Séance du 17 juin 1999







M. le président. « Art. 16. - L'article 145-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 145-1 . - En matière correctionnelle, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun, soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et lorsqu'elle encourt une peine inférieure ou à égale à cinq ans.
« Dans les autres cas, à titre exceptionnel, et sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge de la détention provisoire peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder quatre mois par une ordonnance motivée rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, la durée totale de la détention provisoire ne pouvant excéder un an sauf si la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement. La durée de un an est portée à deux ans lorsque le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire internationale. »
Sur cet article, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 102, M. Hyest propose de rédiger ainsi le texte présenté par l'article 16 pour l'article 145-1 du code de procédure pénale :
« Art. 145-1. - En matière correctionnelle, la détention ne peut être ordonnée que pour une durée de quatre mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an.
« A l'expiration de ce délai, si la peine encourue excède cinq années d'emprisonnement, le juge d'instruction peut la prolonger pour une nouvelle durée de quatre mois par une ordonnance motivée comme il est dit au premier alinéa de l'article 145.
« A titre exceptionnel, si la peine encourue est égale ou supérieure à dix ans, le juge d'instruction peut, à l'expiration de ce nouveau délai, décider de prolonger la détention pour une nouvelle durée de quatre mois par une ordonnance motivée. Celle-ci est rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. »
Par amendement n° 217, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 16 :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 141-2 du même code, après les mots : "quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement encourue", sont insérés les mots : "et sous réserve des dispositions de l'article 145-1,". »
« II. - L'article 145-1 du même code est ainsi modifié :
« A. - Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si, dans une affaire, la personne fait l'objet de plusieurs ordonnances de placement en détention provisoire, la durée cumulée des détentions ne peut excéder six mois. »
« B. - Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si, dans une même affaire, la personne fait l'objet de plusieurs ordonnances de placement en détention provisoire, la durée cumulée des détentions ne peut excéder un an lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement ou deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à dix ans d'emprisonnement. »
Par amendement n° 33, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le second alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article 145-1 du code de procédure pénale :
« Dans les autres cas, à titre exceptionnel, et sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le magistrat mentionné à l'article 137-1 peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder quatre mois par une ordonnance motivée rendue conformément aux dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, la durée totale de la détention provisoire ne pouvant excéder un an sauf si la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement. »
Par amendement n° 218, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après les mots : « sauf si la personne est poursuivie », de supprimer la fin de la deuxième phrase du second alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article 145-1 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 102.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous examinons maintenant le délai maximum de détention.
Cet amendement vise, en matière correctionnelle, à déterminer un délai maximum de détention, à simplifier les différents régimes, à réduire le nombre des détentions et leur durée et à améliorer la rédaction de la loi. En effet, réduire de façon radicale la durée des détentions est le seul moyen de diminuer substantiellement la détention provisoire.
Nous l'avons dit et répété, le scandale réside certes dans la mise en détention abusive, mais aussi et surtout dans la durée de la détention. Je propose donc des seuils en fonction de la gravité des délits avec des possibilités de prolongation de la détention.
On a déjà réalisé des progrès récemment, mais je crois que l'on peut aller plus loin sans nuire à l'efficacité de l'instruction, d'autant que le juge d'instruction va être libéré de la tâche très lourde de mettre en détention.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 217.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vais défendre cet amendement n° 217 dans son esprit plus que dans sa forme, puisqu'il vise à modifier l'article 145-1 du code de procédure pénale actuel alors qu'il devrait porter sur le texte transmis par l'Assemblée nationale.
Il tend à faire figurer une proposition de loi que nous avions eu l'honneur de présenter et de faire adopter lors de la séance mensuelle réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par le Sénat.
En cas de révocation du contrôle judiciaire, la durée de détention totale ne peut pas être supérieure à la durée maximale de la détention provisoire prévue par la peine encourue pour le délit principal. Le texte du Gouvernement vise, lui, à permettre, dans ce cas, une prolongation de quatre mois. Nous proposions, quant à nous, qu'il n'y ait pas de telle prolongation. Nous avions en effet expliqué, et le Sénat avait bien voulu nous suivre sur ce point, que, si l'on voulait avoir la possibilité de remettre l'intéressé en prison, il y avait intérêt à le remettre en liberté le plus tôt possible de manière que le juge d'instruction hier, de la détention demain, dispose d'une petite marge.
Il est tout à fait anormal que celui qui a fait déjà beaucoup de préventive en fasse plus parce qu'il aura violé le contrôle judiciaire que s'il n'avait pas été mis sous contrôle judiciaire. C'est le sens de cet amendement sur lequel j'aimerais entendre les explications et de la commission, si elle le veut bien, et du Gouvernement, dont j'imagine, puisqu'il a modifié le dispositif que le Sénat a voté, qu'elles sont défavorables. Quitte à être rédigé autrement, cet amendement pourrait être examiné en deuxième lecture.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 33.
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission des lois propose de supprimer la référence à la délivrance d'une commission rogatoire internationale comme critère d'augmentation de la durée de la détention provisoire.
Il suffirait de délivrer la commission rogatoire pour maintenir en détention. Je n'imagine pas qu'un juge fasse un acte de ce type avec une idée de malveillance mais s'il pense qu'il a encore besoin de quelques mois, il peut lancer sa commission rogatoire dans l'idée d'être utile à la société.
Je rappelle que tout notre système repose sur la possibilité d'aménager des soupapes permettant de prolonger la détention provisoire dans certains cas particuliers.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 218.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, comme d'ailleurs dans l'amendement n° 33 de la commission, des cas sont prévus où la détention provisoire est illimitée. Ce sont des cas graves, je l'admets, mais même alors, qu'il s'agisse d'un délit, voire d'un crime, le prévenu peut être innocent. Il a tout de même le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, ce qui ne résulte pas de la rédaction du projet de loi.
C'est pourquoi nous proposons par notre amendement de supprimer la fin de l'article 16, qui, je le répète, peut rendre, dans certains cas, la détention provisoire illimitée, ce qui n'est pas admissible. Un homme a le droit de savoir à quoi il sera condamné. On ne doit pas le faire attendre. Sans en être encore bien évidemment parvenus aux délais des Etats-Unis, nous sommes tout de même sur cette pente et il ne faut pas s'y laisser aller.
Nous sommes certes d'accord avec la commission pour ne pas permettre au juge d'instruction de délivrer une commission rogatoire internationale lorsqu'il arrive au bout du délai, ne fût-ce que, parce que de bonne foi, il ne l'aurait pas fait plus tôt.
Tout le monde sait que l'on peut attendre que les commissions rogatoires internationales reviennent et, dans bien des cas, elles ne reviennent jamais.
Mais si nous sommes d'accord sur ce point, je le répète, il n'en est pas de même sur le point précédent. C'est pourquoi nous préférons notre amendement n° 218 à celui de la commission, qui a fait pourtant un effort méritoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 102, 217 et 218 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La proposition figurant à l'amendement n° 33 nous paraît évidemment la meilleure. Surtout, nous avons pensé, au terme d'un très long débat, qu'il fallait, dans certains cas, s'opposer aux levées d'écrou automatiques. En fait, on finirait par libérer quelqu'un, même dans des cas extrêmement graves, parce qu'on serait arrivé au bout de la durée maximale prévue.
Evidemment, c'est une option, et c'est celle que nous avons prise. Il me semble d'ailleurs qu'il en était ainsi dans le passé, et qu'il est normal qu'il en soit ainsi.
Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 218 de M. Dreyfus-Schmidt, qui est contraire à la position de la commission sur ce point important.
J'ai d'ailleurs été sensible, mon cher collègue, au fait que vous approuviez la suppression des commissions rogatoires internationales, tant il est vrai qu'en certains pays on peut envoyer autant de commissions rogatoires internationales que l'on veut sans jamais les voir revenir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand elles partent !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 102, 217, 33 et 218 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable à l'amendement n° 33, qui vise à supprimer l'hypothèse de la commission rogatoire internationale pour porter de un à deux ans la durée maximale de la détention provisoire, et ce en matière correctionnelle pour les délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement.
En effet, cette hypothèse correspond à une réalité de plus en plus fréquente, compte tenu du caractère international de la délinquance.
Je ferai observer que le Sénat ne peut pas à la fois adopter dans la loi renforçant l'efficacité de la procédure pénale - votée la semaine dernière, vous le savez - des dispositions qui favorisent l'entraide judiciaire internationale et, en même temps, dans ce projet-ci, rendre plus difficile l'action des magistrats.
Certes, est prévue une sorte de soupape de sécurité permettant à la chambre d'accusation de prolonger elle-même la détention provisoire. Je trouve que c'est là un dispositif lourd et complexe, ce qui m'amène à vous recommander, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas adopter cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 102, je pense que les délais prévus par le projet sont préférables.
J'en viens à l'amendement n° 217 de M. Dreyfus-Schmidt.
Voilà un an, M. Dreyfus-Schmidt a fait adopter par le Sénat une proposition de loi concernant la question de la révocation du contrôle judiciaire. L'interprétation des textes actuels par les tribunaux permet, en effet, en théorie du moins, des détentions illimitées.
Le Gouvernement a tenu compte de cette proposition, qui répondait à un véritable problème, mais il a proposé une solution et une rédaction qui lui paraissent meilleures, car plus simples.
La solution adoptée voilà un an est reprise par cet amendement. Elle interdisait que le cumul des différentes détentions dépasse la durée maximale prévue par la loi.
La solution proposée par le Gouvernement revient au même, mais elle est plus simple en permettant, si la détention a été menée jusqu'à son terme et qu'un contrôle judiciaire prononcé ensuite n'a pas été respecté, une révocation de ce contrôle pour une durée de six mois, durée que la commission abaisse à quatre mois.
Cela revient au même, mais sans les inconvénients dus à la création d'une nouvelle infraction.
Je ne suis pas non plus favorable à l'amendement n° 218, pour les raisons que j'ai invoquées à l'encontre de l'amendement n° 33 de la commission.
M. le président. L'amendement 102 est-il maintenu, monsieur Hyest ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.
L'amendement n° 217 est-il maintenu, monsieur Dreyfus-Schmidt ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 217 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 218 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, ainsi modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article additionnel après l'article 16