Séance du 18 mars 1999







M. le président. « Art. 2. _ I. _ Le 1 de l'article 6 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte. L'imposition est établie à leurs deux noms, séparés par le mot : "ou". »
« II. _ Après le 6 de l'article 6 du code général des impôts, il est inséré un 7 ainsi rédigé :
« 7. Chacun des partenaires liés par un pacte civil de solidarité est personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé l'année au cours de laquelle le pacte a pris fin dans les conditions prévues à l'article 515-8 du code civil.
« Lorsque les deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune contractent mariage, les dispositions du 5 ne s'appliquent pas.
« En cas de décès de l'un des partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune, le survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. »
« III. _ Les règles d'imposition et d'assiette, autres que celles mentionnées au dernier alinéa du 1 et au 7 de l'article 6 du code général des impôts, les règles de liquidation et de paiement de l'impôt sur le revenu et des impôts directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévues par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts s'appliquent aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité qui font l'objet d'une imposition commune. »
Je suis saisi de huits amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 5, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de rédiger ainsi cet article :
« I. - A la fin du premier alinéa de l'article 6 du code général des impôts, les mots : "et 196 A bis", sont remplacés par les mots : ", 196 A bis et 196 A ter ".
« II. - L'article 196 du code général des impôts est complété par un 3° ainsi rédigé :
« "3° Les enfants à charge de la personne mentionnée à l'article 196 A ter ".
« III. - Après l'article 196 A bis, il est inséré dans le code général des impôts un article 196 A ter ainsi rédigé :
« Art. 196 A ter. - Tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge une personne majeure vivant sous son toit, dont le montant des revenus perçus dans l'année est inférieur au montant cumulé sur les douze mois du revenu minimum d'insertion fixé pour une personne en application de l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988.
« Le contribuable qui accepte le rattachement à son foyer fiscal de la personne visée à l'alinéa précédent bénéficie d'un abattement sur son revenu global net dont le montant est égal à celui mentionné à l'article 196 B. »
Par amendement n° 24, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi l'article 2 :
« I. - A la fin du premier alinéa de l'article 6 du code général des impôts, les mots : "et 196 A bis " sont remplacés par les mots : ", 196 A bis et 196 A ter ".
« II. - L'article 196 du code général des impôts est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les enfants à charge de la personne mentionnée à l'article 196 A ter . »
« III. - Après l'article 196 A bis, il est inséré dans le code général des impôts un article 196 A ter ainsi rédigé :
« Art. 196 A ter. - Tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge une personne majeure :
« qui est son ayant droit en application de l'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale, à compter du 1er janvier de l'année qui suit la reconnaissance de cette qualité,
« ou qui vit effectivement sous son toit, à condition que ses revenus perçus dans l'année soient inférieurs à un montant égal au cumul sur douze mois du revenu minimum d'insertion fixé pour une personne isolée en application de l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988.
« Le contribuable qui accepte le rattachement à son foyer fiscal de la personne susmentionnée, bénéficie d'un abattement sur son revenu global net dont le montant est égal à celui mentionné à l'article 196 B. »
Par amendement n° 46, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Ralite, Renar et Mme Terrade proposent :
A. - Après les mots : « imposition commune », de supprimer la fin de la première phrase du texte présenté par le I de l'article 2 pour compléter le 1 de l'article 6 du code général des impôts.
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, d'insérer, après le I, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat résultant de l'application de l'imposition commune des partenaires dès la signature du pacte civil de solidarité sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les trois amendements suivants sont présentés par Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du goupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 67 rectifié bis tend :
I. - Dans le texte proposé par le I de l'article 2 pour compléter le 1 de l'article 6 du code général des impôts, à supprimer les mots : « de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire » ;
II. - Après le paragraphe I de cet article, à insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la suppression du délai de trois ans à compter de la date d'enregistrement du pacte pour l'imposition commune pour les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 68 rectifié vise, dans le texte proposé par le I de l'article 2 pour le 1 de l'article 6 du code général des impôts ; à remplacer les mots : « de l'imposition des revenus de l'année du troisième aniversaire de l'enregistrement du pacte » par les mots : « du 1er janvier qui suit le deuxième anniversaire de l'enregistrement du pacte ».
L'amendement n° 69 rectifié est ainsi rédigé :
A. - Après la première phrase du texte proposé par le I de l'article 2 pour le 1 de l'article 6 du code général des impôts, insérer une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, cette condition de durée ne s'applique pas aux partenaires, qui peuvent prouver par tout moyen l'antériorité de plus de trois ans de leur vie commune. »
B. - Compléter cet article par un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de la suppression de la condition de durée du pacte civil de solidarité de trois ans pour pouvoir bénéficier de l'imposition commune sont compensées à due concurrence par une majoration du tarif prévu aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Ralite, Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 47 tend :
A. - A compléter le texte proposé par le I de l'article 2 pour compléter par un alinéa le 1 de l'article 6 du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte civil de solidarité ne s'applique pas lorsque ceux-ci peuvent prouver, par tout moyen, avoir au moins deux ans de vie commune. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, à insérer, après le I, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes éventuelles de recette pour l'Etat résultant de la non-application de la durée minimale de vie commune pour l'imposition commune des partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 48 vise :
A. - A compléter le texte proposé par le I de l'article 2 pour compléter par un alinéa le 1 de l'article 6 du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte civil de solidarité ne s'applique pas lorsque ceux-ci peuvent prouver, par tout moyen, avoir reconnu dans le délai légal au moins un enfant. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, à insérer, après le I, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat résultant de la non-application de la durée minimale de vie commune lorsque les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ont reconnu un enfant sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Patrice Gélard, rapporteur. L'amendement n° 5, ainsi que d'autres amendements que nous examinerons ultérieurement concernent le volet fiscal du dispositif.
Nous n'avons pas enterré toutes les dispositions prévues dans le cadre du PACS. Elles n'étaient pas mauvaises en soi et réglaient toute une série de problèmes posés par le concubinage. Cependant, au lieu d'en limiter le bénéfice à une catégorie, ce qui aurait créé des inégalités, notre commission et la commission des finances ont décidé de les étendre à tout le monde.
Toutefois, la commission des lois a décidé de se rallier aux amendements proposés par la commission des finances. Aussi, je retire l'amendement n° 5 au bénéfice de l'amendement n° 24, que va présenter M. le rapporteur pour avis.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. En effet, la commission des finances a souhaité, en proposant une réécriture de l'article 2 de la proposition de loi, ouvrir la possibilité pour un contribuable quelconque de rattacher à son foyer fiscal une personne à faibles ressources, quelle que soit la relation susceptible d'exister entre ces personnes.
Nous nous situons donc dans un contexte tout à fait différent de celui où se plaçait l'Assemblée nationale puisque cette dernière assimilait les « pacsés » aux couples mariés et les faisait bénéficier - c'était probablement l'une des seules dispositions claires de ce curieux texte - de l'imposition commune et du régime du quotient familial. Elle opérait donc simplement une transposition des dispositions applicables aux couples mariés en matière d'impôt sur le revenu.
Quelles sont les conséquences concrètes du dispositif adopté par l'Assemblée nationale ?
Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de remettre, au nom de la commission des finances, j'ai fait figurer des tableaux chiffrés, que je vais brièvement résumer.
Prenons l'exemple de personnes « pacsées » sans enfants disposant d'un revenu net fiscal de 400 000 francs. Alors que l'impôt dû par le titulaire du revenu de 400 000 francs - je prends, pour simplifier, l'hypothèse que l'un des membres du PACS dispose de 400 000 francs de revenu et l'autre de zéro francs de revenu ; naturellement, j'aurais pu prendre d'autres exemples, mais celui-ci me semble particulièrement démonstratif - atteindrait 154 000 francs selon le régime actuel, avec le système retenu par l'Assemblée nationale, il ne serait plus que de 107 000 francs, ce qui représenterait un gain financier net de près de 47 000 francs...
M. Emmanuel Hamel. Une perte pour le Trésor !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il s'agirait surtout d'un gain pour les catégories de population concernées.
On a pu évoquer, sans jeter l'opprobre sur personne, certaines manières de vivre. Citons l'exemple de vieux messieurs du quartier de Saint-Germain-des-Prés, disposant de revenus relativement importants et accueillant sous leur toit des personnes sans revenu. Ce serait un beau cadeau qui leur serait fait, ce qui ne semble pas répondre à un objectif d'équité sociale !
Au sein de la commission des finances, nous avons suivi une logique tout à fait différente.
Nous estimons que les avantages liés à l'imposition commune ne se justifient, dans le cas du mariage, qu'en raison des contraintes de celui-ci et dans la perspective de l'éducation des enfants. C'est ce qui forme la légitimité de ce régime fiscal : il y a des obligations ; il y a des droits.
Madame le ministre, j'ai présenté naturellement un cas un peu « limite », mais j'aurais pu prendre l'exemple d'un revenu de un million de francs, et l'intérêt fiscal aurait été encore plus grand.
Compte tenu de l'efficacité de ce levier fiscal, le risque, me semble-t-il, est grand de voir proliférer des PACS de complaisance. Je voudrais qu'on m'explique comment on va pouvoir éviter ce réflexe, bien naturel chez les contribuables, surtout chez les contribuables disposant de certaines capacités contributives, consistant à rechercher dans les textes toutes les possibilités d'optimisation fiscale.
Mes chers collègues, ne croyez-vous pas qu'avec un tel dispositif vous ouvrez une brèche considérable, dont un mauvais usage pourra être fait, ce qui ira à l'encontre des objectifs que vous défendez par ailleurs si souvent, notamment au cours des discussions budgétaires, lorsque vous voulez nous faire croire que tel ou tel élément de la panoplie fiscale serait conçu uniquement pour telle ou telle catégorie de revenus.
La commission des finances se défie naturellement des risques d'optimisation fiscale. Elle propose donc un dispositif différent : il lui semble préférable de se référer à une notion objective, celle d'une personne dépendante économiquement qui dispose de faibles ressources, et d'accorder au contribuable qui accueille sous son toit cette personne dépendante un abattement de 25 000 francs.
La définition de cette situation de dépendance économique peut obéir à des critères parfaitement simples et objectifs.
Le premier de ces critères peut être le fait d'avoir été l'ayant droit du contribuable pour l'ouverture du droit à prestations en nature de l'assurance maladie : c'est la notion de personne à la « charge effective totale et permanente » du contribuable, selon la formule de l'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale.
Le second critère est le fait - les deux critères étant alternatifs - d'avoir vécu, au cours de l'année précédente, sous le toit du contribuable et d'avoir des revenus annuels inférieurs à un montant de référence égal à celui qui ouvre droit au revenu minimum d'insertion, c'est-à-dire un revenu très faible, un revenu de subsistance.
Il est apparu nécessaire de compléter le premier critère dans la mesure où des personnes, effectivement complètement dépendantes du contribuable, comme certains chômeurs en fin de droits, peuvent, bien qu'elles soient sans ressources, continuer à avoir des droits propres en matière de prestations maladie.
On remarquera, en outre, qu'un dispositif de type pacte civil de solidarité est d'autant moins nécessaire que, dans cette logique de solidarité, les enfants de la personne ainsi rattachée donnent droit au quotient familial. Telle est la portée du paragraphe II du présent amendement.
Nous pensons, par cet amendement, effectuer une démarche d'encouragement à des solidarités tout à fait dignes de considération. Nous respectons la neutralité la plus complète car ces solidarités peuvent exister quel que soit le contexte affectif ou relationnel entre les personnes dont il s'agit. Nous estimons que ce dispositif est plus équitable et beaucoup plus simple que celui qui figure dans l'actuel article 2 de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 46.
Mme Nicole Borvo. Je défendrai en même temps les amendements n°s 47 et 48, qui sont des amendements de repli.
L'article 2 de la proposition de loi concerne le volet fiscal du PACS et plus précisément la possibilité d'établir une imposition commune pour les personnes ayant décidé de se lier par un PACS.
Actuellement, le texte prévoit qu'une déclaration fiscale commune pourra être faite à partir du troisième anniversaire de l'enregistrement du PACS.
A l'évidence, ce délai traduit le soupçon que certains portent sur la nature même des relations entre partenaires pacsés et met en exergue le risque des PACS blancs. Je rappellerai que ce sont les mêmes qui s'insurgent contre les mariages blancs, qui seraient selon eux très répandus.
Mais qu'en est-il des mariés qui divorcent avant deux ans ? Aucun délai n'est imposé ; les mariés peuvent divorcer immédiatement après leur mariage.
Ce texte, qui prétend mettre fin aux discriminations et aux injustices subies par les homosexuels, en crée une nouvelle avec ce délai supplémentaire.
J'ajoute que, pour effectuer le calcul des prestations sociales des personnes se trouvant dans une situation précaire, est pris en compte le revenu de la personne qui partage leur vie, et ce sans délai.
Ainsi, les personnes « pacsées » se verront retirer, dès la signature du PACS, des prestations dont ils pouvaient bénéficier avant sans pour autant pouvoir, avant un délai de deux ans, bénéficier de possibles réductions d'impôts.
Ainsi, par exemple, les articles 5 bis et 5 ter suppriment sans délai l'allocation veuvage et l'allocation pour soutien de famille.
Pourquoi imposer des délais pour l'obtention de droits nouveaux alors que les éventuels droits antérieurs sont immédiatement supprimés ?
C'est pour réparer cette injustice que nous proposons au Sénat d'adopter l'amendement n° 46.
Au cas où il ne serait pas voté, nous avons déposé deux amendements visant à faire bénéficier de l'imposition commune au moins les personnes qui peuvent faire la preuve d'une vie commune de deux ans ou à celles qui ont des enfants.
M. le président. La parole est à Mme Derycke, pour défendre les amendements n°s 67 rectifié bis , 68 rectifié et 69 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Ces trois amendements sont également relatifs au délai prévu par le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Pour des raisons identiques à celles que vient d'exposer Mme Borvo, nous souhaitons réduire ce délai.
Pour notre part, nous sommes attachés à l'imposition commune. Or qui dit imposition commune dit foyer fiscal et qui dit foyer fiscal dit reconnaissance d'un foyer. Je comprends bien que la majorité sénatoriale y soit opposée.
Mais, pour les raisons qu'a bien exposées Mme Borvo, dès que le PACS sera conclu, certains des avantages dont pouvaient bénéficier les intéressés disparaîtront immédiatement, que ce soit des minima sociaux, des prestations d'assurances veuvage, etc. Il ne me semble pas normal que, d'un côté, les avantages disparaissent alors que, de l'autre côté, le bénéfice de l'imposition commune et d'éventuelles réductions d'impôt n'est pas effectif.
Nous savons bien que, le PACS ayant été supprimé par le Sénat, nos amendements ne peuvent être retenus, mais nous pensons que la navette avec l'Assemblée nationale permettra de réétudier sereinement ces problèmes de délais.
Tel est l'esprit dans lequel nous défendons ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 46, 67 rectifié bis , 68 rectifié, 69 rectifié, 47 et 48 ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je formulerai cet avis, à travers deux simples remarques.
J'observerai tout d'abord que, comme Mme Derycke vient de le dire, ces amendements n'ont plus de raison d'être puisqu'ils portent sur le PACS et que nous avons supprimé celui-ci.
Je relèverai par ailleurs que, dans une certaine mesure, les auteurs de la propositon de loi avaient vu le danger du PACS, danger qu'a souligné M. Marini : que l'on utilise le PACS uniquement pour des raisons fiscales, ouvrant du même coup la voie à toute une série de fraudes. Dès lors, en raccourcissant les délais, on ne peut que susciter d'emblée la fraude fiscale.
C'est la raison pour laquelle je suis bien entendu défavorable à ces six amendements.
Au demeurant, comme l'a souligné l'un des membres du groupe socialiste, les raisons financières sont parmi les raisons essentielles du PACS : il s'agit non pas tant de reconnaître le couple homosexuel que de concéder des avantages fiscaux à un certain nombre de personnes. C'est là, en fait, le fond de l'affaire !
Mme Nicole Borvo. De tels propos sont inacceptables !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous, nous voulons faire en sorte que tout le monde puisse en bénéficier, sans discrimination.
Mme Nicole Borvo. Il n'y a pas que l'argent dans la vie !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il n'y a pratiquement que cela, et vous le savez bien !
M. Robert Bret. Pour vous, peut-être !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sept amendements restant en discussion ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur l'amendement n° 24, je veux d'abord rappeler que l'objet du PACS est d'offrir un cadre législatif de nature à régler différents problèmes d'ordre juridique ou patrimonial aux personnes qui souhaitent construire un projet de vie commune.
En tant que contrat, le PACS suppose, à peine de nullité, que les souscripteurs soient juridiquement capables. Cette condition postule l'existence d'une égalité des parties.
Or la solution du rattachement traduirait l'existence d'une incapacité fiscale de la personne rattachée, qui devrait, à l'instar des enfants majeurs, formuler une demande de rattachement que l'autre membre du couple ayant souscrit le PACS serait libre d'accepter ou de refuser.
Un tel dispositif s'apparenterait en réalité à une réintroduction insidieuse de la notion de chef de famille en matière d'impôt sur le revenu pour les seules personnes ayant conclu un PACS. Il établirait ainsi une discrimination parmi les contribuables liés par un PACS en excluant du bénéfice de la mesure les contribuables dont le concubin disposerait de revenus excédant, même faiblement, la limite fixée.
Cette première raison me semble à elle seule suffisante pour préférer le dispositif de la proposition de loi à celui que suggère M. Marini.
Mais l'amendement n° 24 est aussi critiquable au regard de sa cohérence d'ensemble.
Il pose d'abord un problème de compatibilité avec le dispositif prévu à l'article 196 A bis du code général des impôts, aux termes duquel tout contribuable qui recueille sous son toit une personne titulaire de la carte d'invalidité prévue à l'article 173 du code de la famille et de l'aide sociale - invalidité d'au moins 80 % - bénéficie d'une majoration de quotient familial.
La combinaison de ce dispositif avec les termes de l'amendement conduirait à différencier, en fonction du critère d'invalidité, les modalités de prise en charge fiscale du concubin : celui qui serait valide ou reconnu invalide à moins de 80 % serait rattaché sous forme d'abattement ; celui qui serait invalide à au moins 80 % se verrait ouvrir le droit à un avantage de quotient familial.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Et alors ? C'est bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. La logique de cette distinction n'apparaîtrait probablement pas de façon immédiate aux contribuables et, de ce fait, porterait atteinte à la lisibilité de l'impôt sur le revenu, que le Gouvernement souhaite simplifier.
M. Philippe Marini, rapporteur. Oh là là !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Enfin, la proposition de M. Marini conduit à accorder un avantage de quotient familial au titre d'enfants que le contribuable n'a pas reconnus, alors que le père ou la mère de ceux-ci n'ouvriraient droit qu'à un abattement sur le revenu imposable. Je dois vous avouer que la justification d'un tel dispositif m'échappe complètement !
Toutes ces raisons me conduisent à souhaiter le rejet de cet amendement.
Quant aux observations abondamment développées par M. Marini concernant l'équité, je voudrais dire que le PACS ne profite ni aux riches ni aux pauvres. Il sera seulement plus favorable pour les partenaires dont les revenus sont très inégaux, comme l'est d'ailleurs l'imposition commune des couples mariés.
S'agissant des amendements n°s 46, 47 et 48, je ferai observer que les auteurs de la proposition de loi ont, me semble-t-il, fait preuve de sagesse en prévoyant que l'imposition commune des partenaires d'un PACS - avantage fiscal qui peut être important - ne pourrait intervenir qu'à partir de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de la conclusion du PACS.
Ce délai vise à garantir de façon objective l'existence d'une période de vie commune suffisamment longue pour attester de la volonté des partenaires d'inscrire leur union dans la durée. C'est la logique même du PACS qui nous a conduits à inscrire ce délai.
Admettre l'imposition dès l'enregistrement du PACS encouragerait sans doute la signature de PACS de pure opportunité. Des personnes trouveraient en effet dans cette facilité un moyen d'optimisation fiscale, ce qui signifierait qu'elles ne placent pas leur démarche dans la finalité du PACS telle qu'elle est définie par l'article 1er de la proposition de loi, à savoir le moyen pour deux personnes d'organiser leur vie commune.
C'est pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements.
Les remarques qui précèdent valent également pour les amendements n°s 67 rectifié bis , 68 rectifié et 69 rectifié.
Il est vrai, madame Derycke, que vous substituez à la condition de délai le critère de l'existence d'une vie commune antérieure à la conclusion du PACS. Mais cela ne me paraît pas judicieux dans la mesure où l'administration de la preuve de l'existence d'une telle communauté de vie poserait de nombreux problèmes. Il en résulterait, à mon sens, une insécurité juridique préjudiciable aux intéressés, et aussi une rupture d'égalité au détriment des couples qui ne seraient pas en mesure d'apporter une telle preuve.
Je crois que les dispositions prévues par la proposition de loi sont préférables parce qu'elles garantissent de façon objective l'existence d'une période de vie commune constatée dans les mêmes conditions pour tous et suffisamment longue pour attester de la volonté des partenaires d'inscrire leur union dans la durée.
Je souhaiterais donc que ces amendements soient retirés.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il est bien clair que notre proposition s'inscrit non pas dans l'optique du PACS, que nous avons rejeté, mais dans celle, tout à fait différente, de l'encouragement à des gestes de solidarité privée.
C'est pourquoi les objections relatives à la position dissymétrique dans laquelle peuvent être placées les deux personnes en cause ne sont plus recevables.
En ce qui concerne la conjugaison avec la disposition spécifique portant sur les personnes invalides, il ne me semble pas injustifié qu'une personne invalide bénéficie d'un avantage social et pécuniaire plus important qu'une personne valide.
Notre approche, s'agissant des personnes à charge et du rattachement des enfants, montre que, en tout état de cause, nous voulons avant tout privilégier les enfants.
Enfin, je soulignerai que ce dispositif a ceci de particulier par rapport au PACS qu'il ne nécessite pas de délai probatoire, la prise en compte des liens de solidarité étant immédiate.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. En vérité, vous me voyez extrêmement heureux en cet instant, madame le garde des sceaux.
En effet, je ne peux pas concevoir que le Gouvernement ait ignoré les conséquences financières qu'aurait pour le Trésor l'adoption du PACS. S'il a accepté ces conséquences, qu'a analysées M. Marini, comment pourrait-il s'opposer aujourd'hui à une politique familiale beaucoup plus active, notamment au regard de l'aide à la natalité ? (Sourires.)
Je vois donc dans l'attitude du Gouvernement favorable au PACS la certitude que les familles vont bientôt recevoir l'assurance d'une politique beaucoup plus active en leur faveur.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Tout d'abord, je veux répondre favorablement à la sollicitation de Mme le garde des sceaux.
J'ai bien indiqué tout à l'heure que nos amendements concernaient le PACS et que, celui-ci n'existant plus, de par la volonté de la majorité sénatoriale, ces amendements n'avaient plus vraiment de raison d'être.
Ils doivent simplement être regardés comme une contribution au débat qui va nécessairement se poursuivre. Nous souhaitions attirer l'attention sur des problèmes d'équité, tenant au fait que des avantages, notamment sociaux, seraient suspendus ou supprimés et qu'aucune réduction fiscale ne serait accordée dans les mêmes délais.
Bien entendu, nous pouvons maintenant retirer ces amendements.
Par ailleurs, je souhaite répondre à M. Gélard et à M. Marini que nous sommes bien conscients que le PACS peut faire naître des tentations d'optimisation fiscale, voire de fraude fiscale. Cependant, n'oublions pas qu'il y a aussi des mariages d'intérêt et même des divorces de complaisance.
En 1981, lorsque la gauche a créé l'impôt sur les grandes fortunes, certains couples, pourtant bien-pensants, mais aussi bien nantis, pour éviter d'avoir à payer cet impôt, n'ont pas hésité à divorcer tout en continuant leur vie commune. Cela explique qu'une disposition ait été prise pour imposer les concubins à l'impôt sur les grandes fortunes.
M. Philippe Marini. De tels couples ne constituent certes pas des exemples ! (Sourires.)
Mme Dinah Derycke. On voit ainsi que le souci d'optimisation fiscale peut revêtir les formes les plus diverses.
Cela dit, il est bien évident que nous ne voterons aucun des amendements concernant les dispositions fiscales qui ont été déposés par M. Gélard ou par M. Marini, car ils ne nous semblent vraiment pas avoir leur place dans le cadre de la présente proposition de loi : ils relèvent plutôt d'un DDOF.
M. le président. Les amendements n°s 67 rectifié bis , 68 rectifié et 69 rectifié sont retirés.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Il est certain que nos amendements n° 46, 47 et 48 n'ont pas lieu d'être maintenus.
Cela dit, je ne suis pas entièrement convaincue. Je persiste à considérer qu'il n'est pas équitable de supprimer des avantages alors que les personnes concernées ne peuvent pas, en contrepartie, en obtenir d'autres avant un certain délai.
S'agissant de l'amendement n° 24, j'ai plaisir à noter que la commission des finances est déterminée, avec les encouragements de la commission des lois, à faire la chasse, partout et en tout lieu, à la fraude fiscale et aux exonérations de toutes sortes. Nous savons vous le rappeler en d'autres circonstances, monsieur Martini.
Par ailleurs, j'ai cru comprendre que, à vous suivre, on devrait supprimer les avantages fiscaux dont bénéficient les couples mariés qui n'ont pas d'enfants puisque, d'après vous, ces avantages fiscaux sont liés à la capacité des couples mariés à se reproduire. Le mariage, cette institution à vos yeux sacrée ne se trouve-t-il pas ainsi soudainement désacralisé ?
J'ajoute que réserver l'imposition commune aux seuls couples mariés revient, dans les faits, à créer une forme d'iniquité fiscale. Pourtant, le fisc ne s'intéresse qu'à la réalité des faits. En l'occurrence, on peut considérer qu'il y a communauté de fait. Aussi, sur le plan fiscal, il me parait injuste de ne pas accorder aux couples non mariés qui ont choisi de vivre ensemble, de partager leurs revenus, les avantages dont bénéficient les couples mariés.
M. le président. Les amendements n°s 46, 47 et 48 sont retirés.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 2