Séance du 1er avril 1999







M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, si mes collègues et moi-même sommes d'accord pour reconnaître les efforts diplomatiques que le Gouvernement a déployés pour éviter que la violence ne s'emballe, si nous sommes d'accord pour refuser de rester passifs devant les agissements de Miloscevic, principal responsable de cette crise et des exactions criminelles dont les Kosovars sont victimes, si nous sommes, bien évidemment, nous aussi, par la pensée, près de nos soldats engagés, nous ne pouvons pas être d'accord sur les moyens et sur la politique employés pour résoudre cette crise.
L'inquiétude grandit, car personne ne sait où tout cela va mener.
Les bombardements de l'OTAN, sans mandat de l'ONU - dangereux précédent ! - devaient servir à affaiblir Milosevic, à le contraindre à négocier et à éviter massacres et catastrophe humanitaire au Kosovo. C'est, logiquement, le contraire qui se produit.
M. Yann Gaillard. Que faites-vous au Gouvernement ?
M. Jean-Luc Bécart. Conforté dans son rôle de « dictateur-martyr » de la cause serbe, Milosevic refuse de céder d'un pouce. La violence appelant la violence, les premières bombes de l'OTAN rendant furieuses police et milices serbes, le désastre humanitaire, l'exode, l'horreur règnent au Kosovo.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
La logique du « shérif américain », la « frappamania », va-t-elle continuer de prévaloir, les bombardements vont-ils se poursuivre des semaines, des mois, des années durant, comme en Irak, pour le plus grand confort politique de Saddam Hussein et le plus grand malheur du peuple irakien ?
Une autre logique, plus politique, va-t-elle pouvoir se frayer un chemin ? C'est un chemin étroit et difficile. Mais c'est sur ce chemin que nous avions vu, voilà quelques semaines, la diplomatie française et une mission d'observation de l'OSCE entreprendre sur le terrain du bon travail préventif, amorce d'une présence d'interposition.
Le déploiement d'une telle force d'interposition sous mandat de l'ONU, couplé à l'arrêt des bombardements de l'OTAN, devient une exigence partagée par un nombre croissant de Français, comme l'a rappelé, hier, notre collègue Hélène Luc à M. le Premier ministre.
En ces moments dramatiques, qui appellent, bien sûr, une aide humanitaire forte, notre pays ne devrait-il pas être l'initiateur d'une conférence européenne ouverte sous l'autorité de l'OSCE et de l'élaboration d'un plan de paix à l'ONU sous l'égide du Conseil de sécurité pour qu'à terme les Yougoslaves puissent se réconcilier avec eux-mêmes ou, pour le moins, puissent coexister ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Plusieurs sénateurs du RPR. C'est M. Gayssot qui va répondre ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je rappellerai tout d'abord que les trois résolutions du Conseil de sécurité qui avaient été votées l'automne dernier l'avaient été sous l'empire du chapitre VII. Certes, elles n'étaient pas aussi détaillées que la France aurait pu le souhaiter à l'époque quant à la mise en oeuvre, mais elles étaient extrêmement exigeantes par rapport aux autorités yougoslaves sur l'arrêt de la répression, le retrait des troupes, l'engagement sincère dans la recherche d'une solution politique. Jamais ces exigences n'ont été satisfaites.
Je rappellerai ensuite que, deux jours après le début des frappes aériennes, la Russie a introduit un projet de résolution au Conseil de sécurité pour l'arrêt immédiat de celles-ci ; le Conseil de sécurité a rejeté ce texte par douze voix sur quinze.
A un moment donné, même si ce n'est pas sous une forme aussi complète que nous l'aurions souhaité pour des raisons de principe, le Conseil de sécurité de l'ONU a donc été saisi de cette affaire.
Pour avoir naturellement vécu à chaque étape les efforts qui ont été déployés pour aboutir à une solution qui aurait permis d'éviter d'avoir à en passer par ce que nous connaissons aujourd'hui, je voudrais porter témoignage que les autorités yougoslaves, non seulement n'ont pas saisi les occasions qui étaient proposées, mais ont combattu méthodiquement tout compromis à tout moment ; il a semblé que, pour eux, le compromis, la solution politique que nous avions élaborée au sein du groupe de contact, c'était la pire des menaces.
Voilà ce qui a du être malheureusement constaté au bout du compte, après que de nombreux délais avaient été donnés à la demande des Européens, mais aussi des Américains, qui ne se sont pas séparés de nous sur ce point.
Toute recherche de solution politique est bonne, que ce soit dans le cadre de l'ONU, de l'OSCE, dont vous avez parlé, de l'Union européenne, ou du groupe de contact qui a toujours sa légitimité, mais à condition que l'initiative politique puisse commencer par obtenir l'arrêt des exactions et l'arrêt des méthodes visant à terroriser les populations.
Il n'y a pas d'initiative politique utile, valable, sur laquelle on puisse travailler, consistant à rassembler des gens qui mènent une politique pacifique, qui sont d'accord entre eux, si, dans le même temps, les autorités de Belgrade poursuivent la politique qui est la leur aujourd'hui.
La bonne initiative politique est celle qui réussira à peser sur ce comportement que nous voyons encore au Kosovo, après qu'il s'est malheureusement illustré depuis des années dans l'ex-Yougoslavie, ce à quoi nous voulons mettre un terme. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE et de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

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