Séance du 18 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. Madame le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; la montagne, comme la mer, est souvent imprévisible. Elle n'est pas toujours imprévisible, mais on sait les risques ou les dangers qui s'y attachent, et chacun a en mémoire les récentes catastrophes d'Autriche, du Val-d'Aoste ou de Chamonix.
En Savoie, comme dans toutes les régions de montagne, nous vivons en côtoyant ces risques. Dans de nombreuses vallées de haute montagne, comme la Maurienne ou la Tarentaise, des villages sont souvent et longtemps isolés du fait des avalanches. Ainsi, la vallée de la Tarentaise, qui accueille chaque semaine 300 000 vacanciers, est actuellement menacée par des éboulements, la route nationale en particulier. Cette situation est insupportable : la sécurité des personnes doit être assurée.
Nous avons demandé au Gouvernement, avec M. Hervé Gaymard, député de cette circonscription, de mettre en oeuvre un plan de sécurisation des accès, notamment de la route nationale. Il faut que le Gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, prenne la mesure exacte de sa responsabilité par rapport à la route nationale. Naturellement, pour ce qui nous concerne, nous continuerons à assumer notre responsabilité pour les autres axes.
Mais c'est d'une petite commune de montagne que je veux vous parler maintenant : celle de La Perrière, dont les soixante-sept habitants ont été évacués, la montagne qui surplombe la commune menaçant de s'écrouler sur leurs maisons. Le prix de cette évacuation, de cette précaution, de cette prévention, ne peut être assumé par cette seule petite commune. Le conseil général que j'ai l'honneur d'animer sera solidaire, mais cela ne suffira pas.
Lorsque j'exerçais les fonctions de ministre de l'environnement à votre place, madame le ministre, j'avais, avec l'appui du Sénat d'ailleurs, fait adopter, à l'occasion de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, une disposition originale, à savoir la possibilité, dans certains cas exceptionnels, de faire jouer la loi relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, et cela avant même qu'une catastrophe ne se produise, quand on est sûr qu'elle va se produire.
Mes questions sont simples, madame la ministre.
Sous quelle forme, par l'intermédiaire du Gouvernement, la solidarité nationale va-t-elle jouer immédiatement au profit de cette petite commune ?
La prévention étant toujours préférable à la réparation, êtes-vous d'accord pour élargir les dispositions de la loi de 1995 et financer, grâce au fonds spécial, le prix de la prévention pour le cas de la commune de La Perrière, comme pour les autres cas, suite aux catastrophes qui, malheureusement, se produiront ailleurs en France ? (Applaudissements sur les travées du Rassemblement pour la République, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du Rassemblement démocratique et social européen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, l'instabilité du piton rocheux de la Becqua est connue depuis longtemps puisque, en 1974 déjà, un millier de mètres cubes de roches s'étaient écroulées.
Une accélération du phénomène a été observée au début de la décennie quatre-vingt-dix. Elle a conduit la commune à mettre en place des mesures de prévention pertinentes : un dispositif automatisé de surveillance du site instable dès 1992 et des ouvrages de protection pareblocs destinés à interrompre la trajectoire des blocs détachés de la falaise en cas de rupture de celle-ci.
Le mercredi 10 mars 1999, le maire de La Perrière a fait procéder à l'évacuation de soixante-sept personnes en raison de la menace d'un éboulement de même ampleur que celui de 1974. Quarante personnes sont actuellement relogées aux frais de la commune pour un coût journalier dont l'évaluation serait de 10 000 à 15 000 francs par jour.
La prise en charge de l'hébergement des personnes évacuées par arrêté municipal est de la libre appréciation des maires concernés, qui peuvent éventuellement obtenir l'aide des conseils généraux. Vous avez d'ailleurs rappelé, monsieur le sénateur, que le conseil général de la Savoie avait rapidement confirmé son assistance.
M. Emmanuel Hamel. Il a un grand président !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mon ministère ne dispose pas, à l'heure actuelle, de crédits spécifiques permettant de contribuer à cette prise en charge. Le ministère de l'intérieur, quant à lui, dispose de possibilités qui correspondent à des secours d'extrême urgence pour l'aide aux victimes de calamités publiques. Il a d'ailleurs été saisi par le préfet de la Savoie, qui souhaite savoir quelle pourrait être la contribution du ministère de l'intérieur aux frais d'hébergement des personnes évacuées.
Quant au fonds institué par la loi de 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, il concerne, vous le savez bien, des expropriations définitives des biens exposés au risque. Il ne semble donc pas pouvoir être mobilisé dans le cas spécifique de La Perrière.
En revanche, au titre de ses actions de prévention, le ministère de l'environnement a contribué - et contribuera encore - au financement des mesures de surveillance et des études des protections actuelles. Monsieur le sénateur, en 1994, quand ce dispositif a été mis en place, vous étiez au ministère de l'environnement ; vous le savez donc bien. Ce ministère contribue depuis trois ans à la prise en charge de l'intervention du Centre d'études techniques de l'équipement de Lyon pour l'acquisition et l'exploitation des dispositifs de surveillance. Il participe au financement des interventions du même centre à titre d'expert auprès de la cellule de crise mise en place par le maire de La Perrière.
La commune a demandé, mercredi soir, au centre d'élaborer un projet de démontage des blocs les plus instables par minage et reprofilage du rocher. Le démarrage des travaux pourrait avoir lieu avant le 1er avril et durer de deux à trois semaines.
A titre exceptionnel, j'envisage une contribution de mon ministère, sous la forme à la fois d'une subvention et d'une prise en charge de la maîtrise d'oeuvre du centre.
La France n'est pas épargnée par les risques naturels : éboulements, glissements de terrain, avalanches, sismicité, inondations... et j'en passe. Des événements dramatiques le rappellent et trop régulièrement. Une communication en conseil des ministres permettra d'actualiser, avant l'été, la stratégie du Gouvernement sur ce thème. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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