Séance du 4 février 1999







M. le président. La parole est à M. Deriot.
M. Gérard Deriot. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Un récent sondage a révélé qu'un maire sur deux envisage de ne pas solliciter de nouveau mandat aux élections municipales de 2001 et que, parmi les maires qui accomplissent leur premier mandat, seulement un sur trois se déclare certain de se représenter.
Les motifs de ce désenchantement sont bien connus. Dans tous les domaines de la vie quotidienne, la population admet de moins en moins le risque. Il y a quelques jours, un maire a encore été mis en examen pour homicide involontaire à la suite d'un dramatique accident, la noyade d'une fillette dans l'étang communal.
En raison des pouvoirs importants qu'ils assument, les maires sont placés en haut de l'échelle des responsabilités et constituent la cible principale de ce nouveau réflexe procédurier, malgré les améliorations apportées par le texte du 13 mai 1996.
En outre, la quantité et la complexité des lois, décrets, règlements, normes et directives européennes en vigueur rendent la tâche des premiers magistrats de plus en plus difficile, et ce tout particulièrement dans les petites communes, du fait de l'impossibilité d'embaucher le personnel suffisamment qualifié.
Si l'on ajoute à cela l'indifférence de la population à laquelle se heurtent souvent les élus locaux et les problèmes liés à leur statut, on comprend sans peine la lassitude qui s'empare d'eux et qui risque, à terme, si l'on n'y prend garde, de priver le pays de ses forces vives.
Madame le garde des sceaux, face à cet inquiétant constat, quelles mesures concrètes envisagez-vous de mettre en oeuvre pour lutter contre le climat d'insécurité dans lequel les élus municipaux exercent aujourd'hui leur mandat ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous venez, à juste titre, d'attirer notre attention sur l'inquiétude qu'éprouvent les élus face à ce que certains appellent la judiciarisation de la vie politique locale.
Ce phénomène a, selon moi, trois causes : d'abord, la multiplication des textes, vous l'avez dit ; ensuite, la faiblesse, voire l'inexistence, de structures de conseil pour les maires ; enfin, la « pénalisation » de notre société, qui conduit trop souvent les citoyens à rechercher auprès du juge pénal la résolution d'un conflit d'ordre civil ou administratif.
Je rappelle qu'il existe depuis plus d'un siècle - c'est l'arrêt Blanco de 1873 - un régime de responsabilité administrative des collectivités publiques fondé soit sur la faute simple, soit même, ce qui est beaucoup plus protecteur des victimes, sur l'absence de faute. Tout préjudice ne devrait donc pas ouvrir la voie à la seule responsabilité pénale.
Mon ministère s'attache à rechercher des solutions à cette très grande difficulté afin de sécuriser la gestion des collectivités publiques.
Il nous faut, d'abord, clarifier les textes. La codification est indispensable ; le Gouvernement y a apporté une vigoureuse impulsion.
En outre, une réflexion doit être conduite sur la réforme du code des marchés publics pour favoriser la notion de mieux-disant, qui paraît aujourd'hui mieux adaptée à la vie économique que la notion de moins-disant.
Il faut également améliorer la connaissance des procédures en favorisant la constitution de pôles d'expertise communaux et intercommunaux pouvant jouer un rôle de conseil auprès des élus.
Il faut accélérer le traitement en urgence des contentieux qui opposent, notamment, les particuliers aux collectivités publiques, pour que la légalité des décisions soit tranchée très vite, évitant ainsi aux requérants de rechercher satisfaction devant les juridictions civiles ou pénales. C'est le sens du projet de loi que je vous présenterai prochainement et qui tend à réformer les procédures d'urgence devant les juridictions administratives.
Il faut aussi favoriser les rencontres entre élus et magistrats pour permettre aux uns et aux autres de mieux connaître leurs contraintes respectives.
Il faut, de plus, apprécier concrètement la responsabilité des élus. Vous avez mentionné la loi du 13 mai 1996, qui précise que le juge doit procéder à une interprétation concrète des moyens dont disposait l'élu au moment où il a pris sa décision.
Enfin, il faut mieux garantir la présomption d'innocence. C'est l'objet d'un projet de loi qui sera soumis en première lecture, le mois prochain, à l'Assemblée nationale et dont le Sénat sera saisi avant l'été.
J'espère monsieur le sénateur, par ces explications, vous avoir convaincu que le Gouvernement - et mon ministère, en particulier - attache la plus grande importance à ce que la justice s'exerce partout et pour tous, en toute indépendance et avec la plus grande sérénité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

ENDETTEMENT DU SERVICE DE SANTÉ
À WALLIS-ET-FUTUNA