Séance du 18 novembre 1999







M. le président. « Art. 30. - Est ratifié le décretn° 99-860 du 7 octobre 1999 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. »
Par amendement n° 59, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article autorise la ratification du décret du 7 octobre 1999 qui a porté le plafond d'avances de trésorerie du régime général de la sécurité sociale de 24 milliards à 29 milliards de francs.
Le relèvement des plafonds des avances de trésorerie est réservé, selon la loi organique du 22 juillet 1996, aux cas « d'urgence ». Les trois plafonds d'avances de trésorerie au régime général fixés par les trois premières lois de financement ont été relevés dans des conditions d'urgence par un décret, dont la ratification est « demandée » au Parlement.
Conformément à l'article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, le Gouvernement a déposé, dans le délai de quinze jours, un rapport présentant les raisons du dépassement des limites prévues au 5° du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale et justifiant l'urgence qui exige le recours à la voie réglementaire. Ce rapport avance deux raisons.
Premièrement, la situation de la trésorerie a été moins bonne que prévue « en raison d'un solde comptable légèrement négatif en 1999, alors que la loi de financement prévoyait l'équilibre ». Tout ne va donc pas si bien !
Deuxièmement, la trésorerie du régime général a été artificiellement dégradée de 6,85 milliards de francs, en raison de la majoration d'allocation de rentrée scolaire : « cette dépense pèse dans un premier temps sur la trésorerie de l'ACOSS, puisqu'elle ne pourra être remboursée par l'Etat qu'en toute fin d'année ou au début de l'année 2000, après le vote de la loi de finances rectificative. »
Cette raison était naturellement prévisible, et le Gouvernement n'avait qu'à prévoir l'inscription en loi de finances pour 2000 la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Il n'est pas légitime que l'Etat bénéficie ainsi d'une avance de trésorerie de la sécurité sociale.
Le rapport justifie l'urgence, ayant conduit à prendre un décret, d'une manière étonnante : « Les risques de dépassement étaient prévus dans les premiers jours d'octobre. Selon les prévisions disponibles au moment du relèvement du plafond, la trésorerie devait se situer au-dessous de 24 milliards de francs dès la mi-octobre. Ce calendrier justifie l'urgence du relèvement du plafond, et le recours à un acte réglementaire, à un moment où la session parlementaire n'avait pas repris. »
Pourtant la session parlementaire a repris dès le vendredi 1er octobre, alors que le décret a été adopté en conseil des ministres le 7 octobre, pour une parution au Journal officiel du 8 octobre 1999.
L'annexe c) précise par ailleurs que le point le plus bas de la trésorerie était prévu le 12 octobre, avec 24,114 milliards de francs.
Le Gouvernement avait tout à fait la possibilité de faire voter, entre le 1er octobre et le 7 octobre 1999, un projet de loi de financement rectificatif, composé de deux articles. (Mme le ministre s'exclame.)
Ce projet de loi de financement rectificatif qu'avait souhaité la commission des affaires sociales il y a un an aurait tiré les conséquences de la dérive constatée de l'ONDAM 1998 et de la dérive prévisionnelle de l'ONDAM 1999 et aurait fixé un nouveau plafond d'avances de trésorerie au régime général.
Le Gouvernement a préféré utiliser le décret, alors que l'urgence n'était pas avérée.
La commission - c'est la raison pour laquelle nous accrochons sur ce point - constate que, depuis la création des lois de financement, le plafond des avances de trésorerie a été chaque année, et sans exception, relevé par le pouvoir réglementaire. C'est une « jurisprudence » fâcheuse qui se crée. Nous demandons donc au Sénat d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Nous sommes en effet passés de 11 milliards de francs, il y a quelques années, à 21 milliards de francs, puis à 24 milliards de francs et nous sommes à 29 milliards de francs. Cela fait donc quatre fois que les gouvernements pèchent. Si l'on peut excuser une faute, la répétition est grave et coupable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. le rapporteur vient de faire, avec brio d'ailleurs, la démonstration qu'il était très difficile de faire des aller retour, de faire voter entre le 1er et le 12 octobre un montant rectificatif sur le plafond de trésorerie. J'entends d'ailleurs ce qui m'aurait été dit sur la façon de travailler de l'Assemblée nationale !
Le Gouvernement a donc souhaité, parce qu'il y avait urgence et qu'il fallait rembourser un certain nombre de dépenses à la sécurité sociale, utiliser la possibilité que lui donne la loi d'avoir recours au décret, tout en le présentant ensuite à la ratification du Parlement. C'est ce que nous faisons aujourd'hui, et c'est conforme à l'article L. 111-15 du code de la sécurité sociale.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 30 est supprimé.

Article 31