Séance du 7 avril 1999







M. le président. « Art. 2. - Après l'article L. 712-3-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 712-3-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 712-3-1-1. - L'offre de soins palliatifs et la satisfaction des besoins en soins palliatifs sont prises en compte dans la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire et son annexe. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Cet article est extrêmement important. Nous sommes tous d'accord pour convenir qu'il importe de réformer la planification hospitalière afin que des projets de création d'unités de soins palliatifs puissent être autorisés de manière autonome, même s'il existe un excédent global de l'offre hospitalière.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui, car les soins palliatifs ne figurent pas dans la liste des activités susceptibles de faire l'objet d'une autorisation.
De fait, ils doivent se raccrocher à d'autres activités : médecine, soins de suite, etc., qui sont souvent excédentaires.
Il s'agit donc d'une réforme importante et j'aimerais sur ce sujet précis connaître l'avis de M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'avoue mon embarras. Je comprends la démarche qui vous a amené, dans cet article 2, à prévoir que les soins palliatifs sont pris en compte dans la carte sanitaire.
Je n'y suis pas favorable pour une raison simple : la facilité qui consisterait à créer dans un coin une unité de soins palliatifs, en la prenant en compte dans la carte sanitaire, nous entraînerait vers une difficulté que nous rencontrons déjà lorsque nous nous adressons aux directeurs d'hôpitaux ou à l'agence régionale d'hospitalisation.
J'ai le sentiment que, grâce à cette inscription, on se contentera trop souvent, parce que c'est la facilité et parce que - pardonnez-moi de vous le dire - l'argent est compté et qu'il faudra respecter l'enveloppe, de mettre en place trois lits de fin de vie. C'est cela qui me gêne ; ce serait créer une espèce de ghetto.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, je me suis peut-être mal exprimé : il s'agit simplement de créer des unités mobiles. Cela me paraissait couler de source.
Lorsque l'on examine la liste des installations correspondant aux différentes disciplines et aux activités de soins, on constate que les soins palliatifs n'y figurent pas. Or il faudrait qu'ils y soient inclus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-être pourriez-vous vous en remettre à la sagesse du Sénat sur cet article...
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Il n'est dans l'intention de personne de voir un jour des parties de services plus ou moins spécialisées dans les soins palliatifs. Ce serait l'horreur absolue !
Aux termes des mesures que nous préconisons dans cette proposition de loi, ce sont des équipes mobiles qui, au sein des centres hospitaliers, devront apporter leur aide aux personnels soignants classiques de telle ou telle personne se trouvant qui dans un service de médecine interne, qui dans un service de cancérologie, qui dans un service de médecine infantile ou d'hématologie. Cela vaudra également pour les médecins et les infirmières dispensant des soins à domicile.
Ce serait faire un procès d'intention aux auteurs de cette proposition de loi que de croire que l'objectif est de mettre en place des lits spécialisés.
Pour les équipes mobiles de soins palliatifs, c'est en train de s'arranger, monsieur le secrétaire d'Etat, grâce aux mesures que vous avez prises, et aux financements que vous apportez maintenant. Mais pour un hôpital, faire cet effort au niveau de l'évaluation ne lui apporte rien du tout. Si les soins palliatifs étaient pris en compte dans le schéma d'organisation sanitaire et dans la carte sanitaire, cela permettrait de mieux apprécier ce qui est fait en ce domaine.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur Delaneau, je ne suis pas convaincu : la carte sanitaire impose un ratio et impose donc une appréciation quantitative en lits et en places. Dans ces conditions, elle ne m'apparaît pas adaptée.
Je ne méconnais pas une seconde la sincérité de votre démarche, mais je vous ai dit comment cela va se passer : on mettra cinq lits spécialisés dans un hôpital.
Je le répète, je ne suis pas favorable à l'article 2.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 2.
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. En ce qui nous concerne, nous partageons l'interprétation de M. le secrétaire d'Etat. J'en ai d'ailleurs fait la remarque lors de mon intervention dans la discussion générale.
Nous ne voulons pas bien sûr faire de procès d'intention à M. le rapporteur mais, de toute façon, son texte est mal formulé et si, effectivement, ce que j'ai compris est bien sous-entendu dans ses propos précédents, nous sommes opposés à cet article tel qu'il est rédigé.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Il est possible que le texte soit effectivement mal rédigé. Néanmoins, ne se pose pas, au niveau de la carte sanitaire, qu'un problème quantitatif ; se pose aussi un problème qualitatif. On ne dispense pas n'importe quels soins. J'ai été choqué par le fait que M. le secrétaire d'Etat emploie uniquement le terme « quantitatif ».
Par ailleurs, il faut faciliter la mise en place des réseaux. En matière psychiatrique, on admet bien les appartements psychiatriques. En matière de sida, il y a bien les appartements thérapeutiques qui se font directement en liaison avec les centres hospitaliers.
Effectivement, les collectivités territoriales interviennent dans ce domaine, en particulier les conseils généraux, mais cela part en règle générale d'une demande hospitalière à laquelle répondent les collectivités territoriales en mettant en place des réseaux.
En conséquence, s'il est vrai que le texte est mal rédigé ou peut-être insuffisant, je ne peux personnellement accepter les explications de M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je note que vous n'acceptez pas mes explications. Permettez-moi de les réitérer ! Moi, je vous dis que la carte sanitaire comporte exclusivement du quantitatif et non du qualitatif. Peut-être est-ce dommage, peut-être faudrait-il changer la carte sanitaire et nos états d'esprit mais, pour ma part, je trouve mes explications acceptables !
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Au cours de l'examen de cette proposition de loi en commission, nous avons voté et approuvé cet article 2.
Les remarques qui viennent d'être formulées à travers les interventions traduisent effectivement des interrogations vis-à-vis de ce problème. Lorsque vous évoquez aujourd'hui la carte sanitaire, monsieur le secrétaire d'Etat, vous confirmez mes craintes quant à une estimation quantitative.
A travers l'approche qui a été faite et la rédaction retenue par ce texte, il semble que cette estimation pouvait être améliorée. Nous en avons conscience.
Désireux de faire avancer ce dossier, convaincus que l'Assemblée nationale nous fournira un véritable apport et une réflexion complémentaire, je confirme la position que nous avons adoptée en commission. Nous voterons donc cet article 2.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. L'article L. 712-1 du code de la santé publique indique en ce qui concerne la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire : « A cette fin, ils sont arrêtés, dans les conditions fixées à l'article L. 712-5, sur la base d'une mesure des besoins de la population et de leur évolution, compte tenu des données démographiques et des progrès des techniques médicales et après une analyse, quantitative et qualitative, de l'offre de soins existante. »
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3 (réserve)