Séance du 10 juin 1999







M. le président. Par amendement n° 2, M. Gouteyron, au nom de la commission des affaires culturelles, propose d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques réalisées à distance par voie électronique sont soumises aux dispositions de la présente loi. »
La parole est à M. Gouteyron, rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Dans mon intervention liminaire, j'avais annoncé cet amendement, qui me paraît avoir une certaine importance. En effet, il précise que les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques organisées sur Internet sont soumises aux dispositions de la présente loi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il répond à deux objectifs.
D'abord, il vise à protéger les sociétés de ventes d'une concurrence qui, de ce fait, ne serait pas équitable. Ensuite, il tend à permettre explicitement aux sociétés de ventes d'organiser des ventes aux enchères sur Internet, alors que certaines dispositions du projet de loi pouvaient laisser subsister une incertitude sur ce point.
Une telle disposition serait conforme, nous semble-t-il, aux règles européennes telles qu'elles résulteraient de la proposition de directive relative à certains aspects du commerce électronique. Celle-ci précise en effet que les services de la société de l'information doivent être soumis au régime juridique de l'Etat membre dans lequel le prestataire de services est établi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. Nous le savons bien, l'amendement ne réglera pas tous les problèmes. La compatibilité du texte avec le système de vente par Internet n'est pas totalement démontrée.
Toutefois, il nous paraît indispensable d'évoquer cette question. Aussi, la commission des lois souhaiterait entendre les explications de Mme le ministre avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques se caractérisent par trois éléments : l'ouverture au public, des enchères et la nature mobilière des biens vendus. Si l'un des éléments fait défaut, il ne s'agit plus de vente volontaire de meubles aux enchères publiques et la présente législation n'est pas applicable.
Le développement d'Internet aura des incidences sur les modalités d'organisation des enchères dans la mesure où celles-ci pourront être portées par ce canal. Toutefois ce procédé se distingue peu des enchères par téléphone qui est une pratique largement utilisée. Bien entendu, les enchères portées par le biais d'Internet doivent être entourées des mêmes précautions que les enchères par téléphone afin d'éviter les enchères fictives. En revanche, si une vente était organisée sur le seul réseau Internet, sans aucun lien avec le déroulement d'une vente dans une salle des ventes, il faudrait considérer qu'elle n'est pas ouverte à l'ensemble du public et qu'en conséquence les dispositions de la présente loi ne seraient pas applicables.
Dans l'avenir, la directive relative au commerce électronique, actuellement en cours de négociation à Bruxelles, permettra de fait de réglementer les contrats entièrement conclus en ligne, et donc les ventes réalisées par Internet. Mais ces ventes, comme je l'ai indiqué, ne peuvent être considérées comme des ventes publiques car elles seront réservées à ceux qui seront en ligne, c'est-à-dire aux internautes. Il s'agira de ventes purement commerciales, et non de ventes aux enchères publiques comme celles qui sont visées par le présent projet de loi.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. René-Georges Laurin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laurin.
M. René-Georges Laurin. Les auteurs de la solution électronique se bercent totalement d'illusions. Nombre de commissaires-priseurs, que je connais, placent dans Internet un espoir fou quant à la hausse du prix des objets. Je ne partage pas ce sentiment.
Les réserves que Mme le ministre vient d'émettre sont minimales. Il faut renvoyer l'ensemble de ce problème au projet de loi sur le commerce électronique. Lors de l'examen de celui-ci, il sera aisé d'adopter, si cela paraît utile, un amendement prévoyant que le dispositif s'applique aux ventes publiques. Personnellement, je suis contre l'amendement n° 2. Je ne souhaite pas que ce problème soit résolu aujourd'hui, alors qu'existent les pires difficultés et de très nombreuses surprises, notamment en ce qui concerne le paiement par les personnes qui achètent par le biais d'Internet, et pas seulement pour les ventes publiques.
Il est mauvais de continuer à répandre l'illusion que la voie électronique est un moyen pratique. Il faut attendre les résultats précis des enquêtes qui sont réalisées sur cette question, notamment aux Etats-Unis où le phénomène a pris une très grande ampleur. A mon avis, il convient d'être prudent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 2 ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. Je rappelle que cet amendement émane de la commission des affaires culturelles. Il est préférable d'attendre un texte qui réglera le problème, a dit M. Laurin. En attendant, que fait-on ? Je n'en sais rien.
Tout à l'heure, j'ai parlé de compatibilité. Je me demande si l'adoption de cet amendement ne serait pas de nature à gêner un développement anarchique de ces ventes par Internet. Certes, face à l'impossibilité d'agir, on sera bien forcé de sortir un texte. Mais, en attendant, l'adoption de cet amendement pourrait permettre d'éviter certaines dérives.
Sous le bénéfice de cette remarque pragmatique, sinon juridique, j'émets un avis favorable.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron, rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Je me réjouis de l'avis que vient d'émettre la commission saisie au fond. Je ferai remarquer à mon ami M. Laurin que, comme vient de le relever le rapporteur M. Dejoie, une partie de ses arguments se retourne contre la position qu'il a défendue.
Madame la ministre, je maintiens bien entendu cet amendement, ne serait-ce que pour poser le problème, qui est bien réel. On ne peut attendre. Ce sujet justifie une étude approfondie. Je vais tenter de répondre aux deux objections que vous avez présentées. Puisque l'occasion nous est donnée de débattre sur ce point, il faut la saisir, même si nous n'allons pas jusqu'au bout de la discussion.
Une vente aux enchères par Internet ne serait pas une vente publique, avez-vous dit, madame la ministre. Cela est tout de même difficile à admettre. En effet, si la participation à la vente n'est soumise à aucune condition, la vente, quel que soit le lieu, matériel ou non, où elle se déroule, doit être considérée comme publique. Une telle position présente un avantage dans la mesure où l'absence de distinction entre les ventes publiques par Internet et les ventes publiques traditionnelles permettrait d'appliquer de manière uniforme à ces deux types de vente les dispositions protectrices des droits des consommateurs prévues dans le présent projet de loi et sur lesquelles nous avons, les uns et les autres, insisté lors de nos intervention dans la discussion générale.
Une vente aux enchères par Internet devrait être régie par les dispositions propres au commerce électronique, et non par le projet de loi, avez-vous dit. Cela revient à dire que tout le monde pourra faire des ventes aux enchères électroniques, sauf les sociétés de ventes. C'est une situation difficilement supportable. C'est d'ailleurs cet argument qui nous a amenés à déposer le présent amendement.
Je souhaite simplement, au nom de la commission des affaires culturelles, que le débat ne s'arrête pas après le vote qui va avoir lieu dans un instant. Il s'agit d'un sujet d'actualité et compte tenu de son importance il mérite d'être sérieusement étudié. Aussi, nous ne devons pas nous contenter, pardonnez-moi de le dire, madame la ministre, d'une sorte de fin de non-recevoir. Je le répète : le sujet est important et il mérite d'être approfondi.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je souhaite simplement dire à M. Gouteyron que Mme Guigou et moi-même, nous travaillons déjà à la préparation du projet de loi sur les nouveaux services en matière de commerce électronique et que nous avons bien évidemment prévu d'étudier des dispositions relatives aux ventes par le biais d'Internet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Le groupe socialiste votera cet amendement au profit duquel j'avais retiré tout à l'heure l'amendement n° 103. C'est une proposition utile, et le débat doit se poursuivre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

Section 1

Les sociétés de ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques

Article 3