Séance du 6 octobre 1999







M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 10, à l'amendement n° 70.
Par amendement n° 70, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de l'article 10, de remplacer les mots : « l'énergie électrique » par les mots : « l'électricité ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 71, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 10, après le mot : « puissance », d'insérer le mot : « installée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement rédactionnel.
Monsieur le président, afin de tenir compte de la modification introduite à l'amendement n° 53, sur la suggestion de M. Bohl, je rectifie cet amendement, en remplaçant le mot « installée » par le mot « nominale ».
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 71 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 72, M. Révol, au nom de la commission, propose, au début du troisième alinéa (2°) de l'article 10, de remplacer les mots : « Dans la limite d'une puissance de 12 mégawatts par installation, les installations » par les mots : « Les installations dont la puissance installée n'excède pas 12 mégawatts ».
Par amendement n° 271, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans la première phrase du troisième alinéa (2°) de l'article 10, de remplacer le chiffre : « 12 » par le chiffre : « 20 ».
Par amendement n° 325, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du troisième alinéa (2°) de l'article 10, de remplacer le nombre : « 12 » par le nombre : « 8 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 72.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, dans lequel je remplace à nouveau le mot « installée » par le mot « nominale ».
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 72 rectifié.
La parole est à M. Lefebvre, pour défendre l'amendement n° 325.
M. Pierre Lefebvre. Le groupe communiste républicain et citoyen juge positivement l'idée de fixer dans la loi un seuil plafond au-delà duquel EDF n'est plus tenue de conclure un contrat d'achat avec des producteurs qui utilisent certaines techniques d'exploitation à partir d'énergies renouvelables, des déchets ou de la cogénération.
Voilà qui infirme ce que M. Poniatowski nous reprochait tout à l'heure !
M. Ladislas Poniatowski. Exact !
M. Pierre Lefebvre. La pratique actuelle - ce point a déjà été évoqué à l'article 5 - consiste à subventionner par les deniers publics, via EDF, un certain nombre de petits producteurs privés qui s'avèrent, par ailleurs, suffisamment rentables.
Le seuil actuellement en vigueur est fixé à 8 mégawatts. Il correspond en réalité, dans la loi de 1946, à la puissance minimale déclenchant la nationalisation des installations concernées.
Chacun le sait, certains cogénérateurs produisent aujourd'hui un volume d'électricité qui peut atteindre 50 mégawatts et plus, ce qui représente, par conséquent, un non-respect de la loi de nationalisation du 8 avril 1946 et conduit à un véritable détournement de l'argent public dans la mesure où EDF achète au prix fort cette électricité.
Certes, le seuil de 12 mégawatts peut apparaître comme un progrès par rapport au rachat d'électricité produite par la cogénération, mais encore faut-il que les contrats en cours puissent être dénoncés par EDF. Or tel ne sera pas le cas si l'article 10 reste en l'état. Un autre amendement de notre groupe me permettra de revenir sur cet aspect.
En revanche, s'agissant des autres techniques, l'augmentation de 50 % de la limite en deçà de laquelle s'applique l'obligation d'achat ne se justifie pas sur le plan économique et financier.
On sait le coût que représente pour EDF l'obligation de conclure ce type de contrat : de l'ordre de 4 milliards à 5 milliards de francs chaque année. Un relèvement du seuil de 8 mégawatts pratiqué actuellement entraînerait un doublement de cette charge, voire davantage.
Par ailleurs, il serait plus aisé, pour un grand groupe privé, de multiplier des installations de 12 mégawatts pour bénéficier de l'obligation d'achat et, ainsi, amortir plus rapidement ces investissements.
EDF deviendrait, en quelque sorte, la « mère nourricière » - même si ce n'est pas le terme exact employé tout à l'heure - de ses futurs concurrents, qui seront redoutables dans les années à venir pour le secteur public.
Nous proposons donc d'en revenir au seuil de 8 mégawatts afin de ne pas accélérer la libéralisation du secteur et de ne pas surcharger l'entreprise nationale EDF, et nous voterons contre les amendements n°s 72 et 271, je profite de cette occasion pour le dire.
M. le président. La parole est à M. Valade, pour défendre l'amendement n° 271.
M. Jacques Valade. Je défendrai ici une thèse inverse de celle que vient d'exposer M. Lefebvre : je souhaite pour ma part que le seuil des 12 mégawatts soit porté à 20 mégawatts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 271 et 325 ?
M. Henri Revol, rapporteur. Conformément à ce qu'elle a déjà indiqué, la commission est défavorable à l'amendement n° 325, qui tend à abaisser le seuil de l'obligation d'achat pour la cogénération. Nous avons jusqu'à présent adopté une position contraire.
Elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 271, sous réserve de l'avis du Gouvernement sur les conséquences techniques de cet amendement...
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement propose de s'en tenir aux chiffres, et donc au plafond retenus par l'Assemblée nationale.
Par conséquent, il est favorable à l'amendement n° 72 rectifié, qui est rédactionnel.
En revanche, il est défavorable aux amendements n°s 271 et 325 pour des raisons symétriques. Je me place, une fois de plus, au barycentre des préoccupations des uns et des autres !
M. Jacques Valade. Centriste !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Centriste« baryssant » ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est l'avis définitif de la commission sur l'amendement n° 271 ?
M. Henri Revol, rapporteur. Les précisions de M. le secrétaire d'Etat n'étant pas satisfaisantes à mes yeux, je donne donc un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je me permets de vous faire remarquer que si votre amendement n° 72 rectifié était adopté, l'amendement n° 271 deviendrait sans objet. Il vous faut donc soit retirer votre amendement, soit le rectifier.
M. Henri Revol, rapporteur. Je le rectifie, pour porter la limite de 12 mégawatts à 20 mégawatts, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 72 rectifié bis, présenté par M. Revol, au nom de la commission, et tendant, au début du troisième alinéa (2°) de l'article 10, à remplacer les mots : « Dans la limite d'une puissance de 12 mégawatts par installation, les installations » par les mots : « Les installations dont la puissance nominale n'excède par 20 mégawatts ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 72 rectifié bis ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Par simple logique, j'y suis défavorable.
M. le président. Monsieur Valade, l'amendement n° 271 est-il maintenu ?
M. Jacques Valade. Puisque la commission rectifie son amendement en retenant le chiffre que j'ai proposé, je retire, bien sûr, mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 271 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 72 rectifié bis.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Puisque M. le secrétaire d'Etat a été qualifié de « barycentriste », je fais remarquer à la Haute Assemblée que la vraie position centriste eût été d'additionner les deux nombres 20 et 8, de les diviser par deux et de trouver un accord sur 14 ! Mais cela ne ferait en rien progresser nos travaux.
La proposition du Gouvernement d'en rester au compromis trouvé par l'Assemblée nationale me paraît être la bonne.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 325 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 272, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, après le mot : « cogénération », de supprimer la fin de la première phrase du troisième alinéa (2°) de l'article 10.
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Il convient d'assurer des perspectives de développement pour l'électricité produite à partir d'installations qui utilisent, notamment, des techniques performantes en termes d'efficacité énergétique comme la cogénération.
Mais, en l'absence d'un marché ouvert de la production, il n'est pas possible, actuellement, de définir les conditions économiques « raisonnables » d'exploitation de ces installations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Sagesse favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je ne vois pas de sens à la suppression des termes « lorsque ces installations ne peuvent trouver des clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables ».
M. Jacques Valade. Que signifie l'expression : « des conditions économiques raisonnables » ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Par conditions économiques raisonnables, on entend des conditions économiques qui ne sont pas calées sur une rentabilité économique maximale mais qui demeurent acceptables. C'est une affaire d'appréciation.
En effet, aucune définition rigoureuse ne peut s'imposer, mais on voit bien dans quelle limite peut être imposée l'obligation d'achat aux installations qui utilisent des énergies renouvelables ou mettent en oeuvre des techniques comme la cogénération. De manière intuitive, on peut déterminer ce qui est raisonnable par rapport à ce qui peut être excessif. (M. Valade fait une moue dubitative).
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 272, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 73, M. Revol, au nom de la commission, propose dans la deuxième phrase du troisième alinéa (2°) de l'article 10, après le mot : « puissance », d'insérer le mot : « installée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, que je souhaite également rectifier, en remplaçant le mot « installée » par le mot « nominale ».
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 73 rectifié.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 409, M. Hérisson et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de rédiger comme suit le quatrième alinéa de l'article 10 :
« La commission de régulation de l'électricité fixe les conditions d'achat de l'énergie ainsi produite. »
Par amendement n° 74, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le quatrième alinéa de l'article 10, après les mots : « les conditions d'achat de », de remplacer les mots : « l'énergie » par les mots : « l'électricité ».
La parole est à M. Louis Mercier, pour présenter l'amendement n° 409.
M. Louis Mercier. Les auteurs de cet amendement estiment que la commission de régulation de l'électricité, arbitre du marché, est l'instance la mieux à même de fixer les tarifs de rachat avec l'objectivité nécessaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 74 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 409.
M. Henri Revol, rapporteur. L'amendement n° 74 est de nature rédactionnelle.
En ce qui concerne l'amendement n° 409, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 409, ainsi que sur l'amendement n° 74 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est en profond désaccord avec les auteurs de l'amendement n° 409, car il pense que l'obligation d'achat relève de la compétence exclusive du Gouvernement, exercée sous le contrôle du Parlement, et non de celle de la commission de régulation de l'électricité.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 74.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 409 ?
M. Henri Revol, rapporteur. On voit mal, en effet, comment, dans un tel cadre contractuel, la commission de régulation pourrait elle-même fixer les conditions d'achat de l'énergie.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Louis Mercier, compte tenu des avis défavorables de la commission et du Gouvernement, maintenez-vous votre amendement ?
M. Louis Mercier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 409 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 326, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer, au début du cinquième alinéa de l'article 10, les mots : « Sous réserve du maintien des contrats en cours et des dispositions de l'article 48, ».
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Cet alinéa reprend de façon édulcorée une disposition du décret du 20 mai 1955 abrogé par l'article 51 du présent texte selon laquelle le ministre de l'énergie peut suspendre un contrat d'achat liant EDF dans la mesure où les capacités énergétiques existantes s'avèrent suffisantes eu égard aux objectifs fixés.
L'article 10 prévoit cependant une exception s'agissant des contrats conclus avant la promulgation de la présente loi.
Des conditions de concurrence loyales obligent pourtant à traiter de la même façon les producteurs qui bénéficient de l'obligation d'achat, quelle que soit la date à laquelle le contrat a été passé.
J'ai déjà indiqué le traitement de faveur dont bénéficient notamment les opérateurs. Non seulement ils pourront continuer à vendre leur électricité à un bon prix à EDF, bien que leurs puissances installées soient supérieures à douze mégawatts. De surcroît, ils restent intouchables malgré les difficultés qu'ils posent à EDF, accusée, par ailleurs, de surcapacité nucléaire.
Ce type d'installations se retrouve en quelque sorte au-dessus du jeu, au détriment de l'opérateur public contraint de limiter ses capacités, voire d'arrêter de faire fonctionner ses centrales, mais elles rendent, en outre, difficile la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements.
Nous proposons donc de placer les producteurs sur un pied d'égalité et ainsi de desserrer l'étau dans lequel on enferme EDF.
Cette exception, réservée aux contrats en cours, serait encore plus injuste si la possibilité donnée à EDF de dénoncer elle-même ces contrats venait à être supprimée, comme le propose la commission des affaires économiques à l'article 48.
Il faut, au minimum, que le ministre puisse suspendre tout ou partie de l'obligation d'achat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission, qui fera elle-même des propositions sur ce sujet à l'article 48, émet un avis défavorable sur cet amendement, car les contrats en cours doivent être honorés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. On peut suspendre le dispositif mais non les contrats conclus avant l'adoption de la loi. Je suis donc défavorable à cet amendement pour des raisons de sécurité juridique.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 326, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 273, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le cinquième alinéa de l'article 10, après les mots : « suspendue par décret », d'insérer les mots : « après avis de la commission de régulation de l'électricité, ».
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. La suspension d'obligation d'achat est une mesure dont l'impact sur le développement de l'activité des opérateurs concernés et, par là même, sur l'ouverture du marché requiert une consultation préalable de la commission de régulation de l'électricité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 273, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 410, M. Hérisson et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de compléter le cinquième alinéa de l'article 10 par la phrase suivante : « Cette suspension ne peut intervenir qu'après un préavis d'un an. »
La parole est à M. Louis Mercier.
M. Louis Mercier. Par cet amendement, il est proposé d'instituer un préavis d'un an à la décision partielle ou totale de suspension de l'obligation pour EDF de conclure un contrat d'achat d'électricité, obligation prévue par le présent projet de loi dans le cas d'installations de production qui utilisent des énergies renouvelables ou des déchets. Les producteurs concernés disposeraient ainsi d'un délai suffisant pour planifier leur production.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Avis défavorable nuancé.
En effet, faire précéder la suspension de l'obligation d'achat d'un préavis d'un an risquerait d'entraîner un emballement du mécanisme de l'obligation d'achat pendant le préavis.
Les producteurs potentiels, dans ce cas, se hâteraient de déposer des demandes dès que l'annonce serait faite.
L'amendement risque donc d'avoir l'effet inverse de celui qui est recherché, qui est d'orienter le développement du parc de production nationale dans le cadre des objectifs de la politique énergétique.
L'emballement que j'évoque serait également malsain pour le service public de l'électricité, dont l'obligation d'achat est une des composantes.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 410, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 75, M. Revol, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article 10 :
« Les conditions d'achat sont fondées sur les coûts d'investissement et d'exploitation évités par Electricité de France. Elles font l'objet d'une révision périodique afin de tenir compte de l'évolution des coûts évités et des conditions de marché. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 216 rectifié bis, présenté par MM. Bohl, Dulait, Bécot, Arnaud, Hérisson, Cornu et César, et tendant à compléter la première phrase du texte présenté par cet amendement pour le dernier alinéa de l'article 10 par les mots : « ou, le cas échéant, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, concernés ».
Par amendement n° 240 rectifié, MM. Braye, César et Cornu proposent, au début de la première phrase du dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « Les contrats d'achat conclus par Electricité de France », d'insérer les mots : « et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, ».
Par amendement n° 329, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « les dépenses d'investissement et d'exploitation », d'insérer les mots : « de production ».
Par amendement n° 241 rectifié, MM. Braye, César et Cornu proposent de compléter in fine la première phrase du dernier alinéa de l'article 10 par les mots : « et les distributeurs non nationalisés précités ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 75.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Bohl, pour défendre le sous-amendement n° 216 rectifié bis .
M. André Bohl. Il s'agit d'une coordination rendue nécessaire par l'extension de l'obligation d'achat aux distributeurs non nationalisés.
M. le président. L'amendement n° 240 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Lefebvre, pour défendre l'amendement n° 329.
M. Pierre Lefebvre. C'est un amendement de concordance avec ce que nous avons proposé à l'article 5.
M. le président. L'amendement n° 241 rectifié est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 216 rectifié bis et sur l'amendement n° 329 ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 216 rectifié bis et défavorable à l'amendement n° 329, qui est contraire à son amendement n° 75.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 75, sur le sous-amendement n° 216 rectifié bis et sur l'amendement n° 329 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 75 apporte une très utile précision rédactionnelle. Le Gouvernement y est donc favorable, de même qu'au sous-amendement n° 216 rectifié bis .
J'inviterai M. Lefebvre à bien vouloir admettre que l'amendement n° 329 est satisfait par ce que j'ai annoncé tout à l'heure concernant la mission confiée à M. Syrota.
M. le président. Monsieur Lefebvre, l'amendement n° 329 est-il maintenu ?
M. Pierre Lefebvre. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 329 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 216 rectifié bis , accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 75, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 327, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 10 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les surcoûts qui résultent de l'obligation d'achat sont supportés par le fonds du service public de la production d'électricité selon les modalités fixées au I de l'article 5. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement tend à préciser que les surcoûts résultant de tous les contrats d'achat - c'est-à-dire les contrats en cours avant promulgation du présent texte et les contrats à venir - seront pris en charge intégralement par le fonds du service public créé à l'article 5.
Cela répond au même souci d'égalité des conditions de concurrence entre producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat.
A défaut, deux producteurs exploitant des installations de puissance équivalente se verraient traités de façon différente selon la date de la conclusion des contrats d'achat.
J'observe que la commission des affaires économiques présente une mesure similaire dans un amendement de réécriture de l'article 48. Cet amendement lève cependant le droit pour EDF de remettre en cause ce type de contrat, ce qui ne peut nous satisfaire.
Cette règle du « donnant-donnant », selon laquelle EDF accepte de racheter l'électricité de producteurs intéressés en contrepartie d'une compensation intégrale, ne contribue que très partiellement à alléger les charges qui pèsent sur l'opérateur national, mais surtout elle ne résout absolument pas la question de la surcapacité de production d'EDF elle-même.
La version proposée par la commission, et sur laquelle nous reviendrons, ne peut donc nous convenir, pas plus que le texte dans sa rédaction actuelle.
Nous maintenons, quant à nous, notre position d'assouplissement - à défaut de suppression - des conditions de l'obligation d'achat concernant les contrats en cours et, dans le même temps, de prise en charge intégrale des surcoûts liés aux contrats d'achat passés et futurs.
Il est en effet indispensable de distinguer, dans cette affaire, le problème du financement et la question, trop souvent éludée, du potentiel de production propre à EDF. L'obligation d'achat, j'y insiste, prive EDF d'une partie des moyens de son développement et, donc, selon nous, la pénalise face à ses concurrents.
Il faut, par conséquent, séparer ces deux aspects et non établir un savant compromis qui, à tous points de vue, désavantage EDF.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'objectif visé par les auteurs de l'amendement me semble satisfait du fait de l'adoption de l'article 5. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 327, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 328, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 10 par un alinéa ainsi rédigé :
« D'autre part, pour contribuer à la sécurité d'approvisionnement, et jusqu'à concurrence de 15 % de l'énergie primaire consommée en France pour son alimentation en électricité, les producteurs d'électricité, à partir du charbon français, peuvent bénéficier, à leur demande, d'un contrat d'achat par Electricité de France, sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le Gouvernement a fait le choix de transposer la directive « électricité » en exploitant au maximum les marges de manoeuvre laissées aux Etats membres.

Il nous a semblé que certains aspects du projet de loi que nous discutons actuellement allaient au-delà des exigences imposées par la directive.
Une fois n'est pas coutume, je serais tenté de regretter que le texte n'ait pas repris à son compte une disposition figurant à l'article 8 de ladite, qui précise qu'« un Etat membre peut, pour des raisons de sécurité d'approvisionnement, ordonner que les installations de production utilisant des sources combustibles indigènes d'énergie primaire soient appelées en priorité, dans une proportion n'excédant pas, au cours d'une année civile, 15 % de la quantité totale d'énergie primaire nécessaire pour produire l'électricité consommée dans l'Etat membre concerné ».
Dans une récente interview donnée à La Voix du Nord , le président d'EDF reconnaissait que la filière charbonnière ne devait pas être abandonnée, pour la simple raison qu'EDF est et sera amenée à exploiter des entreprises minières étrangères. Ainsi, une politique minière française se doit de développer les techniques nouvelles permettant de valoriser la production de charbon nationale dans le cadre d'une coopération entre EDF et Charbonnages de France.
Le président Roussely rappelait notamment combien il peut être utile d'approfondir les techniques du « lit fluidisé circulant », ou LFC, qui présentent l'avantage de ne provoquer qu'un dégagement limité de soufre et de poussières.
Avec ses 250 mégawatts, la chaudière utilisant depuis 1996 le LFC à la centrale de Provence, à Gardanne, se révèle être la plus puissante du monde. Elle élimine 95 % des rejets de dioxyde de soufre et 60 % des émissions de dioxyde d'azote.
Cela montre que notre pays, s'il veut s'en donner les moyens, peut offrir un nouveau souffle à la production charbonnière : cela nous permettrait de rééquilibrer notre balance commerciale dans ce secteur, largement déficitaire aujourd'hui.
Je souligne que les aides actuellement consacrées à l'activité minière sont presque totalement orientées vers l'entretien des sites fermés ou les dépenses sociales, très peu étant consacré au soutien direct à la production.
Aussi l'argument selon lequel cette production ne serait plus compétitive et serait trop coûteuse pour la nation mérite-t-il d'être relativisé, d'autant que d'autres pays en Europe ont fait le choix de maintenir une production charbonnière forte.
A la lumière de ces arguments, j'invite le Sénat à adopter cet amendement, qui permettrait à EDF de ne pas se désengager d'une activité essentielle à sa réussite sur les marchés extérieurs dans les décennies à venir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Lorsque la commission d'enquête sur la politique de l'énergie a auditionné le président de Charbonnages de France, nous nous sommes malheureusement rendu compte du surcoût très important que susciterait cette proposition. Ce surcoût de l'aide au charbon serait inévitablement répercuté sur les consommateurs d'électricité, car on irait, par ce biais, vers une augmentation du prix de l'électricité.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je ne peux évidemment être insensible à la question du coût de production de l'énergie électrique, et les comparaisons périodiquement faites entre les coûts de référence de production de l'électricité m'empêchent d'approuver cet amendement, dont je comprends toutefois le sens et la portée.
M. Fischer et ses collègues veulent favoriser la production nationale d'électricité, et ils ont raison. Mais force est de reconnaître que, aujourd'hui, cela ne peut se faire qu'à travers le développement des énergies renouvelables, ce que le Gouvernement, dans le cadre d'une politique énergétique équilibrée, cherche à encourager au maximum.
Au surplus, le privilège accordé par l'amendement au charbon national ne me paraît pas conforme aux règles du traité sur la Communauté européenne du charbon et de l'acier.
M. Emmanuel Hamel. Libérons-nous de ces traités malfaisants !
M. Guy Fischer. C'est bien vrai, monsieur Hamel !
M. le président. Souhaitez-vous expliquer votre vote, monsieur Hamel ?
M. Emmanuel Hamel. Je suis trop triste devant ce déclin, monsieur le président. (Sourires.) M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 328, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Par amendement n° 330, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 10 par un alinéa ainsi rédigé :
« L'observatoire national du service public de l'électricité est tenu informé des installations bénéficiant de ces contrats d'achat, de leur objet ainsi que des prix d'achat pratiqués. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Je le répète, l'obligation d'achat telle qu'elle se pratique aujourd'hui constitue, à nos yeux, une véritable « spoliation » de la plus-value dégagée par EDF notamment grâce aux compétences de son personnel.
Ainsi, une part du bénéfice réalisé par EDF - qui pourrait être réinvesti, en particulier, dans le développement et le renouvellement des réseaux ou en faveur de la cohésion sociale - est, à notre sens, détourné de son objet au profit de grands groupes multinationaux, au demeurant à base française.
Se posent, d'une part, le problème de l'utilité économique, énergétique et financière qu'il y a à racheter l'électricité produite par certains producteurs privés et, d'autre part, celui, tout aussi prégnant, du montant auquel EDF achète cette électricité produite par d'autres, montrant qu'il faut mettre en regard des coûts dont EDF s'est ainsi dispensée.
Parce que ces pratiques sont contestables, et contestées, le moins que l'on puisse exiger, c'est un minimum de transparence dans la validation des contrats d'achat et des prix pratiqués.
L'observatoire national aurait la possibilité d'être tenu informé des installations concernées qui bénéficient de fonds publics - via EDF, opérateur public à 100 % - et des conditions de rachat de l'électricité.
A défaut de pouvoir éviter les abus du passé, nous devons exiger que les salariés et les usagers, qui participent, de fait, au financement de ces petites installations, disposent d'un droit de regard sur les pratiques de rachat.
Chacun sait que ces installations sont souvent implantées dans de grands ensembles, notamment dans les zones d'urbanisation prioritaire. Ce sont donc les populations les plus déshéritées qui contribuent indirectement au dégagement de ces profits.
A l'Etat de prendre ses responsabilités en suspendant, si nécessaire, le contrat d'achat.
Cet amendement a d'autant plus d'importance que les pratiques concurrentielles auront tendance à « brouiller » les conditions de rentabilité économique d'une certaine catégorie d'installations dont les investissements seront plus longs à amortir.
A tout le moins, la transparence dissuaderait les grands groupes souhaitant multiplier les petites installations de détourner l'obligation d'achat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Défavorable, car il y aurait alors alourdissement de la procédure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement considère que c'est un bon amendement !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 330, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11