Séance du 12 mai 1999







M. le président. « Art. 75. - Dans un délai de six mois à compter de la date de la publication de la présente loi, le Crédit foncier de France et le Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine transfèrent à une filiale ayant le statut de société de crédit foncier les contrats d'émission des obligations foncières, communales et maritimes et les contrats des prêts ainsi que les autres actifs affectés par privilège à ces obligations, conclus ou acquis antérieurement à cette date, conformément aux dispositions législatives et réglementaires particulières qui leur étaient applicables, ainsi que les autres ressources concourant au financement de ces prêts. Jusqu'à la réalisation complète de ce transfert, leur activité demeure régie par ces dispositions.
« Ces prêts sont assimilés aux prêts mentionnés à l'article 62.
« Le transfert des éléments d'actif entraîne de plein droit le transfert des accessoires des créances cédées et des sûretés garantissant chaque prêt, y compris les sûretés hypothécaires.
« Nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, le transfert des droits et obligations résultant des contrats d'émission des obligations mentionnées au premier alinéa du présent article ou des droits et obligations résultant des contrats relatifs aux autres ressources concourant au financement des prêts mentionnés au même alinéa n'ouvre pas droit à un remboursement anticipé ou à une modification de l'un quelconque des termes de la convention leur servant de base. Dès le transfert, le cessionnaire est subrogé dans les droits et obligations du cédant. Le transfert de ces éléments de passif emporte, nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, transfert au même cessionnaire des instruments financiers à terme conclus pour leur couverture.
« Jusqu'à la réalisation complète du transfert prévu au premier alinéa du présent article, les obligations et autres ressources mentionnées à cet alinéa bénéficient du privilège institué par le décret du 28 février 1852 sur les sociétés de crédit foncier et par l'article 82 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 relative à certaines dispositions d'ordre financier. Dès leur transfert, ces obligations et autres ressources bénéficient de plein droit du privilège mentionné à l'article 65. »
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je veux d'abord me réjouir que nous soyons amenés à examiner un tel article après les longs errements que nous avons connus concernant le dossier, il est vrai difficile, du Crédit foncier, errements suivis d'une reprise en main qui donne à penser que le Gouvernement, les salariés et la direction du Crédit foncier s'acheminent vers une heureuse issue.
Monsieur le ministre, après avoir écouté votre intervention dans la discussion générale, nous avons évidemment compris que vous ne pouviez vous avancer au-delà d'un certain point. Cependant, nous serons très attentifs au contenu du cahier des charges dès qu'il sera connu de nous. Nous espérons y trouver les conditions nécessaires à une heureuse solution, à savoir que le Crédit foncier proprement dit soit bien un établissement de crédit spécialisé. Cela implique que cet établissement et sa filiale doivent être porteurs de missions permanentes d'intérêt général, notamment en matière d'accession à la propriété et de logement social.
Nous espérons, enfin, que les relations entre la maison mère et la filiale offriront toutes les garanties du droit du travail aux salariés de la maison mère et qu'il existera, pour l'ensemble, un projet industriel assurant la pérennité du Crédit foncier, dont nous célébrons aujourd'hui le cent quarante-septième anniversaire.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Les actifs et les passifs privilégiés du Crédit foncier de France vont être transférés globalement vers une société de crédit foncier.
Cette restructuration financière, d'après ce que nous avons compris, va se faire en deux étapes : d'abord, le transfert vers une filiale spécialisée de l'activité de crédit hypothécaire ; ensuite, la recapitalisation de l'établissement Crédit foncier de France.
La filiale contrôlée à 100 % par le Crédit foncier devrait ainsi accueillir environ 233 milliards de francs d'obligations, ainsi que les actifs correspondants.
Le bilan de la maison mère, le Crédit foncier de France, sera ainsi ramené à environ 52 milliards de francs.
Plusieurs questions se posent à ce sujet, monsieur le ministre.
Quel est le calendrier de la cession du Crédit foncier ?
Quel sera le montant total de la recapitalisation du Crédit foncier ? Comment peut-on envisager qu'il soit supporté, notamment à l'égard des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations ?
Enfin, comment envisager pour l'avenir les relations entre la société de crédit foncier et sa maison mère dans le contexte de l'évolution probable du Crédit foncier de France ?
M. le président. Par amendement n° 111 rectifié, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 75 :
« Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Crédit foncier de France et le Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine transfèrent à une filiale ayant le statut de société de crédit foncier les contrats relatifs à l'émission des obligations foncières, communales et maritimes et les contrats de prêts ainsi que les autres actifs affectés par privilège à ces obligations, conclus ou acquis antérieurement à cette date, conformément aux dispositions législatives et réglementaires particulières qui leur étaient applicables, ainsi que les autres ressources concourant au financement de ces prêts. Le transfert de ces éléments d'actif et de passif emporte de plein droit, et sans qu'il soit besoin d'aucune formalité, les effets d'une transmission universelle de patrimoine. Jusqu'à la réalisation complète de ce transfert, leur activité demeure régie par ces dispositions.
« Les prêts relevant du premier alinéa du présent article sont assimilés aux prêts mentionnés à l'article 62.
« Le transfert des éléments d'actif et de passif entraîne de plein droit et sans formalité le transfert des accessoires des créances cédées et de sûretés réelles et personnelles garantissant chaque prêt et chaque élément de passif, y compris les sûretés hypothécaires.
« Le transfert des droits et obligations résultant des contrats relatifs à l'émission des obligations mentionnés au premier alinéa du présent article ou des droits et obligations résultant des contrats relatifs aux autres ressources concourant au financement des prêts mentionnés au même alinéa, n'ouvre pas droit à un remboursement anticipé ou à une modification de l'un quelconque des termes de la convention leur servant de base. Dès le transfert, le cessionnaire est subrogé dans les droits et obligations du cédant.
« Le transfert des éléments d'actif et de passif emporte transfert au même cessionnaire des instruments financiers à terme conclus pour leur couverture, pour la gestion ou la couverture du risque global sur l'actif, le passif et le hors-bilan du cédant, ainsi que le transfert des sûretés, garanties et autres accessoires afférents à ces instruments.
« Les contreparties aux contrats d'instruments financiers conclus avec le Crédit foncier de France et le Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine, de même que les titulaires des obligations et des ressources émises par ces sociétés ou bénéficiant de la garantie de celles-ci, qui ne sont pas transférés par application des dispositions du présent article, n'ont droit à aucun remboursement ou résiliation anticipé ni à la modification de l'un quelconque des termes du contrat du seul fait des transferts prévus au présent article.
« Jusqu'à la réalisation complète du transfert prévu au premier alinéa du présent article, les obligations et autres ressources mentionnées à cet alinéa et auxquelles s'applique le privilège institué par le décret du 28 février 1852 sur les sociétés de crédit foncier et par l'article 82 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 relative à certaines dispositions d'ordre financier continuent de bénéficier de ce privilège. Dès leur transfert, ces obligations et autres ressources privilégiées ainsi que les sommes dues au titre des instruments financiers à terme visés au cinquième alinéa du présent article bénéficient de plein droit du privilège mentionné à l'article 65.
« Les dispositions du présent article s'appliquent nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer la sécurité juridique attachée aux transferts des actifs et passifs privilégiés des actuelles sociétés de crédit foncier. Il y a la principale, qui est en même temps la plus ancienne, le Crédit foncier de France ; mais il y a aussi le Crédit foncier communal d'Alsace et de Lorraine.
Comment renforcer cette sécurité juridique afin que ce transfert ne donne lieu à aucune remise en cause ? Pour éviter la résiliation des contrats en cours, l'amendement n° 111 rectifié apporte un certain nombre de réponses techniques à cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avant de formuler cet avis, je voudrais, monsieur le président, répondre à M. Delfau et à M. le rapporteur.
Les différents éléments qu'a évoqués M. Delfau, dont je partage l'analyse, figurent bien dans le cahier des charges qui organise l'adossement du Crédit foncier.
Ce cahier des charges est examiné et discuté par le comité central d'entreprise. Les informations dont je dispose me permettent de penser que cet examen va se conclure par une approbation. Nous devrions être en mesure de présenter dès la semaine prochaine - j'anticipe là sur ma réponse à M. le rapporteur - le calendrier. Ainsi, la procédure sera alors formellement ouverte et elle devrait aboutir à la fin du mois de juillet ou au début du mois d'août. L'élément important, c'est l'approbation du comité central d'entreprise, car c'est une des conditions du succès de l'opération.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La procédure qui va donc sans doute s'ouvrir la semaine prochaine fait suite à la recapitalisation du Crédit foncier, qui est maintenant actée, pour un montant de 1,8 milliard de francs. A été abandonnée, en effet, la procédure qui avait été initialement suivie par le Gouvernement, à partir de l'impulsion donnée par le gouvernement précédent, et qui nous avait conduits, au mois d'août dernier, à la rupture des négociations engagées avec une société américaine.
Nous sommes donc repartis selon une nouvelle procédure, en commençant par apurer le bilan du Crédit foncier. C'était l'objet de la recapitalisation, qui est maintenant derrière nous.
Fin juillet, début août, nous auront un Crédit foncier adossé à une institution financière de taille suffisante.
Comme le cahier des charges du Crédit foncier prévoit la pérennité des relations entre cette institution et les sociétés de crédit foncier à venir, une crainte qui a pu légitimement se faire jour se trouve apaisée : tous les éléments nécessaires pour assurer la stabilité du système, notamment la pérennité des relations, sont inclus dans le cahier des charges.
Ainsi, dans moins de trois mois, devrait être en place une solution satisfaisante et durable pour cette institution qui a connu beaucoup de déboires au cours des dernières années.
Le Crédit foncier pourra alors prendre un nouveau départ dans des conditions devenues bien plus satisfaisantes que par le passé.
Pour ce qui est de l'amendement n° 111 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 111 rectifié.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je vous remercie, monsieur le ministre, des indications que vous nous avez fournies.
Je voudrais, en cet instant, rappeler à la Haute Assemblée quelques chiffres, tant pour ma satisfaction personnelle que pour la gloire des salariés du Crédit foncier.
En 1995, une perte de 10 751 millions de francs avait été provisionnée. Comme nous l'avions annoncé, en 1996, c'est un bénéfice net de 857 millions de francs qui a été dégagé, suivi d'un bénéfice net de 855 millions de francs en 1997 et de 1 230 millions de francs en 1998.
Cette histoire connaîtra une fin heureuse grâce aux salariés, aux parlementaires et à l'opinion publique, qui auront empêché que l'irréparable soit commis dans des conditions que je ne veux même pas qualifier.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 75 est ainsi rédigé.

Articles 76 et 77