Séance du 6 avril 1999







M. le président. Par amendement n° 99, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Il est créé, après le chapitre IV bis de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, un chapitre IV ter ainsi rédigé :
« Chapitre IV ter :
« Du fonds commun de placement de proximité.
« Art. 22-2. - Le fonds commun de placement de proximité est un fonds commun de placement à risques dont l'intervention est géographiquement circonscrite par son règlement et dont l'actif est constitué pour 60 % au moins, par dérogation au I de l'article 7, de parts de sociétés et avances en comptes courants émises par des sociétés qui comptent moins de cinquante salariés, dont le capital est détenu, majoritairement, par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques et qui remplissent, à la date de la prise de participation du fonds, les conditions suivantes :

« - avoir été créées depuis moins de trois ans, au sein du périmètre géographique mentionné ci-dessus, dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire ou dans les zones de redynamisation urbaine, mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
« - avoir leurs sièges sociaux ainsi que l'ensemble de leurs activités et de leurs moyens d'exploitation implantés dans ces zones.
« Les porteurs de parts de fonds communs de placement de proximité doivent résider, à la date de la souscription, dans la zone géographique d'intervention du fonds visée ci-dessus, qui peut être une ou plusieurs communes, un ou plusieurs pays, un ou plusieurs départements, une ou plusieurs régions, uns ou plusieurs groupements de collectivités.
« Pour l'appréciation de la détention majoritaire du capital des sociétés dans lesquelles les fonds communs de placement de proximité investissent, il n'est pas tenu compte des participations des sociétés de capital-risque, des sociétés de développement régional ni des sociétés financières d'innovation, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies du code général des impôts avec ces dernières sociétés. De même, cette appréciation ne tient pas compte des participations des fonds communs de placement à risques et des fonds communs de placement dans l'innovation.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
« II. - L'article 199 terdecies- O A du code général des impôts est complété in fine par un VIII ainsi rédigé :
« VIII. - A compter de l'imposition des revenus de 1999, la réduction d'impôt prévue au premier alinéa du I pour les contribuables fiscalement domiciliés en France s'applique également aux souscriptions de parts de fonds communs de placement de proximité mentionnés à l'article 22-2 de la loi n° 88-1201 modifiée du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, à condition qu'ils prennent l'engagement de conserver les parts pendant cinq ans au moins à compter de leur souscription.
« Les versements ouvrant droit à la réduction d'impôt mentionnée à l'alinéa ci-dessus sont ceux effectués dans le délai et les limites mentionnés au 2 du VI. »
« III. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du II ci-dessus sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission spéciale a adopté quatre amendements - n°s 99, 100, 101 et 102 - visant à introduire le développement économique au sein de ce projet de loi, amendements sur lesquels je tiens, d'abord, à faire une remarque d'ordre général.
La commission spéciale en est persuadée : seul le développement d'activités nouvelles permettra de revitaliser les territoires ruraux et de mener, au travers de l'activité économique, une politique de la ville plus équilibrée.
On peut dès lors s'étonner que, dans sa rédaction actuelle, telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale, le projet de loi soit muet sur le sujet. Certes, nous n'ignorons pas qu'un projet de loi va être présenté par M. Zuccarelli, que nous avons d'ailleurs entendu à ce propos. Nous avons toutefois noté aussi que le présent projet ne supprimait pas des outils mis en place en 1995 et sur lesquels nous avions beaucoup travaillé, contribuant ici à les enrichir de façon substantielle, même s'il a fallu beaucoup attendre pour les voir se concrétiser - je pense notamment à la dotation du fonds national de développement des entreprises.
Nos travaux ont bénéficié de la réflexion originale et de qualité menée notamment par MM. Raffarin et Grignon dans le groupe de travail Nouvelles entreprises et territoires, mis en place sous l'impulsion du président François-Poncet au sein de la commission des affaires économiques et du Plan.
J'en viens à l'amendement n° 99, qui vise à drainer l'épargne des particuliers vers les territoires par la mise en place de fonds communs de placement de proximité, ou FCPP.
On connaît l'importance des financements de proximité pour la création des petites entreprises et les tout premiers moments de leur existence. Sur les 18 milliards de francs mobilisés, en 1997, par les 166 000 entreprises créées cette année-là, 58 % provenaient de l'épargne du créateur ou de ses proches, qu'ils soient membres de la famille ou collaborateurs, 22 % seulement des banques et 20 % d'un financement public, notamment local, même si nous n'ignorons pas les conditions légales de ce financement local. Voilà la réalité des chiffres !
Il ressort cependant de l'examen des chiffres que les territoires ne sont pas égaux en la matière. Dans les territoires les plus riches, on a moins de mal qu'ailleurs, pour créer une entreprise, à établir le tour de table financier. Dans les territoires les plus fragilisés, où la création d'entreprise est un véritable levier du développement, on observe que les financements sont moins nombreux et, surtout, plus difficiles à obtenir.
Dans le Livre blanc de la création d'entreprises, il a été demandé que soit mis en place, sur le modèle du fonds commun de placement dans l'innovation le FCPI, créé en 1996, un nouvel instrument financier, le fonds commun de placement de proximité, visant à renforcer les fonds propres des entreprises dans les zones les plus fragiles et à encourager le financement des petites entreprises.
Ces fonds, ancrés sur le territoire, devront investir 60 % de leurs actifs dans les entreprises situées en zones rurales fragiles ou en zones urbaines sensibles. Ils seront gérés par des professionnels, comme les FCPI. Ils permettront une mutualisation des risques et un professionnalisme accru de la sélection des projets.
La détention de parts de FCPP par les particuliers sera assortie d'avantage fiscaux dits Madelin pour la détention de parts de capital de sociétés non cotées par des particuliers, telle que définie par l'article 199 terdecies OA du code général des impôts.
Voilà l'esprit et la lettre de cet amendement, qui s'inscrit dans la logique du travail conduit par MM. Raffarin et Grignon au sein de la commission des affaires économiques et du Plan.
C'est, à nos yeux, un élément essentiel, car on ne peut avoir une politique d'aménagement et de développement durable du territoire sans mener une politique économique en faveur de ce territoire au travers de la création d'entreprises, et notamment de petites et moyennes entreprises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cette proposition vise, au travers d'avantages fiscaux, à encourager la mobilisation de l'épargne privée en faveur de fonds communs de placement, dès lors que cette épargne s'investit dans de petites entreprises.
La mesure proposée est limitée à la fois par le zonage des entreprises et par celui des épargnants.
La mise en oeuvre de ce dispositif risque de se révéler complexe et peu efficace. Un double contrôle sera en effet à effectuer sur la localisation géographique du porteur compte tenu du périmètre d'intervention défini pour le fonds commun de placement, d'une part, sur la localisation des entreprises bénéficiaires, d'autre part.
Quel intérêt y a-t-il à lier le lieu de résidence des porteurs de parts de fonds et la zone d'intervention du fonds ? La question mérite d'être posée.
Réserver le bénéfice des fonds communs de placement de proximité à certaines zones présente, en outre, le risque de les transformer en zones de transit, au bonheur des chasseurs d'avantages, qui iront porter la plus-value en emplois dans des zones économiques plus attrayantes.
Enfin, la formule est coûteuse en frais de gestion.
Pour toutes ces raisons, et parce que le Gouvernement n'entend pas engager la réforme des zonages par appartement, je suis défavorable à l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 99.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les amendements n°s 99 à 103 traitent tous, dans des formes variées, des entreprises de moins de 500 salariés, c'est-à-dire des PME-PMI, en particulier des plus petites.
Je rappelle brièvement que les PME réalisent plus de 50 % de la production totale française, qu'elles réalisent 45 % des investissements et qu'elles ont créé, entre 1982 et 1992, plus de 900 000 emplois, alors que les entreprises de plus de 500 salariés en perdaient 630 000. Nous sommes donc particulièrement attentifs à leur évolution et à leur développement.
Mais si le nombre des créations d'entreprise - un peu moins de 300 000 par an - est comparable, en France, à celui que l'on enregistre chez nos voisins, nous constatons que les entreprises individuelles présentent une certaine fragilité, en particulier au bout de trois à quatre ans. Alors qu'en Allemagne, par exemple, une grande majorité d'entre elles perdurent au-delà de cinq ans, en France, une sur deux disparaît avant ce délai. De surcroît, le nombre de défaillances augmente chaque année.
La crise y est, bien entendu, pour beaucoup.
C'est pourtant le manque de fonds propres et, parallèlement, les difficultés à obtenir un soutien en crédits de la part des institutions financières qui nous semblent constituer le premier handicap de nos PME-PMI.
Le second est sans doute à rechercher dans la complexité de notre législation pour les plus petites de nos entreprises.
Aussi faut-il avancer en même temps sur la réforme de la fiscalité, le maintien d'une concurrence loyale et équilibrée, avec la question particulière des délais de paiement, le développement d'une politique de conseil et de suivi, l'aide à la création d'entreprises adaptée aux projets, la simplification des formalités, l'aide à l'exportation et un meilleur accès au financement.
Il nous paraît donc difficile de cibler des mesures particulières soit sur un critère de zone ou de territoire - l'échec des zones franches, tant dans leur ensemble que dans les quartiers difficiles ; est un exemple à méditer - soit même dans le cadre de l'aménagement du territoire.
Créer un fonds propre de placement de proximité est une idée intéressante. C'est vrai, cela permet en quelque sorte une mutualisation des risques. Nous ne croyons pas, toutefois, que cela puisse être réservé à des zones définies, même si l'objectif est louable. On ne peut saucissonner les mesures de création d'entreprise en fonction d'un critère géographique. Ce ciblage est une erreur, et c'est pourquoi nous voterons contre l'amendement.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous engageons, en cette fin de débat, une partie vraiment essentielle.
Qu'est-ce que l'aménagement du territoire, si ce n'est un acte de création ?
De deux choses l'une, soit on fait de l'aménagement du territoire une logique de conservation - on immobilise, on ferme, on protège, on rend les choses immuables pour l'avenir - soit, au contraire, on crée de la richesse.
Monsieur Bellanger, la première partie de votre intervention était superbe. Oui, les PME, c'est l'oxygène du territoire ! Oui, vous avez raison, c'est avec les PME que l'on crée de la richesse sur le terrain !
Madame la ministre, vous avez aujourd'hui une opportunité exceptionnelle : cette politique en faveur des PME, qui faisait précédemment l'objet d'un ministère à part entière et qui fait aujourd'hui l'objet d'un secrétariat d'Etat, prenez-en la responsabilité, car c'est d'abord et avant tout de l'aménagement du territoire !
Qu'est-ce que la réhabilitation des boulangeries, si ce n'est de l'aménagement du territoire ? Qu'est-ce que la création d'une petite entreprise, si ce n'est de l'aménagement du territoire ? Qu'est-ce que la fusion de deux entreprises pour l'innovation, si ce n'est de l'aménagement du territoire ?
Qu'avons-nous à faire, nous, élus, de plus important qu'à développer du capital-risque, qu'à soutenir l'encadrement des PME sous-encadrées, qu'à faire en sorte que des produits nouveaux sortent de ces entreprises ?
Au fond, dans nos régions, dans nos départements, l'emploi de demain dépend, d'abord, des projets des entreprises d'aujourd'hui. Il dépendra, ensuite, des entreprises que nous serons capables de créer.
Comment certains peuvent-ils aujourd'hui parler d'aménagement du territoire, lorsqu'ils sont aussi réservés sur les grandes infrastructures et empêchent en plus le développement endogène, qui est vraiment la logique de l'avenir ?
Nous le voyons dans tous les pays. Regardez ce que vient de faire la Bavière ! Elle a organisé des concours pour créer des entreprises. Pourtant elle n'est pas un territoire fragile. Mais elle appelle tous les créateurs, de toutes les universités, y compris les nôtres, pour créer en leur donnant le capital-risque, l'encadrement, l'ensemble des moyens matériels dont ils ont besoin.
Une sorte de globalisation mondiale de la création est en train de naître. Si nous ne jouons pas cette carte en faveur de nos territoires, ils seront asphyxiés.
Vous dites : pas de zonage. Mais comment fait-on dès lors pour défendre ce territoire rural qui, aujourd'hui, n'attire pas spontanément et naturellement la création d'entreprises ?
Je veux bien que l'on abondonne les zonages. Mais je regarde ce qui est en train de se passer, madame la ministre, dans l'ouest de la France. Il ne se passe pas une semaine sans que l'on n'annonce qu'une entreprise industrielle quitte l'Ouest pour aller dans l'Est. Même la Seita abandonne le ministre des PME, Mme Lebranchu, pour aller plus loin vers l'est de la France. Porcher quitte Angoulême pour aller vers l'Est. Warsilia quitte Surgères pour aller vers l'Est. Toutes les semaines, des entreprises quittent ces zones pour aller au coeur de la construction européenne.
Je veux bien que l'on dise : pas de zonage. Mais il existe aujourd'hui, il est au coeur de l'Europe, il est là où va Toyota, il est là où va Swatch-mobile, il est là où sont les concentrations industrielles !
Vous ne créerez plus d'entreprises industrielles dans les territoires périphériques si vous ne prévoyez pas des aides spécifiques, si vous n'avez pas une force de séduction, une force d'attraction, financière, certes, mais aussi en termes de formation, d'environnement et de qualité de la vie, bref, de tout ce qui accompagne la création.
M. François Gerbaud. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Cet amendement de la commission spéciale vise à instaurer le fond commun de proximité. Que peut-on demander de plus ?
Ainsi, le médecin, le notaire du coin plutôt que d'investir dans la bourse mondiale, dans la Banane Bleue, placeront leurs économies dans leur territoire, dans les entreprises de leur département, de leur région, de leur pays. Il serait utile aujourd'hui de conserver sur nos territoires l'argent qui s'y trouve.
Que se passera-t-il si les choses continuent ainsi ? Je crains beaucoup, en fait la logique des deux France : une France à dominante rurale, à espace convivial, à dimension humaine, et la France de la métropolisation.
On n'en est déjà plus à une lutte de considérations, l'avenir étant aux métropoles et la ringardise au territoire rural. On a dépassé ce stade. Maintenant, c'est la logique financière qui prévaut, avec moins d'argent pour le territoire rural, moins de prime d'aménagement du territoire, moins de zones, moins de soutiens financiers. Au fond, ce que l'on est en train d'organiser, c'est un transfert financier au profit de la métropolisation et au détriment du territoire rural.
M. Hilaire Flandre. Absolument !
M. Jean-Pierre Raffarin. Déjà, la bataille de la considération ne nous était pas sympathique mais, maintenant, nous sommes engagés dans une bataille financière.
Si nous laissons les choses aller ainsi, nous verrons que, de plus en plus, le territoire rural sera privé de moyens et, étant privé de moyens, il sera privé de développement.
Telle est la raison pour laquelle il faut, madame la ministre, que votre politique d'aménagement du territoire comporte un volet économique. C'est l'occasion, et ne vous laissez pas intimider parce que certains de vos collègues veulent rester sur leur pré carré et ont peur que ce mouvement des PME soit une cause globale qui concerne l'ensemble du Gouvernement.
Evidemment, les PME n'appartiennent à personne, ni à un secrétariat d'Etat, ni même à Bercy. Les PME, c'est l'oxygène des territoires.
Vous êtes dans l'obligation, madame la ministre, d'avoir une vision économique pour faire en sorte qu'en matière d'aménagement du territoire les logiques de création soient aussi fortes que les logiques de conservation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement de portée financière déposé par la commission spéciale soulève un certain nombre de questions particulièrement intéressantes.
Tout d'abord, il semble être inspiré par une véritable préoccupation, à savoir le décalage qui peut exister entre le lieu où l'on collecte de l'argent et où l'on crée de la masse monétaire et celui où cette dernière est utilisée.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes, depuis plusieurs années, particulièrement attentifs à la manière dont le crédit bancaire aux entreprises peut être distribué.
Pour résumer rapidement la situation, nous dirons que le mécanisme du crédit bancaire aux entreprises consiste, pour une part importante, à collecter l'épargne salariale à vue et à l'injecter dans le circuit économique, au travers des décisions stratégiques des comités de crédit de nos établissements de crédit.
On peut d'ailleurs constater que le risque bancaire est, de façon générale, particulièrement atténué du fait que les attributions de crédits aux entreprises demeurent le plus souvent sélectives et ignorent assez largement les plus petites entreprises, considérées souvent comme les plus vulnérables.
C'est évidemment en raison de l'insuffisance du crédit bancaire aux entreprises et du fait que, bien souvent, c'est le crédit interentreprises qui affecte durablement la vie de nos PME que depuis plus de vingt ans, on cherche à favoriser l'investissement direct des particuliers dans le capital des sociétés non cotées, au travers notamment des divers organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Cela pose évidemment une série de questions.
Tout d'abord, dans un contexte de faible taux d'intérêt, est-il nécessairement positif que les entreprises soient amenées à opter pour la levée de capitaux propres en lieu et place de la mobilisation du crédit ?
Mais cela pose aussi la question de savoir si les différentes formules d'OPCVM ne concourent pas, d'une certaine manière, à encourager la segmentation du marché du crédit aux entreprises, alors même que se pose avec force le problème de savoir ce que les établissements de crédit font effectivement pour soutenir l'activité, l'investissement et l'emploi.
La position que nous invite à adopter la commission spéciale est, finalement, assez logique.
Nos collègues de la majorité sénatoriale ont, de tout temps, été favorables à la privatisation des grands établissements de crédit, comme au changement de statuts des caisses de crédit agricole, par exemple, et ils n'ont jamais trouvé à redire au fait que l'augmentation de la masse monétaire, et donc de la masse de crédit aux entreprises disponible, se soit toujours faite, ces dernières années, au détriment de l'investissement utile et de l'emploi.
Vous avez toujours préféré les formules fiscalement incitatives comme celles, d'ailleurs, que vous proposez encore avec cet amendement n° 99.
Pour autant, nous nous interrogeons.
Pourquoi alors être opposé, comme cela s'est vu sur l'article 1er du projet de loi, à la création de fonds décentralisés pour l'emploi ?
Est-il préférable, pour la majorité de la commission spéciale, d'offrir une nouvelle opportunité, une nouvelle niche fiscale, plutôt que de favoriser un contrôle démocratique et citoyen de l'argent public, comme cela a été proposé ?
Nous ne pensons pas, mes chers collègues, que ce soit là le meilleur choix pour l'emploi et le développement des activités économiques en général et c'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement de la commission spéciale.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. L'intervention de notre collègue M. Raffarin, malgré son talent, ne changera pas notre point de vue.
M. Gérard Larcher, rapporteur. C'est vrai ?
M. Jacques Bellanger. Deux arguments s'opposent au ciblage.
Le premier argument, majeur, est celui de la nécessaire simplification de toutes les formalités, du guichet unique et d'une législation unique sur l'ensemble du territoire pour favoriser la création d'entreprises.
Pour avoir dirigé des petites entreprises, je sais que le principal obstacle à leur création et à leur développement, c'est la complexité administrative.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous y viendrons avec un amendement qui sera défendu tout à l'heure.
M. Jacques Bellanger. Un second argument mérite d'être pris en considération.
Lorsque l'on commence un ciblage géographique, automatiquement, ce sont les plus riches qui gagnent contre ceux qui sont le plus en difficulté, car un ciblage en entraîne un autre. Je suis profondément persuadé que de telles mesures vont à l'encontre du but recherché.
M. Hilaire Flandre. Ce n'est pas convaincant !
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. J'ai écouté avec une grande attention le plaidoyer passionné, parfois à la limite de l'excessif, de notre collègue M. Raffarin. Mais, chacun le sait, la passion va de pair avec la démesure !
Madame la ministre, si l'on peut discuter des moyens ou du calendrier, les vraies questions évoquées par cette intervention devront être très rapidement prises en considération par le Gouvernement, sur deux points au moins.
D'abord, les zonages existent ! En effet, des cartes circulent concernant les fonds structurels européens, la prime d'aménagement du territoire et donc l'exonération de taxe professionnelle. Elles n'ont été démenties que globalement, et il me semble bien que des zones rurales en très grande difficulté - j'en ai cité un exemple ici même la semaine dernière - soient désormais en passe d'être écartées !
Voilà qui créé une profonde émotion et qui, faute d'un dialogue transparent avec le Gouvernement, pourrait avoir des conséquences politiques dans un délai rapproché.
De plus, si l'on rapproche l'esprit de ce texte législatif au projet de loi relatif à l'intercommunalité. On peut effectivement craindre un transfert financier des zones rurales, et pas seulement des plus excentrées, vers les communautés d'agglomération. D'une part, le Gouvernement propose, en effet, au titre de la DGF, d'avantager de façon inhabituelle un citoyen vivant en milieu urbain par rapport à un citoyen vivant en zone rurale. D'autre part, par le biais des aides structurelles indirectes, un nouveau déséquilibre serait créé.
Je rappelle que, dans la discussion générale, j'ai moi-même dit que le moment n'était pas forcément bien choisi pour traiter de sujets aussi complexes, qui méritent d'être étudiés en soi.
M. Hilaire Flandre. On le fera quand on sera tous morts !
M. Gérard Delfau. Mon cher collègue, nous avons suffisamment de vitalité - nous l'avons montré, vous, moi et quelques autres - pour ne pas mourir ainsi au champ d'honneur de la discussion parlementaire, du moins tout de suite.
M. Hilaire Flandre. Je parlais du territoire !
M. Gérard Delfau. Cela étant, madame la ministre, j'espère que les diverses interventions émanant de diverses travées de notre assemblée - que M. Bellanger me permette cependant de dire que sa démonstration m'a laissé pour le moins perplexe - feront prendre conscience au Gouvernement qu'il y a là un chantier urgent à ouvrir. En ce qui me concerne, je l'ouvrirai sans a priori qu'il s'agisse du rural ou de l'urbain, mais simplement avec le souci de l'équilibre du territoire.
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Monsieur Bellanger, je suis littéralement stupéfié par cet argument selon lequel on peut faire de l'aménagement du territoire sans ciblage géographique. Depuis une bonne quinzaine d'années que je m'occupe de ces problèmes, c'est la première fois que j'entends énoncer cet argument. Je rappelle que toute la politique de l'aménagement du territoire est précisément fondée sur un zonage.
On peut discuter des zonages, d'autant que, nous le savons tous, on les a multipliés au point de les rendre incompréhensibles. Il faut donc les simplifier, c'est sûr. Mais on a parlé ici, dans un contexte que j'aurais préféré différent, de la PAT. Personne n'a parlé de supprimer le zonage de la PAT !
Vous savez qu'à Bruxelles on discute du zonage. Par conséquent, l'argument invoqué contre la proposition qui émane de notre collègue Raffarin est de pure circonstance. Dites plutôt que l'on n'en veut pas, que Bercy n'en veut pas ! Le refus a sûrement une autre origine. L'argument que vous invoquez est totalement irrecevable.
J'ajoute d'ailleurs - sans reprendre ce qu'a dit notre collègue Jean-Pierre Raffarin avec beaucoup plus de talent - que l'une des caractéristiques, vous le savez comme moi, de nos espaces en difficulté, de nos espaces fragiles, en voie de désertification pour certains, est que leur épargne ne s'investit pas localement. Non seulement l'épargne de l'extérieur ne vient pas les fertiliser, mais leur propre épargne s'en va. Et vous vous opposez à ce projet !
Je suis désolé de vous dire que je trouve cela incompréhensible et que l'objectivité dont je vous ai souvent vu faire preuve et que je vous reconnais en d'autres circonstances se trouve ici totalement prise en défaut !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, j'aurai l'occasion de revenir sur tel ou tel dispositif au cours du débat. Mais je voudrais préciser à l'intention de M. Delfau que les questions dont il a dit qu'elles devront être traitées sont effectivement de vraies questions qui sont quotidiennement examinées par le Gouvernement. De plus, les dispositifs annoncés d'ores et déjà par Marylise Lebranchu et la préparation pour l'automne d'assises de la création d'entreprises devraient nous permettre d'aller plus loin encore.
Vous avez souligné la nécessité d'un dialogue transparent avec le Gouvernement sur la réforme des zonages. Telle est bien notre volonté.
Je vous rappelle que, pour la première fois dans l'histoire, c'est avant la prise de décisions que les élus, les collectivités locales ont été consultés sur la base d'hypothèses de travail pour réfléchir avant même que les zonages ne soient arrêtés.
Nous sommes en train non pas de renoncer aux zonages, mais de procéder à un toilettage général du dispositif et nous refusons de prendre des décisions au cas par cas, indépendamment de cette réflexion générale, qui doit nous permettre non seulement d'aider de façon ciblée les zones les plus difficiles, mais aussi d'éviter, autant que faire se peut, les effets de frontière et les effets pervers indésirables qui ont été bien mis en évidence par Jean Auroux dans son rapport sur les zonages, rendu au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 99, repoussé par le Gouvernement.
M. Gérard Delfau. Je m'abstiens.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 100, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après le cinquième alinéa de l'article 43 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre des missions visées ci-dessus, le fonds intervient notamment pour soutenir les entreprises situées dans ces zones qui sont regroupées autour d'un projet partagé et qui mettent en commun des structures ou des moyens en matière notamment de recherche et développement, de production, de commercialisation, de distribution, de communication, de prospection en vue de l'exportation ou de formation des ressources humaines. »
La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je m'associe totalement à ce que vient de dire M. François-Poncet sur les zonages. Je rappelle qu'une politique d'aménagement et de développement du territoire qui vise à équilibrer le territoire repose sur le principe du zonage en droit, qui compense le zonage de fait que décrivait très bien. M. Raffarin pour compenser l'attractivité économique qui nous rapproche de l'axe rhénan jusqu'à Milan et qui a tendance à aspirer l'Ouest européen vers la partie centrale de l'Europe. Il y a là toute la légitimité de cette politique.
M. Bellanger disait, à la suite de M. Raffarin, que les PME étaient l'oxygène du territoire. Mais, pour qu'elles aient de l'oxygène, un peu comme pour les cellules, encore faut-il qu'elles s'assemblent et définissent des solidarités, notamment entre les entreprises. Voilà l'objet de cet amendement, que je qualifierai d'amendement mitochondrie - n'est-ce pas, monsieur le président ? - qui va induire un cycle de Krebs interentreprises. J'essaie de répondre à votre gentille sollicitation, monsieur le président.
M. le président. De Krebs et associés !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il s'agit notamment de s'inspirer de ce que pratiquent d'autres pays.
Le modèle italien des districts industriels est en train de faire référence de par le monde.
Le Danemark, dont l'économie est depuis longtemps constituée d'une constellation de PME, a lancé un programme de promotion de réseaux d'entreprises. Au Québec, un programme public aide les projets de coopération et les actions interentreprises lancés dans le cadre de systèmes productifs locaux. Au Pays de Galles, une agence chargée d'accompagner les restructurations lourdes du charbon et de l'acier encourage les PME locales à s'organiser en réseaux pour constituer une offre de sous-traitance qualifiée.
En matière de recherche, de formation, d'innovation, d'exportation, la constitution de partenariats sur un territoire donné doit être encouragée.
Dans cette optique, cet amendement inscrit au nombre des missions du fonds national de développement des entreprises un soutien aux entreprises qui auront constitué un réseau sur les territoires privilégiés - pardonnez-moi : il y a zonage ! - d'aménagement du territoire. Il ne s'agit pas forcément d'une spécialisation productive ; il s'agit plus d'une incitation à travailler ensemble.
Cet amendement reprend une proposition du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires » de nos collègues de la commission des affaires économiques, présidé par M. Jean-Pierre Raffarin et dont le rapporteur est M. Francis Grignon.
Il existe plusieurs exemples de districts industriels. Je reprendrai tout simplement les travaux de la DATAR pour souligner toute la pertinence qu'il y a à encourager la constitution de ces grappes d'entreprises autour des villes petites et moyennes.
La DATAR identifie une soixantaine de districts industriels, parmi lesquels, dans le département de Maine-et-Loire, le Choletais pour la chaussure ; dans le Puy-de-Dôme, Thiers pour la coutellerie ; dans l'Ain, Oyonnax pour la plasturgie ; et, en Haute-Savoie, la vallée de l'Arve pour le décolletage et la mécanique de précision.
Ces réalités existent. Il convient de les encourager, d'en faire des modèles de solidarité et de développement. Je sais qu'un certain nombre de nos collègues ici sont attachés aux bassins, bassins d'emploi et bassins de développement économique.
Tel est le sens de cet amendement qui vous est présenté par la commission spéciale et que je défends au nom de Claude Belot, qui n'a pu être présent ce matin, mais qui a rapporté devant la commission spéciale ces propositions pertinentes, issues, il faut le dire, d'expériences conduites dans des pays étrangers donnant de bons résultats, et que nous aurions tout intérêt à faire marcotter, à la manière de ceps, en faveur du développement économique de notre territoire. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le FNDE est un instrument financier qui intervient au profit de la création et du développement des entreprises, notamment des petites entreprises.
Cet amendement vise à encourager des actions collectives. Le Gouvernement, qui souhaite promouvoir les systèmes productifs locaux, a engagé une politique volontariste en la matière. Ainsi, 200 systèmes productifs locaux ont été identifiés. Près de la moitié d'entre eux vont être aidés dans le cadre de l'appel à projets financé par la DATAR, après le comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire du 15 décembre 1997. Le Gouvernement ne peut que se montrer favorable à cet amendement.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 100.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur François-Poncet, vous m'avez certainement mal compris. Je n'ai jamais dit qu'une politique d'aménagement du territoire pouvait se faire sans zonage ! Mais peut-être ne parlons-nous pas de la même chose. J'ai simplement dit que, quand nous parlions de création d'entreprises, tout ce qui pouvait ressembler à des politiques de zonage était une mauvaise chose.
Au fond, cela ne fait que souligner un autre aspect. Il est logique que nous voyions dans la politique d'aménagement du territoire certains aspects économiques, mais la politique de création d'entreprises, en particulier de PME-PMI, ne se fait pas à ce niveau.
Cela justifie encore un peu plus notre désir de voir ces problèmes traités globalement dans un texte à part. Mais nous y reviendrons.
Par conséquent, pour ces mêmes raisons, nous serons hostiles à l'amendement n° 100.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, je n'aurai pas l'outrecuidance de penser que vous avez entendu mon plaidoyer, qui était lui aussi passionné.
Tout en sachant pertinemment que les décisions sont prises autrement, je voudrais me réjouir de ce geste du Gouvernement, qui témoigne d'une volonté effective d'aider les petites entreprises.
Alors que j'étais dubitatif à l'égard de l'autre proposition de la commission, ce qui m'intéresse ici c'est la modernité de la démarche : aider la coopération interentreprises pour donner une acception moderne à l'aide au développement économique territorialisé. C'est très exactement d'ailleurs ce à quoi je m'emploie dans ma commune depuis maintenant douze ans, non sans difficultés, à la tête d'une maison des entreprises.
Une fois ce texte voté, il amplifiera l'action que nous menons tout en donnant d'une certaine façon raison aux pionniers que nous avons été.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur Delfau, j'apprends comme tout le monde à maîtriser et à mesurer la passion. Il n'en demeure pas moins que, quand vous vous retrouvez, comme cela m'est arrivé encore récemment à Surgères, pour la vingtième ou la trentième fois, devant des centaines de salariés, pour leur expliquer que leur usine part dans l'Est, l'exercice finit par devenir assez lassant, je puis vous l'assurer ! On n'a pas toujours les nerfs qu'il faudrait avoir, parce que la mécanique se reproduit aujourd'hui régulièrement dans tout l'Ouest de semaine en semaine !
Monsieur Bellanger, j'estime inacceptable l'argument selon lequel - et Mme la ministre l'a dit tout à l'heure - telle ou telle disposition sera examinée dans un prochain texte ; le Gouvernement y travaille.
Par exemple, les assises de la création d'entreprises étaient annoncées en novembre ; elles ont été reportées en janvier puis au printemps et, maintenant, on nous parle de l'automne !
L'important aujourd'hui dans ce texte, ce sont les contrats de plan ! Quand les contrats de plan seront-ils bouclés ? Quand les mandats de négociation vont-ils arriver ? Au mois de juillet ! Les textes qui ne seront pas prêts en juillet verront leur application reportée à des horizons lointains, peut-être en 2007, pour un grand nombre de décisions qui concernent l'aménagement du territoire. Voilà pourquoi nous sommes tous en train de discuter actuellement dans nos circonscriptions.
Nous faisons de cette future loi la charpente des prochains contrats Etat-région avec l'ensemble des partenaires. Il faut donc faire en sorte que les décisions importantes soient préparées. Sinon, il faudra attendre une politique de création d'entreprises et un texte de M. Zuccarelli. Quel est le sens de tout cela ? C'est la seule raison que Mme Voynet nous ait donnée pour justifier l'urgence !
S'il y a urgence, c'est parce que ce texte doit être prêt pour les contrats de plan ! Sinon les sujets qui n'auront pas été traités dans ce texte seront reportés à des échéances qui rendent les dispositions irréelles !
Je note la position favorable du Gouvernement sur les grappes d'entreprises, sur les districts ; c'est très important. Il faut intégrer cette disposition dans les contrats de plan parce que la DATAR ne doit pas être seule habilitée à déterminer les bons districts.
J'ai appris, en lisant le journal Les Echos, que La Rochelle aurait un district des industries nautiques. Tout cela doit faire partie de la concertation et la DATAR n'est pas la seule organisation à pouvoir labelliser des grappes d'entreprises, des grappes d'entrepreneurs ; je pense, notamment, à tous les groupements d'employeurs qui s'organisent de manière solidaire sur le terrain : ils ont besoin des mesures présentées dans cet amendement pour progresser vers cette solidarité fertile à laquelle nous sommes attachés. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100, accepté par le Gouvernement.
M. Pierre-Yvon Trémel. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Je suis saisi maintenant de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 101, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le troisième alinéa (1) du I de l'article 44 sexies du code général des impôts, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2006".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 305, M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 2 octobre 1999, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'application des dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts. »
La parole est à M. Larcher, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 101.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement tend à proroger le dispositif, mis en place par la loi Pasqua-Hoeffel, qui exonère d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés les bénéfices réalisés par les entreprises nouvellement créées dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire.
La prorogation irait jusqu'à 2006, c'est-à-dire jusqu'à l'échéance de la programmation européenne des fonds structurels et des contrats de plan Etat-région, qui constituent pour nous une référence.
Je rappelle que les concentrations, restructurations et extensions d'activités sont exclues de ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour présenter l'amendement n° 305.
M. Gérard Le Cam. S'agissant de l'amendement n° 305, je dirai qu'il se justifie par son texte même.
Je voudrais surtout faire part de quelques réflexions concernant l'amendement n° 101, qui ouvre une série d'amendements de portée financière.
En vérité, il n'y a guère de surprise à voir la commission spéciale nous proposer de prolonger l'existence d'un dispositif temporaire d'exonération de l'impôt sur les sociétés, institué par l'article 44 sexies du code général des impôts, dans les zones dites prioritaires.
La prorogation de telles dispositions soulève en fait une double série de questions.
On peut d'abord s'interroger sur un zonage du territoire, peu remis en cause par le présent projet de loi, qui consiste à mettre en oeuvre un système de prélèvements différencié, à la carte en quelque sorte, uniquement, ou presque destiné aux entreprises.
De manière générale, dès lors que l'on joue sur l'impôt sur les sociétés, les cotisations de sécurité sociale ou encore la taxe professionnelle, on tend à faire porter la charge fiscale sur les seuls ménages, au travers de l'impôt sur le revenu, qui frappe les revenus salariaux et assimilés, et des droits de consommation.
On favorise, dans les faits, une injustice fiscale encore plus importante que celle qui continue malheureusement d'imprégner trop largement notre législation fiscale.
La seconde série d'interrogations porte évidemment sur la portée réelle des mesures d'exonération fiscale.
Devons-nous persévérer dans une voie qui n'a pas fait la démonstration de son efficacité ?
Chacun connaît la méthode qui consiste, pour certaines entreprises, à se livrer au jeu du take the money and run, c'est-à-dire à tirer provisoirement parti de menus avantages fiscaux, tout en transférant quelques emplois, avant de procéder, au terme de la période considérée - cinq ans, en général - soit à l'annonce d'un plan de « dégraissage » d'effectifs, soit à un déménagement pur et simple sous des cieux plus cléments.
Ce sont là les effets pervers des dispositions fiscales du type de celles de l'article 44 sexies du code général des impôts, effets pervers que nous ne connaissons que trop et qui n'ont pas résolu, loin s'en faut, les problèmes d'emploi des régions qui connaissent le plus de difficultés de ce point de vue.
Nous considérons, pour notre part, que la discussion ouverte par cet amendement de la commission spéciale trouverait mieux sa place lors de l'examen du projet de loi de finances, éclairée par ce que nous connaissons déjà de ces dispositifs mais aussi par les données dont nous disposerons alors quant à leur efficacité.
En tout état de cause, nous ne pensons pas que la résolution des problèmes de développement économique que connaissent certaines régions puisse provenir de telles dispositions incitatives. On peut estimer que c'est plutôt l'ensemble de la politique publique d'aménagement du territoire ou encore de formation et d'éducation qui peut être à la source de solutions durables et vraiment efficaces.
Voilà pourquoi nous voterons contre l'amendement n° 101, auquel nos préférons évidemment l'amendement n° 305.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 305 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je comprends les préférences de M. Le Cam, mais je lui fais observer que, en l'occurrence, il met en opposition deux choses qui ne sont pas exclusives l'une de l'autre. On peut aimer et la soupe et le chocolat, même si l'on peut aussi préférer l'un à l'autre ! (Sourires.)
Bien que la commission spéciale se soit attachée à ne pas demander de multiples rapports, afin de ne pas contribuer à une certaine inflation qu'on peut déplorer à cet égard, elle a émis un avis favorable sur l'amendement n° 305.
En effet, souhaitant savoir comment s'appliquait l'article 44 sexies du code général des impôts, elle s'en est enquise auprès des services du ministère de l'économie et des finances. Or il apparaît qu'il n'existe aucune donnée précise sur ce sujet. Ainsi, le fascicule budgétaire « voies et moyens » se contente, pour le calcul de la dépense fiscale liée à cette exonération, d'une approximation empirique.
Mais voici la réponse des services du ministère de l'économie et des finances : « Le seul élément d'information en notre possession concerne la méthode de chiffrage de la dépense fiscale correspondante. Elle est évaluée de manière forfaitaire, à partir des résultats constatés dans le régime précédent, et non pas à partir du nombre d'entreprises réellement concernées, dont nous ne disposons pas. »
Face à cette méconnaissance absolue, nous avons estimé qu'il était légitime de déroger au principe que nous nous étions fixé et, en l'espèce, nécessaire de demander le dépôt d'un rapport.
Cette situation de méconnaissance explique d'ailleurs pourquoi certaines affirmations émanant du Gouvernement ou de nos collègues de l'opposition sénatoriale et concernant des mesures que nous préconisions nous laissent dubitatifs.
Vu le degré d'ignorance dans lequel nous sommes tenus - on ne connaît même pas le nombre d'entreprises réellement concernées ! - un rapport doit absolument nous permettre d'y voir plus clair.
M. le président. Madame le ministre, pouvez-vous nous donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 101 et 305, et nous dire si vous préférez la soupe ou le chocolat ? (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Chacun ses goûts, monsieur le président ! Je reconnais bien volontiers à M. Larcher le droit d'avoir les siens.
M. Gérard Larcher, rapporteur. J'aime les deux, moi ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Avec peut-être quelque chose entre la soupe et le chocolat, d'ailleurs, monsieur Larcher... (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Oui, à ce qu'il semble, et cela me profite toujours ! (Nouveaux sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce n'est pas moi qui le dis, monsieur le rapporteur !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je le revendique !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. S'agissant de l'amendement n° 101, cette exonération fiscale, d'un coût estimé à 850 millions de francs, est l'une des rares mesures contenues dans la loi dont l'application soit limitée dans le temps. Le Gouvernement n'est pas favorable à la proposition qui vise à prolonger ce régime jusqu'en 2006.
En effet, je crois indispensable de mettre à profit l'année 1999 pour faire, comme je l'ai déjà annoncé à plusieurs reprises, le bilan de l'application de ce dispositif dans chaque type de zone, pour réfléchir aux aménagements nécessaires, plutôt que de proroger dans la précipitation un dispositif qui doit être repensé dans sa globalité.
Le Gouvernement entend procéder à un réexamen d'ensemble de la politique des zonages, qu'il s'agisse d'ailleurs des zonages proprement dits ou des mesures qui les concernent, ainsi que je m'en suis déjà expliquée.
J'ajoute que nous disposons bien de toute l'année 1999 pour ce faire. En effet, il n'est pas question de tout demander aux contrats de plan. Dans le cadre des contrats de plan, nous sommes en train de dégager, ministère par ministère, des enveloppes qui vont nous permettre de financer des actions contractualisées entre l'Etat et chaque région.
Pout tout ce qui concerne les dispositifs négociés avec l'Union européenne, d'une part, et les dispositifs fiscaux à impact national, d'autre part, nous avons un petit peu plus de temps et, à la fin de l'année, un CIADT devrait nous permettre d'annoncer la rénovation complète du dispositif.
En ce qui concerne l'amendement n° 305, je crois en effet nécessaire d'évaluer de façon sérieuse les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts, mais il me semble que l'amendement n° 194, qui a été précédemment adopté, prévoit un rapport annuel au Parlement sur l'ensemble des mesures fiscales.
L'amendement n° 305 étant ainsi satisfait, il pourrait être retiré.
M. le président. Monsieur Le Cam, votre amendement est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 305 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 101, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.

Par amendement n° 102, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - L'article 790 du code général des impôts est complété in fine par un II ainsi rédigé :

« II. - 1° Pour les établissements situés dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de redynamisation urbaine, mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, cette réduction s'élève, pour les biens considérés comme des biens professionnels au sens des articles 885 N à 885 O quinquies et 885 R, à 70 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans, à 50 % lorsque le donateur a soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans et à 30 % lorsque le donateur a soixante-quinze ans révolus ou plus, si les conditions suivantes sont réunies :
« a) Depuis au moins cinq ans, le donateur exerce l'activité de l'entreprise individuelle ou détient directement ou par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, les parts ou actions transmises ;
« b) La donation porte ;
« - sur la pleine propriété de plus de 50 % de l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise individuelle ;
« - sur des parts ou des actions dont la détention confère de façon irrévocable au donataire, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, la majorité des droits de vote attachés aux parts ou actions émises par la société dans toutes les assemblées générales.
« Pour l'appréciation du seuil de transmission, il est tenu compte des biens de l'entreprise, parts ou actions de la société reçus antérieurement à titre gratuit par le donataire et qui lui appartiennent au jour de la donation ;
« c) Le donataire prend l'engagement, dans l'acte de donation, d'exercer personnellement et continûment une fonction dirigeante au sens du 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts au sein de l'entreprise individuelle ou de la société, pendant cinq ans au moins.
« 2° Lorsqu'une entreprise individuelle possède plusieurs établissements qui ne sont pas tous situés dans les zones mentionnées au 1°, la majoration du taux de réduction des droits de mutation ne s'applique qu'à la valeur de l'entreprise affectée du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis à l'article 1467, à l'exception de la valeur locative des moyens de transport, afférents à l'activité exercée dans les zones mentionnées au 1° et relatifs à la période d'imposition des bénéfices, et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis au même article pour ladite période.
« 3° La réduction prévue au 1° est limitée à 10 millions de francs. Dans le cas où la donation porte sur des droits attachés à des parts ou actions, ce montant s'applique à la valeur des titres en pleine propriété. Pour l'appréciation de cette limite, il est tenu compte de l'ensemble des mutations à titre gratuit portant sur une même entreprise ou société ou de celles consenties par la même personne au profit d'un même bénéficiaire, y compris celles passées depuis plus de dix ans lorsque les mutations en cause ont bénéficié du régime de faveur prévu au 1°.
« 4° Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
« B. - En conséquence, le même article est précédé de la mention ; "I. - ".
« C. - Après l'article 1840 G octies , il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1840 G nonies ainsi rédigé :
« Art. 1840 G nonies. - En cas de manquement à l'engagement pris par un donataire dans les conditions prévues au c) du 1° du II de l'article 790, celui-ci est tenu d'acquitter le complément des droits de donation ainsi qu'un droit supplémentaire égal à la moitié de la réduction consentie.
« L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales est applicable au droit supplémentaire prévu à l'alinéa précédent. »
« D. - Les dispositions du présent article sont applicables aux donations consenties à compter du 1er janvier 2000.
« E. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des A, C et D ci-dessus sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement résulte aussi d'une suggestion du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires ». Il s'agit du problème, particulièrement important dans les zones fragiles, de la transmission des entreprises.
La réussite des transmissions d'entreprise est, en effet, un enjeu du maintien et de la revitalisation du tissu économique. Les statistiques montrent que le risque de mortalité de l'entreprise transmise est élevé : une transmission sur trois aboutit, en fait, à un échec.
Une des causes de disparition de l'entreprise réside dans l'absence de préparation de la transmission et des modalités de passation du pouvoir de direction, notamment du chef d'entreprise, à ceux qui en hériteront.
Cet amendement tend à favoriser, à travers une incitation fiscale, les transmissions anticipées d'entreprises sous forme de donation. Mieux le transfert du pouvoir de décision est préparé à l'avance, en particulier à l'occasion d'une donation, plus les chances de succès sont grandes.
Ce dispositif est motivé par le souci d'assurer la pérennité des entreprises, notamment des entreprises à contrôle familial, en améliorant les conditions de leur transmission. Ces entreprises sont en fait menacées du fait du retrait de leur dirigeant, qui est souvent leur fondateur, et également du fait de la reprise et du démembrement par un concurrent, souvent tenté - nous en avons tous des exemples à l'esprit - de délocaliser ou de faire disparaître la société après l'avoir achetée.
La fiscalité des transmissions à titre gratuit contribue à cette situation dans la mesure où, lorsque l'entreprise constitue l'essentiel du bien transmis, les droits élevés ne peuvent être acquittés par le bénéficiaire que par prélèvement sur les actifs.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission spéciale vous propose d'augmenter, pour les zones prioritaires d'aménagement du territoire, les réductions existantes des droits pour les donations en les ciblant plus spécifiquement sur la transmission des biens professionnels.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. L'article 36 de la loi de finances pour 1999 prévoit l'unification et l'accroissement des réductions des droits applicables aux donations.
Depuis le 1er septembre 1998, les réductions de droits atteignent 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans et 30 % lorsqu'il a entre soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans. A titre temporaire, la réduction de 30 % s'applique jusqu'au 31 décembre 1999 aux donations consenties par des donateurs âgés de plus de soixante-quinze ans.
Vous voyez donc que le Gouvernement ne se désintéresse pas de ce sujet.
Il n'est pas envisagé, de manière générale, de modifier ce dispositif, qui a notamment pour objectif de traiter globalement la transmission des biens sans distinguer selon la nature de ceux-ci ou leur localisation géographique.
Si des mesures complémentaires devaient être prises dans les zones les plus fragiles, elles ne pourraient l'être sans une vision globale du dispositif à adopter ou à réformer, et j'ai déjà eu l'occasion de faire part du calendrier gouvernemental en la matière.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 102.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Si l'on peut aisément concevoir que les problèmes de transmission d'entreprise constituent, dans certaines situations, un des obstacles à la pérennité même de l'existence de ces entreprises, on peut s'interroger sur la démarche que nous invite à suivre notre commission spéciale et qui tend, dans les faits, et pour un montant qu'il serait fort intéressant de connaître exactement, à créer une véritable franchise d'impôt en matière de transmission.
Il va sans dire qu'un tel amendement est assez nettement inspiré par les préoccupations des professionnels du militantisme patronal.
Ainsi, toute transaction immobilière entre particuliers dans les zones définies par l'article 42 de la loi de 1995 continuera d'être soumise au droit commun, alors que les transactions portant sur les cessions de parts d'entreprise bénéficieront d'un abattement d'un montant particulièrement élevé.
Croit-on vraiment que le type de cadeau fiscal induit par cet amendement est susceptible de répondre au problème des transmissions d'entreprise ? On peut même craindre que, dans les faits, certains investisseurs n'optent pour un comportement de compradores en acquérant en plusieurs points du pays plusieurs entreprises répondant aux critères fixés.
La mesure fiscale qui nous est proposée est pour le moins déroutante, et l'on peut objectivement penser qu'elle favorisera non le développement économique mais bien plutôt la concentration des activités économiques au détriment de l'aménagement équilibré du territoire.
Or, ce qui peut favoriser le maintien de l'activité d'une entreprise réside moins dans une forme d'optimisation fiscale que dans l'analyse concrète de ses débouchés, dans la qualification de ses salariés, dans sa politique d'investissement.
Ce qui fait la richesse des entreprises, c'est - ne l'oublions pas - le travail de ses salariés, et les décisions de gestion que peut prendre le chef d'entreprise ont souvent moins de portée que la mise en action des salariés.
Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 102, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 103, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le troisième alinéa de l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme, après les mots : "sous réserve de son ouverture au public", sont insérés les mots : ", ou de biens situés dans les zones naturelles des plans d'occupation des sols," . »
La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous en revenons au régime juridique de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, la TDENS, dont nous avons débattu mercredi soir. Cette taxe peut, je le rappelle, être utilisée librement par les départements pour réaliser des acquisitions aussi bien par voie amiable que par expropriation ou par exercice du droit de préemption. Comme le montrent les statistiques du ministère de l'équipement, les départements exercent pleinement cette compétence grâce à la taxe, dont les taux varient de 0,90 % à 2 %.
La rédaction actuellement en vigueur du troisième alinéa de l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme, qui précise les possibilités d'affectation du produit de cette taxe, ne vise que l'acquisition de terrains et l'aménagement d'espaces naturels boisés ou non, sous réserve de leur ouverture au public.
Prenant notamment en compte les conséquences de l'arrêt Jouare-Pontchartrain, nous avons prévu la possibilité d'acquérir des espaces agricoles inclus dans ces périmètres, de les réaffecter à l'agriculture et non de les geler au motif d'une ouverture au public.
Le présent article additionnel tend, par coordination, à prévoir que le produit de la TDENS peut également être utilisé, si le département le souhaite, pour acquérir des biens situés dans les zones naturelles mentionnées au plan d'occupation des sols. Un rapport démontrait d'ailleurs l'existence d'un surplus de taxe qui permettrait sans crainte de faire face aux besoins.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, d'argumenter sur ce sujet lors de l'examen des amendements n°s 97 et 98.
L'idée de casser la spéculation foncière est louable. J'ai rappelé que d'autres outils, spécifiquement agricoles, permettent de répondre à cet objectif, à savoir le fonds d'installation en agriculture et le nouvel instrument d'intervention créé par la loi d'orientation agricole et tendant à soustraire les terrains agricoles concernés à la spéculation.
J'ai rappelé la modestie du montant de la TDENS et la nécessité d'envisager, si les ressources disponibles sont insuffisantes pour mener une politique foncière, qui est indispensable, de nouvelles ressources, notamment celles qui sont liées au changement d'affectation des sols.
Comme pour les amendements n°s 97 et 98, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 103.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 313, M. Teston propose d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'intérêt de la commune le justifie, affirmé par une délibération du conseil municipal, les constructions ou installations peuvent être autorisées, en discontinuité avec les bourgs, villages et hameaux, par l'autorité compétente en matière d'occupation des sols, à l'intérieur des zones délimitées par les plans d'occupation des sols ou par les modalités d'application des règles générales d'urbanisme mentionnées au premier alinéa de l'article L. 111-1-3. Ces zones sont délimitées par l'autorité compétente dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et qu'elles ne sont pas contraires aux objectifs visés à l'article L. 110 et aux dispositions prévues aux I et II du présent article. »
La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston. La loi du 10 janvier 1985 dite loi « montagne » a été mise en place afin d'aménager et de protéger l'espace montagnard. En termes d'urbanisme, cette loi s'est traduite en zone de montagne par l'obligation de construire en continuité avec les bourgs et les villages existants. Son application rigoureuse sur des territoires où les zones d'habitat sont dispersées accentue le processus de désertification en limitant les opportunités de construction de nouveaux logements. Les communes de montagne se trouvent donc dans l'incapacité d'accueillir de nouveaux habitants, fragilisant ainsi les commerces et les services publics de proximité.
La loi du 4 février 1995, dans son article 5, paragraphe XV, a déjà introduit la possibilité de construire en continuité des hameaux existants.
Le présent amendement vise à assouplir encore le volet « urbanisme » de la loi « montagne » en permettant, lorsque l'intérêt de la commune le justifie, des construction en discontinuité avec les bourgs, les villages, les hameaux. En contrepartie - car il en faut bien évidemment une - ces communes devront se doter d'un POS ou d'un document d'urbanisme conforme au premier alinéa de l'article L. 111-1-3 du code de l'urbanisme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il nous est apparu - cette question a d'ailleurs suscité un débat en commission spéciale - que l'application de la loi montagne posait un certain nombre de problèmes. Plusieurs de nos collègues nous ont d'ailleurs fait part de leurs interrogations sur ce sujet.
Mais nous nous interrogeons également sur la proposition qui nous est faite, car elle bouleverserait un certain nombre de principes liés à la durabilité. Monsieur Teston, la référence que vous faites aux règles générales de protection posées par l'article L. 110 et les deux premiers paragraphes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme nous apparaît comme une bien faible digue.
Le groupe de travail sur l'urbanisme mis en place par la commission des affaires économiques et du Plan formulera des propositions qui prendront en compte ces préoccupations. Aussi, la commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Lors du récent conseil national de la montagne, le Premier ministre a été amené à prendre position sur la difficulté que posait l'application de la loi montagne dans certaines zones.
La règle fondamentale de la construction en montagne, selon laquelle toute urbanisation doit être réalisée en continuité avec l'urbanisation existante, est en effet délicate à appliquer dans certaines vallées, malgré les précisions et les adaptations déjà apportées par différentes lois, la dernière étant d'ailleurs celle de la loi du 4 février 1995.
« Des solutions, a dit M. le Premier ministre, devront être recherchées dans le respect des objectifs définis par la loi en matière de préservation de la qualité du paysage montagnard et des espaces agricoles en privilégiant, dans un premier temps, l'utilisation des possibilités offertes par les procédures existantes. »
Louis Besson, élu de la montagne et auteur de la loi qui porte son nom, est chargé de suivre ce dossier. Je ne doute pas que, conscient des difficultés auxquelles vous êtes exposés, il saura y apporter des solutions aussi sages que pragmatiques.
Je vous suggère donc, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement. En contrepartie, je prends ici l'engagement de répondre de façon concrète, conjointement avec Louis Besson, à vos préoccupations. En effet, nous travaillons en étroite coopération sur les difficultés concrètes liées à l'application tant de la loi littorale que de la loi montagne.
M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 313 est-il maintenu ?
M. Michel Teston. Les avis émis par Mme la ministre et par M. le rapporteur m'inspirent deux remarques.
Je précise, tout d'abord, que l'amendement n° 313 ne vise que la construction dans les zones de montagne.
Je tiens, ensuite, à dire qu'entre deux maux il faut choisir le moindre. Or, il me semble que la désertification de secteurs géographiques entiers du territoire constitue un mal plus grave que l'acceptation de quelques constructions en discontinuité avec les villages et les hameaux.
Toutefois, Mme la ministre ayant dit que le Gouvernement acceptait de réfléchir au problème de la construction en zone de montagne, je retire l'amendement n° 313.
M. le président. L'amendement n° 313 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements présentés par MM. Raffarin et Grignon.
L'amendement n° 105 vise à insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 1511-5, il est inséré, dans le code général des collectivités territoriales, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Une collectivité territoriale ou un groupement peut mettre, à titre temporaire, à la disposition d'une personne physique ayant un projet de création d'entreprise, des locaux, du matériel, des moyens, y compris humains, et, éventuellement, des équipements, en vue de lui apporter un soutien immatériel, sous forme de conseil juridique, stratégique et financier et de formation aux métiers de l'entreprise, aboutissant notamment à la réalisation d'un plan de financement. Cette mise à disposition est subordonnée à l'évaluation de la viabilité économique des projets et, le cas échéant, de leur caractère innovant ou de leur cohérence avec les savoir-faire traditionnels des territoires concernés.
« Cette initiative peut associer plusieurs collectivités territoriales ou groupements, ainsi que des établissements publics, des sociétés d'économie mixte locales, d'autres personnes de droit public ou des personnes de droit privé. Dans ce cas, une convention est signée par les différents partenaires, qui détermine notamment le mode de sélection des porteurs de projets.
« Cette mise à disposition donne lieu à la conclusion d'une convention entre le bénéficiaire, la collectivité ou le groupement concerné et, le cas échéant, les autres personnes mentionnées à l'alinéa précédent. »
L'amendement n° 106 tend à insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 12, il est inséré, dans la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Le contrat de plan conclu entre l'Etat et la région peut attribuer à une structure mentionnée à l'article L. du code général des collectivités territoriales (cf. amendement n° 105), constituée ou non sous la forme d'une personne morale et ayant pour objet l'accompagnement des personnes physiques disposant d'un projet de création d'entreprise, un label de "Pôle d'incubation territorial".
« L'octroi de ce label peut s'accompagner d'un engagement de l'Etat d'accorder en priorité aux pôles labellisés les aides, subventions, prêts, garanties d'emprunt et agréments fiscaux visés à l'article 12 de la présente loi, ainsi que les aides qui relèvent de la politique nationale d'innovation et de soutien des petites et moyennes entreprises.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ces deux amendements s'inspirent de la même logique, celle des incubateurs territoriaux.
J'ai bien noté tout à l'heure qu'il se dégageait un consensus pour considérer que la création d'entreprises est une fonction majeure de l'aménagement du territoire, ce à quoi M. Bellanger et Mme la ministre nous ont répondu que nous envisagerions ultérieurement cet aspect lors de l'examen d'autres textes.
Je connais au moins un ministre qui ne s'est pas laissé « verrouiller » et qui eu l'audace de se lancer à temps. Je veux parler de M. Allègre qui a écrit une brochure intitulée : « Premier concours national d'aide à la création d'entreprises, appel à projet, territoire par territoire. » Il s'agit de créer des incubateurs en liaison avec les universités. Tant mieux et vive l'audace à défaut de dire : « vive Allègre » ! (Sourires.)
Dans le cadre de cette démarche de création d'entreprises, nous percevons bien la nécessité de mettre en place des pépinières et de prendre des mesures d'accompagnement pour les entreprises nouvellement créées, dans la mesure où, comme le soulignait M. Bellanger, la moitié des entreprises disparaissent après cinq ans d'existence, ce qui est un véritable mal français.
Puis, est apparue une nouvelle forme d'entreprises appelées « entreprises innovantes ». Il s'agit de jeunes entreprises travaillant dans le domaine de la technologie, d'entreprises à forte croissance travaillant dans les secteurs de la communication ou de la biotechnologie. Ces entreprises-là mettent du temps à élaborer leur projet. Aussi est-il nécessaire de mettre préalablement en place un processus d'incubation.
Ce processus est complexe car il s'agit parfois de la maîtrise de projets, parfois de la mise au point d'un procédé ou d'un produit, parfois, plus simplement, de l'alliance de partenaires, notamment du scientifique et du manager lorsque la même personne n'assume pas les deux fonctions. Par conséquent, ce processus d'incubation devient un processus majeur de l'aménagement du territoire.
J'ai pu assister dans mon propre département, dans des territoires ruraux, au démarrage d'entreprises de biotechnologie. Par exemple, dans une petite commune de la Vienne, Celle-Lévescault, située à une vingtaine de kilomètres de Poitiers, un chercheur a créé une entreprise. Il s'est entendu à l'échelon international avec un certain nombre de partenaires. Aujourd'hui, il emploie plus d'une centaine de personnes, son entreprise est inscrite au nouveau marché, et ce grâce au processus d'incubation. Il a fallu surmonter des échecs, résoudre des difficultés, avant de constituer le projet final, qui est sur le chemin de la réussite.
L'incubation d'entreprises nouvelles peut se réaliser sur n'importe quel territoire - en ce domaine, la Lozère est aussi fertile que le Bas-Rhin - à condition de permettre aux collectivités territoriales et à l'Etat de bâtir ce dispositif. Il s'agit notamment, comme l'a proposé M. Allègre pour les chercheurs, de donner la possibilité à un salarié d'être employé par un incubateur le temps de finaliser son propre projet qui a été sélectionné après un appel à projets.
Ces deux amendements visent donc à favoriser l'acte d'incubation, acte majeur de l'aménagement du territoire.
L'amendement n° 105 tend à offrir aux collectivités territoriales la possibilité de constituer des « incubateurs ».
L'amendement n° 106 prévoit que, à l'occasion de la prochaine génération de contrats de plan - c'est ici et maintenant que nous pouvons en débattre ! - les régions et l'Etat aient pour objectif de constituer au moins un incubateur par département.
Il s'agit d'un objectif réaliste, qui n'est en rien subversif. Avec un incubateur par département, localisé dans les contrats de plan et validé avec les procédures d'Etat et des collectivités territoriales, on apporterait une bouffée d'oxygène à la création d'entreprises en France. A côté des TPE, ces pépites que sont les petites entreprises industrielles ou tertiaires, on permettrait ainsi la création de véritables PMI. En effet, à la sortie de ces incubateurs, on aura non pas un ou deux emplois, mais trente ou cinquante, car ces PMI seront fondées sur une vraie logique industrielle.
Voilà pourquoi ces deux amendements me paraissent très importants. Ils sont au coeur d'une démarche moderne de l'an 2000 de l'aménagement du territoire.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 105 et 106 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Après le plaidoyer de M. Raffarin, j'ajouterai simplement que ce dispositif concerne certes l'innovation, mais aussi les savoir-faire traditionnels des territoires. Je pense, mélange d'innovation et de savoir-faire, à ce qui se passe dans le Lot, en Lot-et-Garonne, en Haute-Loire, dans le Morbihan et dans bien d'autres territoires. Ces réalités-là existent. Encore faut-il leur donner vigueur, force et reconnaissance. Voilà pourquoi nous ne pouvons qu'émettre un avis extrêmement favorable. La labellisation est la cerise sur le gâteau : nous y sommes également favorables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, pour faire gagner du temps au Sénat, je donnerai l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 105, 106, 107, 108 rectifié, 109, 110 et 111, qui comportent tous des dispositions visant à développer les interventions économiques des collectivités locales.
Vous savez que le Gouvernement prépare un projet de loi modifiant les conditions de l'intervention économique des collectivités locales. Ce projet de loi, préparé par M. Emile Zuccarelli, a été transmis à la Commission des Communautés européennes pour un examen de sa compatibilité avec la réglementation communautaire. Il sera soumis au Parlement dès qu'une réponse aura été donnée. Dans ces conditions, il me semble prématuré d'intégrer dans le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire telle ou telle disposition formulée ici par voie d'amendement. Cela ne signifie pas que de telles dispositions ne soient pas intéressantes.
En effet, le concept d'incubateur en amont de la création d'entreprises paraît tout à fait intéressant. Par ailleurs, certaines des dispositions qui sont détaillées dans les amendements, je pense par exemple à l'amendement n° 110, figurent de façon précise et concrète dans le texte de M. Emile Zuccarelli. D'autres nécessiteraient un examen par la Commission européenne ; c'est notamment le cas de l'exonération de taxe professionnelle pour les entreprises issues de ces incubateurs.
Bref, nous aurons prochainement l'occasion d'un grand débat sur les outils de l'intervention économique des collectivités locales, et je ne doute pas que les amendements préparés par M. Raffarin et ses collègues y trouvent leur place.
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale. M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je voudrais simplement ajouter un commentaire à la suite de la réponse qui m'a été faite tout à l'heure.
La création d'entreprise, que ce soit dans les conditions définies par les amendements précédents ou au sein d'un incubateur, recouvre bien entendu des dispositifs qui ont tous la même finalité et qui intéressent la France entière. Il est certain que, par rapport à d'autres pays - je pense en particulier aux Etats-Unis - la France, pour toutes sortes de raisons, a un retard en matière de création d'entreprises. Je suis frappé et préoccupé de constater qu'un grand nombre de jeunes Français choisissent de quitter notre pays pour aller créer leur entreprise à l'étranger. Cela me préoccupe d'ailleurs tellement que j'ai écrit aux autres présidents de commission du Sénat pour proposer la création d'une mission commune d'information visant à consulter ces jeunes Français, afin de connaître les raisons pour lesquelles ils ont quitté leur pays.
En effet, c'est à travers leur jugement que nous saurons quels sont les points faibles de notre politique. Ce n'est pas que je sois hostile à ce que les Français partent à l'étranger, bien au contraire. Nous avons une tradition de provincialisme qu'il importe de casser. Par conséquent, aller voir ce qui se passe dans d'autres parties du monde ne peut qu'être positif, à condition toutefois qu'il ne s'agisse pas de fuir ou de déserter un pays au motif que la création d'entreprise y serait devenue trop difficile.
J'en reviens au problème de la création d'entreprise. S'agissant des zones difficiles ou fragiles de notre territoire, nous avons tous observé - notre collègue M. Raffarin nous l'a rappelé - que nous n'avons plus l'espoir, comme on pouvait l'avoir dans les années soixante, de voir se décentraliser de grandes entreprises qui choisissent de s'installer dans l'Ouest, le Sud-Ouest ou ailleurs. Cet espoir n'existe plus, car la croissance n'est plus ce qu'elle était. Il ne reste plus que la création d'entreprise, le réensemencement du territoire à partir du créateur d'entreprise, qu'il soit local ou qu'il vienne de l'extérieur.
Si nous voulons développer les zones fragiles, il faut en faire la patrie des créateurs d'entreprises.
Aussi, prétendre qu'il faut traiter ce sujet à l'échelon national, c'est tourner le dos aux véritables problèmes que rencontrent les zones d'aménagement du territoire !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Nous préparons des textes, attendez donc qu'ils sortent, nous dit-on. Je veux bien qu'il y ait une certaine cohérence dans le propos, mais il est vrai que si, par exemple, cette proposition sur les incubateurs départementaux n'est pas prête, elle ne sera pas incluse dans le contrat de plan. Et c'est bien ce qui gêne notre collègue Jean-Pierre Raffarin et c'est bien ce qui me gêne aussi. Je suis en train de préparer le contrat de plan pour l'application de mon département. J'ai des projets comme les siens non pas pour l'imiter, j'en ai déjà réalisé un, qui a permis la création de six cents emplois autour d'un incubateur, assez sophistiqué, il est vrai, qui, certes, a coûté. Je suis donc en attente d'un texte comme celui-là, en attente de la possibilité de développer le capital-risque. C'est maintenant le moment de le faire.
Enfin, si vous croyez que les ministres chargés l'un des collectivités territoriales, l'autre des aides aux entreprises auront la préoccupation de l'aménagement du territoire quand ils examineront ces textes nationaux, vous vous trompez !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. C'est le travail et la responsabilité du ministère de l'aménagement du territoire.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. En se déchargeant de cette fonction sur des ministres dont l'expérience nous a appris que l'aménagement du territoire est la dernière de leurs préoccupations, on commet une grave erreur, et je le déplore. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je n'ai pas l'intention de revenir sur chaque élément de votre argumentation, mais je ne voudrais pas donner l'impression que le Gouvernement s'est désintéressé de ce problème, loin s'en faut ! La plupart des sujets que vous avez évoqués, monsieur François-Poncet, peuvent être tout à fait traités dans le cadre des mesures qui ont été prises et annoncées par Mme Marylise Lebranchu depuis des mois. Celles-ci concernent la simplification des formalités pour la création et le fonctionnement des PME. Des mesures sont aussi destinées à favoriser l'émergence de nouveaux entrepreneurs, de nouveaux capitaux. Je pense notamment au dispositif institué par la loi de finances en 1998 pour orienter l'épargne individuelle mutualisée vers le capital-risque. Je pense aussi aux initiatives qui ont été développées pour permettre des créations d'emplois dans les PME, avec l'avance accordée par la Banque européenne d'investissement à la SOFARIS, la société française pour l'assurance du capital-risque des PME, pour accroître son fonds de garantie et de développement technologique. Je pense également aux moyens mobilisés par la Caisse des dépôts et consignations en faveur du capital-risque. Je pense encore aux moyens permettant de favoriser l'accès au crédit. Autant d'efforts qui concernent spécifiquement les jeunes entreprises et la création d'entreprises.
Parmi les dizaines de mesures annoncées par Mme Marylise Lebranchu, je n'en vois pas qui ne répondent pas à votre attente. Au contraire, le cadre me paraît d'ores et déjà relativement complet. Les dispositifs envisagés dans le projet de loi qui sera présenté prochainement par M. Emile Zuccarelli viseront à sécuriser les collectivités locales sans forcément mettre en péril la dynamique générale qui est celle d'une relance de l'activité, dans l'artisanat, dans le commerce et dans la création d'entreprises innovantes ou dans des secteurs traditionnels.
Le Gouvernement fait donc son travail. Nous pouvons, me semble-t-il, aller de l'avant, sans attendre l'adoption du projet de loi de M. Emile Zuccarelli.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est plus de la solidarité que de la conviction !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 105.
M. André Maman. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur l'intervention de M. Jean François-Poncet.
Je suis sénateur représentant les Français établis hors de France et je réside aux Etats-Unis depuis quarante ans. Je reviens d'une mission à Boston et à San Francisco. C'est précisément entre Boston et Washington, tout le long de la route n° 1, que s'installent de jeunes Français. En général, il s'agit de jeunes très diplômés à qui l'on consent des avantages spéciaux. Ils sont très heureux aux Etats-Unis car on les laisse tranquilles ; la législation est très généreuse. Aussi, je ne vois pas pourquoi ils reviendraient en France.
Le consul général de France à San Francisco, comme moi-même, se préoccupe de ce problème. Il considère qu'il n'est pas bien de laisser ces jeunes aux Etats-Unis et que nous devons faire revenir en France 30 à 40 % d'entre eux. Mais il faut leur donner les conditions pour qu'ils puissent le faire.
M. Jean François-Poncet a proposé la création d'une mission commune d'information. Cette mission serait en effet très utile. Mais je peux d'ores et déjà vous dire ce qu'elle apprendra et il n'est donc pas nécessaire d'aller sur le terrain. Ces jeunes Français sont surtout aux Etats-Unis. Certains sont installés au Canada, et quelques-uns en Australie. Désormais, les jeunes Français s'installent à Hongkong, à Singapour ou à Bangkok et ils sont très performants.
Ceux qui sont installés aux Etats-Unis pensent y faire toute leur carrière et peut-être même y rester lorsqu'ils auront pris leur retraite. En revanche, ceux qui sont installés en Asie reviendront en France après quelques années mais, compte tenu de leur âge, ils seront alors moins performants.
Le moment est venu d'offrir aux jeunes Français installés aux Etats-Unis des conditions de travail permettant à un grand nombre d'entre eux de rentrer en France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. S'agissant de l'importance et de l'objet de ces amendements, tout a été dit.
On ne peut attendre, texte après texte. Nous attendons depuis trois ans le projet de loi sur l'intervention économique des collectivités locales. Préparé par le gouvernement précédent, il a été repris par le Gouvernement actuel. Or nous attendons toujours ce texte. Il y a des urgences et des échéances.
Jean François-Poncet et Jean-Pierre Raffarin ont parfaitement expliqué l'intérêt de la création d'entreprises et l'importance du soutien, notamment dans les zones un peu éloignées, que nous devons apporter aux créateurs d'entreprise qui, nous le savons, rencontrent nombre de difficultés pour mener à bien leurs démarches.
Telle est ma première observation. Par conséquent, n'attendons pas. La préparation des contrats de plan nécessite que le Sénat fasse avancer ce dossier.
Par ailleurs - c'est ma seconde observation - il existe déjà beaucoup d'aides ou de dispositifs en faveur des créateurs d'entreprise, et nous avons à cet égard, dans nos départements, des pépinières. La différence entre l'incubateur et la pépinière, c'est que, souvent, la pépinière intervient après, pour accueillir le créateur d'entreprise, alors que l'incubateur prend le créateur dans sa globalité et un peu en amont. L'incubateur est donc peut-être plus performant.
Les amendements n°s 105 et suivants, au-delà de certaines innovations, visent à légaliser un certain nombre de situations existant sur le terrain. Des observations formulées montrent l'importance s'attachant à ce que les choses soient claires, nettes, et à ce que la volonté du législateur s'exprime rapidement pour dire que les choses doivent aller ainsi. Les amendements déposés par MM. Raffarin et Grignon et les explications des rapporteurs, au nom de la commission spéciale, montrent qu'il faut trancher rapidement ce problème. C'est la raison pour laquelle je voterai bien entendu ces amendements.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Je m'exprimerai moi aussi sur l'ensemble des amendements car, à part un ou deux, ils ont tous le même style.
Je ne reviendrai pas sur la divergence existant entre nous, car nous ne nous convaincrons ni les uns ni les autres. Au moins, croyons chacun parfaitement sincère et n'y voyons aucune manoeuvre. On a le droit d'avoir des divergences. En tout cas, pour ma part, il s'agit là d'une divergence de fond.
Mais je voudrais revenir sur un point précis. Notre pays ne souffre pas d'un manque de création d'entreprises. Il se situe pratiquement au niveau européen sur ce plan, et ce n'est donc pas là que se posent les problèmes. La difficulté, c'est qu'une de ces entreprises sur deux ne passe pas le cap des cinq ans. C'est donc à cet égard qu'il nous faut prendre un certain nombre de mesures sur le plan national et faire porter le maximum de nos efforts.
Les amendements qui nous sont présentés traitent essentiellement des fonds de démarrage, de la naissance des PME-PMI. Je sais bien que la réflexion sur l'objectif de l'entreprise et sur les capitaux de départ a aussi une incidence sur la pérennité de l'entreprise.
Le pôle d'incubation territorial nous apporte quelque chose. Mais je ne suis pas sûr que ce soit l'élément déterminant pour la survie de l'entreprise au bout de cinq ans. Nous devrons examiner ce point plus précisément. Il y a donc là une idée intéressante, qui mérite largement d'être étudiée. Mais sa place n'est pas, à notre avis, dans ce texte. Nous nous abstiendrons donc lors du vote sur ces amendements.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cette explication de vote portera sur tous les amendements déposés par M. Raffarin, ce qui nous permettra de nous hâter lentement, puisque c'est le rythme qu'a choisi notre assemblée.
La défense du libéralisme économique a parfois des détours pour le moins surprenants, et l'on se demande d'ailleurs, à l'examen attentif de certaines des propositions qui nous sont faites dans le cadre de cette série d'amendements, si l'investissement et le risque que peut prendre l'investisseur existent encore.
Nos collègues MM. Raffarin et Grignon sont convaincus que l'aménagement du territoire implique une action économique spécifique des collectivités locales qui consiste un peu à porter les risques en lieu et place des investisseurs et à mobiliser de surcroît à cet effet les ressources procédant de la politique nationale d'aménagement du territoire.
Que nous proposent-ils ? De favoriser le développement d'ateliers-relais, assortis de conditions fiscales dérogatoires au droit commun, complétant en cela certaines propositions faites dans ce chapitre par la commission spéciale, et de permettre éventuellement aux collectivités locales de mettre à disposition des fonds pour les entreprises concernées.
Evidemment, tout cela se fera dans le cadre de la mobilisation de garanties et, en cas d'échec, de sollicitation des contribuables pour « éponger le bouillon ».
Le risque existe en matière de création d'activité. Il faut en accepter la règle et ne pas faire porter à la collectivité le « chapeau » de l'échec, tandis que d'aucuns iraient ensuite retenter l'expérience ailleurs et convaincre d'autres « pigeons » - excusez-moi du terme - du potentiel de développement de leur entreprise.
Nous sommes pour notre part convaincus que c'est plutôt au travers de la création de fonds mutualisés tels que ceux que nous avons proposés dans la discussion de ce projet de loi que nous pourrons définir les pistes d'une véritable politique d'aide et de soutien aux entreprises, notamment aux plus petites qui sont aussi les plus nombreuses.
Nous ne voterons donc aucun des amendements cosignés par nos collègues MM. Raffarin et Grignon. Nous ne voulons pas de ces amendements « libéraux » avec l'argent des autres...
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 105, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 106, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 107, MM. Raffarin et Grignon proposent d'insérer après l'article 38 un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 1511-5, il est inséré, dans le code général des collectivités territoriales, un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans le cadre de la mise à disposition de moyens et de services à un créateur d'entreprise mentionnée à l'article L. ... ( cf. amendement n° 105), et à condition que celle-ci ait donné lieu à l'octroi d'un label de "Pôle d'incubation territorial", mentionné à l'article ... ( cf. amendement n° 106) de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, une collectivité territoriale ou un groupement peut, pour une période de deux ans au plus, accorder au bénéficiaire de cette mise à disposition une allocation destinée à atténuer, le cas échéant, pour ce dernier, les conséquences financières sur sa situation individuelle de son projet de création d'entreprise. Son montant est déterminé, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, par la convention mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 1511-6, en fonction, notamment, de la situation antérieure du bénéficiaire.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article et les règles d'attribution et de plafond des concours financiers des collectivités et groupement. »
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, ce n'est pas « mon » amendement. C'est un amendement que mon collègue Francis Grignon et moi-même avons proposé à la commission spéciale, au nom du groupe de travail « Entreprises et territoire », à la suite d'une demande de M. François-Poncet, président de la commission spéciale, qui voulait justement que la thématique « entreprises » soit affirmée comme une thématique centrale de l'aménagement du territoire.
Le dispositif présenté dans l'amendement n° 107 vise à allouer aux anciens salariés créateurs d'entreprise, pour le temps de la maturation de leur projet au sein des pôles d'incubation territoriaux, une allocation calculée en fonction de leur situation financière antérieure.
En effet, un salarié voulant quitter son emploi en vue de créer une entreprise est souvent dans une situation difficile. Il a la possibilité de prendre un congé sans solde. Si c'est un ingénieur qui veut pouvoir prendre le temps de bâtir son projet, il est souvent obligé de s'inscrire au chômage. On invite donc le créateur d'entreprise à adopter d'abord une mentalité de chômeur ! Cette démarche est quand même très éloignée de l'objectif que nous voulons atteindre.
Les différentes possibilités qu'offre cet amendement permettront aux collectivités territoriales d'accompagner ce créateur. Sur le plan de la démocratie, cela me paraît très intéressant, car cela signifie que la collectivité territoriale s'engage en sélectionnant des projets. Elle prend parti. C'est d'ailleurs ce que demande M. Allègre, avec son appel à projets. Par conséquent, la collectivité territoriale sélectionnera des projets et s'engagera. Il s'agit non pas de distribuer de l'argent n'importe comment, mais d'allouer une somme à un créateur qui envisage de réaliser un projet qualifié par la collectivité.
L'amendement n° 107 vise donc à placer le créateur voulant quitter son emploi pour créer une entreprise dans une situation comparable à celle qui est proposée aujourd'hui aux chercheurs, en lui donnant la possibilité de percevoir une allocation, limitée dans le temps et fonction de ses revenus. Cette disposition permettrait à de très nombreux ingénieurs, techniciens et cadres d'entreprises qui, aujourd'hui, auraient envie de voler de leurs propres ailes mais refusent de s'inscrire au chômage pour pouvoir créer leur entreprise, de passer du statut de cadre ou d'ingénieur, par exemple, au statut de créateur. Tel est l'objet de l'amendement n° 107.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement. Il nous faut en effet développer et conforter cet esprit d'entreprise. Les propos que vient de tenir M. Raffarin me paraissent dans le droit-fil des débats de la commission spéciale.
Je rappellerai simplement à M. Le Cam que la mutualisation, c'est aussi l'argent des autres ! C'est une autre forme, mais c'est l'argent des autres !
Je souhaite également rappeler à M. Bellanger que la périnatalité, c'est la préoccupation de la naissance de l'entreprise bébé, et que les conditions de la naissance de cette dernière induisent une croissance de qualité. Vouloir dissocier la périnatalité des entreprises de leur croissance, c'est, à mon avis, comme dans le domaine de la vie, faire une erreur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jacques Machet. Bravo !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 107, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 108 rectifié, MM. Raffarin et Grignon proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 1464 F, il est inséré dans le code général des impôts, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de taxe professionnelle, en totalité ou en partie, et pendant au plus trois ans à partir de la date de leur établissement, les sociétés majoritairement détenues par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques, dont la création résulte directement de l'action des pôles d'incubation territoriaux mentionnés à l'article (cf. amendement n° 106) de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 modifiée portant réforme de la planification.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour les collectivités locales de l'application du I ci-dessus sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement définie à l'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales.
« III. - L'augmentation du prélèvement des recettes résultant pour l'Etat du II ci-dessus est compensé par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Monsieur Raffarin, je vous donne la parole pour défendre votre amendement. Je dis « votre amendement », car c'est l'amendement du groupe que vous avez animé. Je ne fais bien sûr pas de personnalisation, monsieur le sénateur.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, je saisis cette occasion pour exprimer tous les regrets de mon collègue Francis Grignon, qui était parmi nous lors de la dernière séance de discussion de ce texte et qui est retenu en Alsace pour des raisons de santé. Il aurait aimé pouvoir s'exprimer. C'est pourquoi je tenais à souligner tout le travail important qu'il a effectué.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin. Il nous a fait profiter de son expérience quant à la création d'entreprises : il est en effet élu d'une région, l'Alsace, qui a pris des initiatives nombreuses dans ce domaine.
Madame la ministre, cet amendement n° 108 rectifié se situe dans la même logique que les précédents amendements. Il prévoit en effet que les collectivités qui le souhaitent pourront exonérer de taxe professionnelle pendant trois ans les entreprises dont la création résulterait de l'action des pôles d'incubation territoriaux.
Je rejoins tout à fait le propos tenu tout à l'heure par notre collègue Jacques Oudin sur le fait que le retard que nous prenons aujourd'hui embarrasse très sérieusement MM. les préfets vis-à-vis de MM. les présidents des chambres régionales des comptes. En effet, les contrôles de légalité ne sont pas aujourd'hui les mêmes dans toutes les régions. L'analyse des avances remboursables et d'un certain nombre de procédures financières fait apparaître que, malgré l'immense travail accompli par Mme Lebranchu, travail que vous avez souligné tout à l'heure avec ardeur, madame la ministre (Sourires), des imperfections subsistent aujourd'hui sur le plan légal. Or, nous ne voulons pas d'une telle insécurité juridique, notamment dans les contrats de plan. Quand la porte du contrat sera fermée, elle sera fermée M. Zuccarelli pourra frapper à la porte, on lui dira : « Trop tard ! »
C'est la raison pour laquelle il est vraiment nécessaire d'adopter cet amendement n° 108 rectifié ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission a émis un avis très favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 109, MM. Raffarin et Grignon proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 1511-5, il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Une collectivité territoriale ou un groupement peut, seul ou avec d'autres collectivités territoriales ou groupements, participer à la constitution ou à l'abondement de fonds d'investissement dits d'amorçage, ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises en création. Cette participation peut prendre la forme d'une prise en charge financière par la collectivité ou le groupement des frais d'instruction des dossiers des personnes physiques ayant un projet de création d'entreprise.
« La collectivité territoriale ou le groupement passe avec l'organisme gestionnaire du fonds d'amorçage une convention déterminant notamment l'objet, le montant, le champ d'intervention géographique et le mode de fonctionnement du fonds, ainsi que les conditions de restitution des financements éventuellement versés par la collectivité ou le groupement, en cas de modification ou de cessation d'activité de ce fonds.
« La part des concours financiers publics au fonds d'amorçage ne peut excéder la moitié du total des concours. Le règlement du fonds détermine le plafond des concours qu'il apporte aux fonds propres de l'entreprise en création.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article et les règles de plafond des concours financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs recettes. »
« II. - En conséquence, à la fin de l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales, la référence : "L. 1511-5" est remplacée par la référence : "L. ...". »
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame la ministre, je suis sûr, au fond de moi, que vous êtes d'accord, au fond de vous (Sourires), et que, probablement, quelque part dans la hiérarchie gouvernementale, on vous empêche d'exprimer cet accord !
Le fonds d'amorçage est vraiment la chance donnée aux créateurs. Et pourquoi ne pas aller encore un peu plus loin que ce que sous-tend cet amendement ? Nous proposons d'instaurer un véritable droit à la création.
Quand je regarde la situation économique d'un grand nombre de nos régions, je constate que ces dernières n'ont pas, à l'heure actuelle, les forces économiques de leur avenir. Elles sont soumises aujourd'hui à des mutations économiques telles que, si elles ne créent pas de manière exceptionnelle des richesses, elles ne pourront pas assurer à leurs enfants le niveau de vie des parents.
Cette création, il faut la développer, la généraliser, la globaliser. Il faut aller jusqu'au droit à la création, et c'est ce que nous allons faire en Poitou-Charentes : tout jeune, de dix-huit à trente ans, qui voudra créer une entreprise aura un droit à la création. Ce droit, c'est un chèque créateur à trois talons : premièrement, une formation minimale pour savoir ce qu'est la création d'entreprise, pour en connaître les bonheurs et les dangers ; deuxièmement, un droit à la prestation d'un tuteur pour aider le créateur à professionnaliser son projet ; troisièmement, l'attribution d'une aide financière personnalisée de 5 000 francs à 50 000 francs, selon la qualification du projet.
Nous avons besoin de ces fonds d'amorçage pour déclencher ce type d'initiative. En effet, très souvent, c'est une somme de 15 000 francs ou de 20 000 francs qui manque. Alors, on monte des usines à gaz, des procédures : il faut que l'agence locale de l'organisation bancaire consulte la direction départementale, laquelle en réfère à la direction régionale, cette dernière demandant quelquefois l'accord du siège, à Paris ! Tout cela pour 25 000 ou 30 000 francs ! La paperasse coûte beaucoup plus cher que la subvention !
Par conséquent, pour les petits projets, ces fonds d'amorçage représentent le moyen de libérer la création, en instituant dans notre pays un véritable droit à la création : pour peu qu'il s'engage, pour peu qu'il accomplisse les efforts nécessaires, notamment l'effort de formation et de qualification, celui qui veut créer doit pouvoir bénéficier de ce coup de pouce au démarrage qui s'appelle l'amorçage.
Cela ne ruinera pas le pays ! Au contraire, cela favorisera la création. Y a-t-il plus important à favoriser dans notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission spéciale est naturellement très favorable à cet amendement.
Je ne m'exprimerai pas avec la passion de Jean-Pierre Raffarin pourtant, je pense exactement comme lui pour vivre de tels exemples, y compris sur le plan local, depuis un certain nombre d'années, et pour en voir les fruits. C'est ainsi, par exemple, que l'université technologique de Compiègne est en train d'agir avec des acteurs publics et privés.
Le fonds d'amorçage est indispensable pour faire émerger les qualités d'un certain nombre de créateurs d'entreprise. Voilà pourquoi nous y sommes extrêmement favorables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vais faire, pour la deuxième fois ce matin, plaisir à M. Raffarin : je lui ai dit tout à l'heure que les couveuses d'entreprises, les incubateurs, étaient une bonne idée ; je considère maintenant que le fonds d'amorçage est, lui aussi, une bonne idée. Je vous rassure donc, monsieur Raffarin, ma liberté de parole est intacte, et vous la connaissez.
En revanche, je continue à penser qu'un projet de loi dédié aux interventions économiques des collectivités doit permettre d'élaborer un ensemble qui ait du sens et de la cohérence. C'est donc dans le cadre du projet de loi que présentera prochainement M. Emile Zuccarelli que je serai amenée à m'exprimer plus particulièrement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, nous prenons acte de l'engagement que vous avez pris au nom du Gouvernement.
Cela étant, M. Raffarin me permettra sans doute de recadrer le débat. Je suis, à titre personnel, très favorable au fonds d'amorçage : je me suis battu en sa faveur, j'ai même écrit des articles à ce sujet. Toutefois, si cette mesure était dédiée uniquement aux collectivités territoriales, ce serait une autre façon d'aggraver les inégalités. Le budget général de la nation doit donc faire un effort comparable.
Par ailleurs, pourquoi ne pas envisager ensemble le rétablissement de l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, l'ACCRE, dont vous avez en son temps, monsieur Raffarin, approuvé la suppression ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je répondrai simplement à M. Delfau que le Gouvernement propose un certain nombre de dispositifs d'avances remboursables pour la création qui pourraient très bien, dans le cadre des contrats de plan, être pris en compte. Dans ces conditions, et les collectivités locales et le Gouvernement agiront dans ce cadre.
J'ai noté votre habileté au sujet de l'ACCRE, et c'était d'ailleurs un argument que j'avais oublié. Vous faites donc bien de me le rappeler.
Vous savez comme moi que l'ACCRE présentait un danger, dans la mesure où des créations nouvelles pouvaient faire disparaître des activités actuelles. Très souvent, dans l'artisanat ou dans le commerce, on est inquiet de la concurrence que pourrait provoquer celui qui aurait obtenu de l'argent public pour créer une activité en venant s'installer à côté d'une activité florissante.
Le système que nous proposons prévoit donc une incubation, et la collectivité territoriale doit s'engager sur le projet. Rien n'est systématique, les règles de la concurrence ne doivent pas être faussées, et l'investissement de la collectivité permet de faire en sorte qu'il y ait un choix constructeur et non destructeur.
Trop souvent, parce qu'ils ont obtenu une subvention publique, certains petits commerces ont pu, avec l'ACCRE, mettre en difficulté le commerce voisin. Voilà pourquoi il fallait réglementer ce dispositif, et c'est grâce aux efforts de l'agence départementale d'insertion sur la création d'entreprises par des demandeurs d'emploi que les inconvénients de l'ACCRE ont pu être surmontés.
Quoi qu'il en soit, si son application n'est pas limitée aux collectivités territoriales et si l'Etat peut procéder de la même manière, je crois que le dispositif que je propose constituera un progrès dans l'optique de la contractualisation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 110, MM. Raffarin et Grignon proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 1511-2, il est inséré dans le code général des collectivités territoriales un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1511-2, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent verser des subventions aux organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise d'entreprise et à ceux visés au 1° de l'article 11 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui participent à la création ou à la reprise d'entreprises. Dans tous les cas, les organismes doivent être contrôlés par un commissaire aux comptes, tel que défini par les articles 218 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
« Aucune collectivité ni groupement ne peut apporter plus de 30 % des fonds distribués par chaque organisme.
« L'ensemble des concours publics à chaque organisme ne peut excéder 60 % du total des fonds distribués. Toutefois, dans les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones de redynamisation urbaine mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, cette proportion est de 70 %.
« Une convention conclue avec l'organisme bénéficiaire de la subvention fixe les obligations de ce dernier et, notamment, les conditions de reversement des avances pour création d'entreprise consenties en application du présent article.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de mise en oeuvre du présent article et notamment le montant maximal des subventions accordées. »
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Cet amendement est important.
Le rôle joué par un certain nombre d'agences et d'organismes en tant que structures responsables et partenaires en matière de développement économique est reconnu dans ce projet de loi. Par cet amendement, nous faisons en sorte que ces organismes puissent distribuer des prêts d'honneur, avec le soutien des collectivités territoriales.
Ce dispositif existe déjà dans un certain nombre de cas, mais les fondements juridiques en sont, là encore, très fragiles, et je crois donc très important de pouvoir encadrer cette démarche en en légalisant le dispositif.
Je tiens à dire à Mme le ministre que j'apprécie la modestie dont elle fait preuve pour limiter l'importance de l'aménagement du territoire. (Mme le ministre sourit.) Je peux lui dire que, pendant deux ans, lorsque je m'occupais des PME au sein du gouvernement, j'ai cherché quelle était pour elles la meilleure place possible parce que l'on sait bien que, dans ce pays, la haute administration s'intéresse peu à ce secteur. Prenez le cas du conseil d'administration de l'ANVAR, l'agence nationale de valorisation de la recherche : si les finances y nomment des inspecteurs des finances, si l'industrie y nomme des ingénieurs des mines, sur les dix-huit membres de ce conseil, on ne compte qu'un seul patron de PME !
Je me suis souvent rendu compte que le combat des PME devenait, quand on le rapprochait trop de Bercy, le combat des inspecteurs des finances, et, quand on le rapprochait trop de l'industrie, celui des ingénieurs des mines. Finalement, la véritable place de ce combat est dans l'aménagement du territoire : la différence entre une PME et une autre forme d'entreprise, c'est souvent son enracinement, sa localisation sur un territoire. C'est bien pourquoi nous y sommes si attachés, parce que les emplois sont en effet plus protégés lorsqu'ils sont enracinés.
Madame le ministre, vous avez là une opportunité politique majeure, vous pouvez faire en sorte que l'aménagement du territoire intègre la création d'entreprise, la logique d'entreprise. Sans développement économique, vous n'aurez qu'un aménagement du territoire mutilé, un aménagement du territoire handicapé.
Alors que vous êtes là pour corriger les handicaps, madame le ministre, vous renforcez ces handicaps en vous empêchant de jouer sur le levier de l'économique. C'est vraiment regrettable, madame le ministre, mais j'imagine que vous ne pouvez pas faire autrement. Sachez que nous le regrettons avec vous ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
L'amendement n° 110 procède de la même logique que l'amendement n° 212 rectifié, qui, je le rappelle, a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et qui avait été présenté par notre collègue M. Georges Gruillot.
Il est important, à la suite du rapport de la Cour des comptes sur les interventions économiques des collectivités locales, que nous disposions de cet outil. Voilà pourquoi nous sommes très favorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 111, M. Besse propose d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du premier alinéa du 4 de l'article 238 bis du code général des impôts, les mots : "à la création d'entreprises" sont remplacés par les mots : "à la création et à la reprise d'entreprises".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat provoquées par l'élargissement de la déductibilité du bénéfice imposable des versements effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit d'organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'aides financières, à la création et à la reprise d'entreprises, sont compensées par un relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission spéciale reprend cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 111 rectifié.
La parole est à M. Larcher, rapporteur, pour le défendre.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement vise à promouvoir la création d'entreprise et le maintien d'activités, notamment en milieu rural.
Notre collègue M. Besse, auteur initial de cet amendement, effectue actuellement, au nom de la commission des finances, une mission d'information consacrée aux plates-formes d'initiative locale.
Ces plates-formes sont des associations qui accordent des prêts d'honneur aux créateurs et repreneurs d'entreprise. Elles ont ceci de particulier qu'elles sont créées sur l'initiative des acteurs de terrain et qu'elles associent, dans leur fonctionnement comme dans leur financement, le public et le privé.
Je suis certain, madame le ministre, que vous avez conscience de l'utilité de ces structures, puisque vous avez choisi de les placer au coeur du fonds national de développement des entreprises. Ainsi, 100 millions de francs seront consacrés, par le truchement de la Caisse des dépôts et consignations, aux très petites entreprises, les TPE. De plus, de nombreuses plates-formes d'initiative locale devront gérer l'avance remboursable aux chômeurs créateurs d'entreprise.
Au cours de sa mission, M. Besse a constaté que nombre de plates-formes intervenant en matière de reprise d'entreprise renonçaient à demander l'agrément fiscal du ministère du budget. Pourtant, cette disposition constitue pour elles un gage de sérieux, puisque l'agrément implique que les comptes de la plate-forme sont contrôlés annuellement par le ministère des finances. Mais, souvent, les responsables des plates-formes d'initiative locale renoncent à solliciter cet agrément fiscal au motif qu'il n'est accordé qu'aux structures qui aident exclusivement les créations d'entreprise. Or, en milieu rural notamment, les plates-formes visent également à promouvoir la reprise d'entreprise, particulièrement des petits commerces. Il s'agit là du maintien d'un tissu économique dans les régions les moins favorisées de notre pays.
Tel est le sens de l'amendement qu'avait préparé M. Besse : il s'agit de modifier le code général des impôts de manière que ces organismes d'aide à la création d'entreprise ne perdent pas l'agrément fiscal du ministère des finances lorsqu'ils accordent des prêts à des repreneurs d'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Par amendement n° 112, M. Althapé propose d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 2223-39 du code général des collectivités territoriales est remplacé par les deux alinéas suivants :
« Toutefois, la chambre mortuaire peut accueillir à titre accessoire les corps de personnes décédées hors de l'établissement de santé lorsque celui-ci intervient dans le cadre d'une convention de délégation de service public passée par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent, dans les conditions prévues aux articles L. 1411-1 et suivants, pour l'exploitation d'une chambre funéraire lorsqu'un tel équipement n'est pas présent sur son territoire.
« Les dispositions de l'article L. 2223-38 ne s'appliquent aux chambres mortuaires que lorsqu'elles interviennent en application de l'alinéa précédent. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 224, MM. Barnier et Bizet proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, les mots : "de la protection de la nature" sont remplacés par les mots : "de l'environnement".
« II. - L'éventuelle perte de recettes résultant pour le budget de l'Etat des dispositions du I est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. Nous évoquons, dans ce texte important, l'aménagement durable du territoire, le développement durable du territoire. Je saisis l'occasion de l'examen de ce projet de loi pour proposer au Gouvernement d'accepter un ajustement qui me paraît utile en la matière.
Dans un texte de loi promulgué en février 1995 - à l'élaboration duquel le Sénat avait beaucoup contribué, je puis en témoigner -, nous avions déjà évoqué le développement durable sous différents aspects. Nous avions notamment prévu, dans l'article 57 de cette loi, que des groupements d'intérêt public, des GIP, pourraient être créés dans le domaine de la protection de la nature. Dans cet esprit, a ainsi été créé, en 1997, l'atelier technique des espaces naturels, qui fonctionne, me semble-t-il, de manière extrêmement utile et positive.
A la réflexion, cependant, et après avoir observé la mise en place de ce dispositif sur le terrain, j'estime que la rédaction de cet article 57 telle que nous l'avions décidée en 1995 est trop restrictive.
Ma proposition est donc extrêmement simple : elle consiste, au-delà de la protection de la nature stricto sensu, à élargir la possibilité de création de GIP à l'environnement en général.
Dans le domaine de la gestion des eaux, de la préservation de la qualité de l'air, de la prévention des risques naturels majeurs d'origine technologique ou naturelle, il est, me semble-t-il, possible de créer des GIP : un tel groupement pourrait être utile dans un programme important concernant la gestion écologique de l'étang de Berre ; de la même manière, le plan Loire grandeur nature - auquel je suis, comme beaucoup de membres du Sénat, très attaché - pourrait probablement prévoir un tel groupement pour la gestion écologique de l'estuaire de la Loire.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout au long de ses débats, la commission spéciale a dit sa prudence vis-à-vis des GIP. Cette prudence a notamment été nourrie par ses réunions et ses auditions, le directeur général des collectivités locales ayant craint d'éventuelles conséquences par les collectivités locales en matière de sécurité juridique des élus vis-à-vis de tels groupements, sécurité juridique à laquelle nous sommes particulièrement sensibles, nous qui représentons les collectivités territoriales et les territoires.
L'idée nous paraît bonne, car l'interprétation restrictive de la notion de protection de la nature peut effectivement nous priver de la possibilité de créer des GIP dans des domaines tels que la prévention des risques, la qualité de l'eau ou celle de l'air.
Nous avons toutefois voulu prendre en compte nos préventions à l'égard des GIP.
Voilà pourquoi nous avons exprimé une prudente sagesse favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le rapporteur, les GIP ne sont pas des objets législatifs non identifiés et l'avis du directeur général des collectivités locales n'est qu'un avis parmi d'autres.
Pour sa part, le Gouvernement marque son intérêt pour l'élargissement du champ des GIP, créés par la loi du 2 février 1995, à l'ensemble des domaines de l'environnement.
Le principe du GIP, associant des organismes de droit privé et de droit public dans le cadre de coopérations définies et limitées, se prête effectivement aux nombreux domaines qui ont été évoqués par M. Michel Barnier il y a quelques instants.
Toutefois, les incidences financières éventuelles qui pourraient résulter de la création de ces GIP devront, me semble-t-il, être examinées au cas par cas et faire l'objet de décisions appropriées qui ne peuvent relever d'une mesure générique.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement sous réserve du retrait de son paragraphe II.
M. le président. Une autre solution consiste à lever le gage, madame la ministre.
M. Emmanuel Hamel. Bonne suggestion !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Non, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 224.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Cet amendement recueille notre assentiment, d'autant que nous avons toujours considéré les GIP d'un oeil plutôt favorable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 224, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Gérard Le Cam. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux pour permettre à la conférence des présidents de se réunir ; il les reprendra à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)