Séance du 24 juin 1999







M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry et concerne la loi portant sur la réduction du temps de travail à 35 heures.
Il faut bien le reconnaître, madame le ministre, le bilan de l'application de cette première loi est un échec. Nous avons en effet constaté que cette loi, pourtant emblématique des engagements hasardeux du Gouvernement, non seulement n'est pas autofinancée, mais constitue, malgré les obligations d'embauche ordonnées au secteur public, un échec dans la lutte contre le chômage et la fin des espoirs pour beaucoup de demandeurs d'emploi,...
M. René-Pierre Signé. Mensonges !
M. Philippe Arnaud. ... sans parler de ses conséquences extrêmement lourdes pour les finances publiques et la compétitivité de nos entreprises.
D'ores et déjà, il apparaît que l'objectif des 400 000 emplois créés était trop optimiste. Quant au coût de la réforme, il atteindrait aujourd'hui 45 milliards de francs, au lieu des 35 milliards annoncés.
Nous observons que le Gouvernement a l'intention, pour compenser une partie importante du surcoût de l'application des 35 heures et de l'augmentation du SMIC, de créer deux nouveaux impôts pesant sur les entreprises : une taxe générale sur les activités polluantes, dite écotaxe, et une nouvelle cotisation sur les bénéfices des grandes entreprises - celle-ci annulera de fait une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pourtant promise pour l'an 2000 - ainsi qu'une contribution de l'UNEDIC et de la sécurité sociale.
Au total, dans un contexte de détérioration budgétaire, nous remarquons que ces décisions vont encore relever le niveau des prélèvements obligatoires.
Par ailleurs - et cela me paraît important - pourquoi une taxe sur les activités polluantes devrait-elle servir à financer la loi sur la réduction du temps de travail, alors qu'elle ne devrait avoir qu'un objet écologique : financer les opérations de tri des déchets, de traitement ou de recyclage, d'assainissement de l'air et de l'eau ?
Il s'agit là d'un détournement de fonds publics de la part d'un gouvernement... (Protestations sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. C'est excessif !
M. Philippe Arnaud ... qui puise déjà - et cela semble devenir une habitude - sur les excédents de la branche famille pour tenter de réduire le déficit de l'assurance maladie, supprimant ainsi un certain nombre d'acquis aux familles de notre pays. (Marques d'assentiment sur les travées du RPR.)
Dans ce climat social détérioré, avez-vous l'intention, madame le ministre, de tirer les conséquences de l'échec de l'application de la première loi sur les 35 heures et quel mode de financement allez-vous encore inventer alors que cette première loi se révèle déjà être un gouffre financier, sans effets significatifs pourtant ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je pense vraiment que le bilan de la réduction du temps travail mérite un peu plus de rigueur, en tout cas un peu moins d'excès, que la caricature que nous venons d'entendre. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Tout d'abord, je rappelle que nous avions annoncé la création de 40 000 emplois cette année. Le Sénat s'en était d'ailleurs ému, pensant que cet objectif était irréalisable. Or, à peine six mois après le début de l'année, nous sommes déjà à 73 000 emplois créés ou préservés.
M. Jean Chérioux. Préservés !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le quart préservé et les trois quarts créés !
Cela représente la moitié de la baisse du chômage de l'année dernière, la moitié de la plus forte baisse que l'on ait enregistré. Voilà qui mérite que l'on fasse preuve d'un peu de mesure.
S'agissant du coût, monsieur le sénateur, je rappelle que la ristourne dégressive mise en place par M. Juppé représente 1 million de francs par emploi, alors qu'en l'occurrence il s'agit de 50 000 à 70 000 francs. Par conséquent, là aussi, comparons ce qui doit l'être !
Nous croyons en cette réduction du temps de travail négociée, qui ne porte pas atteinte à la compétitivité des entreprises...
M. Henri de Richemont. Négociée ? C'est nouveau !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous l'avons toujours dit, et combien de fois ici ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Nous croyons, disais-je, en une réduction du temps de travail qui entraîne, par la négociation, une amélioration des conditions de vie des salariés, de la compétitivité des entreprises et de l'emploi.
En ce qui concerne la réforme des charges sociales, qui est un problème connexe, même si nous souhaitons que la contrepartie de cette baisse des charges soit la réduction de la durée du travail, je voudrais vous rappeler, monsieur le sénateur, que cette écotaxe dont vous parlez va être très rapidement généralisée au plan européen. Elle existe déjà en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie. (Nouvelles exclamations sur les travées du RPR.)
Nous avons choisi, comme M. Tony Blair, d'affecter le produit de cette taxe à la réduction des charges sociales, c'est-à-dire de redistribuer des prélèvements sur les entreprises aux entreprises, alors que d'autres pays ont décidé de l'inscrire au budget de l'Etat pour d'autres affectations.
Vous devriez louer le fait que la réforme que nous sommes en train de mettre en place se fait à prélèvement global constant pour les entreprises, et non à prélèvement complémentaire.
S'agissant des remarques à propos de la politique familiale, elles sont excessives, surtout quand on sait que nous avons hérité d'une sécurité sociale avec 10 milliards de francs de déficit sur la branche famille et que l'excédent sera de 2 milliards de francs cette année !
M. Dominique Braye. Tout est rose !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces chiffres, à eux seuls, répondent à votre question. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS