Séance du 18 novembre 1999







M. le président. « Art. 22 bis. _ L'article L. 601 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour une spécialité générique visée au premier alinéa de l'article L. 601-6, l'autorisation de mise sur le marché peut être délivrée avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence concernée. Toutefois, la commercialisation de cette spécialité générique ne peut intervenir qu'après l'expiration de ces droits. »
Par amendement n° 32, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Chaque année, des « amendements surprises » surgissent à l'Assemblée nationale. L'année dernière, c'était un amendement, qui, sous couvert de belles phrases, avait en fait pour but de défendre l'hôpital de Saint-Nazaire. Cette année, c'est l'usine de médicaments génériques de Villeneuve-sur-Lot qui est visée.
M. François Autain. Et dans l'Isère, il n'y a rien ?...
M. Charles Descours, rapporteur. Malheureusement, non ! Cela étant, je ne suis pas persuadé que le Gouvernement me suivrait si je présentais un amendement de cette sorte.
M. François Autain. Vous n'avez pas quelques centres de santé ?...
M. Charles Descours, rapporteur. Si, mais ce n'est pas moi qui ai rédigé les articles qui en traitent.
En vue de favoriser une diffusion plus rapide des spécialités génériques, l'article 22 bis a pour objet de permettre la délivrance d'une AMM, une autorisation de mise sur le marché, alors que le produit princeps est encore protégé au regard du droit de la propriété intellectuelle.
La commission des affaires sociales comprend le souci exprimé par le rapporteur pour avis de l'Assemblée nationale et partage sa volonté de favoriser, par la loi, le développement du marché des génériques. Elle ne peut toutefois retenir cet article, dont l'application risquerait de multiplier et d'aggraver les contentieux entre laboratoires et pourrait mettre en cause la responsabilité de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. En effet, cet article ne prévoit même pas l'information du laboratoire titulaire du brevet.
Si cet article était définitivement adopté, quel obstacle rencontrerait un laboratoire peu scrupuleux qui déciderait de commercialiser un médicament générique d'un produit princeps encore protégé ?
Que signifierait, dans ce cas, l'autorisation de mise sur le marché, qui est, par définition, nécessaire et suffisante pour autoriser la commercialisation d'un médicament ?
Pour ces raisons, la commission propose de supprimer l'article 22 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'avoue ne pas très bien comprendre, là encore, la logique de la commission et de son rapporteur lorsqu'ils proposent de supprimer cet article.
Je ne sais pas si celui-ci vise un laboratoire particulier implanté dans une certaine ville de notre pays. Ce que je sais, c'est qu'il permet de faire bénéficier la sécurité sociale des économies attendues du développement des génériques et qu'il est souhaitable d'accélérer la délivrance de l'AMM pour ces médicaments dès lors que la molécule considérée est tombée dans le domaine public.
Je rappelle que la délivrance d'une AMM pour un médicament identique à un médicament encore protégé par un brevet ne constitue pas en soi un acte de contrefaçon : c'est ce qu'a dit la Cour de cassation en 1998.
Je voudrais aussi préciser qu'il existe deux procédures juridiquement distinctes. L'administration qui délivre les AMM n'a pas à vérifier a priori la situation des médicaments au regard des droits de la propriété industrielle : il y a une autre procédure pour cela. Néanmoins, il est d'usage qu'elle n'accorde pas une AMM à des génériques tant que le médicament d'origine est protégé.
La disposition proposée met un terme à cette ambiguïté en instaurant une déconnexion encore plus nette entre ce qui relève de la responsabilité de l'autorité administrative chargée de délivrer les AMM et ce qui relève de la responsabilité de l'entreprise, qui doit tenir compte de la protection dont bénéficie le médicament d'origine pour déterminer la date de commercialisation effective du générique. Vous devriez donc être satisfait, monsieur le rapporteur.
Désormais, l'octroi de l'AMM pourra intervenir quelle que soit la situation du médicament princeps en termes de propriété intellectuelle, tandis que la commercialisation restera subordonnée au fait que le médicament princeps soit tombé dans le domaine public. Ainsi, nous clarifions les choses et nous gagnons du temps pour permettre de faire ces économies.
En donnant à l'autorité administrative la possibilité d'anticiper l'octroi de l'AMM sur l'extinction des droits de propriété intellectuelle, la disposition produira un gain de temps de l'ordre de six mois à un an. C'est autant de gagné au regard des économies à réaliser.
Le Gouvernement ne peut donc être que défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 22 bis est supprimé.

Article additionnel après l'article 22 bis