Séance du 18 novembre 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Leclerc pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi une considération d'ordre général sur l'ensemble de nos débats.
Nous en sommes à la quatrième loi de financement de la sécurité sociale et je ne peux que m'inquiéter des dérives que ces textes subissent par rapport à certains de nos grands principes fondateurs.
Nous avons eu à examiner, et heureusement parfois à supprimer, certaines dispositions, qui, à notre sens, n'avaient strictement rien à faire dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je veux prendre pour exemple les articles 2, 3 et 4, que je qualifierai de parfaitement iniques. Le fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales destinées à alléger le poids des 35 heures pour les entreprises, l'institution d'une contribution sociale sur les bénéfices des entreprises et l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes n'avaient rien à faire dans ce projet de loi.
Et que dire de la taxe générale sur les activités polluantes, qui, à terme, alourdira la charge que supporteront les collectivités territoriales et, à travers elles, nos concitoyens, puisque ce sont eux qui assumeront l'augmentation du coût des traitements des déchets, comme l'a justement rappelé notre collègue M. Alain Vasselle ?
En effet, l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, qui concourait très largement à cette politique de retraitement, ne bénéficiera plus dorénavant d'une grande partie des ressources qui lui étaient attribuées.
Non seulement nous contestons la légitimité de ces mesures, mais nous regrettons d'avoir eu à discuter de ces dispositions dans le présent débat et non pas dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la réduction du temps de travail ou, pourquoi pas, dans le cadre de l'examen du projet de loi des finances.
Je me réjouis, dès lors, que nous ayons adopté les amendements de suppression proposés par notre collègue M. Charles Descours, dont je tiens à saluer le travail et le discernement face à un tel dispositif.
Je regrette que, tout au long de la discussion de ce texte, on ait mis à mal le principe directeur des lois de financement de la sécurité sociale qui est, par ailleurs, l'un des principes fondateurs de notre sécurité sociale, je veux parler de la séparation de branches.
Le Gouvernement détourne les excédents des branches, notamment de la branche famille, en affectant certaines recettes traditionnelles de ces branches au bénéfice de fonds destinés à d'autres fins. Je pense, d'une part, aux droits sur les alcools, qui n'alimenteront plus le FSV qu'à hauteur de 8 % au lieu des 100 % initiaux, et d'autre part, au prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine qui, l'année dernière, se partageait à égalité entre la CNAF et la CNAV ; il ne restera plus que 13 % pour la branche famille. Vous mettez à mal ce système, madame le ministre, pourtant simple et juste, qui faisait profiter les différentes branches des fruits de leurs excédents.
C'est regrettable et, encore une fois, je me réjouis que nous ayons adopté solennellement l'article additionnel 6 A qui prévoit que chaque branche dispose d'une section comptable distincte de ses opérations courantes sur laquelle sera affecté le résultat de l'exercice clos précédent.
Cette disposition est juste et va dans le sens d'une plus grande lisibilité comme d'une plus grande responsabilité des branches.
L'ONDAM a également attiré notre attention. Malgré un rééquilibrage des comptes lié, il faudra bien que vous le reconnaissiez, à la reprise économique, madame le ministre, vous n'avez pas pu empêcher le dérapage des dépenses de santé depuis deux ans : 9,8 milliards de francs pour l'exercice 1998 et probablement 13 milliards de francs pour 1999.
Ce dérapage, vous avez voulu le masquer en dissimulant la progression rapide des dépenses, en calculant non plus le taux de progression de l'ONDAM, sur la base traditionnelle de l'ONDAM précédent, mais par rapport aux dépenses réalisées réellement lors de l'exercice précédent.
De fait, l'ONDAM n'est plus un objectif national de dépenses à respecter et, s'il n'est pas encore une simple prévision tendancielle, il n'en demeure pas moins qu'il ne sera plus qu'une hypothèse économique.
C'est très grave ; l'ONDAM est un dispositif sérieux. Le Parlement se refuse à faire des chèques en blanc. L'ONDAM n'est pas un simple objectif, c'est un impératif catégorique.
Aussi, nous vous mettons en garde pour les années à venir. Les lois de financement de la sécurité sociale doivent conserver la nature profonde dont la Constitution les a dotées.
Elles ne peuvent devenir une annexe aux lois de finances ou de simples textes portant diverses mesures d'ordre social.
J'ajoute que nous souscrivons à tous les amendements qui ont été proposés par la commission en matière tant d'équilibre des comptes que de politique des branches dont certaines, et je m'en félicite, ont reçu votre assentiment, madame le ministre.
En conséquence, le groupe du Rassemblement pour la République votera le projet de loi ainsi modifié par le Sénat qui, dans sa sagesse, a souhaité renouer avec les quelques principes que je viens d'exposer, principes qui n'auraient jamais dû être perdus de vue.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ces trois jours de débat, je suis contrainte de conclure en disant qu'une fois de plus les discussions sur ce texte majeur ont été limitées, faute pour nous de disposer de réelles capacités d'amendements, et cadrées par la commission des affaires sociales, beaucoup plus préoccupée par le coût des dépenses sociales, les chiffres, les recettes, la maîtrise comptable que par l'amélioration des inégalités ou l'augmentation des prestations familiales et des pensions.
Madame la ministre, vous savez que notre appréciation sur le texte initial du Gouvernement était plus que réservée, et ce pour trois raisons principales.
Tout d'abord, et principalement, les voies explorées pour rechercher de nouvelles formes de financement ne nous paraissent pas efficaces pour régler tant les problèmes d'emploi que de protection sociale.
Notre objectif - nous avons essayé de le montrer - est avant tout d'accroître les recettes de la protection sociale par une réforme des cotisations patronales en associant activement les entreprises à son financement pour, enfin, inverser la logique qui, depuis le plan Juppé, impose que l'on définisse des enveloppes sans avoir préalablement pris en compte les besoins sanitaires et sociaux de l'ensemble de la population.
Ensuite, les mesures annoncées, concernant tant les prestations familiales que les pensions de vieillesse, demeurent timides, alors que la croissance retrouvée justifiait, dès à présent, des revalorisations substantielles.
Enfin, troisième point de mécontentement concernant cette fois plus particulièrement l'assurance maladie, même si certaines dispositions prennent en compte l'échec de la régulation comptable, toutes les conséquences ne sont pas tirées. Je pense, notamment, aux hôpitaux.
J'ajoute que vous n'avez pas dissipé mes inquiétudes sur l'application effective de la couverture maladie universelle, à laquelle je suis particulièrement attachée.
Enfin, l'exigence forte d'une gestion pluraliste de l'assurance maladie dans l'intérêt des assurés sociaux, condition nécessaire du transfert à la CNAM de pouvoirs accrus en matière de soins, n'a pas été acceptée par le Gouvernement.
Après la réécriture pratiquée par la commission des affaires sociales, des points que nous jugions positifs, notamment la simple prise en charge par la caisse d'allocations familiales de l'allocation de rentrée scolaire majorée, ont disparu du texte. De même, les grands axes de la politique de santé et de protection sociale ont disparu, au motif que l'article 1er ne s'y prêtait pas.
Le débat mené ici a été largement sinon pollué - je n'aime pas cette expression - du moins obscurci par la discussion du projet de loi sur la réduction du temps de travail dont la majorité de notre assemblée a bien montré qu'elle ne voulait en aucun cas souscrire à la logique.
Amendement après amendement, la commission des affaires sociales a réécrit un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui - on l'a vu clairement - veut laisser effectivement à la CNAM toute latitude pour mener la politique de maîtrise comptable des dépenses de santé qu'elle entend.
Lorsque j'ai dit que, pour moi, cela allait de pair avec la mise en concurrence de l'assurance maladie, je ne me trompais pas, j'en veux pour preuve le débat sur les cliniques privées, qui a démontré que vous en rajoutiez en ce domaine.
J'ai pu, tout au long des débats, formuler à plusieurs reprises des critiques à l'égard du projet du Gouvernement, mais jamais ces critiques n'ont eu le même sens que celles de la majorité sénatoriale. Loin de vouloir renforcer et pérenniser notre système de protection sociale, cette dernière affiche en effet des intentions tout à fait significatives, pour les retraites notamment.
Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, nous voterons contre le projet de loi tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je constate que, fidèle à une tradition désormais bien établie, la majorité sénatoriale, par ses amendements intempestifs, a dénaturé le texte du Gouvernement qui avait été amélioré par l'Assemblée nationale.
M. Emmanuel Hamel. Pourquoi « intempestifs ? »
M. François Autain. J'ai le droit d'employer le mot « intempestifs » même si cela vous gêne, monsieur Hamel ! C'est la démocratie !
Je disais donc que le Sénat était fidèle à son habitude puisque la même pratique a été utilisée pour la loi relative aux 35 heures et pour la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
On peut constater, malgré tout, que les objectifs de l'ONDAM n'ont pas été modifiés. Cependant, c'est évident, en supprimant des articles aussi importants que les articles 2, 3 et 4 et en modifiant l'article 17, le Sénat prive le Gouvernement des moyens d'atteindre des objectifs que, par ailleurs, il a maintenus.
En ce qui concerne plus particulièrement les articles 2, 3 et 4, leur suppression procède d'une attitude paradoxale de la part d'une majorité qui réclame depuis très longtemps une exonération des charges patronales. Est-ce que, tout à coup, cette majorité serait opposée aux allégements de charges ? C'est la question que je me pose et à laquelle je me garderai bien d'apporter une réponse...
Nous nous trouvons donc devant un texte irréaliste et, au demeurant, inapplicable, qui procède d'une conception destructrice de la majorité sénatoriale, « destructrice » par rapport à ce qu'aurait pu être une opposition « constructive ».
La seule satisfaction que nous pouvons tirer de ce débat est de savoir que ce texte, heureusement, ne sera jamais appliqué.
Néanmoins, vous le comprendrez, madame la ministre, même si, au départ, le groupe socialiste était tout à fait favorable au projet de loi tel qu'il nous arrivait de l'Assemblée nationale, nous ne pourrons pas, dans ces conditions, le voter, et nous nous prononcerons résolument contre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 15:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 214
Contre 99

4