Séance du 25 mars 1999







M. le président. « Art. 18. - I. - La section 4 du chapitre V du titre Ier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée devient la section 7. Son intitulé est ainsi rédigé : "Du schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux".
« II. - L'article 21 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 21 . - Le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux fixe les orientations permettant d'assurer la mise en valeur durable des potentialités et des caractéristiques locales de ces espaces en prenant en compte leurs fonctions économique, environnementale et sociale. Il définit les principes d'une gestion équilibrée de ces espaces qui pourront notamment être mis en oeuvre par les contrats territoriaux d'exploitation conclus en application de l'article L. 311-3 du code rural. Il décrit les mesures propres à assurer la qualité de l'environnement et des paysages, la préservation des ressources naturelles et de la diversité biologique, la protection des ressources non renouvelables et la prévention des changements climatiques. Il détermine les conditions de mise en oeuvre des actions de prévention des risques naturels afin d'assurer leur application adaptée sur l'ensemble du territoire national.
« Il identifie les territoires selon les mesures de gestion qu'ils requièrent, ainsi que les réseaux écologiques, les continuités et les extensions des espaces protégés qu'il convient d'organiser.
« Il définit également les territoires dégradés et les actions de reconquête écologique qu'ils nécessitent.
« Il met en place des indicateurs de développement durable retraçant l'état de conservation du patrimoine naturel, l'impact des différentes activités sur cet état et l'efficacité des mesures de protection et de gestion dont ils font, le cas échéant, l'objet.
« Dans le cadre de leur mission définie à l'article L. 141-1 du code rural, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural contribuent à la mise en oeuvre du volet foncier de ce schéma. »
« Un rapport sur l'état du patrimoine naturel et ses perspectives de conservation et de mise en valeur est annexé audit schéma. »
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 54, MM. Larcher, Belot et Revet proposent, au nom de la commission spéciale, de rédiger comme suit cet article :
« I. - La section 4 du chapitre V du titre Ier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée devient la section 7. Son intitulé est ainsi rédigé : "Du schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels".
« II. - L'article 21 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 21. - Le schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels fixe les orientations permettant leur développement durable en prenant en compte l'ensemble des activités qui s'y déroulent, leurs caractéristiques locales ainsi que leur fonction économique, environnementale et sociale.
« Il définit les mesures propres à associer le développement économique et la protection de l'environnement et des paysages.
« Il identifie les actions de nature à valoriser les territoires ruraux et les espaces naturels et à favoriser leur attractivité.
« Il prévoit des mesures en faveur du développement économique, de l'agriculture, du tourisme, de la réhabilitation et de la construction de logements et de la diversification des activités économiques en milieu rural.
« Il assure la coordination des mesures de protection des espaces naturels en milieu rural et périurbain.
« Il définit les orientations des actions de prévention des risques naturels et assure leur coordination.
« Il met en place des indicateurs de développement durable retraçant l'impact des différentes activités sur les territoires ruraux et les espaces naturels.
« Un rapport sur l'état et les perspectives de conservation et de valorisation des territoires ruraux et des espaces naturels est annexé audit schéma. »
Cet amendement est assorti de six sous-amendements.
Le sous-amendement n° 335, présenté par MM. Oudin et Demilly, vise, dans les premier et troisième alinéas du texte proposé par le II de l'amendement n° 54 pour l'article 21 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, après les mots : « espaces naturels », à insérer les mots : « et littoraux ».
Le sous-amendement n° 159 rectifié, déposé par M. Vasselle, tend à compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement n° 54 pour l'article 21 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 par les mots : « en vue d'assurer notamment la neutralité économique des contraintes qui pourraient être générées par l'objectif de protection et de sauvegarde des espaces naturels ».
Le sous-amendement n° 339, également présenté par M. Vasselle, a pour objet, dans le quatrième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement n° 54 pour l'article 21 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, après les mots : « du développement économique », à insérer le mot : « notamment ».
Les trois sous-amendements suivants sont déposés par MM. Oudin et Demilly.
Le sous-amendement n° 336 vise, dans le quatrième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement n° 54 pour l'article 21 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, après les mots : « de l'agriculture, », à insérer les mots : « de l'aquaculture, ».
Le sous-amendement n° 337 a pour objet de compléter le quatrième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement n° 54 pour l'article 21 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 par les mots : « et littoral. ».
Le sous-amendement n° 338 tend, dans le cinquième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement n° 54 pour l'article 21 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, après les mots : « en milieu rural », à insérer le mot : « , littoral ».
Par amendement n° 202 rectifié, MM. François, Blanc, Joyandet et Lassourd proposent de compléter in fine la première phrase du deuxième alinéa du II de l'article 18 par les mots : « et les dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code rural ».
Par amendement n° 232 rectifié, Mme Bardou, MM. Althapé, Barnier, Besse, Faure, Ferrand, Hérisson, Jarlier, Michel Mercier, Ostermann et Jourdain proposent de compléter la deuxième phrase du premier alinéa du texte présenté par le II de l'article 18 pour l'article 21 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 par les mots : « ou dans le cadre de projets d'intérêt collectif concourant à l'entretien ou la réhabilitation de l'espace. ».
Par amendement n° 160, M. Vasselle propose, dans la troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 18, après les mots : « de la diversité biologique », d'insérer les mots : « et faunistique ».
Par amendement n° 203 rectifié, MM. François, Blanc, Joyandet et Lassourd proposent de rédiger comme suit le cinquième alinéa du II de l'article 18 :
« Il met en place des indicateurs de développement durable tenant compte des engagements internationaux pris par la France en la matière. »
Par amendement n° 123, MM. Louis Mercier, Herment, Huchon et Moinard proposent de compléter l'article 18 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Dans le II de l'article 91 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, après les mots : "63 000 volts", sont insérés les mots : "et de nouvelles lignes téléphoniques aériennes". »
La parole est à M. Larcher, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Gérard Larcher, rapporteur. S'agissant de l'amendement précédent, qui vient d'être adopté, il faudra que nous poursuivions la réflexion.
Par l'amendement n° 54, nous proposons une nouvelle rédaction pour l'article 18.
L'introduction d'un nouveau schéma destiné aux espaces naturels et ruraux, qui devient « schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels », doit être l'occasion de valoriser les potentialités des territoires ruraux et de mieux coordonner les politiques de développement économique. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé cette rédaction.
Nous ne pensons pas qu'il soit dans l'intention du Gouvernement de transformer l'espace rural en vaste réserve naturelle. Sur ce point, nous avions interrogé Mme le ministre et nous l'avons entendue. La commission ne souhaite aucunement opposer la protection du territoire à sa mise en valeur, comme nous l'avons expliqué dans la discussion générale : l'une et l'autre vont de pair. Le développement rural comme la protection de l'environnement ont trop souvent pâti de la dissociation de ces deux logiques.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de recentrer cet article sur un objectif de développement durable de ce territoire rural. Il s'agit de mieux distinguer les territoires ruraux, qui sont des lieux de vie, de production et de développement, et les espaces naturels, et de s'assurer de la complémentarité entre développement économique et nécessaire protection de l'environnement.
Cet amendement prévoit, à cet effet, que le schéma des territoires ruraux et des espaces naturels fixe les orientations permettant leur développement durable en prenant en compte l'ensemble des activités qui s'y déroulent, leurs caractéristiques locales, ainsi que leurs fonctions économique, environnementale et sociale.
Dans cette perspective, ce schéma définit les mesures propres à associer développement et protection de l'environnement, mais aussi protection des paysages, et il identifie les actions de nature à valoriser les territoires ruraux et les espaces naturels. Il est également chargé de prévoir des mesures en faveur du développement économique, de l'agriculture, du tourisme, de la réhabilitation et de la construction de logements en milieu rural, ainsi que de la diversification des activités agricoles. Notre collègue M. Charles Revet a insisté, pendant les travaux de la commission spéciale, sur la nécessité, dans le milieu rural, d'offrir des logements, pour que les jeunes puissent s'y maintenir, voire y revenir, et en même temps y draîner de l'activité.
Tout ces éléments-là - nous pensons en particulier au territoire rural, qui peut connaître des difficultés - nous les retrouvons dans ce schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels. Au-delà de l'intitulé, il y a la volonté de conjuguer de façon équilibrée les nécessités du développement du territoire et la protection du patrimoine naturel.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre les sous-amendements n°s 335, 336, 337 et 338.
M. Jacques Oudin. L'excellente rédaction que la commission nous propose pour l'article 18 comporte une phrase tout à fait pertinente, qui résume la philosophie dudit article. En effet, aux termes de cette phrase, le schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels « définit les mesures propres à associer le développement économique et la protection de l'environnement des paysages ».
Le Parlement a déjà eu l'occasion d'évoquer la compatibilité entre développement économique et protection des espaces naturels dans un texte fondamental, qui a été voté à l'unanimité par le Parlement, je veux parler de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.
Cet espace, qui est à la fois rural, naturel et maritime, présente la spécificité d'être à la frontière du terrestre et du maritime. Nous étions tellement animés par le souci d'essayer de coordonner l'ensemble du dispositif que nous avions instauré, dans cette loi, les fameux schémas de mise en valeur de la mer, afin d'équilibrer protection de l'environnement et développement économique. Il s'agissait d'une loi d'aménagement, de développement et de protection de ces espaces.
Pour remonter un peu plus loin, je rappellerai que la politique d'aménagement et de protection du littoral date du premier rapport Picard établi par la DATAR en 1972, et que le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres a été créé en 1975.
Il serait à mon avis dommage de ne pas mentionner, à l'article 18, cet espace rural qui, comme chacun sait, est à la fois fragile, limité, convoité et le théâtre de conflits d'espace extrêmement importants.
Les sous-amendements n°s 335, 337 et 338 tendent donc à ce que le schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels intègre la dimension littorale.
En outre, le sous-amendement n° 336 vise à insérer, après le mot : « agriculture », le mot : « aquaculture », cette dernière étant une façon de cultiver la mer.
Ces sous-amendements tendent donc à préciser l'article 18 pour le rendre aussi complet que possible.
Telle est la philosophie de mes quatre sous-amendements. (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. Les sous-amendements n°s 159 rectifié et 339 sont-ils soutenus ?...
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 335 à 338 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je dois indiquer tout d'abord que la commission spéciale n'a pu examiner ces sous-amendements.
La commission a souhaité que l'intitulé : « schéma des espaces naturels et ruraux » soit remplacé par : « schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels ».
Le sous-amendement n° 335 tend à intégrer la dimension littorale. Je souscris entièrement au souci de M. Oudin de souligner la spécificité du littoral ; celui-ci a ses propres caractéristiques et ses propres problèmes, certes différents mais tout aussi spécifiques que ceux de la montagne.
Mais la notion de territoires ruraux, comme celle d'espaces naturels, loin d'exclure le littoral, me paraît l'englober. Nous ne pouvons exclure ni la Vendée, monsieur Oudin, ni la Manche, ni la Seine-Maritime, monsieur Revet, des territoires ruraux de France sous prétexte que ce sont des territoires du littoral.
De même le littoral fait partie des espaces naturels les plus remarquables du territoire. La France compte un certain nombre de parcs naturels régionaux, tels que le marais du Cotentin, cher à Jean-François Le Grand, ou le parc naturel de Port-Cros.
Si le littoral est donc inclus dans les territoires ruraux et les espaces naturels, à l'inverse, certains pourraient prétendre que tout le littoral français n'est plus seulement un territoire rural ou un espace naturel. En effet, une partie - et, sur certaines côtes, c'est une partie importante - est urbanisée.
Pour ces raisons, il ne paraît pas nécessaire d'intégrer dans le texte cette dimension littorale qui est visée à l'article 2, adopté hier. Je rappelle que l'amendement n° 25 prévoyait que la politique d'aménagement et de développement du territoire « assure le développement des territoires en difficulté tels que les territoires ruraux fragilisés, certains territoires de montagne, les territoires urbains dégradés, les espaces touchés par des reconversions industrielles, notamment en zone littorale, les régions insulaires, les départements d'outre-mer et les régions ultrapériphériques françaises ».
De plus, comme je l'ai souligné, s'il fallait prendre en compte les territoires spécifiques à l'intérieur des territoires ruraux et des espaces naturels, il faudrait y inclure naturellement la montagne.
Nous disposons de la loi montagne du 9 janvier 1985, de la loi littoral du 3 janvier 1986. Faut-il pour autant préciser que le schéma des territoires ruraux et des espaces naturels est également un schéma de la montagne et du littoral ?
Mon cher collègue, je suis tout à fait conscient des problèmes spécifiques liés au littoral, à sa protection et à son développement, problèmes que vous connaissez bien. Je comprends que le président du groupe d'études sur la mer souhaite particulièrement insister sur ce point à ce moment de nos travaux.
Par ailleurs, l'adoption de ces sous-amendements poserait un certain nombre de problèmes de rédaction, notamment par rapport aux articles 2 et 9.
En effet, le Sénat a adopté, à l'article 2, le texte suivant : « Le Parlement est associé à l'élaboration des schémas directeurs d'équipements et de services et du schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels... »
Quant à l'article 9, il fait référence aux schémas directeurs d'équipements et de services et au schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels.
Par conséquent, cette préoccupation ayant été prise en compte dans nos débats, j'invite M. Oudin à retirer ses sous-amendements.
M. le président. L'amendement n° 202 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Bardou, pour présenter l'amendement n° 232 rectifié.
Mme Janine Bardou. Cet amendement vise à faire apparaître comme acteurs des espaces naturels et ruraux d'autres opérateurs que les agriculteurs visés dans la présente phrase à travers la mention des contrats territoriaux d'exploitation. En se référant à des projets d'intérêt collectif concourant à l'entretien ou à la réhabilitation de l'espace, il souligne la vocation du schéma des espaces naturels et ruraux à intervenir sur l'organisation et l'entretien de l'espace rural, au-delà d'une approche exclusivement environnementale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement tend à souligner la vocation du schéma des espaces naturels et ruraux à intervenir sur l'organisation et l'entretien de l'espace rural au-delà d'une approche exclusivement environnementale.
Sur l'objectif, nous sommes en parfait accord avec Mme Bardou. C'est précisément ce qui a conduit la commission spéciale à proposer une réécriture de l'ensemble de l'article 18 afin de souligner que les territoires ruraux sont des lieux de vie et de production, et de s'assurer de la complémentarité entre développement économique et protection de l'environnement.
Sur la forme, l'amendement n° 232 rectifié, qui vise à compléter la rédaction de l'Assemblée nationale, n'est pas tout à fait compatible avec le texte qui résulte des travaux de la commission spéciale. Néanmoins, il est satisfait au moins partiellement, mais assez profondément, par la rédaction proposée par l'amendement n° 54. J'invite donc Mme Bardou à le retirer.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mais il est très bien, cet amendement !
M. le président. Madame Bardou, l'amendement n° 232 rectifié est-il maintenu ?
Mme Janine Bardou. Comme l'a dit M. le rapporteur, cet amendement n'est que partiellement satisfait par l'amendement n° 54. Je le retire néanmoins compte tenu de la réécriture de l'article 18 par la commission.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Merci !
M. le président. L'amendement n° 232 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 54, ainsi que sur les sous-amendements n°s 335 à 338 ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises tant devant la commission spéciale que lors du débat qui a eu lieu au mois de décembre, ici même, ou lors de la discussion générale de ce texte, je ne comprends pas la distinction opérée entre territoires ruraux et espaces naturels. Je la trouve en effet artificielle. Il est bien peu d'espaces naturels qui n'aient pas aussi un intérêt économique. C'est vrai pour la zone centrale des parcs nationaux, pour tous ces hauts lieux patrimoniaux, qu'ils soient culturels ou naturels.
Il est aussi bien peu de lieux de production qui n'aient pas un intérêt sur le plan de la protection des espaces et de la biodiversité. Je pense ici à la forêt de Fontainebleau, par exemple. Quelle fonction a le plus d'importance : la fonction de production de bois, la fonction d'accueil des citadins de la région parisienne pour faire de l'escalade ou se promener, ou la fonction de réserve de biosphère ? Je ne sais pas le dire, et ce n'est pas très intéressant. Ce qui compte, c'est que toutes ces fonctions coexistent et soient respectées.
Que serait le Mercantour s'il n'y avait pas les loups ? Mais que serait le Mercantour s'il n'y avait pas les bergers ? On voit bien que l'enjeu n'est pas de délimiter de façon artificielle des zones vouées à la protection et à la sanctuarisation de la nature, et d'autres zones où l'on exploiterait la nature sans se préoccuper des conditions ; il est de respecter les activités économiques et de faire en sorte que la gestion des espaces ne les détruise pas.
Je suis convaincue que la rédaction qui résulte de l'examen par l'Assemblée nationale n'est pas une sorte de compromis boiteux entre les partisans de la protection et ceux du développement des espaces ruraux mais traduit la conviction partagée que l'on peut, dans l'écrasante majorité des cas, marier ces enjeux et prendre en compte la multifonctionnalité des espaces naturels et ruraux - en général, ils sont les deux.
Je m'étonne aussi de la présence, dans cet amendement, de dispositions concernant le développement économique, la diversification des activités et le logement, qui n'apparaissent pas directement liées à l'espace.
En un mot, je regrette que la démarche du Gouvernement et de l'Assemblée nationale soit altérée, affadie par la réécriture de l'article 18 proposée par la commission. Je ne suis donc pas favorable à la rédaction de l'amendement n° 54, que je considère comme étant assez largement en retrait par rapport à la réconciliation opérée à l'Assemblée nationale entre l'enjeu du développement et de l'aménagement de l'espace et l'enjeu de la protection.
Le Gouvernement, partageant tout à fait l'argumentation de M. le rapporteur sur les sous-amendements n°s 335 à 338, émet un avis défavorable sur ces textes. Les préoccupations exprimées par M. Oudin sont déjà prises en compte par la définition des espaces naturels et ruraux.
Je regrette le retrait de l'amendement n° 232 rectifié. Il me paraissait important, en effet, de montrer que les agriculteurs, tout en étant gestionnaires de la majorité de l'espace, n'en sont pas les gestionnaires exclusifs.
M. Gérard Larcher rapporteur. C'était dans l'autre sens !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne crois pas, monsieur le rapporteur ! Les « projets d'intérêt collectif concourant à l'entretien ou la réhabilitation de l'espace » ne concernaient pas seulement les agriculteurs. Il était à mon avis intéressant de prendre en compte des projets d'intérêt collectif au sens large, au-delà des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE. Le Gouvernement était donc favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Oudin, les sous-amendements n°s 335 à 338 sont-ils maintenus ?
M. Jacques Oudin. J'ai entendu les appels de M. le rapporteur et de Mme le ministre m'invitant à retirer ces sous-amendements. Je les regrette profondément.
Nous savions que le littoral était souvent mal compris par une majorité de « terriens ». Ce qui différencie le littoral, c'est qu'il est situé à la jonction de la terre et de la mer. Alors qu'en montagne ou ailleurs l'espace est à 360 degrés, il n'est, sur le littoral, qu'à 180 degrés.
On a parfois du mal à comprendre les difficultés rencontrées, sur cette zone à la fois très limitée, extrêmement convoitée et théâtre de conflits d'espace considérables.
Mais puisque M. le rapporteur et Mme le ministre nous disent qu'il n'est pas nécessaire de faire référence au littoral et que cette question est traitée par ailleurs, je m'en voudrais de me battre contre l'assemblée tout entière et le Gouvernement réunis. Je retire donc ces sous-amendements.
M. Emmanuel Hamel. C'est dommage !
M. Jacques Oudin. Mais je crois que nos amis du littoral le regretteront et considéreront qu'un aspect de l'aménagement du territoire n'a pas été pris en considération.
M. le président. Les sous-amendements n°s 335, 336, 337 et 338 sont retirés.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 54.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je ne suis pas de souche marine. Est-ce parce que je suis Normand en même temps qu'Auvergnat que j'ai été, dans ma jeunesse, marqué par les reflets de la mer ?
Je trouve triste, même si des arguments juridiques solides existent, même si l'on peut faire valoir que d'autres articles ou d'autres textes tiennent compte de la réalité du littoral, que, dans un projet de loi comme celui-ci, l'insertion de cet adjectif et de ce substantif soit repoussé. C'est comme si la France, une fois de plus, oubliait qu'elle est bordée par la mer sur des milliers de kilomètres de côtes, qu'elle a une vocation maritime et que notre avenir, loin de se limiter au sol, inclut également la mer.
Je regrette donc vivement le retrait de cet amendement.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Concernant l'article 18, je voudrais d'abord saluer le travail de réflexion accompli par la commission spéciale.
Lors de la discussion générale, j'ai exprimé mon inquiétude au sujet de ce « schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux ». La place des mots dans une phrase ayant son importance, la rédaction même de cet intitulé me semblait traduire davantage d'intérêt pour les espaces naturels que pour les espaces ruraux. A cet égard, je ne partage pas l'avis de Mme la ministre, je ne crois pas que l'on puisse toujours confondre les deux.
Pour ma part, j'avais manifesté ma préférence pour deux schémas distincts, afin d'éviter toute confusion. Cependant, la solution retenue par la commission spéciale me semble la mieux adaptée, car elle permet d'associer protection de l'environnement et développement économique, tout en redonnant aux territoires toute leur place et toute leur valeur en termes d'animation, d'activités productives et d'occupation dynamique de l'espace par la population.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous voterons contre l'amendement n° 54.
M. le président. Voilà une explication de vote concise mais complète ! (Sourires.)
M. Charles Revet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Revet, rapporteur.
M. Charles Revet, rapporteur. L'amendement n° 54, que j'ai cosigné avec MM. Gérard Larcher et Claude Belot, est important. Effectivement, si l'espace nous intéresse dans son ensemble, il nous paraît nécessaire de bien définir, d'une part, les zones à caractère rural, qu'elles soient agricoles ou qu'elles incluent d'autres fonctions, et, d'autre part, les espaces naturels. Il existe des spécificités pour chaque cas et la commission spéciale a eu raison de bien distinguer ces deux aspects. J'espère que le Sénat la suivra sur ce point !
Cela étant, je ne suis pas sûr que l'on mesure bien la situation spécifique des zones littorales, et je partage tout à fait les propos qu'ont tenus MM. Oudin et Hamel voilà un instant. Nous sommes en effet confrontés à des situations quelquefois extrêmement préoccupantes, et je parle non seulement en tant que parlementaire mais aussi en tant que président de conseil général.
Lorsque l'Etat n'est pas propriétaire d'un bien, ce sont les particuliers qui le sont. Il en est ainsi, par exemple, pour les magnifiques falaises de la Seine-Maritime. Mais, en cas d'éboulement, l'Etat conserve sa propriété, et la limite territoriale recule. Cela pose parfois des problèmes extrêmement préoccupants en matière d'intervention : l'Etat n'ayant pas financièrement les moyens d'agir et les particuliers encore moins, l'un et l'autre demandent au département d'intervenir, ce qui n'est pas juridiquement aisé.
Je souhaiterais donc que l'on reconnaisse véritablement la spécificité du littoral et que l'on trouve les moyens de le traiter de la même façon que les autres espaces.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai, bien entendu, l'amendement présenté par la commission, mais mon intervention a surtout pour objet de dire à Mme la ministre que je ne partage pas son avis : je me range plutôt à celui des bergers en ce qui concerne la nécessité du maintien des loups dans le Mercantour.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je tiens à dire à MM. Oudin et Revet, mais aussi à tous nos collègues, que le rapporteur de la commission spéciale que je suis témoigne naturellement de beaucoup d'intérêt pour le littoral.
M. Charles Revet, rapporteur. Bien sûr !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mon attachement pour le littoral de l'île de Batz, particulièrement, au large de Roscoff, est personnel et particulièrement fort.
Ce n'est que parce que nous pensons que la préoccupation littorale a été visée à l'article 2, dans la définition des espaces naturels et des territoires ruraux, que nous avons pris cette position.
Au demeurant, nous aurions pu aussi évoquer la forêt ! Et pas simplement celle de Fontainebleau ou celle de Rambouillet, mais aussi un certain nombre d'autres espaces forestiers qui posent des problèmes en matière d'aménagement et de préservation !
Madame le ministre, je crois que le problème que nous avons posé est un problème d'équilibre et permettez-moi de penser que nous réalisons mieux cet équilibre que vous ne le faites dans votre texte.
Vous dites vouloir assurer la qualité de l'environnement et des paysages, préserver les ressources naturelles et la diversité biologique, assurer la prévention des risques naturels et des changements climatiques, mettre en place des corridors écologiques, organiser certaines extensions des espaces protégés, mettre en oeuvre des actions de reconquête écologique...
Nous sommes d'accord sur tout cela ! Je note d'ailleurs au passage que la reconquête écologique, c'est aussi la reconquête des paysages : nous aurons l'occasion d'en parler la semaine prochaine à propos des espaces péri-urbains, qui nécessitent une action de reconquête. Mais nous souhaitons aussi que ces espaces, qui sont distincts, soient complémentaires. C'est tout ce que nous avons voulu affirmer, et c'est ce que Mme Bardou a rappelé.
L'enjeu, madame le ministre, c'est le partage d'usage de tous ces espaces dans lesquels la vie, le développement, la protection de la nature, mais aussi l'accueil des urbains par les ruraux - et non pas l'appropriation par les seuls urbains de ces espaces ruraux - ont leur place. Que l'on ne s'y méprenne pas ! Notre amendement n'est pas une quelconque revanche d'un territoire rural qui serait menacé par l'hyperprotection de l'espace naturel, c'est un équilibre et une complémentarité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 est ainsi rédigé.

Article 19