égalité est relégué au second plan tant il est évident que la priorité est accordée à la préférence que d'aucuns qualifieront de partisane quand d'autres parleront de l'avantage politique que l'on peut en tirer.
Si la proposition de M. Emile Vernaudon paraît plus satisfaisante en ce qu'elle respecte davantage les critères établis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elle minore et sous-représente gravement - j'insiste sur ce mot - les archipels des Marquises, des Tuamotu et Gambier, des Australes et des îles Sous le Vent.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Guy Allouche. Et c'est là que le bât blesse.
M. Jean-Jacques Hyest. Et voilà !
M. Guy Allouche. La spécificité polynésienne commande - j'insiste sur ce terme - de ne pas toucher à la représentation actuelle de ces archipels.
M. Gaston Flosse. Bravo !
M. Lucien Lanier, rapporteur. Très bien !
M. Guy Allouche. Mais cette proposition procède de l'analyse politique de notre collègue député. Sans pour autant la partager, loin s'en faut, je reconnais qu'elle répond à une logique politique respectable.
La proposition de répartition des sièges de notre collègue sénateur procède d'une autre finalité politique. Si louable soit-il, cher Gaston Flosse, l'argument selon lequel toute forte augmentation du nombre des sièges entraînerait des dépenses importantes ne résiste pas à une analyse sérieuse car, s'il y a des économies de gestion à réaliser - et je suis persuadé qu'il y a des gisements d'économies à exploiter - ce ne doit pas être au détriment du respect de l'égalité des suffrages, qui a valeur constitutionnelle. Votre crainte d'installer une assemblée délibérante pléthorique ne saurait vous conduire à restreindre la juste représentativité de cette dernière.
En vérité, la logique politique de M. Gaston Flosse est plus subtile ; je n'étonnerai personne en disant cela. Dans un système proportionnel à la plus forte moyenne, plus on limite l'augmentation du nombre de sièges, plus on élève le quotient électoral et plus on réduit la représentation des minorités.
C'est là la subtilité politique de M. Flosse !
M. Gaston Flosse. Mais pas du tout !
M. Guy Allouche. Cette modalité en apparence de technique électorale n'est rien d'autre qu'un moyen légal de contenir la poussée de l'opposition polynésienne. C'est en tout cas l'analyse que je fais.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez l'esprit un peu compliqué !
M. Guy Allouche. Vous pouvez contester cette analyse, monsieur Hyest, mais au fond de vous-même je vous entends dire que, après tout, ce n'est pas tout à fait faux. (Sourires.)
M. Alain Joyandet. Ce qui est redoutable, c'est qu'il le dit avec le sourire !
M. Guy Allouche. Bien sûr, monsieur Joyandet. Entre nous, nous parlons librement et cordialement !
Mes chers collègues, l'outre-mer connaît une évolution institutionnelle et politique sans précédent grâce à l'approche volontariste et pragmatique du gouvernement de Lionel Jospin. La Polynésie française s'inscrit naturellement dans cette évolution, son avenir a besoin d'un regard nouveau. L'autonomie renforcée va de pair avec le respect du pluralisme et la nécessaire mise en place de contre-pouvoirs. L'analyse montre qu'une démocratie renforcée, harmonieuse passe par une juste et équitable représentation des populations de chaque archipel au sein de la future assemblée polynésienne, dont les pouvoirs seront accrus en raison des compétences transférées et de sa capacité de voter prochainement des « lois de pays » soumises au contrôle direct du Conseil constitutionnel.
La correction apportée par notre rapporteur, M. Lucien Lanier, qui reconnaît explicitement que la proposition de loi de M. Flosse est insuffisante, ne répond toujours pas aux critères établis par la jurisprudence du juge constitutionnel, qui s'applique - est-il besoin de le rappeler ? - sur l'ensemble du territoire de la République. L'application de ces critères conduit à affecter à l'archipel des îles du Vent trente-six sièges et non pas vingt-huit, soit quatorze sièges de plus par rapport à la situation actuelle, ce qui aboutirait à une assemblée de cinquante-cinq membres pour une population de 220 000 habitants. Ce n'est pas excessif.
Je vous rappelle, pour mémoire, que le congrès de la Nouvelle-Calédonie compte cinquante-quatre sièges et trois circonscriptions pour une population de 196 000 habitants et que la Corse, avec son statut particulier, dispose de cinquante-quatre sièges et une seule circonscription pour 230 000 habitants.
Monsieur le rapporteur, je vous sais gré d'avoir rappelé les résultats du recensement de 1996. Vous mettez l'accent sur le fait que les îles du Vent, Papeete et Tahiti, représentent 75 % de la population, comme nous l'avons constaté.
M. Gaston Flosse. Exactement 74 % !
M. Guy Allouche. Je vous le concède !
La simple logique arithmétique devrait conduire à attribuer au moins les trois quarts des sièges,...
M. Lucien Lanier, rapporteur. En métropole, oui !
M. Guy Allouche. ... mais, pour tenir compte de cette spécificité polynésienne, ma proposition visant à affecter trente-six sièges est en deçà de cette logique, dont l'application tendrait à aller jusqu'à quarante-deux sièges.
Par ailleurs, je rejoins tout à fait Gaston Flosse, qui recommande de ne pas modifier les autres archipels, lesquels représentent un quart de la population et conserveront, avec ma proposition visant à affecter trente-six sièges, plus d'un tiers des sièges.
Ils seront donc surreprésentés par rapport aux îles du Vent.
Dois-je vous dire, mes chers collègues, qu'une erreur matérielle m'a empêché de déposer, dans les délais impartis par la conférence des présidents, un amendement que j'aurais souhaité présenter pour aller jusqu'à trente-six sièges. Aussi, je lance presque une supplique à notre collègue rapporteur, M. Lucien Lanier, et je lui demande de reprendre cette modification à son compte, au nom de la commission, comme il en a le pouvoir, afin que le juge constitutionnel considère que nous avons respecté sa jurisprudence.
Notre volonté, la vôtre comme la nôtre, en la circonstance, est en effet d'être constructifs. Ce n'est pas parce que le Sénat aura voté une proposition de loi organique de l'un des siens - et je ne peux que m'en féliciter - que ce texte aura automatiquement force de loi. Avant même le contrôle de droit par le Conseil constitutionnel de cette proposition de loi organique, ma conviction profonde est que, si le Sénat vote ce que propose notre rapporteur au nom de la commission des lois, nos collègues députés ne nous suivront pas.
Or je souhaite qu'ils nous suivent. C'est la raison pour laquelle je vous demande de tenir compte de cette jurisprudence et de ses critères. Si nos collègues députés ne nous suivent pas, ce n'est pas parce que ce texte vient du Sénat ; c'est parce qu'ils vont mettre l'accent sur le non-respect de la jurisprudence du juge constitutionnel. Aussi, j'insiste pour que la commission des lois, par la voix de son rapporteur, tienne compte des remarques positives que je formule.
Le groupe socialiste, au nom duquel j'ai l'honneur de m'exprimer, n'est animé que par un seul souci, mes chers collègues : favoriser la réussite de l'autonomie renforcée de la Polynésie française et son avenir économique, son avenir social, son avenir culturel, maintenir et accroître dans les meilleures conditions cette cohésion politique dans ce pays d'outre-mer que sera la Polynésie dans quelques semaines.
Aussi, mes chers collègues, notre vote final tiendra-t-il compte des réponses que, peut-être, le Gouvernement apportera à ma déclaration. J'attends avec intérêt la réponse que délivrera notre rapporteur, au nom de la commission des lois, à l'appel de l'article unique de la proposition de loi organique, avec l'espoir que mes remarques seront prises en considérations (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le rapporteur et M. Flosse applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.

Article unique

M. le président. « Article unique. - L'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française est ainsi rédigé :