Séance du 18 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Dans son rapport pour 1998, rendu public hier, la direction de la sûreté des installations nucléaires présente des conclusions préoccupantes. Elle répertorie en effet 376 incidents qualifiés de « significatifs » concernant la sûreté nucléaire sur le parc EDF, sans événement grave toutefois.
Mais nous avons tous en mémoire qu'en 1999 on a déjà noté un incident grave dont a été victime - mais victime un peu responsable compte tenu de ses compétences - un agent spécialisé en sécurité nucléaire.
Les termes du rapport sont troublants : « négligence » dans les transports de combustibles usés, « endormissement » face au vieillissement des centrales, « laisser-faire », « oubli de choses très simples » et, enfin, « règles bafouées » régulièrement depuis dix ans en l'absence de tout contrôle de l'Etat !
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces termes inquiétants sont-ils tous, à vos yeux, justifiés ?
Cette mise en cause directe d'EDF, à l'heure de l'ouverture à la concurrence, est sévère.
Le rapport pose deux questions.
Comment, d'une part, assurer un bon fonctionnement des procédures de sécurité internes à EDF, comment faire en sorte que toutes les responsabilités soient prises au bon niveau et les travaux nécessaires réalisés en temps utile ?
Comment, d'autre part, garantir au sein des services compétents de l'Etat un contrôle régulier et le plus sécurisant possible pour nos concitoyens, pour nous, pour le public, pour EDF, pour la direction de la sûreté des installations nucléaires, pour l'Office de protection contre les radiations ionisantes, demain pour l'autorité nouvelle annoncée le 9 décembre dernier par le Gouvernement ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment jouera la cohésion indispensable entre ces organes ? Autrement dit, qui contrôle, qui décide et qui assure la sécurité dans ce domaine industriel ?
Il convient que le Gouvernement apporte une réponse rapide et claire. La place majeure qu'il a confirmée - et que nous soutenons - pour notre industrie nucléaire dans la politique énergétique de la France le réclame.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quel est votre jugement, quelles sont vos réflexions face à ce rapport, et quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre pour répondre à ces critiques ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, à la suite d'un incident grave à la centrale du Tricastin, un certain nombre de problèmes sont devenus d'actualité. Cet incident, je le rappelle, a mis en cause un agent qui a pénétré dans une « zone rouge », où la radioactivité est particulièrement élevée et où l'accès est strictement réglementé : il n'est possible que moyennant une autorisation écrite de la direction de la centrale, autorisation qui, en l'occurrence, n'avait pas été sollicitée.
Le problème de la sécurité et de la radioprotection est donc posé.
La direction de la sûreté des installations nucléaires, la DSIN, et l'office de protection contre l'irradiation ionisante, l'OPRI, ont immédiatement diligenté une inspection à la centrale du Tricastin, en compagnie de l'inspecteur du travail compétent. Un procès-verbal a été dressé pour dépassement des limites en vigueur d'irradiation des travailleurs.
Au-delà, c'est le sens de votre question - cet incident fait apparaître la nécessité de renforcer le contrôle de l'inspection du travail dans les centrales électronucléaires. C'est pourquoi, avec Mme Martine Aubry et M. Bernard Kouchner, nous avons demandé aux agents des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, agissant en qualité d'inspecteurs du travail, et au président de l'OPRI de mener une campagne vigoureuse et systématique sur tous les sites électronucléaires en vue d'un respect pleinement satisfaisant de la protection des travailleurs contre les rayonnements.
Sur le fondement de ces contrôles, et indépendamment des suites judiciaires éventuelles de l'affaire du Tricastin, que vous avez évoquée, un programme d'action sera demandé à EDF pour éviter la répétition de tels dysfonctionnements.
Le président d'EDF lui-même a par ailleurs fait connaître sa préoccupation devant cet incident et sa volonté d'éviter son renouvellement par des mesures d'organisation adaptées. Il doit rendre public prochainement des propositions faisant suite au rapport qu'il a commandité à M. Curien, à ma demande, dès qu'il a été nommé à la présidence d'EDF.
Nous aurons l'occasion d'en reparler dans la plus grande des transparences et avec une attention toute particulière pour la sécurité, s'agissant des rayonnements ionisants, de tous les personnels et de toutes les personnes qui approchent les centrales nucléaires ou qui y pénètrent. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE