Séance du 21 janvier 1999







M. le président. Par amendement n° 199, MM. Cornu, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Gérard Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 7 bis, un article additionnel rédigé comme suit :
« Toute personne physique ou morale exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural peut apporter son concours aux communes et aux départements en assurant le déneigement des routes au moyen d'une lame départementale ou communale montée sur son propre tracteur. »
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Cet amendement traite non pas de la pluriactivité mais plutôt des travaux d'intérêt général.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les petites communes rurales font appel la plupart du temps, pour effectuer des travaux de déneigement, à des agriculteurs. Ces derniers assurent ce travail soit bénévolement, soit en étant rémunérés. Les communes achètent les lames de déneigement et les agriculteurs font le travail de déneigement.
Or, un décret à caractère tout à fait technocratique aboutit en fait à interdire aux agriculteurs de pouvoir effectuer ces travaux de déneigement.
Ce décret impose en effet aux agriculteurs d'avoir le permis poids lourd pour effectuer une opération de déneigement alors qu'ils n'en ont pas besoin, lorsqu'ils effectuent des travaux agricoles, pour tracter une remorque de vingt tonnes !
Ce décret leur impose aussi de faire passer leur tracteur au service des Mines et de mettre du carburant non détaxé dans le réservoir de leur tracteur.
Vous imaginez la situation ! Lorsque la neige tombe le soir, l'agriculteur doit, pour le lendemain, vider le réservoir de son tracteur afin de le remplir de carburant non détaxé, de façon à pouvoir effectuer les travaux de déneigement, et ce, la plupart du temps, à titre bénévole, qui plus est !
C'est le rôle du Parlement de s'opposer à un décret d'essence tout à fait technocratique. C'est le rôle du politique d'user de son pouvoir pour annuler les effets d'un décret totalement inapplicable dans la mesure où il interdit, de fait, aux agriculteurs de déneiger et de désenclaver ainsi les communes rurales.
On nous dit qu'il faut faire appel aux entreprises privées. Certes, mais le jour où il neigera, ces entreprises privées ne pourront pas exécuter tous les travaux qui leur seront demandés et, de plus, cela coûtera beaucoup plus cher aux communes rurales.
Je profite donc de l'examen de cette loi d'orientation agricole pour essayer d'annuler les effets de ce décret de nature trop technocratique. En tout cas, je compte sur la commission et le Gouvernement pour arriver à quelque chose de plus cohérent, au plus grand bénéfice de nos communes rurales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Mon cher collègue, je souscris tout à fait à votre démonstration. Si, un matin, dans une commune rurale, on prend un tracteur avec une lame pour déneiger parce qu'il est tombé vingt centimètres de neige dans la nuit et que l'on se fait arrêter, on risque de sérieux ennuis, alors que, si on ne le fait pas, n'importe qui peut « se casser la figure » en sortant de chez lui. C'est vrai, c'est absurde.
Pour autant, je ne crois pas que l'on puisse régler le problème par le biais d'un amendement.
Tout d'abord, l'amendement est en totale contradiction avec l'amendement n° 197, que le Sénat a adopté, et il nous faut tout de même être cohérents !
Par ailleurs, il sera tout à fait possible à un agriculteur d'effectuer des travaux d'intérêt public dans la commune dans le cadre des CTE. Ce sera alors tout à fait légal.
En revanche, si, aujourd'hui, on accepte un tel amendement, on déclenche les hostilités avec toutes les petites entreprises de travaux publics, comme cela a failli être le cas avec les artisans et les commerçants.
Nombre de ces entreprises de travaux publics ont écrit aux rapporteurs que nous sommes, notamment à propos de l'article 6, que nous venons de supprimer. Evitons de mettre de nouveau le feu aux poudres.
J'aimerais d'ailleurs que M. le ministre nous dise comment on pourrait améliorer la législation actuelle, tant il est vrai qu'il est idiot d'empêcher les gens de rendre service, sans pour autant courir le risque que je viens d'évoquer.
La commission demande donc aux auteurs de l'amendement, dont elle comprend l'argumentation, de bien vouloir le retirer. A défaut, elle devra émettre un avis défavorable.
M. le président. Répondez-vous à l'appel de M. le rapporteur, monsieur Cornu ?
M. Gérard Cornu. J'aimerais entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est en effet l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. L'avis du Gouvernement est conforme à celui de la commission.
Ce décret est sans doute d'inspiration technocratique, monsieur Cornu, mais il est aussi le fruit d'un travail d'équilibre avec les entrepreneurs de travaux publics et les entrepreneurs de travaux agricoles, y compris le président de ces derniers, qui est un homme remarquable puisqu'il est originaire des Hautes-Pyrénées. (Sourires.) J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'en entretenir moi-même avec lui.
Le sujet est extrêmement sensible, car c'est la réalité économique et sociale d'un certain nombre d'entreprises qui est en jeu.
Le principe a été de dire que ce qui n'est pas une activité agricole doit être exercé dans les mêmes conditions sociales et fiscales que celles qui prévalent pour les entreprises concurrentes du secteur. C'est la logique du décret.
Toucher à cet équilibre subtil remettrait le feu aux poudres avec les entrepreneurs de travaux agricoles, qui sont très vigilants sur ce point.
Comme le rapporteur, je souhaite donc que l'amendement soit retiré, faute de quoi je m'y opposerai.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 199.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Pour ma part, j'estime que l'agriculteur qui, la plupart du temps de façon tout à fait désintéressée, prend son tracteur pour déneiger rend service à la société. Ce faisant, il exerce une activité sociale, et qui plus est économique.
Nous sommes nombreux, ici, à être responsables de transports scolaires en milieu rural. Quand les routes ne sont pas déneigées parce que la direction départementale de l'équipement n'a pas les moyens techniques de faire face, il est tout à fait normal que nous puissions faire appel aux agriculteurs, qui exercent alors, je le répète, une activité de caractère social puisqu'ils rendent service à la société.
De plus, les agriculteurs connaissent parfaitement les routes communales de leur secteur, leur tracé comme les dangers de leurs accotements, ce qui n'est pas le cas d'un entrepreneur.
Enfin, ils ont pour eux la rapidité d'intervention. Il y a quelques jours, un certain nombre de régions ont été paralysées par la neige. Si tout le monde s'y met pour déneiger rapidement, on peut éviter un blocage de l'activité économique.
Il faut donc aider les agriculteurs qui remplissent cette mission, et tel est, précisément, l'objet de l'amendement.
M. Philippe Adnot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, permettez à un président de conseil général qui a sous sa responsabilité 4 200 kilomètres de voirie départementale, 350 kilomètres de voirie nationale et 1 200 kilomètres de voirie communale de vous faire part de son expérience.
Quand il a neigé, si l'on veut que les transports scolaires puissent circuler, il faut que, le matin, tout le monde s'y mette immédiatement. En effet, dès qu'il y a un peu de circulation, la neige durcit et les conditions de sécurité ne sont plus respectées : il y a du verglas et on ne peut plus rien faire.
Croyez-moi, dans mon département, pas un seul entrepreneur ne trouvera à redire aux accords que nous avons passés avec les différents agriculteurs que nous mobilisons et qui interviennent soit en étant conventionnellement indemnisés, soit gratuitement dans les communes.
De toute façon, vous serez confronté à un problème. En cas d'accident, il faudra bien aller chercher les gens et, alors, on viendra chercher l'agriculteur avec sa lame !
M. Gérard César. Voilà !
M. Louis Moinard. Exactement !
M. Philippe Adnot. Il m'appartient, en tant que président du conseil général, de donner l'ordre ou non d'intervenir sur les routes, de passer ou non une convention avec quelqu'un qui sera rémunéré ou non. Il est de ma responsabilité de faire le choix avec les entrepreneurs. Mais si un agriculteur qui va dépanner des personnes accidentées se retrouve dans l'illégalité à cause des conditions que vous avez créées, je ne sais pas comment vous vous débrouillerez !
M. Louis Moinard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. J'abonderai dans le même sens que mes collègues.
Si, dans un village, le maire avise, même un conseiller municipal peut aller chercher quelqu'un pour dépanner.
Et si on ne le fait pas, faudra-t-il attendre, pour sortir une voiture accidentée du fossé, qu'un véhicule d'une entreprise arrive alors qu'il y a un agriculteur avec un tracteur à proximité ?
Je voterai donc l'amendement.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je comprends que l'on veuille empêcher toute concurrence déloyale. Mais l'élu d'un département de montagne que je suis peut vous assurer que ce risque de concurrence avec des entreprises agricoles ou autres est inexistant dans la plupart des communes.
Il faut parfois être concret. Si l'on dit dans nos communes que l'agriculteur ne peut plus déneiger le matin de bonne heure et bénévolement, personne ne le comprendra.
Pour ma part, je voterai l'amendement.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ne pourrions-nous pas, pour une fois, faire parler notre bon sens paysan, avoir un peu les pieds sur terre, avoir le sens des réalités ?
Comme viennent de le dire avec des mots justes MM. Domeizel, Moinard, César et Adnot, les maires de petites communes rurales vivent ces problèmes au quotidien et M. César a eu raison de préciser qu'en l'espèce l'agriculteur remplit une mission sociale.
Dans cette loi d'orientation agricole, l'accent est mis sur la multifonctionnalité. Le déneigement effectué par l'agriculteur ne répond-il pas à la fois à l'esprit et à la lettre de la loi ? Ou bien alors, je n'y comprends plus rien ! Il faut que Gouvernement et commission soient cohérents !
Supposons qu'il tombe vingt ou trente centimètres de neige. Ce qu'a dit M. Domeizel sur la concurrence déloyale avec les entreprises agricoles est très juste. Par ailleurs, permettre, en ce cas, à un agriculteur d'intervenir, dans l'urgence, pour assurer la communication entre les différents villages et permettre la circulation de l'ensemble des habitants est une nécessité au regard des exigences de sécurité et de l'assistance à apporter à certaines personnes.
Et que dire lorsqu'il s'agit de congères d'un mètre ou deux de haut qui se forment très rapidement ? Il faut alors intervenir de toute urgence, et les entreprises à caractère agricole ne sont pas suffisamment nombreuses pour faire face. Le président du conseil général est alors bien content de trouver des agriculteurs pour dégager les routes départementales.
Je ne sais si des instructions ministérielles ou des directives ont été données ou si une circulaire préfectorale a été adressée à toutes les subdivisions de l'équipement sur le territoire national, mais ce que je sais c'est qu'il y a eu un grand émoi chez les agriculteurs quand ces subdivisions leur ont fait savoir que, dorénavant, ils ne pourraient plus intervenir pour dégager les voies municipales ou départementales - il ne s'agit pas, bien entendu, d'intervenir sur les routes nationales ! - et désenclaver ainsi un certain nombre de petites communes.
De deux choses l'une : ou bien nous adoptons cet amendement en l'état, ou bien nous obtenons de M. le ministre l'engagement qu'il trouvera, avant la fin de l'examen du présent projet, une solution garantissant que les agriculteurs pourront continuer à intervenir.
Mes chers collègues, j'espère qu'une fois de plus, au sein du Parlement, en particulier du Sénat, le bon sens l'emportera.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Je ne sais si j'ai le droit de revendiquer le bon sens agricole. (Sourires.) J'espère, en tout cas, que mon observation en sera empreinte.
C'est vrai, dans nos départements ruraux, la concurrence entre des agriculteurs de mieux en mieux équipés et les petites entreprises de travaux publics ou de travaux agricoles se développe.
Les collectivités territoriales elles-mêmes n'ont probablement pas intérêt à fragiliser ces entreprises agricoles, car elles vont dans le sens de la pluriactivité agricole.
Mais, en l'espèce, le problème est autre. Ce qui est en cause, c'est l'urgence.
M. Gérard Cornu. Voilà !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Il ne s'agit pas d'ouvrir aux agriculteurs le champ des travaux routiers. Le problème pourrait se poser, dans mon département, pour le faucardage, car nombre d'agriculteurs sont candidats à ces travaux, qui, de plus, doivent être effectués toute l'année et sur tout le territoire.
A l'inverse, je demande aux uns et aux autres de réfléchir au nombre de cantons où se forment des congères d'un ou deux mètres de haut ! Quand on en a parlé, un souffle glacial m'est passé dans le dos ! (Sourires.)
M. Gérard César. Un frisson !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques. Dans mon département, voilà cinquante ans que je n'ai pas vu de congère ! Par conséquent, là où il y en a, le problème requiert une solution urgente, et je suis donc d'avis d'adopter l'amendement.
M. Gérard Cornu. Tout à fait !
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Alain Vasselle. C'est le bon sens même !
M. Michel Souplet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur. Tout à l'heure, pour expliquer la position de la commission, je vous le rappelle, je disais que je trouvais stupides ces contraintes qui étaient infligées aujourd'hui. Je ne vais pas me déjuger maintenant, j'ai encore un peu de bon sens, monsieur Vasselle. Mais le rapporteur est tenu par une décision, laquelle a été prise par la commission, et je n'ai pas le droit, sans avoir réuni celle-ci, de changer d'avis.
Cependant, comme j'ai entendu de la droite jusqu'à la gauche un avis quasi unanime, je suis tout à fait prêt à conclure que je m'en remets à la sagesse du Sénat. Et je voterai l'amendement, en plus ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Bernard Murat. Ça, c'est courageux !
M. Paul Raoult. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Vous avez raison, sauf que, dans la pratique, sur le terrain, la concurrence entre les entreprises agricoles et les agriculteurs devient extrêmement vive. Souvent le fauchage des bors de route est assuré par les agriculteurs. Mais on a imposé tellement de contraintes aux entreprises agricoles - sachez qu'il faut un BTS aujourd'hui pour monter une entreprise agricole ; il faut passer des concours et des examens - que, sur le terrain, à l'heure actuelle, les chefs d'entreprise ne supportent plus que les agriculteurs fassent ce travail à leur place.
Vous nous présentez le tout comme une simple activité bénévole, de l'ordre du dépannage, et je le comprends bien, en tant que maire et premier vice-président du conseil général chargé de la voirie. Mais comprenez bien aussi qu'il faut faire attention à la réaction de tous ceux qui, aujourd'hui, sont installés, ont passé des concours et sont à la tête d'entreprises parfois de dix, vingt ou trente personnes qu'il faut faire vivre ; eux, ils paient la taxe professionnelle et tous les impôts qu'une entreprise doit payer.
La limite entre ceux que vous nous présentez comme des bénévoles qui, dans un esprit bon enfant, prêtent exceptionnellement leur concours et celui de leur tracteur et ces entreprises est de plus en plus floue dans la pratique, et tout service exige rémunération. Il ne faut quand même pas pousser le bouchon trop loin : la commune, et je crois que c'est son intérêt, paie.
Comme tout à l'heure à propos des exploitants agricoles et des artisans, on sent bien que la frontière est ténue entre celui qui, pratiquant vraiment l'agriculture, transforme ses produits et fait de la vente directe, et celui qui « déborde » un peu, achète des produits agricoles chez le voisin pour les vendre comme étant ses propres produits.
On sait bien que cela existe et que la marge entre l'agrotourisme, la production même et la vente directe n'est pas toujours nette.
On le constate tous les jours. Le même problème se pose encore entre celui qui a créé des chambres d'hôtes ou un gîte et l'hôtelier qui essaie de vivre avec son petit restaurant et sa dizaine de chambres, et qui voit dans l'activité du premier de la concurrence déloyale.
Pourtant, chacun a le droit de vivre !
M. Marcel Deneux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Pour ma part, je voterai cet amendement parce qu'il vise une situation exceptionnelle : le déneigement.
Je vis dans un pays de plaines. En 1976, le conseil général de la Somme a acheté quatre-vingts lames de déneigement et nous avons mis en place avec la fédération des exploitants agricoles un plan de déneigement qui fonctionne bien.
C'est justement dans les pays de plaines, où la DDE n'est pas équipée, car ces situations sont exceptionnelles, que le problème se pose.
Je suis président d'un syndicat intercommunal de ramassage scolaire ; la semaine dernière, à six heures du matin, nous avons fait appel à quatre agriculteurs pour dégager les autobus bloqués par la neige. Ces situations sont tout à fait exceptionnelles et il faut les considérer pour ce qu'elles sont.
Il ne s'agit pas là de concurrence déloyale, contrairement à ce que vient de dire notre collègue Raoult. Ce sont des situations particulières qu'il faut régler de manière particulière.
M. Emmanuel Hamel. La réponse à une urgence !
M. Jean-Paul Emorine. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. J'évoquerai juste un point dont on n'a pas beaucoup parlé.
Je partage tout à fait les préoccupations de notre collègue M. Deneux concernant l'urgence face à la neige, mais je voudrais simplement obtenir une réponse de M. le ministre sur deux points, s'agissant, d'une part, du niveau de responsabilité du maire quand il demande à l'agriculteur d'intervenir et, d'autre part, du niveau de responsabilité de l'agriculteur lors de l'intervention. Cela s'inscrit d'ailleurs tout à fait dans le cadre de la multifonctionnalité, dans le cadre du CTE. Mais, je le répète, je m'interroge tout de même sur la responsabilité des maires.
M. Gérard César. Grâce aux CTE, on peut déneiger !
M. André Lejeune. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune. Avant de me prononcer, je voudrais connaître l'avis de M. le ministre suite à la proposition - pour une fois, nous sommes d'accord - de M. Vasselle, car je crois effectivement que cet amendement va surcharger la loi, alors que c'est un décret que l'on veut annuler. Par conséquent, il m'apparaît que cela relève plus du décret que de la loi.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je voudrais revenir sur la question posée par mon collègue et la soulever à nouveau en sens inverse : quelle est la responsabilité du maire dans le cas où, justement, il ne fait pas déneiger sa commune et où se produit un accident ? Cela joue dans les deux sens.
M. Gérard César. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. Emmanuel Hamel. Le ministre va dire qu'il est d'accord avec tout !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Chaque fois que l'on fait appel au bon sens paysan et à l'état d'urgence, je ne demande qu'à être sensible aux arguments que l'on développe ; j'entends tout. Encore que, me tournant vers M. Deneux, je lui poserai une question à brûle-pourpoint : les agriculteurs que vous avez fait intervenir en urgence, l'ont-ils fait bénévolement ?
M. Marcel Deneux. Oui, ils ont l'habitude !
M. Gérard César. C'est exceptionnel !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Alors, s'ils ont l'habitude, pourquoi une mesure exceptionnelle ?...
Je veux vous dire les choses comme je les pense, en essayant de réfléchir avec vous à une disposition aussi intelligente que possible.
Je partage l'avis de M. Raoult, que semblait partager également M. François-Poncet. Il y a, quoi que vous en disiez, une situation de concurrence très vive entre les entreprises de travaux agricoles et un certain nombre d'agriculteurs et, notamment - elles n'ont pas été citées - avec les CUMA. Par cet amendement, vous mettez le feu aux poudres !
M. Alain Vasselle. Mais non ! M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ne dites pas non ! Vous prenez vos responsabilités !
D'une manière plus générale, quelle question se pose-t-on ? Exactement la même que celle que nous nous sommes posés à propos de l'article 6 pour les artisans et les commerçants. Pourquoi prendre une disposition exceptionnelle sur un sujet alors que nous nous sommes engagés dans un dispositif prudent et sérieux par ailleurs ?
Nous avons décidé de mettre à plat les conditions de concurrence entre l'activité agricole et d'autres activités artisanales ou commerciales dans le monde rural et cette disposition trouve tout naturellement sa place dans cette réflexion, dans le dispositif qui prévoit le dépôt d'un rapport parlementaire.
Je suis sensible à vos arguments mais je vous demande toutefois de ne pas adopter, dans la précipitation, dans l'urgence, des dispositions qui seront ensuite très difficiles à gérer car nous aurons mis le feu aux poudres.
M. Gérard César. Le feu à la neige !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. MM. Emorine et Murat ont posé une question fort pertinente. Quand un maire confie une mission de service public à un agriculteur, fût-ce à titre bénévole, la responsabilité du maire est engagée. Si j'étais malin, je vous dirais que s'il le fait dans les limites du CTE, c'est celle du préfet qui sera engagée. Peut-être cette indication vous éclairera-t-elle pour votre vote...
M. Marcel Deneux. Le ministre piétine dans la neige !
M. Gérard Cornu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Il s'agit d'un contexte d'urgence : celui du déneigement. Cela n'a rien à voir avec la pluriactivité. Je l'ai dit tout à l'heure : il s'agit de travaux d'intérêt général, de solidarité vis-à-vis de l'ensemble de nos compatriotes. Personne ne comprendrait que nous, élus locaux, qui avons des responsabilités sur le terrain, ne faisions pas en sorte de reporter ce décret conçu par un technocrate qui ne connaissait rien à la réalité du terrain. Il faut agir et je demande à mes collègues d'adopter cet amendement.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. La Lozère est un département un peu particulier et je voudrais quand même m'exprimer sur ce sujet.
Cette disposition intéresse en premier lieu les départements de montagne, où, en principe, tombe la neige.
Dans le département de la Lozère, nous avons beaucoup de peine à trouver des entreprises de travaux publics capables de dégager la voirie lors de fortes chutes de neige. La concurrence ne se situe pas entre les entreprises agricoles et les agriculteurs, mais entre les agriculteurs et la DDE qui seule dispose des engins fort coûteux de déneigement. Les entreprises de travaux publics sont loin de disposer de ces matériels.
La disposition qui est proposée sera fort utile pour les petites communes de montagne qui doivent très rapidement dégager les voies de cirulation. Sans intervention des agriculteurs, il n'y a plus de ramassage scolaire, ni de ramassage du lait.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'essaie de faire preuve de la meilleure volonté possible. Il s'agit là d'un vrai problème et je m'engage à le traiter dans le cadre de l'article 6. Cela vaut, selon moi, engagement.
Mais puisque vous insistez et que vous voulez passer en force, j'invoque, monsieur le président, l'article 41 de la Constitution aux termes duquel un amendement peut être déclaré irrecevable s'il n'est pas du domaine de la loi. Cet amendement m'apparaît relever du domaine réglementaire, M. Cornu l'a dit lui-même.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le ministre, vous nous décevez. C'est une attitude peu compréhensible. (M. le ministre sourit.) Ne riez pas, vous nous provoquez ! C'est un sujet qui mérite mieux que cela !
M. le président. Monsieur le ministre, vous invoquez l'article 41 de la Constitution à l'encontre de l'amendement n° 199. Je vais donc donner lecture du cinquième alinéa de l'article 45 de notre règlement.
« L'irrecevabilité tirée de l'article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu'elle est opposée en séance publique, la séance est s'il y a lieu suspendue jusqu'à ce que le président du Sénat ait statué si l'irrecevabilité est opposée à une proposition ; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l'article sur lequel il porte est réservée jusqu'à ce que le président du Sénat ait statué. »
Dans ces conditions, monsieur le ministre, ou vous retirez votre invocation de l'article 41, ou l'amendement est réservé jusqu'à la prochaine séance consacrée à l'examen de ce projet de loi.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, il ne faut pas voir les choses d'une manière univoque. Il y a une autre solution : je retire ma demande d'irrecevabilité si M. Cornu retire son amendement (Protestations sur les travées du RPR.) , compte tenu de l'engagement que j'ai pris qui consiste à dire que se pose un problème de concurrence en milieu rural entre certaines entreprises et certains agriculteurs, problème que je veux traiter dans le cadre de la procédure retenue pour l'article 6.
Voilà ce que je propose. Si le Sénat veut passer en force, je m'y oppose ! Vous allez mettre le feu aux poudres. J'ai pour responsabilité de défendre l'harmonie et la sérénité dans ce secteur d'activité.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le ministre, vous nous décevez !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne suis pas là pour allumer partout des incendies. Si vous voulez légiférer en toute irresponsabilité, faites-le ! Mais je ne suis pas d'accord.
Il existe un autre moyen, adopter la même démarche que pour l'article 6. En quoi cela vous choque-t-il puisque vous l'avez accepté pour les artisans et les commerçants ? Pourquoi, sur ce point-là, voudriez-vous retenir une disposition exceptionnelle ?
J'ai pris un engagement, je ne peux pas faire mieux ; en outre, ce sera un parlementaire qui rédigera le rapport en question. Nous y veillerons ensemble. C'est une affaire de semaine !
Ma proposition est raisonnable, poursuivons ce débat dans la sérénité.
M. le président. Monsieur le ministre, vous avez invoqué l'article 41 de la Constitution. En conséquence, la discussion de l'amendement n° 199 est réservé jusqu'à la prochaine séance consacrée à l'examen de ce projet de loi.

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