Séance du 11 février 1999







M. le président. Je suis saisi par Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable :
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics (n° 194). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, un orateur d'opinion contraire, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, vous m'avez menacée de grève si j'apostrophais mes collègues ; j'espère que vous leur adresserez la même mise en garde !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, le droit de grève, qui est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, a une valeur juridique supérieure.
Formidable acquis populaire et démocratique de tout un siècle de luttes ouvrières, le droit de grève figure au titre des principes politiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps.
Destiné à faire pression pour que les salariés expriment et voient satisfaites leurs revendications, ce droit collectif exercé individuellement s'avère indispensable pour assurer la défense des droits des salariés.
Non, la grève n'est pas banalisée, comme certains le soutiennent. La grève reste une arme ultime, utilisée par des salariés en dernier recours lorsque, par d'autres moyens, ils n'ont pu être entendus et écoutés. Ne réduisez pas le problème au préavis.
Les jours de grève ne sont pas rémunérés. Il est nécessaire de le rappeler ici.
M. Henri de Richemont. Heureusement !
Mme Nicole Borvo. Chaque salarié prend toutes ses responsabilités en faisant grève.
M. Pierre Lefebvre. Tout à fait ! Mais M. de Richemont, lui, il n'a jamais fait grève !
Mme Nicole Borvo. Chaque salarié sait ce qu'il lui en coûte pour lui-même, vis-à-vis de ses collègues et des usagers. (M. de Richemont proteste.)
Les statistiques nous le rappellent régulièrement, et vous les avez abondamment citées : en dix ans, on a assisté à une diminution du nombre des jours de grève, qui sont passés de 1,8 million à 800 000 jours en 1997.
La situation catastrophique de l'emploi et la répression patronale n'y sont pas pour rien ! (Vives protestations sur les travées du RPR.)
Cette période correspond, hélas ! à une dégradation de la situation des salariés tant du fait de la crise de l'emploi que du niveau des salaires et des conditions de travail.
Les initiatives patronales pour négocier des réponses positives aux revendications des salariés ne sont pas légion, mes chers collègues, et les salariés de Peugeot se sont mis en grève pour obtenir des négociations sur les 35 heures.
Alors, selon vous, dans les services publics, parce qu'il y a la garantie de l'emploi, les salariés se mettraient en grève pour un oui ou pour un non,...
M. Dominique Braye. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo. ... particulièrement dans les transports publics et singulièrement à la SNCF ?...
M. Henri de Richemont. C'est un scandale !
Mme Nicole Borvo. D'aucuns se chargent de caricaturer à dessein les grévistes comme des nantis irresponsables qui, en usant et abusant de leurs droits, prennent régulièrement en otage de pauvres usagers tributaires des services publics de transports urbains, notamment pour se rendre sur leurs lieux de travail ou de loisirs.
M. Henri de Richemont. C'est bien vrai !
M. Dominique Braye. Absolument !
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, si ça continue, je vais faire grève ! (Exclamations sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Si seulement !
M. le président. Chers collègues, laissez parler l'orateur.
Mme Nicole Borvo. Vous le savez, très souvent les salariés sont aussi des usagers. Vous ne vous en êtes peut-être pas aperçus, mes chers collègues !
M. Henri de Richemont. Plus que vous !
Mme Nicole Borvo. La grève correspond à un échec du dialogue social, à une crise du fonctionnement de l'entreprise.
Or, entre 1988 et 1997, 78 000 emplois ont été supprimés à la SNCF ; vous voyez ce que cela représente !
M. Dominique Braye. A cause des grèves, il n'y a plus de clients.
Mme Nicole Borvo. On sait ce qu'il en résulte en termes de difficultés, d'aggravation des conditions de travail et d'insécurité.
Evidemment, la cessation concertée du travail perturbe l'activité, paralyse le fonctionnement régulier des services publics, mais parfois, comme l'admet le professeurLyon-Caen, la seule grève efficace n'est-elle pas la grève gênante pour le public !
M. Dominique Braye. C'est toujours comme cela ; on est pris en otage !
Mme Nicole Borvo. Chaque moment de conflits importants est un prétexte pour relancer la limitation du droit de grève. Ne serait-ce pas plutôt l'occasion, je ne l'ai pas entendu dire ici, de relancer les efforts d'amélioration des services publics ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Je l'ai dit !
Mme Nicole Borvo. La droite érigée en seule défenderesse des droits des usagers, comme si elle en avait le monopole, tactiquement abritée derrière le principe de continuité du service public, tente habilement d'opposer les agents des services publics aux usagers citoyens, divise pour mieux imposer la solution récurrente du service minimum.
M. Dominique Braye. Ecoutez les usagers !
Mme Nicole Borvo. Vous jouez des sondages, qui révèlent que les Français sont majoritairement favorables à l'instauration d'un service minimum.
C'est la solution préconisée récemment par le Président de la République lors de son discours de Rennes pour porter atteinte une fois encore au droit de grève dans les services publics, et demain, peut-être, pour l'ensemble des salariés.
Seul un certain opportunisme politique dicte votre démarche, messieurs de la majorité sénatoriale.
Vous êtes beaucoup moins empressés lorsque 85 % de la population exprime qu'elle est favorable à la parité entre les femmes et les hommes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Mensonge ! Amalgame !
M. Claude Huriet, rapporteur. Nous aussi nous y sommes favorables !
M. Jean Arthuis. Nous sommes favorables à la parité !
M. Pierre Hérisson. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo. Je ne vous ai pas vus vous précipiter pour la défendre !
En prônant l'avènement du service minimum dans les services publics ou de tout autre obstacle au déclenchement de la grève légitimé par les attentes des usagers requalifiés de clients, vous parlez tout simplement de « moraliser » le droit de grève au regard de contraintes économiques européennes, de rentabilité et de concurrence, toutes choses étrangères à la notion même de service public.
De fait, vous allez contre les intérêts des usagers, qui, au quotidien, sont demandeurs, eux aussi, d'un service public de qualité renforcé, d'un service de proximité, le plus étendu possible.
M. Dominique Braye. Et les impôts, qui va les payer !
Mme Nicole Borvo. Salariés et usagers de la RATP ou de la SNCF partagent des préoccupations similaires, figurez-vous !
Les motifs de préavis de grève, qu'il s'agisse des effectifs, de la réorganisation du service, des conditions de travail ou de sécurité, vont aussi dans le sens des usagers. Lors des grandes grèves de décembre 1995, moi qui prenais le métro, je peux vous dire que la position des grévistes était largement comprise par la population. (Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Oui, parfaitement ! Alors, arrêtons d'opposer ces deux catégories !
La droite n'en est pas à son premier coup d'essai, et je suppose pas le dernier, pour restreindre, voire nier le droit de grève.
M. Henri de Richemont. Ce n'est pas vrai !
Mme Nicole Borvo. D'abord, ne faisons pas comme si le droit de grève ne s'exerçait pas aujourd'hui dans le cadre des lois qui le réglementent.
La loi et le règlement sont intervenus dans ce domaine. Le droit de grève est interdit aux agents relevant des domaines jugés essentiels pour l'Etat. Il est organisé pour l'ensemble des salariés du secteur public par la loi du 31 juillet 1963, qui a instauré le préavis, et la loi du 19 octobre 1982, qui renforce l'obligation de négocier pendant cette période de préavis.
Les grèves tournantes sont interdites. La loi a mis en place, comme vous vous plaisez à le dire, un service minimum de façon exceptionnelle dans des services publics particuliers.
Mais ce n'est jamais assez pour certains !
Déjà, en 1993, monsieur Fourcade, vous proposiez à notre Haute Assemblée de sanctionner financièrement la grève tout en envisageant l'instauration du service minimum pour satisfaire les besoins vitaux ou sociaux de la population.
A l'époque, il avait été constaté, dit M. le rapporteur, qu'un mouvement semblait se dessiner en faveur d'accords collectifs d'entreprises sur le service minimum et qu'il était préférable de laisser les discussions se poursuivre sans que le législateur intervienne. Sage décision !
Aujourd'hui, monsieur Arnaud, votre proposition de loi entend réglementer par un service minimum le droit de grève pour l'ensemble du secteur public. Sont principalement visés les services publics de transport.
L'objet du service minimum est de permettre que soit assurée, en cas de grève, la continuité des missions du service public indispensables à la satisfaction des besoins essentiels des usagers.
M. Dominique Braye. Qui sont pris en otage !
Mme Nicole Borvo. Conformément à la jurisprudence constitutionnelle, en aucun cas le service minimum en question ne peut constituer un service normal.
Or, dans le secteur des transports - cela a été dit, mais je préfère le répéter - pour des raisons techniques ou de sécurité, la mise en oeuvre de ce service minimal aux heures de pointe revient à assurer un service normal, vidant ainsi le droit de grève de toute sa substance.
Le président de la RATP - M. le rapporteur l'a cité - estime qu'il faut 66 % à 75 % des effectifs pour assurer un service minimum.
L'atteinte grave au droit de grève, liberté fondamentale, est patente !
Impossible à mettre en pratique, cette solution est, de surcroît, socialement explosive.
A la suite des auditions auxquelles elle a procédé, la commission des affaires sociales, j'en conviens, mesurant l'unanimité des réactions hostiles face à cette atteinte frontale au droit de grève, nous propose la mise en place de nouveaux outils ou le renforcement d'obstacles existants, tendant tous, néanmoins, à encadrer l'exercice du droit de grève.
M. le rapporteur propose de légiférer pour obliger les partenaires sociaux à négocier dans un délai d'un an des procédures de limitation de grève.
Ne me dites pas que mes craintes au sujet des propositions de la commission sont sans objet, puisque vous proposez que, en cas d'échec des négociations, le service minimum s'applique ultérieurement : la menace est donc simplement différée.
Vous vous appuyez sur l'existence d'un dispositif d'alarme sociale existant à la RATP pour prévenir les conflits.
Je vous fais observer - sans me prononcer sur ce dispositif - que, dans les cas de crise grave, il ne fonctionne pas, et pour cause !
Plus généralement, je constate que les procédures concrètes d'amélioration du dialogue social sont possibles quand le climat social est meilleur.
Une politique active déployant des moyens tant humains que financiers doit être menée pour qu'effectivement la RATP, la SNCF assument pleinement leur mission de service public en exploitant, entretenant et développant un réseau performant de transport, alliant qualité, régularité, sécurité, réponse aux besoins. Et cela, je ne l'ai pas entendu !
Le ministère des transports s'est engagé à s'attaquer au fond des problèmes en humanisant et renforçant les effectifs pour un service public performant.
Depuis 1997, à la SNCF, l'emploi est enfin maintenu : 1 000 emplois sous statut et 1 000 emplois-jeunes ont été créés. On assiste à un début d'inversion de logique. Il faut continuer dans ce sens. Ce sont des conditions favorables pour l'amélioration du climat social, pour la négociation, la consultation, maître mot pour désamorcer les conflits.
Pourquoi tenez-vous absolument à légiférer ?
M. Dominique Braye. Pour protéger les usagers !
M. Guy Fischer. Par démagogie !
Mme Nicole Borvo. Est-ce pour brider le droit d'expression des salariés, attiser les motifs de conflits ? Est-ce par pure démagogie ? Est-ce pour manifester, comme s'il en était besoin, que vous êtes opposés aux garanties statutaires des services publics, que vous entendez imposer la concurrence dans des secteurs qui relèvent aujourd'hui, en France, des services publics ?
Le dénigrement des fonctionnaires, des services publics est cyclique ; il fleurit en temps de crise économique et sociale. Nous voyons converger ces jours-ci des articles ignominieux dans Le Figaro sur l'école publique, des interprétations caricaturales du rapport sur le temps de travail des fonctionnaires et, ici, une offensive contre le service public.
M. Dominique Braye. Ce rapport a été demandé par le Premier ministre !
Mme Nicole Borvo. Attention, il est toujours dangereux de stigmatiser les millions de salariés des services et entreprises publics, dont la compétence et le dévouement sont sans équivalence en Europe.
Mais, vous le savez sans doute, les Français sont attachés à leurs services publics et ils n'ignorent pas les effets catastrophiques, par exemple, de la déréglementation des transports publics dans un pays comme la Grande-Bretagne.
Comme ce fut le cas en avril 1993, mes chers collègues, il me paraît sage de renoncer à légiférer.
Le groupe communiste républicain et citoyen refuse catégoriquement de rentrer dans cette mécanique de réglementation, de discuter d'une proposition de loi qui porte une atteinte grave, même si elle est différée, à un droit fondamental des salariés.
Pour toutes ces raisons, il vous demande d'adopter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet, rapporteur. La commission des affaires sociales, dans sa majorité, est défavorable à la motion présentée par Mme Borvo.
D'ailleurs, ma chère collègue, il ne devrait même pas y avoir d'hésitation, puisque la motion tendant à opposer la question préalable que vous avez déposée porte sur la proposition de loi « tendant à assurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics », alors que, désormais, le texte sur lequel nous allons débattre est intitulé : « Proposition de loi visant à prévenir les conflits et à garantir la continuité dans les services publics. » Vous reconnaîtrez, madame Borvo, que le fondement sur lequel s'appuyait votre motion n'existe plus.
Certes, je comprends très bien vos réactions à propos du service minimum. Mais je me suis expliqué sur ce point et, contrairement à ce que vous avez dit, chère collègue, je n'ai pas attendu d'avoir procédé à des auditions publiques pour faire savoir à mes interlocuteurs, qu'il s'agisse du président de la commission, de l'auteur de la proposition de loi initiale ou des représentants des syndicats que j'ai entendus, quelles étaient ma perception de ce problème et les difficultés auxquelles nous étions confrontés.
Le champ de cette proposition de loi a été modifié très tôt, acte doit m'en être donné, et je demande donc aux auteurs de la motion de bien vouloir la retirer. Sinon, ils devront me convaincre, mais cela leur sera bien difficile, que cette motion reste malgré tout valable. J'affirme, pour ma part, qu'elle est dépassée.
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, avec votre permission, j'ai voulu faire gagner un peu de temps à la Haute Assemblée en me réservant d'apporter, au cours de l'intervention que je vais faire sur la question préalable, quelques réponses aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
Je voudrais tout d'abord dire à M. Fourcade que je n'ai à aucun moment voulu, tout à l'heure, faire argument de compétence. Je connais suffisamment celle dont il a fait preuve, comme ministre, comme élu local, comme maire de Boulogne ou dans les grandes entreprises de service public ! Mon hochement de tête était une marque de sympathie de la part d'un ancien maire qui connaît les problèmes des élus locaux.
Lorsque j'ai parlé de méconnaissance des mécanismes, c'était plutôt à la volonté de ne pas connaître la psychologie de la discussion que je faisais référence.
Monsieur le rapporteur, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez dit. J'ai noté avec un grand intérêt les allusions que vous faisiez aux deux lois essentielles à mes yeux que sont les lois Auroux et la première loi Aubry. Je suis heureux que ces textes importants, auxquels j'ai adhéré totalement, puissent être aujourd'hui des textes de référence.
Vous avez abordé une question très importante en évoquant la modernisation du service public. Sur ce plan, je suis totalement d'accord avec vous et vous me donnerez acte que la relance de la modernisation de l'Etat, dont j'ai la charge et que j'ai déjà engagée depuis le mois de novembre 1997, touche à de nombreux domaines : la gestion de la ressource humaine dans le secteur public est effectivement un enjeu majeur, mais je pourrais en citer beaucoup d'autres.
Monsieur le rapporteur, le travail que vous avez accompli et auquel j'ai rendu hommage est, en vérité, très ample et très subtil, car, loin de modifier ou de retravailler la proposition de M. Arnaud, vous y avez substitué un texte complètement différent. C'est si vrai qu'il serait vain de chercher dans les conclusions qui sont soumises aujourd'hui au Sénat une seule proposition, au sens grammatical du terme, qui figurât dans le texte initial.
Je note d'ailleurs que, s'il est toujours question de « service minimum » dans les documents qui nous sont fournis par le service de la séance, cette notion ne figure nulle part dans le texte effectivement discuté. Nous sommes donc devant ce que je me permettrai de considérer comme une ambiguïté.
Le texte de la commission s'ouvre par un appel à négocier, dans les établissements, entreprises et organismes chargés de la gestion d'un service public, des mécanismes propres à prévenir le déclenchement de conflits.
Sur ce point, tout le monde est d'accord ! Personne n'estime que la grève est une chose désirable en soi !
Mais, derrière l'appel, y a-t-il un élément de contrainte ? Et, dans l'affirmative, s'agit-il du service minimum ?
Vous avez réussi l'exploit, et je vous en donne acte, monsieur le rapporteur, de ne pas mentionner ces termes une seule fois dans le texte. C'est pourquoi je me demande si ceux de vos collègues qui disent approuver votre texte en vertu de la nécessité, à leurs yeux, d'instituer un service minimum - je pense, par exemple, à M. About - ne s'engagent pas ainsi avec un bandeau sur les yeux. Sont-ils bien sûrs de savoir où ce texte conduit ?
Existe-t-il d'autres moyens de contrainte ? Le texte est muet à ce sujet.
J'ai eu l'occasion de dire que, à mon sens, de tels moyens de contrainte ne sont pas souhaitables. Si nous pouvons être unanimes à souhaiter que l'on s'oriente, dans la concertation, vers la définition de mécanismes de prévention des conflits, nous sommes sans doute nombreux - et certainement sur toutes les travées de cette assemblée - à penser que ce n'est pas par la contrainte que l'on facilite le dialogue social.
Un excellent auteur, M. Raymond Soubie, ancien conseiller social de M. Raymond Barre, expliquait dans un article remarquable paru au mois de décembre dernier que, dans ce domaine, moins le législateur intervient, plus les résultats ont des chances de se révéler positifs.
M. Philippe Arnaud. Comme pour les 35 heures !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Autrement dit, soit il y a des éléments de contrainte, et je pense que ce n'est pas une bonne méthode, soit il n'y a qu'un appel à négocier, et ce texte est alors inutile, étant entendu que ce n'est pas le rapport prévu à l'article 3 - M. Fourcade m'en donnera bien volontiers acte - qui, seul, suffirait à justifier un texte de loi.
Telles sont, monsieur le président, les réflexions que m'inspire la motion tendant à opposer la question préalable présentée par le groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. En vérité, je suis confortée dans l'idée du bien-fondé de cette motion par le rapporteur lui-même.
En effet, selon celui-ci, « il est préférable, en l'état, de ne pas donner au service minimum le caractère d'une disposition législative. Le service minimum n'est certainement pas la panacée. Il ne pourrait être envisagé que comme une solution ultime qui ne serait appliquée, conformément à la loi, qu'en cas de volonté de blocage manifestée par les acteurs sociaux refusant de mettre en oeuvre le principe de la loi constitutionnelle de continuité du service public ».
En fait, par rapport à la proposition de loi de M. Arnaud. M. Huriet propose simplement de différer un peu les choses, mais en s'inscrivant néanmoins dans la logique du service minimum.
Eh bien, nous, nous considérons qu'il n'y a pas lieu de légiférer sur cette question, ici, aujourd'hui.
M. le président. Je rappelle que nous examinons les conclusions de la commission.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

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