Séance du 6 mai 1999







M. le président. « Art. 29. - Les demandes de modification du statut du personnel, mentionné à l'article 15 de la loi n° 83-557 du 1er juillet 1983 précitée, déjà exprimées à la date de publication de la présente loi et qui n'ont pas fait l'objet d'un accord ou d'un arbitrage à cette date sont soumises, en cas de désaccord persistant pendant dix-huit mois à compter de la demande de révision, à une commission arbitrale. La composition de cette commission est définie par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé du travail. Elle rend sa décision après avoir recherché une conciliation entre les parties. Elle prend en compte, d'une part, la situation et les perspectives financières du réseau des caisses d'épargne et, d'autre part, les droits sociaux des salariés et notamment en matière de régime de retraite.
« En ce qui concerne les accords conclus antérieurement à la publication de la présente loi et pour l'application des dispositions de l'article L. 132-8 du code du travail, l'ensemble des organisations syndicales représentatives mentionnées à l'article 16 et la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance sont considérées comme signataires des accords collectifs adoptés par la commission paritaire nationale et en vigueur à la date de publication de la présente loi. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 188, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 124, M. Bourdin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
A. - De compléter in fine le premier alinéa de l'article 29 par une phrase ainsi rédigée :
« Les dotations par les caisses d'épargne et les établissements concernés, rendues nécessaires pour faire face à leurs engagements dans le cadre de la réforme du régime de retraites des personnels des caisses d'épargne et de l'intégration de ces personnels dans le champ d'application des accords visés à l'article L. 921-4 du code de la sécurité sociale conformément aux dispositions de l'article L. 921-1 du même code, n'ont pas le caractère d'élément de salaire ni de contribution des employeurs au financement des prestations complémentaires au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... la perte de recettes pour l'Etat due à l'exonération de charges sociales et d'impôt sur le revenu des sommes versées au titre de la réforme du régime de retraite de salaires des caisses d'épargne. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
Par amendement n° 189, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 29 par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de l'entrée en vigueur des accords mentionnés au second alinéa de l'article 17, les droits à retraite nés de périodes d'emploi antérieures à ces accords et qui s'ajoutent à ceux résultant des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires mentionnés à l'article L. 921-1 du code de la sécurité sociale sont intégralement garantis par la constitution de provisions techniques suffisantes représentées par des actifs équivalents. La constitution de ces provisions peut être répartie sur une période de dix ans. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 188.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° 188 vise à supprimer l'article 29.
Les organisations syndicales unanimes - CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, Syndicat Unifié - ont condamné la dénonciation par le CENCEP, le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance, en décembre 1997, des accords sur la CGR, la caisse générale des retraites.
La loi en vigueur dans les caisses d'épargne stipule que, en l'absence de nouvel accord au plus tard en décembre 1999, le dossier sera transmis à une commission arbitrale constituée pour l'occasion et chargée d'édicter de nouvelles règles.
L'article 29 vise donc à ramener le délai de deux ans à dix-huit mois. Il concerne explicitement cette caisse générale de retraite à laquelle les salariés sont particulièrement attachés, aucune autre disposition statutaire n'ayant été dénoncée.
On nous demande donc finalement de réduire les délais normaux de conclusion de cet accord, alors même que les positions respectives de chacune des parties sont pour le moment divergentes.
Nous ne pensons pas qu'il soit nécessairement justifié d'interférer sur le déroulement normal du dialogue social au travers d'une disposition législative qui pourrait s'apparenter, dans les faits, à une forme de mise en demeure ou d'obligation de résultat.
Ce sont donc là les raisons qui nous conduisent à vous proposer la suppression de cet article.
L'amendement n° 188 procède de la même logique que celle que nous avions défendue à l'article 17.
On observera d'ailleurs que les autres amendements déposés sur cet article et sur lesquels nous reviendrons soulignent d'une certaine manière les données du problème, notamment la question des provisions constituées dans le cadre du régime propre des caisses.
M. le président. La parole est à M. Bourdin, pour présenter l'amendement n° 124.
M. Joël Bourdin. Les accords collectifs relatifs au régime de retraite du personnel des caisses d'épargne sont en cours de révision par les partenaires sociaux. Cette révision pourra aboutir à l'intégration des personnels des caisses d'épargne aux régimes de retraite complémentaires interprofessionnels, ARRCO et AGIRC.
Pour faire face aux engagements liés au maintien des droits des salariés, les caisses d'épargne ont constitué des provisions dans leurs comptes sociaux. Un ajustement périodique est prévu afin de prendre en compte l'actualisation de ces engagements. Ces provisions seront ensuite affectées à la couverture effective des charges de retraite, sous forme de concours exceptionnels.
Ces concours exceptionnels des entreprises du groupe des caisses d'épargne ne doivent en aucun cas être assimilables à une rémunération au regard des dispositions du code de la sécurité sociale ni du code général des impôts pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
C'est pour cette raison que nous proposons un amendement visant à prévoir l'exonération de charges sociales et d'impôt sur le revenu des sommes versées au titre de la réforme du régime de retraite des salariés des caisses d'épargne.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 189.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'entrée complète dans les régimes de retraite complémentaire ARRCO et AGIRC laisse à la charge des caisses d'épargne des prestations de retraite à caractère supplémentaire.
Si le régime qui existe aujourd'hui peut, pour l'avenir, faire l'objet de modifications, rien ne justifie que les droits issus de périodes d'emploi antérieures à ces modifications puissent être remis en cause. Il est donc nécessaire, afin d'assurer la protection des droits à retraite supplémentaire des salariés des caisses d'épargne, que les engagements pris à ce titre par le passé soient garantis par la constitution de provisions techniques suffisantes.
La charge que représente la constitution de ces provisions peut être étalée sur une période de dix ans. Il appartiendra aux partenaires sociaux des caisses d'épargne de se prononcer sur l'éventuelle adaptation, pour l'avenir, de ce régime, en application des dispositions de l'article 17, alinéa premier, du présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 188, qui est incompatible avec la position prise par la commission. Nous ne suivons pas la même logique.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous ne défendons pas les mêmes gens !
M. Philippe Marini, rapporteur. Non, nous ne sommes pas sur la même ligne !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Les dialogues en séance nuisent au bon déroulement des travaux !
M. Philippe Marini, rapporteur. J'en viens à l'amendement n° 124. Le Gouvernement a apporté, s'exprimant sur des amendements identiques présentés à l'Assemblée nationale, la réponse suivante : vous avez tout d'abord indiqué, monsieur le ministre, que les versements qui seront effectués par les caisses d'épargne pour garantir les droits que leurs salariés auront acquis antérieurement à la transformation de leur régime de retraite en un régime de droit commun ARRCO-AGIRC n'auront pas la nature juridique de salaires, dès lors qu'ils ne créeront pas de nouveaux droits mais qu'ils viseront simplement à permettre le passage d'un régime de retraite à un autre.
En second lieu, vous avez observé, monsieur le ministre, que les versements aux caisses de retraite ne pourront être déductibles de l'impôt sur les sociétés que si l'entreprise perd la disponibilité des sommes qu'elle verse, ce qui est conforme aux principes habituels en matière de droit fiscal, mais ce qui n'est pas le cas ici.
La proposition de M. Bourdin consiste à laisser les sommes dans l'entreprise tout en permettant de les déduire de l'impôt sur les sociétés. Elle déroge à un principe usuel de financement des régimes de retraite par les entreprises, et je crains fort que, si nous l'adoptions, nous n'ouvrions ainsi une brèche dans laquelle de nombreuses entreprises pourraient s'engager.
Je me demande en outre si, au regard du droit communautaire, certains de ceux qui nous observent - puisque c'est leur responsabilité - ne seraient pas fondés à considérer que cette disposition est une aide publique devant être notifiée à la Commission européenne.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous maintenez l'analyse que vous avez présentée à l'Assemblée nationale et, en fonction de votre réponse, je pense que M. Bourdin pourrait peut-être accepter de retirer son amendement.
S'agissant de l'amendement n° 189, je rappelle que des négociations sont en cours au sein du réseau en vue de régler le problème de la caisse générale de retraite, nous y avons fait allusion.
La loi n'a pas à préjuger le résultat de ces négociations ! Au demeurant, les caisses d'épargne ont déjà constitué des provisions en vue de garantir les droits à la retraite des salariés.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, qui ne lui semble pas indispensable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 188, 124 et 189 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La durée normale d'une négociation en matière de caisses de retraite est fixée à deux ans. Le présent projet de loi prévoit de la ramener à dix-huit mois, ce que conteste Mme Beaudeau dans son amendement n° 188.
Si nous avons fait cette proposition, c'est pour que la négociation soit terminée au moment où la loi sera promulguée et appliquée. Il paraîtrait délicat de lancer l'opération de placement des certificats coopératifs sans que la question très importante pour les salariés - et, donc, pour l'entreprise - de la caisse de retraite ait été soldée, d'une manière ou d'une autre, à un niveau ou à un autre. Il faut que les données soient connues !
Le délai de deux ans nous conduit jusqu'au début de l'année prochaine. Cela retarderait d'autant le démarrage des opérations, car je conçois mal que l'on puisse proposer aux épargnants de devenir coopérateurs dans le réseau des caisses d'épargne sans leur préciser le montant exact des réserves, puisque celles-ci devront être amputées de ce qui devra être versé au titre de la constitution des retraites. Il faut donc que les opérations se déroulent dans un ordre logique : d'abord, conclure la négociation des retraites, et ensuite seulement, engager la poursuite de l'opération. C'est pourquoi nous ne pouvons pas attendre deux ans. Au demeurant, dix-huit mois, c'est tout de même une longue période pour parvenir à un accord !
Quoi qu'il en soit, il est clair que le Gouvernement - je l'ai déjà dit et je le répète - se porte garant de ce que les droits acquis par les salariés seront respectés. La négociation doit se poursuivre et aboutir - sans doute plus rapidement qu'elle n'aurait abouti dans le droit commun - car, sinon, c'est l'ensemble du dispositif qui devient bancal. Mais je suis convaincu que cela ne réduit pas les droits des salariés dans la négociation ! Si celle-ci peut se conclure à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, elle peut aussi se conclure maintenant : c'est une affaire non pas de temps, mais de volonté d'aboutir.
Pour ces différentes raisons, le Gouvernement est hostile à l'amendement n° 188.
Pour ce qui est de l'amendement n° 124, je reprendrai devant vous une explication que j'ai été amené à développer, comme il est naturel, à l'Assemblée nationale, face à des propositions d'amendements similaires. Ces explications ont satisfait vos collègues députés et les ont conduits à retirer leurs amendements. J'espère qu'il en sera de même ici.
S'agissant des caractéristiques fiscales de cette opération, les sommes qui seront versées pour la constitution des droits à la retraite n'auront pas la nature juridique de salaires. Elles créeront donc une situation dans laquelle on passe d'un système de retraite à un autre, mais il n'est pas nécessaire d'introduire une disposition spécifique prévoyant une exonération de l'impôt sur le revenu car, n'étant pas des salaires, elles ne sont pas soumises à celui-ci.
La même remarque est valable s'agissant des cotisations de sécurité sociale : les versements effectués par les caisses d'épargne, s'ils visent au seul maintien des droits d'ores et déjà acquis, n'auront pas le caractère de salaires, et ne seront donc pas assujettis aux charges sociales.
Il s'agit donc, en fait, de reconstituer des versements qui correspondent à une situation qui aurait prévalu si, depuis l'origine, le système de retraite avait été géré par l'ARRCO et par l'AGIRC. Il est donc normal que cela se fasse à fiscalité neutre.
Au bénéfice de cette explication, je vous demande, monsieur Bourdin, de bien vouloir retirer l'amendement n° 124.
Enfin, l'amendement n° 189 vise à provisionner les droits acquis.
J'ai dit un mot à ce sujet quand je me suis exprimé sur l'amendement n° 188 : le Gouvernement s'engage à ce que les droits acquis soient respectés, mais il ne faut pas non plus - et vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, madame Beaudeau - interférer dans la négociation. Si nous introduisons dans la loi des éléments qui déséquilibrent cette négociation, nous pourrons difficilement espérer que les partenaires sociaux parviennent à un résultat, et surtout à un résultat rapide !
C'est donc la responsabilité du Gouvernement que de faire respecter les droits acquis, mais ce n'est pas, me semble-t-il, une bonne manière de pousser à la conclusion d'un accord et de faciliter la négociation que de le prévoir dans la loi.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, et j'en profite pour indiquer brièvement combien j'ai été heureux d'entendre M. le rapporteur non pas soutenir la même thèse - même si cela arrive parfois - mais rappeler à l'occasion du soutien de cette thèse que des mesures avaient d'ores et déjà été prises pour garantir les droits acquis des salariés de la caisse d'épargne pour leur retraite. Il a donc fait référence aux 10 milliards de francs qui ont été inscrits dans les comptes de la Caisse nationale des caisses d'épargne au 31 décembre dernier, ce qui nous conduit bien au taux de 35 % pour le rapport capital sur fonds propres. C'est un retour sur notre discussion précédente, monsieur le rapporteur !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 188, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Bourdin, l'amendement n° 124 est-il maintenu ?
M. Joël Bourdin. Les explications qui m'ont été fournies sont si claires que j'aurais mauvaise grâce à ne pas retirer mon amendement !
M. le président. L'amendement n° 124 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29.

(L'article 29 est adopté.)

Article 30