Séance du 16 décembre 1998







M. le président. « Art. 16 bis. - L'article L. 370 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »
Je suis saisi, par M. Paul Girod, au nom de la commission, d'une motion n° 2, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'article 16 bis.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que les dispositions du texte proposé par l'article 16 bis du projet de loi pour l'article L. 370 du code électoral comportent une distinction entre candidats en raison de leur sexe, contrairement aux principes constitutionnels énoncés à l'article 6 de la Constitution et à l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, réaffirmés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 novembre 1982, le Sénat, en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, déclare irrecevable l'article 16 bis du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, un orateur d'opinion contraire, pour cinq minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote pour une durée n'excédant pas cinq minutes à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Paul Girod, rapporteur. Cette motion est semblable à celle que j'ai défendue tout à l'heure à propos de la parité sur les listes pour l'élection des conseillers régionaux. En effet, l'article 16 bis est relatif à la parité pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. Cette disposition est aussi inconstitutionnelle que celle que nous avions condamnée tout à l'heure. Je n'insisterai pas davantage.
Je tiens, par ailleurs, à dire à certains de nos collègues, qui ont tout à l'heure accusé le Sénat d'être rétrograde que nous sommes dans un Etat de droit. Combien de fois ces trois mots ont été prononcés et pas toujours à bon escient pendant quatorze ans par la plus haute autorité de l'Etat. Cet Etat de droit impose d'abord le respect de la Constitution ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur cette question.
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 2.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Bien évidemment, je soutiens la motion défendue par M. le rapporteur. A propos de l'Etat de droit, je me permets de rappeler qu'à Rennes M. le Président de la République a évoqué l'idée d'un serment des élus de respecter la Constitution. Si nous adoptions cette belle règle, nous devrions suivre non pas le Gouvernement mais M. le rapporteur, faute de quoi nous serions en contradiction avec la Constitution. Nous ne faisons donc qu'appliquer ce serment constitutionnel et nous donnons ainsi raison à M. le Président de la République. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je prie M. le ministre de m'excuser car je vais m'exprimer par ouï-dire. Si je suis dans l'erreur, il voudra bien me l'indiquer immédiatement.
Il me revient, monsieur le ministre, que vous auriez estimé que, compte tenu du vote intervenu hier à l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel pourrait peut-être modifier sa position.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le président de la commission ?
M. Jacques Larché, président de la commission. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de M. le président de la commission.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. J'ai dit que le Sénat pouvait toujours anticiper en tenant compte de ce que Montesquieu appelait « l'esprit des lois ».
M. Paul Girod, rapporteur. Il n'en parle pas !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Voilà ce que je tenais à dire et le Conseil constitutionnel interprétera.
Mais que retiendra l'opinion ? Elle retiendra que, hier, l'Assemblée nationale, à l'unanimité, s'est prononcée pour la parité et que, le lendemain, le Sénat, à une très large majorité, sur un texte qui n'est pas de circonstance, s'y est déclaré défavorable.
M. Patrice Gélard. Non !
M. Jean Chérioux. Non, c'est de la démagogie !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Je pense que l'opinion interprétera.
M. Robert Bret. C'est vrai !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. C'est tout ce que j'ai voulu dire, mais je laisse au Conseil constitutionnel le soin, s'il est saisi de cette question, de se faire une religion.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je constate que mon information n'était pas aussi inexacte que cela ; peut-être était-elle simplement quelque peu résumée. Mais, sur le fond, l'opinion retiendra que le Sénat applique la Constitution.
Certes, le Parlement est en train de la réviser. Nous avons engagé la réflexion dès ce matin et le travail est bien entamé.
Mais une Constitution, monsieur le ministre, ne se présume pas. S'il peut y avoir présomption d'innocence, il n'y a en aucun cas présomption constitutionnelle.
La Constitution est ce qu'elle est. Nous entendons l'appliquer, et c'est exactement le message qui sera, à mon sens, retenu par l'opinion publique, laquelle attend toujours du Sénat une démarche de cet ordre.
M. François Trucy. Chaque chose en son temps.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Dans le projet de loi adopté cette nuit à l'Assemblée nationale, il n'est en aucun cas question de parité. En effet, il est simplement précisé : « La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
M. Henri de Raincourt. Voilà !
M. Patrice Gélard. Il ne s'agit donc pas de parité, monsieur le ministre ! (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de l'article 16 bis du projet de loi.

(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 bis est rejeté.

Article 17