Séance du 31 mars 1999







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 138 rectifié, MM. de Rohan, Raffarin, Gerbaud et Haenel proposent d'insérer, après l'article 16, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - L'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée est complété par un alinéa rédigé comme suit :
« Pour préparer dans les meilleures conditions la loi prévue au premier alinéa, les dispositions prévues au troisième alinéa continuent à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2001 au plus tard. »
« II. - Le cinquième alinéa de l'article L. 4332-5 du code général des collectivités territoriales est complété par une seconde phrase, ainsi rédigée :
« Ces dispositions continuent à s'appliquer au-delà du 31 décembre 1999 pendant la période transitoire prévue au quatrième alinéa de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée. »
Par amendement n° 332 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour préparer la loi prévue au premier alinéa, les dispositions prévues au troisième alinéa continuent à s'appliquer au-delà du 31 décembre 1999, pour une période transitoire d'au moins un an et qui prendra fin au plus tard le 31 décembre 2001. »
« II. - Le cinquième alinéa de l'article L. 4332-5 du code général des collectivités territoriales est complété par une seconde phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions continuent à s'appliquer au-delà du 31 décembre 1999 pendant la période transitoire prévue au quatrième alinéa de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée. »
La parole est à M. Gerbaud, pour défendre l'amendement n° 138 rectifié.
M. François Gerbaud. Cet amendement est signé de deux présidents de région, MM. Jean-Pierre Raffarin et Josselin de Rohan, et de ceux que je pourrais considérer comme les deux cheminots du Sénat, à savoir M. Hubert Haenel et votre serviteur, l'un et l'autre portant beaucoup d'intérêt, comme vous le savez, au ferroviaire. Je rappelle que, pour ma part, j'ai été le rapporteur de la loi du 4 février 1995.
Aux termes d'un amendement que j'avais fait adopter par le Sénat, l'article 67 de la loi du 4 février 1995 prévoit qu'après une phase d'expérimentation une loi définira les modalités d'organisation et de financement des transports collectifs d'intérêt régional et les conditions dans lesquelles ces tâches seront attribuées aux régions.
L'article 15 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de Réseau ferré de France, en vue du renouveau du transport ferroviaire, a complété l'article 67 de la loi du 4 février 1985 et a fixé les conditions de cette expérimentation, qui sera close le 31 décembre 1999.
L'article 17 de cette même loi a prévu que, dans un délai de quatre mois à compter de la fin de l'expérimentation, le Gouvernement déposera un rapport au Parlement portant notamment évaluation de cette expérimentation.
La dynamique de renouveau du transport de voyageurs sur le plan régional, excellemment définie par notre collègue M. Hubert Haenel, dans son rapport de 1994, est assurément, nul ne le conteste, une authentique réussite.
Le renouvellement de l'offre régionale conforte un transport ferroviaire de proximité, où la prise en compte plus fine des attentes de la clientèle se traduit par un accroissement significatif du trafic et des recettes. La mobilité intrarégionale gagne du terrain au profit du rail, alors même que 43 % des clients des TER - train express régional - possèdent une voiture. Le transport express régional draine 500 000 voyageurs par jour.
Un nouveau cadre de partenariat se met donc en place, dans lequel les responsabilités sont mieux identifiées entre la région, la SNCF et l'Etat. Deux ans après le lancement de cette expérimentation, les régions expérimentales ont les trafics par habitant les plus élevés, ce qui traduit une plus juste efficacité de leur offre.
Il convient, par conséquent, de préparer dès à présent les conditions d'une mise en oeuvre progressive de la généralisation de la régionalisation. C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à instaurer une période transitoire de deux ans au maximum, afin d'effectuer une évaluation fine du dispositif, d'ajuster les conditions de la future contractualisation et de permettre, enfin, l'entrée éventuelle de nouvelles régions dans le dispositif.
Par ailleurs, je souhaiterais obtenir deux engagements de la part du Gouvernement concernant la contribution de l'Etat aux services régionaux des transports voyageurs, d'une part, et la possibilité pour toutes les régions qui le souhaitent de pouvoir rentrer dans la régionalisation, d'autre part.
S'agissant tout d'abord de la contribution de l'Etat, celle-ci avait été estimée à 4,2 milliards de francs en 1995. Or, aujourd'hui, il semble qu'une enveloppe supplémentaire de 1,8 milliard de francs soit nécessaire pour que l'Etat s'engage, de façon pérenne, au côté de ses deux partenaires que sont la SNCF et les régions. Cette somme comprend 1 milliard de francs pour la remise à niveau du matériel roulant et 800 millions de francs pour la remise à niveau de l'exploitation.
Ce sont donc bien 6 milliards de francs par an qui sont nécessaires pour que la régionalisation du transport ferroviaire régional, associant l'Etat, la SNCF et les régions, soit un dispositif efficace et pérenne.
Pour ce qui est de l'entrée de nouvelles régions dans le processus, il est, en effet, impératif que l'Etat mette tous les moyens en oeuvre afin de permettre à chaque région de bénéficier du dispositif et de lancer définitivement la régionalisation du transport ferroviaire régional.
Je souhaite que le Gouvernement puisse nous répondre sur ces deux points fondamentaux pour la réussite de cette réforme importante du transport ferroviaire français.
Je me permettrai de conclure en disant que la route du fer n'est pas coupée. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 332 rectifié.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comme vous le savez, à la suite des travaux d'une commission d'enquête du Sénat présidée par M. Haenel, une expérimentation a été mise en place, qui tend à confier aux régions la responsabilité des services régionaux de voyageurs pour adapter le service public de transport aux attentes des populations d'une façon plus satisfaisante.
Cette expérimentation, prévue par des dispositions introduites dans les lois du 4 février 1995 et du 13 février 1997 portant création de Réseau ferré de France, a débuté au 1er janvier 1997 dans six régions volontaires : Alsace, Centre, Nord - Pas-de-Calais, pays de la Loire, Provence-Côte d'Azur et Rhône-Alpes.
On a d'ores et déjà pu constater une croissance du trafic supérieure à celle des autres régions. Une septième région, le Limousin, s'est jointe à cette expérimentation depuis le 1er janvier, ce qui permettra d'étendre la variété des situations rencontrées et des dessertes.
Or l'expérimentation, prévue pour trois ans, se termine au 31 décembre 1999. Je vous rappelle que mon collègue M. Gayssot et moi-même avons eu l'occasion de nous exprimer dans un colloque tenu au Sénat il y a quelques semaines, au cours duquel nous avions eu l'occasion de saluer la contribution de M. Haenel.
Il a été indiqué que le Gouvernement était favorable à une généralisation progressive de la régionalisation. Les modalités sont en cours de préparation à partir des évaluations en cours, en liaison bien sûr avec les régions expérimentatrices.
L'amendement n° 332 rectifié du Gouvernement et l'amendement n° 138 rectifié de MM. de Rohan, Raffarin, Gerbaud et Haenel sont très proches. En effet, le Gouvernement s'est rapproché des régions et des présidents de région intéressés pour mettre au point les dispositifs proposés.
L'amendement du Gouvernement prévoit une période transitoire d'au moins un an pendant laquelle continueront à s'appliquer les dispositions de la période d'expérimentation. Cette période prendra donc fin au plus tard au 31 décembre 2001.
Les rédactions des deux amendements étant très voisines, je laisse à votre sagacité, mesdames, messieurs les sénateurs, le soin de voter l'un ou l'autre de ces textes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 138 rectifié et 332 rectifié ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous avons déjà évoqué cet après-midi le succès de l'expérimentation de la régionalisation des transports. C'est à notre collègue Hubert Haenel, chacun le sait, que nous devons cette initiative, qui a été reprise par le gouvernement précédent.
En notre collègue François Gerbaud, administrateur du Réseau ferré de France, qui vient de défendre l'amendement n° 138 rectifié, nous avons, au sein de notre assemblée l'un des avocats de ce mode de transport.
L'article 67 de la loi d'orientation prévoit l'expérimentation. Celle-ci prélude à l'adoption d'une loi, toujours à venir, qui définira les modalités d'organisation et de financement des transports collectifs d'intérêt régional et les conditions dans lesquelles ces tâches seront attribuées aux régions, sous réserve du respect de l'égalité des charges imposées aux citoyens et de l'égalité des aides apportées par l'Etat aux régions.
Sept régions ont d'ores et déjà entamé cette expérimentation. Il s'agit de l'Alsace, du Centre, du Nord - Pas-de-Calais, des Pays de la Loire, de la région PACA, de Rhône-Alpes et du Limousin.
Comme l'a souligné le ministre de l'équipement, des transports et du logement, lors du colloque de la fédération des industries ferroviaires, qui s'est tenu le 4 mars dernier, le bilan de la régionalisation est positif. Le trafic et les recettes ont respectivement progressé de 4,6 % et 4,9 % dans les six premières régions expérimentales contre une croissance de 1,5 à 2 % maximum dans les autres régions.
Les deux amendements procèdent du même esprit. Mais l'amendement n° 138 rectifié prévoit une prolongation de deux ans de l'expérimentation, et ce délai nous paraît nécessaire compte tenu des transferts de charges qu'il convient de mesurer.
C'est la raison pour laquelle, même si les deux amendements procèdent de la même démarche et traduisent le même résultat positif des expériences de régionalisation, nous préférons l'amendement n° 138 rectifié à l'amendement n° 322 rectifié, présenté par le Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 138 rectifié.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ces deux amendements très voisins sont importants. Ils prévoient la prolongation d'au moins une année encore de la période d'expérimentation, nécessité à laquelle se rallient toutes les personnes raisonnables. Il s'agit d'être prévoyant, et l'échéance de 2001 me paraît raisonnable.
Dans le sens des propos de M. Gerbaud, je voudrais rappeler la position qu'a prise l'Assemblée des régions de France, en réponse aux propositions de RFF et de la SNCF. Elle s'est prononcée en faveur de la généralisation de la régionalisation et a proposé de s'engager dans cette démarche avec confiance, mais sous trois conditions majeures.
La première était de demander la prolongation de l'expérimentation. Pour le moment, nous n'avons qu'une année d'expérience. Si nous voulons vraiment que l'expérimentation soit utile, il faut prévoir cette prolongation.
La deuxième condition, c'est que la SNCF garantisse la transparence financière et présente une comptabilité analytique opposable aux partenaires.
En effet, tant que l'opacité régnera dans les comptes, il ne pourra pas y avoir de véritable partenariat. Le contrat implique la transparence financière, et, pour qu'une régionalisation générale puisse être instaurée, il faudra absolument que la SNCF assume ce changement de culture. Le président Galois s'y est engagé, la porte est donc ouverte.
La troisième condition, c'est que soit mise en oeuvre une régionalisation à la carte. Toutes les régions n'ont pas les mêmes besoins, et les TER et les TGV y jouent des rôles variables dans l'offre de transport. Chacune d'entre elles souhaite donc que cette régionalisation soit adaptée à ses caractéristiques propres.
Voilà pourquoi cet amendement est très important.
Je le voterai parce qu'il ouvre la voie à la généralisation de la régionalisation du transport ferroviaire. Bien entendu, il restera un certain nombre de conditions à remplir, mais il s'agit là d'un préalable nécessaire.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous sommes assez favorables à ces amendements, même si, pour des raisons que l'on comprendra aisément, nous donnons la préférence à celui du Gouvernement.
Je crois me souvenir que le rapport Haenel, fait assez rare dans les annales du Sénat, avait été adopté à l'unanimité des groupes. Nous ne renions en rien la position que nous avions adoptée à l'époque et, logiques avec nous-mêmes, nous sommes favorables à ces deux amendements. Préférant cependant celui du Gouvernement, nous nous abstiendrons sur l'amendement 138 rectifié.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 138 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16, et l'amendement n° 332 rectifié n'a plus d'objet.

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